Les supernovæ comptent (après le Big-Bang) parmi les événements les plus cataclysmiques de l’Univers : une étoile dont la masse se situe entre 8 et 15 masses solaires finit son existence par une implosion très rapide (quelques millisecondes) avant d’éjecter dans l’espace ses couches externes. Statistiquement, les astronomes estiment qu’il doit se produire une telle explosion toutes les 2 à 3 secondes dans l’ensemble de l’univers observable…
Ce phénomène est aussi bref que puissant, à tel point qu’une supernova peut, pendant quelques jours, « rayonner autant d’énergie » qu’une galaxie toute entière ! Mais comment évolue t-elle par la suite ?
Le pic de luminosité d’une supernova dépend de son type (type Ia pour les supernovæ thermonucléaires ou type II, Ib et Ic pour les supernovæ à effondrement de cœur, pour les étoiles de plus de 8 masses solaires) et sa courbe de luminosité est assez bien modélisée ; en particulier pour les supernovæ de type Ia dont la magnitude absolue est connue (-19 environ) et qui constituent à ce titre des « chandelles standards » pour estimer les distances des galaxies dans lesquelles elles sont observées.
Une supernova qui exploserait dans notre galaxie (du moins de notre « côté » de la galaxie) pourrait ainsi être visible dans le ciel en plein jour pendant quelques semaines…
Cependant, comme on le constate sur le graphique ci-contre, la luminosité d’une supernova retombe assez rapidement : au-delà de quelques mois, celle-ci n’est plus distinguable d’une étoile normale.
La matière éjectée par l’étoile lors de son explosion devient ainsi progressivement la manifestation la plus visible cet événement (le pulsar central issu de ce cataclysme n’étant pas particulièrement lumineux dans le rayonnement visible…) ; et la vie de ce rémanent peut ensuite se décomposer en 4 phases distinctes.
Phase 1. Ces rémanents ont initialement une forme régulière et symétrique (à défaut d’être parfaitement sphériques en raison des perturbations engendrées par la source d’énergie centrale ; cf image ci-contre) et se développent tout d’abord au cours d’une phase d’expansion libre à une vitesse considérable, de l’ordre de plusieurs milliers de kilomètres par seconde, qui engendre une onde de choc dans le milieu interstellaire.
Phase 2. Après quelques milliers d’années, lorsque le rémanent atteint une taille d’environ 10 années-lumière, il s’ensuit une phase d’expansion « adiabatique », lorsque la quantité de matière balayée par l’onde de choc devient supérieure à la quantité de matière issue de l’explosion mais sans que le transfert de quantité de mouvement n’entraine de perte d’énergie. La croissance de l’expansion commence alors à décroitre progressivement.
Phase 3. Après quelques centaines de milliers d’années (selon la densité du milieu interstellaire), l’énergie du rémanent s’affaiblit de plus en plus, à tel point que les chocs avec le milieu interstellaire entrainent de fortes déperditions d’énergies.
L’expansion des couches les plus externes est freinée et ces dernières sont rattrapées par les couches plus internes, avec une distribution de matière sous forme de « coquille ».
Phase 4. La densité du rémanent s’équilibre avec celle du milieu interstellaire, à une vitesse relative de quelques kilomètres par seconde. Le rémanent perd progressivement de son rayonnement jusqu’à disparaitre complètement…
Un exemple de rémanent très ancien est la fameuse « boucle » de Barnard, qui s’étend dans une grande zone au sein de la constellation d’Orion : il s’agirait en réalité des derniers vestiges d’une supernova ayant explosé il y a au moins 2 millions d’années, et dont les rémanents sont aujourd’hui ionisés par les étoiles environnantes…
Le rémanent de supernova W63 (également désigné SNR G082.2+05.3), objet de l’image présentée ce mois, se situe dans la phase n°2 : la phase d’expansion se poursuit mais à un rythme décroissant mais toujours soutenu, en raison de la densité plus faible du milieu interstellaire dans la zone environnante.
En effet, bien qu’étant situé à une distance d’environ 5000 années-lumière dans la constellation du Cygne, le long du plan galactique, le rémanent est plus proche de nous que les nuages de gaz du complexe Cygnus-X qui sont situés quelques centaines d’années-lumière plus loin (voir cet article ou cette fiche-astro pour une présentation détaillée du complexe Cygnus-X). Il n’y a donc, malgré les apparences d’un grand enchevêtrement, que peu voire pas d’interactions du rémanent avec les nuages de gaz situés en arrière-plan, qui émettent majoritairement dans la raie Ha de l’hydrogène.
En raison de cette faible interaction avec le milieu interstellaire, le rémanent a conservé une forme globalement ellipsoïdale et régulière ; et s’étend aujourd’hui sur un diamètre d’environ 150 années-lumière.
Les astronomes estiment qu’il s’agit du rémanent d’une supernova qui aurait explosé il y a environ 20 000 ans. Mais, à ce jour, aucune source identifiée n’a pu être associée avec certitude à l’étoile d’origine de W63…
Bien que situé dans la constellation « star » de l’été, le Cygne, W63 est un objet relativement peu imagé (une trentaine d’images publiées sur Astrobin). Cette rareté peut s’expliquer à la fois par son manque de notoriété (comparé aux autres objets très connus à proximité : NGC 7000, la nébuleuse du Croissant, la nébuleuse de Sadr, la nébuleuse de la Tulipe, etc.) mais également par sa luminosité très faible, ce qui en fait un objet difficile à photographier.
Outre un temps de pose conséquent avec un filtre OIII sélectif (la moyenne des images publiées sur Astrobin se situe entre 30 et 40h, avec quelques images à plus de 150 heures !), un champ suffisamment grand est nécessaire puisque ce rémanent présente une dimension apparente de 95′ x 65′. Un champ parfaitement corrigé est dans ce cadre indispensable afin de conserver des étoiles bien piquées jusque sur les bords de l’image.
W63 est donc un objet plutôt réservé aux possesseurs d’un setup de faible focale et bien corrigé assorti d’une caméra disposant d’un grand capteur, d’un ciel bien noir… et assez patients pour réaliser plusieurs dizaines d’heures de brutes qui s’étaleront nécessairement sur plusieurs nuits sans Lune !
C’est ce défi qu’a tenté (et relevé avec brio) Yann Mével. La combinaison d’une lunette dédiée à l’astrophoto (Askar Fra600), équipée d’un réducteur de focale à f/3,9, d’une caméra monochrome ASI2600 et de filtres très sélectifs (Antlia 3nm) lui a permis d’exploiter au traitement un beau signal obtenu sur plus de 40 heures étalées sur une dizaine de nuits.
Le traitement réalisé est à la hauteur des efforts investis pour les acquisitions : le rémanent, qui rayonne uniquement en OIII, est parfaitement mis en valeur, de même que les nébulosités situées plus loin pour lesquelles le signal Ha et SII est prédominant. La palette de couleurs est réellement de toute beauté.
On saluera par ailleurs le choix de réaliser une image SHO de cet objet, qui est le plus souvent réalisé uniquement en HOO. Ce dernier choix est logique puisque les nébulosités d’arrière-plan émettent essentiellement en Ha tandis que le rémanent émet exclusivement en OIII : la combinaison HOO permet ainsi d’obtenir une image plus contrastée avec potentiellement une meilleure mise en avant du rémanent. Toutefois, la richesse globale de l’image tend à en pâtir quelque peu en comparaison avec une image SHO, en particulier pour les nébulosités du complexe Cygnus-X en arrière-plan dont la complexité de la structure est ici parfaitement mise en valeur.
L’ajout d’une série de poses RGB permet en outre de redonner une belle teinte naturelle aux étoiles, ce qui est toujours un « plus » pour une image narrowband.
La dynamique de l’image est très bien dosée, avec une réelle sensation de « relief ». S’il fallait vraiment trouver une petite critique, on pourrait juste regretter que le bruit chromatique (seulement visible sur la full) n’ait pas été un peu plus réduit ; mais en la matière l’équilibre avec le respect des détails n’est pas toujours simple à trouver et cela n’entache en aucune manière la qualité du résultat final, tout simplement bluffant !
Profitant d’un déménagement dans une zone Bortle 4, c’est en 2019 que Yann réalise finalement son rêve d’enfant de se lancer dans l’observation du ciel.
Après des débuts sur un matériel assez basique essentiellement dédié à l’observation (newton 200/1000 sur Neq5), le virus de l’astrophoto s’abat rapidement dès l’installation d’un APN, « pour essayer », en visant M27.
Se perfectionnant en solitaire, avec la lecture de livres, de tutos et des forums, Yann fait évoluer en parallèle son matériel vers un setup plus performant (Askar FRA600, ASI2600MM, EQ6). Cette image est le premier projet d’envergure réalisé avec ce nouveau setup.
Une première image qui laisse augurer d’autres formidables réalisations dans les mois et les années à venir et que nous attendons avec impatience !
Une visite sur sa galerie Astrobin est fortement recommandée, car celle-ci regorge de belles réalisations et permet de constater la qualité des images obtenues par Yann, y compris avec son ancien setup moins adapté ; ce qui ne fait que souligner encore un peu plus la grande application dont il fait preuve pour ses acquisitions et ses traitements, toujours bien dosés et naturels !
Date : du 10 mai au 2 juillet 2022 (10 nuits)
Lieu : Cher (Bortle 4)
Optique : Askar FRA600 (f/3,9)
Monture : SW EQ6-R Pro
Caméra : ZWO ASI2600MM
Filtres : Antlia SHO 3nm + RGB
Ha : 67 x 600s
OIII : 68 x 600s
SII : 87 x 600s
RGB : 60/68/69 x 60s
Total : 40h17
Traitement : Pixinsight & Photoshop
Les Photons d’Or récompensent chaque mois une image particulièrement remarquable réalisée par un amateur… n’hésitez pas à proposer vos images !
Si l’espace commentaires n’est pas accessible, consultez le guide pratique pour y remédier !
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