
Photons d’Or – Mai 2023
L’image du mois Mai 2023 Les galaxies NGC 4725, NGC 4747 & NGC 4712, par Guillaume GRUNTZ. Parmi les belles galaxies du printemps, NGC 4725 n’est pas l’une des plus populaires… et l’on se demande vraiment pourquoi ! Elle n’a
Bientôt l’été… et si l’on demande à n’importe quel astrophotographe de citer la constellation « star » de cette saison, on peut parier sans risques que le Cygne arrive en première position !
La superficie et la richesse de cette constellation sont tellement grandes qu’il est toujours possible de dénicher, dans les zones les moins rebattues, de magnifiques et spectaculaires objets peu photographiés.
Pour l’astrophotographe, le bonheur est total : il est quasiment possible de pointer son instrument n’importe où au hasard dans cette région et d’avoir un objet intéressant dans le champ !
Cette richesse s’explique en partie par l’alignement de la constellation du Cygne (du moins son axe central formé par Deneb et Albireo) avec la voie lactée, notre propre galaxie vue par la tranche, qui se présente sous la forme de cette bande lumineuse diffuse traversant le ciel du nord au sud pendant les nuits d’été.
Mais cet alignement avec le plan galactique (synonyme de plus grande densité d’objets) n’est pas la seule raison qui explique la richesse de la constellation du Cygne.
Celle-ci héberge également un immense nuage de gaz moléculaire, dénommé « complexe Cygnus-X », abritant de nombreuses zones de formation d’étoiles, et qui s’étend globalement le long de l’axe Deneb-Sadr-Eta Cygni.
Principalement composé d’hydrogène, ionisé par les étoiles environnantes, il recouvre une grande partie de la constellation du Cygne et peut facilement être photographié au moyen d’un filtre Ha (avec un téléobjectif… ou en s’armant de patience en mosaïque comme sur l’image ci-contre).
Comme on le voit, les nébulosités en émission LBN 331 ne forment qu’une partie infime de ce gigantesque ensemble !
Situé dans le bras d’Orion à environ 5000 années-lumière, ce complexe s’étend sur environ 700 années-lumière et contiendrait au total l’équivalent de plusieurs millions de masses solaires.
En plein plan de la Voie Lactée, ce complexe est situé derrière le « Grand Rift » du Cygne, une immense bande opaque constituée principalement de poussières et de dihydrogène, qui se prolonge dans l’Aigle puis jusque vers le centre de la galaxie dans la constellation du Sagittaire.
La présence de cette bande sombre qui s’étend sur plus de 1000 années-lumière rend difficile l’observation de ce complexe dans son ensemble en lumière visible ; c’est pourquoi l’étude de ce dernier repose principalement sur d’autres techniques moins affectées par la présence de ces poussières en avant-plan, telles que l’imagerie infrarouge ou les ondes radio.
De nombreuses études ont ainsi été réalisées sur ce complexe par le satellite spatial infrarouge Spitzer : avec plus de 800 régions HII, de nombreuses étoiles de Wolf-Rayet, 40 régions actives contenant des proto-étoiles massives et environ 3000 associations OB recensées, il s’agit de l’une des régions de formation d’étoiles les plus actives de notre galaxie.
Le fait que les différentes structures du complexe fassent partie d’un seul et même ensemble permet de simplifier l’estimation de leurs distances : celles-ci sont globalement très similaires et comprises entre 4500 et 5000 années-lumière.
Les nébulosités de LBN 331 se situent ainsi dans cet intervalle de distance ; comme celles du nuage voisin de l’étoile Sadr, ou encore des nébuleuses de la Tulipe et du Croissant… A noter que les célèbres nébuleuses NGC 7000 (America) et IC 5070 (Pélican), ainsi que les nébuleuses proches associées (sh2-119), n’appartiennent pas au complexe Cygnus-X mais sont trois fois plus proches de nous !
En observant l’image présentée ici, on pourrait penser que l’étoile la plus brillante du champ (32 Cyg) est responsable de l’ionisation du nuage moléculaire aux alentours… en réalité il n’en n’est rien, puisque celle-ci est beaucoup plus proche, à environ 1200 années-lumière.
Il s’agit d’une binaire à éclipses, c’est à dire un système double dans lequel le plan de révolution des deux étoiles est aligné avec la ligne de vision de l’observateur : celles-ci transitent ou s’éclipsent mutuellement, ce qui semble faire varier de manière périodique l’éclat du système.
La première étoile de ce type a avoir été découverte est Algol (β Persei), dont les importantes variations de luminosité sur des périodes courtes (1,3 magnitude, soit quasiment du simple au triple, en 2,87 jours) lui ont valu le surnom « d’étoile du démon » par les anciens astronomes arabes.
En ce qui concerne 32 Cyg, la composante principale du système est une étoile supergéante orange de type K de faible luminosité : avec une masse de seulement 4 fois celle du Soleil, ses couches externes se sont dilatées jusqu’à recouvrir un diamètre près de 200 fois plus important ! Son étoile compagnon (32 Cyg B) est une étoile de même masse mais de taille beaucoup plus réduite, de type B, avec une température de surface plus élevée (16000K) et qui arrive au terme de sa séquence principale.
L’étoile principale, de taille plus importante, éclipse ainsi l’étoile compagnon à chaque révolution ; ce qui se traduit par une diminution de la luminosité du système, mais est aussi observable grâce à la spectroscopie.
Entre l’aspect filamentaire de ces nébulosités et la présence de l’étoile brillante 32 Cyg, on pourrait presque confondre cette zone avec un détail de la « petite » dentelle du Cygne (NGC 6990).
En réalité, les deux objets sont très différents puisque les dentelles sont des rémanents de supernova dispersés dans l’espace interstellaire à grande vitesse, tandis que les nébulosités de LBN 331 font – comme nous l’avons vu – partie d’un immense complexe de gaz moléculaire relativement stable.
Cette stabilité n’est toutefois qu’apparente puisque le gaz est façonné en permanence par le rayonnement des étoiles chaudes à proximité, les vents stellaires environnants, la gravitation (qui génère en certains points une concentration permettant de créer de nouvelles étoiles) ou encore les ondes de choc générées par d’anciennes supernovae.
Les nuages moléculaires sont ainsi continuellement « sculptés » par ces différentes forces, et peuvent prendre parfois, comme dans le cas présent, la forme de draperies évanescentes et fantomatiques… pour le plus grand bonheur des astrophotographes !
Bien que la constellation du Cygne soit encore un peu « basse » dans le ciel (la meilleure période pour l’imagerie étant à partir de mi-juillet) et que les nuits très courtes limitent les acquisitions, il est déjà possible de réaliser de belles images sur les objets les plus à l’ouest, en étalant les prises de vue sur plusieurs nuits.
C’est ce qu’a fait Christophe Vergnes au début du mois de mai, en exploitant au maximum les heures de nuit noire lors de 4 sessions consacrées à cette cible largement méconnue et assez peu photographiée.
Naturellement, avec la concurrence de toutes les nébuleuses « star » de la constellation, il faut être relativement motivé pour consacrer plusieurs nuits à cette petite zone moins dense et a priori moins riche qu’aux alentours immédiats… mais comme on peut le constater, le jeu en vaut largement la chandelle, avec à la clé une image qui sort allégrement des sentiers battus !
Pour réaliser cette image, Christophe a principalement utilisé des poses en bande étroite (narrowband), avec des filtres Ha et OIII.
Si le Ha est habituellement prédominant sur ce type de nébuleuses en émission, cela est encore plus vrai pour cette zone particulière, où l’on ne devine aucune région OIII prononcée. L’utilisation de la couche OIII est cependant indispensable pour réaliser un mélange et obtenir des couleurs satisfaisantes au final ; même si l’on suppose que la calibration des couleurs ne doit pas être une partie de plaisir avec une telle différence de signal entre les deux couches !
Christophe s’en est cependant très bien sorti pour cette image, dont la forte (et inévitable) dominante rouge ne se traduit pas par un déséquilibre nuisant à l’équilibre de l’ensemble. Cet équilibre des couleurs doit beaucoup à la série de poses RGB traditionnelles, utilisées pour redonner aux étoiles leurs couleurs naturelles.
Outre cette très belle gestion des couleurs, on saluera également la finesse globale des détails, la gestion du bruit, la présence de signal plus ténu se détachant bien du fond de ciel, ou encore la belle mise en valeur de l’étoile 32 Cyg dont la luminosité et les aigrettes contribuent à donner de la profondeur à l’image.
Au final, une image simple et belle, originale et au traitement impeccable… what else ? 🙂
Christophe est fasciné depuis toujours par le ciel nocturne. Habitant la campagne mosellane, il a acquis son premier télescope il y a un peu plus de deux ans, ce qui lui a permis de découvrir l’observation et de réaliser ses premiers essais en photographie.
Le « déclic » s’est produit en août 2020, à l’occasion de sa première astrophoto : souhaitant s’y consacrer pleinement, il a alors fait l’acquisition d’un nouveau setup performant (FSQ85-CEM70-ASI294MM), complété depuis un Newton très lumineux, parfaitement adapté pour ce genre de cibles.
Membre de la « team » Stellae Orientis, avec laquelle il expérimente, partage et progresse, Christophe publie régulièrement de magnifiques images, aux traitements très appliqués et avec des palettes de couleurs riches et subtiles.
Une visite de sa galerie Astrobin est des plus recommandées afin de découvrir (ou de redécouvrir) certains beaux objets du ciel profonds superbement mis en valeur !
Date : 9, 10, 11 & 13 mai 2022
Lieu : Ritzing (Moselle)
Optique : Newton TS Optics 8″ f/3.8
Monture : iOptron CEM70
Caméra : ZWO ASI 294MM Pro
Guidage : TS 60/240 + ASI290
Ha (Antlia 3,5nm) : 147 x 300s (bin1)
OIII (Antlia 3,5nm) : 109 x 300s (bin2)
RGB (Astrodon) : 3 x (30 x 120s) (bin2)
Total : 24h20
Traitement : Siril, Pixinsight & Photoshop
Les Photons d’Or récompensent chaque mois une image particulièrement remarquable réalisée par un amateur… n’hésitez pas à proposer vos images !
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