"L'important, ce n'est pas la destination, c'est le voyage."
Robert Louis Stevenson
Même si la photographie du ciel représente l’essentiel du contenu de ce site, celle-ci n’a jamais été pour moi une finalité.
Elle constitue le prolongement naturel d’une passion beaucoup plus grande pour l’astronomie au sens large, et un moyen d’explorer – à mon modeste niveau – l’Univers et ses mystères.
Et, surtout, l’astrophotographie est un extraordinaire moyen de partage.
De partage avec d’autres amateurs sur les forums spécialisés, où l’on discute beaucoup « technique » et où des débats enflammés peuvent être provoqués par un infime détail d’une image (que parfois personne n’aurait jamais relevé sans zoomer à 500% sur un coin de l’image…).
De partage avec les amis, la famille… même s’il faut avouer que, parfois, présenter les clichés obtenus n’est qu’un moyen pour rassurer ceux qui peuvent entretenir des angoisses (légitimes) quant à la santé mentale d’un de leurs proches qui passe ses nuits entières, seul dans le froid, en compagnie d’un télescope !
De partage avec le grand public, sur ce site ou sur les réseaux sociaux. De manière générale, je constate que l’astronomie suscite quasiment toujours l’intérêt (quels que soient l’âge ou les études des interlocuteurs). Et au-delà des objets physiques, les discussions débouchent souvent de grandes questions philosophiques ou existentielles. L’astronomie est une discipline qui permet non seulement de mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons, mais qui peut aussi être porteuse de « sens », ou du moins de réflexion, sur nos vies, notre environnement, notre rapport à la nature… A l’heure où les réseaux pullulent de fausses informations ou de thèses complotistes issues tout droit d’un autre âge, il me semble essentiel de contribuer – à son niveau – à la diffusion de la culture scientifique.
De partage, enfin, avec mes enfants. Ma reprise de l’astrophoto a d’ailleurs suivie de peu la naissance de ma première fille. Il y a donc sûrement eu (inconsciemment à l’époque) une volonté de partage et de transmission exacerbée par ce bouleversement. Et de fait, il n’y a pas de plus grande fierté pour moi que de voir une étincelle d’émerveillement dans les yeux de mes filles lorsque je leur dévoile ma dernière image !
L’astronomie constitue pour les enfants une porte d’entrée unique pour découvrir le monde qui les entoure, de ses mystères et de son incroyable diversité. C’est également un domaine qui permet d’aborder de manière ludique n’importe quelle question de physique ou de mathématiques, l’histoire des sciences et des idées, voire de philosophie…
C’est enfin – et pour tous – une invitation au rêve, à l’émerveillement et à la réflexion sur le monde et sur soi-même. Un moyen de prendre conscience de l’insignifiance de son existence mais, dans le même temps, du caractère exceptionnel et unique de celle-ci.
L’astrophotographie permet de révéler, modestement, quelques aspects de la beauté fascinante de notre Univers.
Dans mon cas personnel, il s’agit de l’aboutissement d’un rêve d’enfant et d’une longue passion pour l’astronomie, dont voici l’histoire…
Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours été attiré par les étoiles…
L’origine de cette passion est comme un « Big Bang » : insaisissable et inaccessible à des souvenirs qui me font défaut… Il ne m’est pas possible de remonter jusqu’à « l’instant zéro », jusqu’à un événement précis qui marquerait le début de cette aventure.
L’activité spatiale des années 1980 était certes favorable pour susciter une passion pour l’espace auprès du jeune public, 10 ans seulement après les premiers pas de l’Homme sur la Lune… Quand je suis né, la sonde Voyager 2 venait de passer Jupiter et fonçait vers Saturne, pour quelques années plus tard nous offrir les premières images des planètes Uranus et Neptune. Quoi de mieux pour enflammer l’imagination d’une génération d’enfants que la découverte et les premières images de “nouveaux mondes” jusqu’ici quasiment inconnus ?
Mon premier “vrai” souvenir d’un contact avec le ciel doit remonter à mes 5 ou 6 ans. Nous habitions alors dans le Doubs avec mes parents ; une région où il était possible de trouver de larges espaces de forêt peu impactés par la pollution lumineuse (laquelle n’était à l’époque pas comparable avec celle d’aujourd’hui…). Après une soirée chez des amis, qui habitaient en pleine nature entre la forêt et un lac, nous avions du marcher un peu pour retourner à la voiture… Je me souviens aujourd’hui encore parfaitement du choc que j’ai ressenti en chemin en découvrant le spectacle d’un ciel parfaitement noir, constellé d’étoiles et traversé par la Voie Lactée ! J’ai d’ailleurs toujours en tête l’image du ciel de ce soir là, qui s’est gravée en moi de manière indélébile.
Un autre événement est venu plus tard renforcer cet intérêt : un livre d’astronomie offert par un ami de la famille, sûrement bien informé par mes parents et en adéquation avec l’actualité du passage très médiatisé de la comète de Halley en 1986…
Ce livre, c’est “Astronomie – Guide de l’amateur“, de l’astronome Tchèque Antonín Rükl. Il présente une particularité intéressante : il ne contient aucune photographie ! L’ensemble des illustrations sont des dessins, originaux ou (très bien) reproduits d’après des photographies d’objets du ciel.
Il contenait également des tables de prévision de différents phénomènes célestes (éclipses, satellites de Jupiter…) jusqu’à l’année 2000 ; ce qui a l’époque me semblait extrêmement éloigné…
Bien qu’il ne s’agisse pas d’un livre spécialement à destination des enfants, je pense qu’il doit s’agir du livre que j’ai le plus consulté, tant son contenu me passionnait. Je l’ai d’ailleurs toujours dans ma bibliothèque. Sa lecture est encore un plaisir aujourd’hui ; le charme suranné de ses illustrations n’y étant pas étranger !
Cependant, pendant toutes ces années d’enfance, malgré un intérêt certain pour l’astronomie, il ne m’est jamais venu à l’esprit de vouloir “observer” le ciel. Il s’agissait d’une curiosité essentiellement livresque.
L’été 1989 constitue également un souvenir très présent, avec la conjonction de plusieurs événements marquants. Tout d’abord un voyage d’un mois sur la côte Est des Etats-Unis et du Canada, avec notamment la visite du National Air and Space Museum de la Smithsonian Institution à Washington, où j’avais pu admirer les répliques du module lunaire Apollo (LEM).
Au cours de ce périple américain, nous séjournions en Camping Car dans des camps KOA, donc le plus souvent situés loin des grandes métropoles. Conjonction favorable, ce séjour a coïncidé avec l’éclipse de Lune du 17 août 1989 ; me permettant ainsi la première observation d’un “phénomène” céleste.
Quelques jours plus tard – pile le jour de mon 10e anniversaire – la sonde Voyager 2 survolait Neptune et révélait les premières images de cette planète alors totalement mystérieuse… que rêver de mieux comme cadeau d’anniversaire ?
Un évènement va profondément bouleverser mon approche de l’astronomie : la découverte à 13 ans d’une paire de jumelles chez mes grands-parents. Après avoir passé la journée à observer des arbres ou des oiseaux, la Lune apparait le soir venu, presque pleine et majestueuse dans le ciel… je réalise alors que je pourrais tout aussi bien l’observer avec cet instrument !
Cette première vision à travers un instrument d’optique et l’incroyable émotion ressentie à la vue de ces “taches foncées” et des innombrables cratères à la surface de notre satellite reste un souvenir très fort… Je me souviens également avoir passé plusieurs heures à essayer de scruter les moindres détails possibles, avant d’être finalement interrompu par la disparition de la Lune derrière un arbre.
Heureuse coïncidence : dès le lendemain, mon grand-père m’informe qu’une émission de télévision va être diffusée dans les prochains jours à l’occasion de la “nuit des étoiles filantes” !
Nous sommes alors en août 1993, et il s’agit de la 3e édition de cette manifestation. L’émission regroupe Hubert Reeves, Daniel Kunth et Olivier Las Vergnas, et est consacrée cette année-là aux galaxies.
Cette émission de près de 4 heures a été un véritable “déclic” : mêlant des reportages sur l’histoire de l’astronomie, des explications scientifiques accessibles, la poésie d’Hubert Reeves mais aussi la présentation d’une communauté d’astronomes amateurs très active. C’est ainsi une multitude de facettes de l’astronomie qui se dévoile à moi le temps d’une émission…
Par chance, mon grand-père a eu l’excellente idée d’enregistrer cette émission, que j’ai pu revoir de très nombreuses fois par la suite. J’ai d’ailleurs toujours cet enregistrement aujourd’hui… fort heureusement car cette émission d’une grande qualité semble être désormais introuvable.
Quelques mois plus tard, en octobre 1993, je découvre l’existence de la revue “Ciel et Espace”, qui deviendra pendant des années ma lecture mensuelle favorite.
La lecture des premiers articles théoriques n’est pas simple : “Big Bang“, “fonds diffus cosmologique“, “nucléosynthèse primordiale“… autant de termes et de concepts nouveaux et fascinants auxquels je peine à comprendre quoi que ce soit, même après plusieurs relectures acharnées !
Mais outre ces articles de fond, ces premiers numéros me permet de découvrir véritablement la dimension “amateur” de la discipline : l’existence de clubs, l’astrophotographie, les éphémérides mensuelles, mais aussi la grande diversité des matériels d’observations.
Mais à cette époque, j’habite dans le centre-ville de Dijon… ce qui ne se prête pas vraiment aux observations.
Cette étape est franchie à l’été 1994, au cours duquel je participe pendant 2 semaines à un stage “astro” pour les jeunes, au plateau de Millevaches dans le Limousin. Deux semaines d’observations sous un ciel noir, avec des encadrants jeunes et une ambiance conviviale, du matériel performant, des ateliers d’initiation aux étoiles doubles et aux variables, à la préparation des séances d’observation, à la prise de vue et aux développement des photographies argentiques… un véritable rêve ! 🙂
Ce stage a été marqué par trois évènements particulièrement forts pour moi :
Au terme de ce stage, retour à la maison pour préparer la rentrée au Lycée… à ceci près que nous avions déménagé pendant ces 2 semaines !
Adieu Dijon et son centre-ville éclairé : direction Saint-Avertin, une petite ville tranquille au sud de Tours, dans un quartier assez excentré, donc peu éclairé, avec un grand jardin propice à l’observation du ciel…
…et un club d’astronomie à quelques pas !
A peine arrivé en Touraine, je prends donc contact avec le club d’astronomie le plus proche. Le club de Saint-Avertin est un “petit” club, avec des moyens modestes, mais je découvre vite que là n’est pas l’important : les membres sont très dynamiques et vraiment passionnés.
La plupart d’entre eux possèdent leur propre matériel (d’ailleurs beaucoup plus conséquent que la matériel du club !) et sont infiniment plus actifs que moi : certains observent quasiment tous les soirs quand la météo le permet ; et sont toujours disposés à m’accueillir pour partager leurs observations.
Le club est alors présidé par Gino Farroni, membre de la Commission de Observations planétaires de la Société Astronomique de France (SAF) et spécialiste de Jupiter, qui dispose même (luxe suprême à mes yeux) son propre observatoire dans son jardin.
Observatoire d’ailleurs entièrement construit par ses soins : monture, télescope, coupole… impressionnant !
Gino m’accueille alors régulièrement pour assister à ses séances de photographie de Jupiter, qu’il réalise grâce à une caméra CCD – ce qui est encore très peu répandu à l’époque.
Le club compte également dans ses rangs Patrick Guibert, ingénieur, passionné et grand pédagogue, qui deviendra quelques années plus tard Président de la SAF. Patrick est à mes yeux un véritable “puit de science”, aussi bien capable d’expliquer avec une grande facilité les subtilités des orbites des étoiles doubles que de prodiguer des conseils très pointus sur le matériel d’observation.
Pendant quelques années, je peux ainsi enfin pratiquer l’astronomie de manière régulière ; le club se réunissant tous les vendredis soirs, y compris par mauvais temps où l’on discute alors actualités et astronomie théorique.
Sans compter les séances “bonus” avec les différents membres… et parfois même dès 5h du matin avant de partir pour le lycée ! Je ne remercierai jamais assez mes parents pour leur ouverture d’esprit ! 🙂
Je m’initie ainsi progressivement à la prise en main du matériel, à la méthodologie d’observation, à l’observation des objets du ciel profond, au cheminement pour trouver un objet dans le ciel d’après une carte, au dessin astronomique (en particulier de Jupiter, à l’aide des fameux “gabarits” de la SAF), à l’astrophoto (argentique et CCD) ; tout en lisant tout ce qui est disponible sur les aspects théoriques de l’astronomie.
C’est aussi à cette époque que le télescope spatial Hubble, dont la “myopie” vient d’être corrigée, commence à livrer de fantastiques images qui alimentent la machine à rêves…
Avec l’aide de quelques membres du club, qui me prêtent leur matériel le temps d’une nuit, je peux même m’initier à la photographie du ciel profond sur des cibles “faciles”, telles que M31 ou M42…
Une autre époque, où l’on travaille à l’argentique sur des films hypersensibilisés et développés soi-même.
Un grand moment du club qui demeure dans ma mémoire fut l’observation en groupe de la comète Hyakutake, en mars 1996.
Nous étions informés que cette comète “surprise” avait pris une dimension spectaculaire dans les jours précédents, et nous étions réunis pour l’observer ensemble… Nous ne fûmes pas déçus !
Tous les observateurs présents ce soir là furent saisis par l’apparition de cet astre magnifique, plus gros que la Lune dans le ciel et d’une magnifique couleur verte !
Nous eûmes également la chance de pouvoir observer l’année suivante la comète Hale-Bopp ; également l’une des plus belles comètes du siècle, mais dont l’impact émotionnel fut pour moi moindre que Hyakutake…
Pendant 3 étés successifs, je participe également aux stages organisés par l’association ADAGIO à Toulouse ; en compagnie de Patrick Guibert (mais qui lui venait pour animer !).
Ces stages sont l’occasion de rencontrer quelques grands noms de l’astronomie, au cours de conférences ou des ateliers d’observation : les astrophysiciens Hubert Reeves, Pierre Lena ; Patrick Martinez et Alain Klotz (précurseurs avec Christian Buil de l’introduction de la CCD dans le monde amateur), Dany Cardoen, l’astronaute Jean-François Clervoy…
C’est aussi l’occasion de réaliser mes premières visites à l’observatoire du Pic du Midi, à la découverte de ce site magnifique et du matériel professionnel.
Fin 1996, grande nouvelle : mes parents sont d’accord pour m’offrir mon premier instrument ! Je me lance dans un comparatif détaillé des différents instruments potentiels… sans toutefois avoir suffisamment de recul pour prendre une décision vraiment éclairée.
A l’époque, je n’envisage pas un instrument dédié à la photographie, mais davantage pour observer les planètes qui sont alors mon sujet de prédilection, et qui reste suffisamment lumineux pour pouvoir observer les objets du ciel profond dans de bonnes conditions. Pas de goto donc (encore très peu répandu et onéreux), ni même de monture équatoriale : mon choix se porte sur un Schmidt-Cassegrain de 200mm sur monture à fourche avec table équatoriale. Le Dobson, alors beaucoup moins répandu qu’aujourd’hui et qui reste un choix d’amateurs disposant de bonnes compétences en “bricolage”, n’est pas vraiment fait pour moi… Inutile de dire que les instruments de rêve, comme les Takahashi, ne rentrent pas dans le budget, sauf à se contenter d’une lunette de petit diamètre et sans monture !
A l’époque, à mes yeux, le “C8” reste un “must” en raison de sa polyvalence. Le seul souci reste son prix assez élevé dès qu’on ne retient pas les modèles d’entrée de gamme dont les montures et fourches ne m’inspirent pas confiance… Et le prix augmente encore dès qu’on souhaite disposer d’une monture motorisée ! Par exemple, le C8 est proposé sur une monture équatoriale Vixen GP pour 13 500 francs : une belle combinaison… mais sans moteurs. Pour obtenir la version motorisée, il faut débourser 16 500 francs. On dépasse largement le prix maximum alloué par mes parents, qui était déjà plus que très généreux !
Petit coup de pouce, à cette période la marque Meade (grand concurrent de Celestron à l’époque) lance une “offensive” pour conquérir le marché français, et propose de grosses réductions sur ses meilleurs instruments (la série LX200), ainsi qu’une nouvelle gamme intermédiaire, la série LX50. Celle-ci propose des tubes optiques équivalents à la série des LX200, sur des montures moins abouties, mais qui sont très stables et solides.
Contrairement à la série LX200, la monture de la série LX50 présente ainsi moins de raffinements (pas de goto ou de base de données, une raquette de contrôle plus sommaire…), voire certaines économies un peu plus discutables, comme une roue crantée en plastique rigide plutôt qu’en métal pour le guidage en déclinaison ; mais il n’en reste pas moins que pour à peine 13 000 francs, on dispose d’un télescope de 200mm associé à une monture motorisée sur les deux axes, ce qui constitue un rapport qualité-prix presque imbattable à l’époque (d’ailleurs, moins d’un an plus tard, le même télescope était déjà repassé à 17 500 francs !).
Mes parents consentent généreusement à une petite “rallonge” sur le budget initial déjà conséquent ; et c’est ainsi que nous repartons de Paris avec le précieux télescope et quelques accessoires additionnels : un filtre solaire et quelques oculaires.
Les premières nuits avec cet instrument sont un souvenir inoubliable : la Lune, Saturne, Mars, Vénus, quelques amas et nébuleuses… Pendant les années suivantes, il sera mis à contribution très souvent, y compris dans la journée pour les observations des tâches solaires. Je passe notamment de nombreuses heures à réaliser des dessins de la Lune et de Jupiter.
Rétrospectivement, j’ai toutefois, comme beaucoup de débutants, commis une erreur en privilégiant le diamètre à tout prix plutôt que d’envisager l’instrument comme un “tout”… et ce, sans tenir compte des conseils avisés de certains membres du club, qui me recommandaient plutôt de choisir un newton de diamètre raisonnable (type 150mm) sur une monture équatoriale allemande.
Avec le recul, le choix d’un instrument plus évolutif aurait sans doute été plus raisonnable. Par exemple le Newton MT130 de Takahashi, sur monture EM1-S, pour un budget assez proche et avec une focale plus courte, aurait été plus adapté à l’observation du ciel profond ; au détriment cependant de l’observation des planètes.
Mais malheureusement, lorsqu’on débute, on cherche souvent à s’équiper d’un instrument qui permette d’observer tous les objets du ciel avec la même facilité. Non pas forcément pour “rentabiliser” au mieux l’investissent, mais parce que le manque d’expérience et de pratique ne permet pas encore de déterminer précisément le type d’observations que l’on souhaite privilégier. De la même manière, on ne souhaite pas se lancer immédiatement dans la photo, mais on ne veut pas se l’interdire non plus…
Bref, ce cumul d’indécisions et de compromis aboutit souvent sur un instrument qui se révèle mal adapté au bout de quelques mois, ou de quelques années dans le meilleur des cas. Il faut prendre conscience que l’instrument “idéal” n’existe pas : le choix d’un télescope doit se faire sur la base du type de pratiques et d’objets envisagés, être adapté au niveau de l’utilisateur, et en tenant compte des contraintes matérielles (qualité du ciel, facilité de transport, prix…).
Malgré toutes ces précautions de départ, l’astronome amateur n’est pas à l’abri d’un autre “risque”, beaucoup moins prévisible : l’évolution de ses centres d’intérêt ! Dans mon cas, comme beaucoup de débutants, j’ai toujours été quelque peu “déçu” par l’observation des objets du ciel profond, malgré un nombre d’heures incalculable à chercher et scruter ces objets avec mon télescope. Très loin des formidables clichés réalisés (déjà à l’époque, y compris en noir et blanc), l’observation directe des galaxies et des nébuleuses est souvent déceptive : aucune couleur, obligation d’utiliser la vision décalée, des nébulosités qu’on “devine” souvent plus qu’on ne les voit réellement… C’est pour cette raison que j’étais beaucoup plus intéressé au départ par les planètes, qui présentent de très beaux détails et souvent des couleurs bien perceptibles.
C’est aussi pour cette raison que j’ai souhaité quelques années plus tard m’essayer à la photographie.
Mais cette fois, la passion a tourné à la désillusion…
Après avoir économisé suffisamment, je décide donc en 1999 d’acquérir une caméra CCD.
Mais à l’époque, le marché des CCD est loin d’être ce qu’il est aujourd’hui : les premiers prix sont déjà prohibitifs et les caméras proposées sont pour la très grande majorité équipées de capteurs minuscules. La résolution, et plus encore le champ couvert, sont encore très loin de concurrencer l’argentique du moins au niveau amateur. Il s’agit encore d’une branche assez “confidentielle” de l’astronomie amateur ; où la plupart des utilisateurs disposent de bonnes connaissances en électronique et en programmation.
La solution la plus économique est alors de construire soi-même sa caméra, par exemple dans le cadre du projet “Audine” initié par Christian Buil. L’alternative est de commander une caméra auprès de l’un des quelques fabricants, essentiellement chez l’américain SBIG. Mais les prix grimpent très rapidement, en rajoutant en plus les frais de douane, d’importation, la marge du distributeur en France, etc. Une alternative plus abordable est de choisir une caméra fabriquée en France, par exemple chez feu la société “Synonyme” qui commercialise la gamme des Hi-sys, de très bonnes caméras refroidies et équipées d’un obturateur mécanique fiable.
Après avoir pris contact avec cette société, une occasion intéressante est de “précommander” une caméra : la réduction de prix est substantielle (10 000 francs au lieu de 15 000), mais il faut compter environ un an d’attente ! N’ayant de toute façon pas trop le choix au niveau financier, je pré-commande donc une caméra Hi-sys22. Coup de chance, le désistement d’un autre client me permet de disposer, seulement quelques semaines après la commande, de ma caméra flambant neuve pour un prix très réduit ! 🙂
Les caractéristiques de cette caméra, et notamment de son capteur, peuvent aujourd’hui prêter à sourire : le chip KAF400, fabriqué par Kodak, dispose d’une résolution de 768 x 512 pixels de 9µm de côté, soit une surface utile de 6,9 x 4,6mm… soit environ 1/27e du champ offert par un appareil argentique au format 24×36. Et encore, il ne s’agit même pas d’une caméra d’entrée de gamme, lesquelles sont équipées de capteurs encore plus petits !
Bien que ses autres caractéristiques soient très bonnes (faible bruit de lecture, rendement quantique très correct, bon refroidissement, obturateur mécanique…), la Hi-Sys22 souffre donc d’une réelle limitation sur le champ photographique.
Sur l’image ci-contre, on constate bien la difficulté offerte par l’association de cette caméra au foyer du SC8″ : la galaxie M33 ne rentre pas dans le champ et sa photographie (dans un cadre très serré) nécessiterait une mosaïque d’au moins une douzaine d’images ! L’amas M13 ne rentre même pas entièrement dans le champ avec une telle combinaison…
Naturellement, à l’époque, il est inenvisageable d’acquérir une caméra CCD disposant d’un très grand capteur ; au-delà du fait que les prix auraient été totalement prohibitifs, cela n’existe tout simplement pas ! Même les professionnels ne disposent pas encore réellement de tels capteurs, mais eux peuvent se permettre de placer une grande quantité de petits capteurs côte à côte pour reconstituer une grande plaque photographique.
Aujourd’hui, avec le recul, je mesure à quelle point cette aventure était inévitablement vouée à l’échec avant même d’avoir commencée… L’utilisation de cette caméra sur un instrument disposant d’une focale de 2m tel que le SC8″ donne un échantillonnage convenable en théorie (1″ par pixel), mais qui suppose en pratique une qualité de suivi irréprochable pour espérer obtenir des résultats corrects. Autrement dit, tout l’inverse de mon équipement, pas du tout adapté à la photographie dans ces conditions ! D’autant qu’à l’époque, je n’avais pas le budget pour acquérir les accessoires indispensables qui auraient permis de faciliter le travail : un réducteur de focale, un goto, une mise au point motorisée, des filtres et une caméra d’autoguidage (très cher alors). Guider à l’oculaire réticulé via un diviseur optique offrant un champ très réduit sur un tel équipement est tout simplement impossible.
Autre contrainte (à laquelle on ne pense même plus aujourd’hui) : les ordinateurs portables coûtent alors une vraie fortune… il faut compter entre 15000 et 20 000 francs pour un modèle d’entrée de gamme ! Ne disposant que d’un PC de bureau, je me retrouve donc à devoir déménager l’ensemble du PC (tour, écran, câbles…) dans le jardin à chaque sortie pour pouvoir observer…
Cette inadaptation au matériel aurait dû me conduire à renoncer à une telle entreprise. Mais mon envie était trop forte et m’a conduit à sous-estimer les difficultés pourtant prévisibles. Les premières tentatives m’ont vite ramené à la réalité : au-delà du caractère fastidieux de l’installation de l’ensemble, il est extrêmement difficile de centrer l’objet recherché dans le champ minuscule. Mais même une fois l’objet centré, l’imagerie est rendue impossible du fait des limitations matérielles, la qualité de suivie étant totalement insuffisante au regard de la focale et de l’échantillonnage du setup. Juste réussir à faire la mise au point est déjà difficile ; mais le shifting propre au Schmidt-Cassegrain rend la chose quasiment impossible.
Après de nombreuses tentatives, je dois me rendre à l’évidence : l’échec est total. Impossible de sortir la moindre brute correcte. Ne vous étonnez donc pas de ne pas voir sur cette page une image d’illustration réalisée avec cette caméra : le problème n’est pas que celles-ci ne sont pas d’assez bonne qualité pour être présentées, mais simplement que je n’en n’ai réalisé AUCUNE… 🙁
Rétrospectivement, je me demande encore comment j’ai pu m’embarquer dans une telle mésaventure. Celle-ci aurait sans doute pu être facilement évitée en demandant plus de conseils auprès d’amis du club… Mais (peut-être justement parce que je redoutais leurs conseils avisés qui m’auraient conduit à renoncer), je ne les ai pas suffisamment sollicités ou tenu compte de leur avis. J’ai également sous-estimé la difficulté de l’imagerie avec mes contraintes matérielles, ainsi que l’importance des accessoires. J’aurais pu me rendre compte rapidement de l’impossibilité de la chose en empruntant une caméra à un membre du club pour une soirée…
De manière générale, pour le choix de l’instrument comme de la caméra, une approche plus modeste, en rapport avec mes moyens et mon expérience, aurait pu me permettre une pratique beaucoup plus simple et épanouissante de ma passion. Par exemple en m’essayant à l’imagerie argentique équipé un newton ou mieux encore d’une petite lunette sur une monture équatoriale.
Cette déconvenue a été très douloureuse : au-delà du fait d’avoir investi l’ensemble de mes économies dans une caméra inutilisable et des accessoires inutiles, je n’avais juste plus l’envie de poursuivre, convaincu que j’étais incapable d’utiliser correctement mon matériel. Quelques mois plus tard, la mort dans l’âme, je décidais de revendre cette caméra qui avait constitué un rêve pendant des années.
Naturellement, je conservais mon télescope et continuais à observer, mais de manière moins assidue qu’auparavant. La déception et le sentiment d’échec étaient encore trop forts…
Je ne ratais cependant pas la superbe éclipse de Soleil du 11 août 1999, me rendant à Strasbourg pour l’observer sur la ligne de totalité. Alors que le ciel était globalement bouché, j’ai eu la chance de pouvoir observer intégralement la totalité… chance que n’ont pas eu des observateurs situés à seulement quelques kilomètres en raison des nuages assez bas. Une expérience unique, un des plus beaux spectacles auxquels j’ai pu assister : je n’oublierai jamais cette étrange sensation due à la chute soudaine de température, à la levée du vent, au silence qui s’installe quelques secondes avant la totalité, puis la vision incroyable de la couronne solaire avec quelques protubérances bien visibles à l’œil nu !
Mais cet événement était également annonciateur d’une longue “éclipse” de l’astronomie dans ma vie pour les années à venir…
Avec la poursuite de mes études universitaires et la désillusion liée à cette expérience de la CCD, j’ai mis peu à peu l’astronomie de côté… mes visites au club se sont faites de plus en plus rares, mes sorties également… jusqu’à ne plus rien faire du tout au bout de quelques années.
Le départ de la Touraine pour Paris à la rentrée 2003 donne le “coup de grâce” à cette passion vacillante…
Me rendant tous les jours à la Sorbonne, je visite toutefois à quelques reprises la fameuse coupole et sa lunette de 150mm (gérée par la SAF). La pollution lumineuse de Paris limite cependant les observations à la Lune et aux seules planètes. J’ai l’occasion d’y aller à quelques occasions pour réaliser de magnifiques observations de Saturne.
Le tout proche Panthéon et son fameux “pendule de Foucault” donne également lieu à quelques après-midi de visite ; de même que le planétarium du Palais de la Découverte.
Mais en dehors de ces quelques rares parenthèses, l’astronomie ne fait plus vraiment partie de ma vie. Je n’achète plus les revues depuis longtemps, pas plus que je ne me tiens au courant de l’actualité…
La fin des études et le début très chargé de la vie professionnelle ne contribuent pas à améliorer les choses. Le fait d’habiter en plein centre de Paris non plus…
Pendant toutes ces années, la “Ville Lumière” s’apparente donc ironiquement à un “trou noir”. L’astronomie est ainsi presque devenue un souvenir nostalgique d’une époque lointaine et révolue.
Mais il faut croire que les passions les plus profondément ancrées ne nous quittent jamais totalement… Et qu’il suffit parfois d’une petite étincelle pour rallumer une grande flamme !
Une rencontre exceptionnelle va marquer une reprise d’intérêt progressive mais durable pour l’astronomie. Une rencontre d’autant plus marquante qu’elle est totalement fortuite en la personne du parrain de ma future épouse. Avant de leur rendre une première visite, ma surprise est grande en apprenant que celui-ci est directeur de recherches honoraire au CNRS, directeur de la maison d’édition des Belles Lettres et, surtout, historien des sciences, spécialiste de l’histoire de l’astronomie !
Cet homme, c’est Alain Segonds. Un érudit aux connaissances encyclopédiques, dont l’intelligence n’a d’égales que la curiosité, l’humour et la gentillesse. Il est l’auteur d’une quantité incroyable de traductions du grec ancien et d’ouvrages de référence sur de grands noms de l’astronomie, tels que Copernic, Kepler, Tycho Brahé…
Les discussions régulières et passionnantes avec lui m’incitent naturellement à me “replonger” dans la lecture d’ouvrages d’astronomie, et notamment les siens.
Coïncidence troublante, l’un des tous premiers articles d’astronomie que j’ai lu étant jeune avait été écrit par lui… dans mon premier numéro de “Ciel et Espace” acheté en 1993 !
Malheureusement, Alain nous quittera bien trop tôt, en mai 2011…
De mon côté, la passion revient rapidement. Les premières revues que je me procure me font l’effet d’un choc, lorsque je découvre qu’en à peine 10 ans, l’astronomie amateur a fait d’énormes progrès : les webcams modifiées ont révolutionné la photo planétaire, les matériels même d’entrée de gamme sont désormais automatisés et dotés de bases de données, les APN ont définitivement supplanté l’argentique… L’informatique et le numérique ont fait évoluer le milieu amateur de manière spectaculaire !
Le choc est également important en voyant les premières “galeries” des lecteurs, qui proposent des images incroyables et à peine imaginables quelques années auparavant. Que ce soit en planétaire, en ciel profond ou en solaire, les images des amateurs rivalisent, voire dépassent, désormais les images réalisées au sein des observatoires professionnels il y a à peine une quinzaine d’années… Autre nouveauté, l’imagerie SHO tient également une bonne place.
Autre bonne nouvelle, le matériel accessible pour les amateurs s’est considérablement développé : l’offre est non seulement plus importante, mais aussi plus accessible financièrement, notamment sous l’impulsion de marques chinoises qui parviennent à proposer des produits corrects et fiables en grandes quantité pour un prix réduit. Les progrès de l’optique permettent également de disposer de lunettes apochromatiques à rapport f/d très court, en faisant des instruments très compacts, légers, faciles à transporter et au chromatisme très contenu.
Début 2011, je décide d’acquérir une petite lunette de ce type afin de pouvoir observer depuis Paris. Un petit instrument que je pourrais placer sur un simple trépied photo, très léger à transporter pour faire quelques observations, et pratique pour emmener en Week-end ou en vacances. Bien que la lunette de 80mm soit le modèle le plus en vogue, je porte mon choix sur un modèle plus modeste, l’Astro-Professionnal 66/400 : un doublet ED très performant optiquement, avec un tube carbone et une mécanique irréprochable.
Équipé de cette petite lunette, je reprends goût rapidement à l’observation de la Lune et des planètes. Pour aller au plus facile, je sors généralement observer juste en bas de chez moi, sur le Pont Neuf ou sur les quais de Seine à Saint-Michel. Il est rare qu’une telle sortie ne suscite pas la curiosité de quelques promeneurs qui demandent à jeter un œil à l’oculaire en apprenant qu’il y a Saturne au bout de la lunette !
L’enthousiasme de ces inconnus (et en particulier des enfants) qui découvrent pour la première fois la Lune, Jupiter ou Saturne est contagieux, et je redécouvre paradoxalement moi-aussi cette sensation d’émerveillement que j’avais fini par oublier…
Le développement d’Internet a lui aussi apporté son lot d’améliorations. Je rejoins le forum Webastro en avril 2011, où je trouve une communauté d’astronomes amateurs très active, sympathique et bienveillante, toujours disposée à aider les débutants dans mon genre ! Après tant d’années sans pratique et sans m’être tenu informé de l’évolution du domaine, je me considère alors comme un parfait débutant.
L’année 2011 marque également le début d’une reprise d’activité du Soleil. Et dans ce domaine aussi, de gros progrès ont été accomplis avec l’introduction dans le monde amateurs d’instruments dédiés permettant d’observer les protubérances dans la raie Ha ; ce qui me fascine immédiatement. Par ailleurs, notre étoile présente l’avantage de constituer une cible facile à observer, même en habitant Paris ! Je décide donc rapidement d’acquérir un petit instrument d’initiation, le PST de Coronado.
Les premières observations sont une véritable révélation, un spectacle d’une beauté fascinante. L’instrument a beau être minuscule (35mm de diamètre pour 400mm de focale), les sensations qu’il procure sont inversement proportionnelles à ses mensurations : la possibilité d’observer directement la naissance et l’évolution des protubérances solaires sur quelques heures est fantastique !
Fin 2011, l’emménagement dans un appartement disposant d’un grand balcon orienté au sud me donne l’occasion d’acquérir un instrument un peu plus performant, dédié à l’observation de la Lune et des planètes. Mon SC8″ étant trop volumineux pour le balcon, je porte mon dévolu sur un petit instrument d’initiation plus adapté : un Maksutov de 127mm sur une monture azimutale goto.
Simple d’utilisation et capable d’assurer un suivi correct sans qu’il soit nécessaire de réaliser une mise en station sur la polaire (qui n’est pas accessible depuis mon balcon), ce petit instrument me permet de retrouver de vraies sensations en planétaire.
L’intérêt pour l’imagerie revient également rapidement… Les progrès réalisées en matière de caméras sont remarquables : plus question d’utiliser les CCD dédiées aux ciel profond comme avant. Entre temps, les webcams modifiées ont bouleversé la pratique de l’imagerie planétaire ; puis des caméras dédiées se sont imposées, capables de réaliser plusieurs dizaines d’images par seconde avec une dynamique correcte de 12, 14 voire 16 bits. Je m’équipe donc rapidement d’une caméra couleur, puis d’une autre monochrome, pour m’essayer à l’imagerie planétaire avec ces nouveaux matériels. Plus de risque d’une grande désillusion en cas de tentatives infructueuses, l’investissement n’est que de quelques centaines d’euros…
Mes premiers essais me donnent beaucoup de satisfaction : Saturne, le Soleil, quelques mosaïques lunaires, des animations de la rotation de Jupiter… Bien loin certes des résultats obtenus par les spécialistes du domaine, mais peu importe : le plaisir est de retour !
La publication de ma première mosaïque lunaire (composée de 45 images) dans “Astronomie Magasine” me redonne confiance et m’encourage à poursuivre cette découverte de l’imagerie.
Mais mon véritable rêve demeure encore la photographie du ciel profond…
A l’occasion d’un séjour en Touraine en août 2012, je décide de retenter un essai de photographie du ciel profond.
A cette fin, mon vieux matériel est ressorti des cartons et j’installe la petite lunette 66/400 en parallèle sur le Schmidt-Cassegrain.
Un APN d’entrée de gamme (Canon 1100D), acheté le jour même, est installé sur la lunette.
Le suivi s’effectue “à l’ancienne”, manuellement, l’œil rivé à l’oculaire réticulé au foyer du SC8″. Quelques poses de 300s sur la galaxie d’Andromède et un traitement rudimentaire le lendemain au cours d’une session (re)découverte du logiciel Iris me permettent de “sortir” une image.
Peu m’importe alors la qualité de celle-ci, la cadrage raté, le bruit important, le manque de couleurs, le traitement malhabile, l’absence de flats ou de véritable prétraitement… ni même qu’elle soit moins bonne que ma version argentique réalisée 17 ans plus tôt : la galaxie est bien visible ! Enfin… Il m’aura fallu “seulement” 13 ans pour rompre la malédiction de mon expérience CCD ! 🙂
Une satisfaction supplémentaire est d’avoir réalisé cette première image en Touraine, sur les lieux mêmes de mon échec d’antan, avec l’aide de mon vieux matériel et en utilisant une méthode de suivi “à l’ancienne”, la même que celle que j’employais quand j’étais jeune… J’éprouvais le sentiment d’avoir finalement “brisé le signe indien” et, d’une certaine manière, de m’être “réconcilié” avec mon matériel, qui m’avait apporté tant de joies par le passé…
Enfin débarrassé de ce vieux “complexe”, et encouragé par les membres du forum, j’en étais désormais persuadé : si j’avais pu obtenir une image avec de telles moyens “rudimentaires”, alors retenter l’expérience de l’imagerie du ciel profond avec des moyens appropriés était à ma portée !
Dans le même temps, je poursuivais mes observations et prises de vues régulières dans le domaine planétaire ; avec cependant la sensation de plus en plus insistante d’être “bridé” par mon matériel… ce qui est plutôt une bonne chose dans le sens où c’est le signe que l’on commence à parfaitement maîtriser son matériel actuel et à en obtenir le meilleur possible en le poussant dans ses retranchements.
Fin 2012, ma décision est donc prise : me lancer dans l’astrophotographie du ciel profond afin de concrétiser enfin ce rêve de jeunesse inassouvi !
Pendant plusieurs mois, j’envisage ainsi de nombreuses pistes pour acquérir un matériel sérieux qui me permettrait d’aborder ce projet dans de bonnes conditions. Hors de question de renouveler les erreurs du passé : je privilégie une approche modeste et progressive.
Le matériel doit par ailleurs répondre à mes contraintes et devra être suffisamment compact pour être utilisé en nomade. Bref, me faire plaisir sans engager trop de dépenses.
L’idée est simple : commencer en utilisant tout le matériel à ma disposition, et n’envisager un changement de setup que lorsque j’arriverai à exploiter celui-ci correctement. Je débute donc avec ma 66/400, ce qui me semble parfait pour commencer en douceur avec une petite focale, plus simple à guider. Et évidemment, commencer avec mon APN plutôt que d’acheter directement une CCD ! 🙂
Réaliser des images faciles me permettra de bien prendre en main le matériel, et surtout toutes les nouveautés : la liaison entre l’ordinateur et la monture, le logiciel de capture de l’APN, la réalisation des darks, flats et bias, l’autoguidage… et surtout de progressivement m’initier au traitement d’images. Là encore, les choses ont bien changé depuis mon arrêt de la pratique de l’astronomie, et désormais les traitements peuvent se faire avec des logiciels bien plus conviviaux que Iris, tels que Photoshop. Seul problème, je n’ai encore jamais utilisé ce logiciel…
Mon objectif est donc de prendre les éventuelles difficultés les unes après les autres sur tous les aspects possibles (optiques, mécaniques, logiciels…), tout en apportant au matériel que je possède déjà les modifications et accessoires indispensables. Cela me laisse par ailleurs encore le temps de la réflexion quant à l’achat d’une meilleure optique, qui supposera un investissement plus conséquent.
Je sollicite régulièrement les membres du forum sur tous les aspects de ma démarche, et recueille un grand nombre d’avis et de conseils qui m’aident énormément à affiner mes choix.
Je fais ainsi l’acquisition pour ma lunette d’un correcteur de champ, et je fais défilter mon APN afin de disposer d’une meilleure sensibilité dans la raie Ha, opération indispensable pour envisager la photographie des nébuleuses par émission. J’adjoins également en parallèle une petite lunette-guide pour l’autoguidage, qui sera réalisé avec ma caméra planétaire monochrome. Je complète avec quelques accessoires supplémentaires (notamment un filtre Orion Skyglow, anti-pollution lumineuse et un écran à flats).
Après un comparatif minutieux, je retiens la monture AZEQ6 de Skywatcher, dont les premiers retours sont très positifs et qui offre des performances tout à fait comparables avec certaines montures bien plus onéreuses. Autre avantage, cette monture est facilement pilotable via le PC grâce à l’interface EQMod. Celle-ci est quelque peu “sur-dimensionnée” par rapport à ma recherche d’un setup nomade, mais en raison de mes soucis passés, je préfère ne pas faire de compromis sur la monture, qui reste la pièce maîtresse de tout setup d’astrophoto. Je l’achète chez Pierro-Astro, qui la règle parfaitement avant son expédition, réduisant ainsi l’erreur périodique initiale de manière significative : le bulletin de contrôle indique une amplitude de +/- 5″ sur le cycle, avec une courbe douce et sans hautes fréquences.
Me voici donc paré, juste avant les vacances d’été, avec un beau setup simple et compact. Avec 3 semaines devant moi, j’espère pouvoir en profiter au maximum ! Manque de chance, cet été là est catastrophique au niveau météo, le ciel restant voilé quasiment en permanence… Seules 3 nuits seront exploitables en tout !
Je profite cependant de quelques nuits voilées pour configurer le matériel et réaliser des tests afin de vérifier que tout fonctionne bien… et à ma grande surprise, en dehors de quelques soucis de drivers informatiques vite corrigés, tout se passe très bien : la mise en station, le contrôle depuis le PC, et même l’autoguidage dont je redoutais un peu la fiabilité. Finalement, les 3 dernières nuits des vacances seront les bonnes et me permettront de réaliser quelques images.
La première nuit d’imagerie est un véritable plaisir : le setup bien configuré tourne “presque” tout seul, l’autoguidage suit parfaitement… lorsque la première brute de 300s s’affiche sur l’écran, c’est un grand soulagement : aucun filé d’étoile, l’image est propre et le signal bien visible, la nébuleuse est bien là, avec de beaux détails ! Je repense à mes galères avec la CCD 15 ans plus tôt, en me disant que, décidément, énormément de progrès ont été réalisés et ont permis de simplifier la vie de l’astrophotographe amateur !
Il me reste cependant encore beaucoup de choses à apprendre… et même presque tout : réaliser des flats corrects, optimiser l’autoguidage pour lisser encore davantage la courbe de suivi… et surtout apprendre à traiter l’image finale.
Car cette première photo va également être l’occasion de recevoir ma première leçon en la matière, et sans doute la plus importante…
Dès le lendemain matin, je commence à traiter cette première image. Je viens à peine d’essayer de m’initier à Iris et à Photoshop, mais je parviens après quelques heures à sortir une image que je trouve plutôt bonne. Je m’empresse de la partager sur le forum, espérant obtenir des conseils de traitement… et peut-être même des retours positifs. Mais rapidement, un membre du forum n’hésite pas à descendre en flèche chaque aspect de cette image : le fond de ciel est mauvais, la nébuleuse mal traitée (voire maltraitée !), les étoiles déformées, l’histogramme dans les choux, l’aspect global n’est pas bon… bref, rien n’est à garder dans cette image ! Moi qui était ravi d’avoir pu sortir une image à partir de « quasiment rien », sans aucune connaissance en traitement et que je trouvais au final « pas si mal », voilà que je me faisais bien remettre à ma place !
Cette petite déception passée, je reprenais ma photo avec un œil plus objectif… et prenais alors conscience, petit à petit, que toutes les critiques émises étaient parfaitement justifiées. Je décidais alors de me retrousser les manches et consultais différents tutoriels de traitement disponibles sur les forums, les conseils adaptés sur des points spécifiques… Après un second traitement repris depuis le début, à commencer par le prétraitement, je parvenais à un résultat nettement plus « propre ». Bien sûr, cette image était encore extrêmement perfectible et bourrée de défauts, mais j’avais pris conscience des règles de base d’un bon traitement, à défaut d’en maîtriser la mise en oeuvre.
Au final, je ne remercierai jamais assez la personne n’ayant pas hésité à soulever l’ensemble des défauts de mon image car elle m’a donné la leçon la plus importante que j’ai reçue à ce jour en astrophoto, et que je garde à l’esprit depuis sur chaque image : ne pas se contenter d’un résultat que l’on trouve correct, mais regarder avec modestie et objectivité ses images pour en déceler tous les défauts, faire son autocritique et ne pas hésiter à prendre le temps nécessaire pour apprendre, faire des essais, consolider ses acquis. En astrophoto, la technique, qu’elle concerne l’acquisition ou le traitement, ne vient pas immédiatement : elle est le fruit de l’expérience et des nombreuses erreurs réalisées. Le but n’est pas d’être capable de produire dès le départ des images remarquables, mais de s’améliorer constamment.
C’est cette ligne directrice que je me suis efforcé de suivre au cours des mois suivants : optimiser petit à petit les réglages optiques, mécaniques, les routines d’acquisition. Et également passer beaucoup de temps à acquérir les techniques de traitement, en consultant le maximum de tutoriels et d’informations disponibles, en tenant compte de chaque remarque ou commentaire sur mes images.
Image après image, je sentais les progrès réalisés et j’avais la conviction que cette approche modeste était payante. Mes images étaient encore pleines de défauts, mais quelques unes avaient tout de même l’honneur d’une publication dans des magazines astro ; c’était à la fois une fierté d’être parvenu rapidement à un résultat “publiable”, mais surtout un formidable encouragement à poursuivre dans cette voie !
Bien sûr, chaque sortie n’est pas couronnée de succès, la faute à des problèmes de paramétrage d’autoguidage, de plantages à répétition d’EQMod ou de drivers (un changement de PC a résolu ces soucis), ou encore de Lune trop présente. J’ai encore du mal à être opérationnel rapidement et je perds régulièrement quelques heures à tout installer correctement… assez frustrant quand on doit déjà faire 1h de route avant d’arriver sur le lieu d’observation et que cela limite le temps de pose sur l’objet… Je procède aussi à quelques petits ajustements sur les accessoires, avec un changement du tirage du correcteur, ou le passage à un filtre Baader Neodynium, à bande passante plus large que le Skyglow d’origine.
Après 6 mois de sorties et une quinzaine de photos réalisées avec l’Apo 66/400, je me sens prêt à passer à la vitesse supérieure ; un peu frustré par la qualité optique de la lunette. Dans la mesure où je commence à bien maîtriser mon setup, je me met en quête d’une optique de meilleure qualité, avec un diamètre plus grand et une focale plus élevée, mais qui soit suffisamment compacte pour rester compatible avec ma pratique nomade.
Après de longues discussions et débats sur le forum, des doutes sur le choix entre un newton ou une lunette APO, la qualité des marques en lice… je me décide pour faire un choix sans concession sur la qualité, quitte à devoir rallonger un peu mon budget initial.
Et au passage, le choix de raison rejoint celui de la passion, me permettant de réaliser un rêve de jeunesse : posséder un instrument Takahashi ; le must de l’astronomie amateur.
Au niveau optique, la TSA-102 est l’une des meilleures lunettes amateur jamais conçues. Avec un rapport de Strehl moyen de 0,993 et un pic dans le vert à 550nm à 0,999, l’instrument frôle la perfection… et la garantie de ne plus être limité pour la photo : si celles-ci présentent des défauts, ça sera uniquement ma faute et non celle de l’optique !
S’offrir une optique de “compétition”, ça fait plaisir… mais met aussi un peu la pression : il faut être à la hauteur ensuite afin d’exploiter pleinement son potentiel. Et donc continuer de s’améliorer encore, et encore…
Au printemps 2015, je peux enfin réaliser mes premières images et m’assurer que l’ensemble fonctionne bien. Le passage à la TSA-102 ne pose aucun souci particulier, et la différence avec la 66/400 en terme de finesse d’image est flagrante, en particulier dans les coins où les étoiles restent parfaitement ponctuelles.
Je peux donc désormais exploiter l’ensemble du champ photo de l’APN sans devoir croper mes images en raison des déformations sensibles engendrées par l’astigmatisme hors de l’axe optique. La correction chromatique est également bien supérieure, et plus aucun halo n’est visible sur les étoiles. Aucun vignetage non plus sur l’image avec le format APS-C du capteur de l’APN.
Autre étape importante dans ma progression : je décide d’abandonner Photoshop pour le traitement et de passer à Pixinsight ; un logiciel réellement dédié au traitement d’images astronomiques et dont les fonctionnalités sont bien plus puissantes. Seule petite contrainte : sa “philosophie” très mathématique et son fonctionnement sont totalement différents des logiciels de traitement d’image classiques. La prise en main est donc assez ardue, mais la lecture d’un grand nombre de tutoriels et les conseils recueillis sur le forum m’aident beaucoup dans cette démarche.
J’adhère à cette époque à l’association Astro Images Processing (AIP), qui regroupe une communauté d’astrophotographes passionnés, fondée notamment par Nicolas Outters, et qui permet d’accéder à un grand nombre de contenus très pointus sur le traitement d’images, ainsi que d’échanger avec de vrais spécialistes du domaine. Je consulte également les tutoriels sur différents sites américains, et essaie de m’approprier les différents “process icons” (routines de traitement) qui sont partagés par des experts du traitement.
En croisant ces informations issues de multiples sources, et à force d’entrainement et de tests, je parviens à mettre en place une routine de prétraitement et de traitement personnelle. Je soigne aussi les petits détails tels que la cohérence des profils colorimétriques ICC sur mon ordinateur et au sein des différents espaces de travail. J’achète également à cette fin une petite sonde de calibration afin de travailler sur mes images dans les meilleures conditions ; en particulier après avoir constaté une différence de rendu importante entre mes différents écrans !
Si cette phase d’apprentissage est assez longue et parfois ingrate, j’attrape toutefois un vrai “virus” pour le traitement d’images et, au bout de quelques mois, je parviens à obtenir avec Pixinsight des images bien meilleures qu’avec Photoshop.
L’un des meilleurs moyens de se rendre compte de ses progrès est de retraiter ses anciennes images. Voici ci-contre, par exemple, la différence de résultat obtenue avec un Photoshop déjà bien pris en main, et un retraitement des mêmes données avec un Pixinsight encore balbutiant, sur un cliché de 30 minutes de la nébuleuse d’Orion à l’APN défiltré (donc avec un signal relativement limité).
La différence est flagrante à tous points de vue : la plus grande finesse de la montée d’histogramme, la gestion du bruit, le signal faible dans le fond de ciel, l’équilibre des couleurs, la présence d’étoiles faibles… jusqu’au champ exploitable, que j’avais dû croper dans la version Photoshop en raison de gradients de luminosité, et qui peut être exploité en intégralité avec Pixinsight ! On voit que “Pix”, même avec un signal limité, permet de faire ressortir l’ensemble de l’information de manière beaucoup plus “propre” que Photoshop.
Dans le même temps, je décide de donner une “nouvelle jeunesse” à mon Schmidt-Cassegrain, afin de pouvoir l’utiliser également en photographie ; la focale de la TSA étant un peu limitée pour espérer capturer de beaux détails dans les galaxies. Le tube est donc démonté de sa fourche afin de pouvoir être installé sur la monture équatoriale.
Mes appréhensions concernant la qualité du suivi à cette focale sont rapidement dissipées après quelques minutes d’essai : l’AZEQ6 suit parfaitement et l’autoguidage ne pose pas de problème.
Le tube montre cependant des limites en imagerie (shifting, flopping du primaire…) et la finesse des images est très inférieure à celle de la TSA, sans parler de la correction du champ.
Toutefois, ces essais sont intéressants et en mixant une image réalisée au SC8″ avec une image réalisée à la TSA, je peux obtenir une image bénéficiant du champ et de la finesse de la lunette tout en conservant le signal et les beaux détails dans la galaxie avec le télescope.
Naturellement, il serait plus simple de photographier directement l’objet avec un Schmidt-Cassegrain nouvelle génération (du type de la série Edge), mais le résultat final, par exemple ci-dessous sur M51, n’est pas désagréable.
Cette “réhabilitation” de mon premier télescope me permet ainsi d’envisager de photographier des objets plus petits, ce qui démultiplie dès lors les cibles potentielles !
En parallèle de cette activité photo et technique, j’éprouve également l’envie de remettre à jour et d’améliorer mes connaissances théoriques en astronomie et en astrophysique. Je m’inscris à cette fin à une formation d’un an délivrée par l’Observatoire de Paris et validée par un Diplôme d’Université.
Le programme est conséquent et aborde quasiment tous les domaines de l’astronomie : mécanique céleste, planétologie comparée, le Soleil, l’évolution des étoiles et le milieu interstellaire, les galaxies, la cosmologie, mais aussi les méthodes et instruments utilisés (formules optiques, caméras, spectroscopie, radioastronomie, traitement des données et des images…). Ce panorama très large est complété par un stage pratique à l’Observatoire de Meudon, ainsi qu’un stage d’observation à l’Observatoire de Haute-Provence.
Cette formation a été extrêmement instructive et bénéfique. Même sur les sujets que je pensais bien connaître, je ne suis jamais sorti d’un cours sans avoir appris un multitude de choses ! C’était également une opportunité passionnante de pouvoir rencontrer des astronomes professionnels et en apprendre davantage sur leur travail de recherche, leurs méthodes et leurs outils de travail.
Dans ma pratique de l’astrophoto, je tire également un bénéfice des connaissances acquises lors de cette formation, car je retire encore plus de plaisir à réaliser des images d’objets dont je comprends désormais mieux la nature physique et l’évolution.
Cette année est de fait assez fournie en observations ; ce qui me donne beaucoup de matière pour poursuivre mon perfectionnement en traitement d’images. En voici une petite sélection :
Mais, après 2 ans d’astrophoto à l’APN, je sens que j’arrive de nouveau à une certaine forme de limitation. Après l’optique, c’est désormais le capteur qui me bride dans mes réalisations : je ne peux plus améliorer grand chose au niveau de la monture et du suivi, et je commence à me être frustré de traiter des images bruitées et avec un signal limité. J’ai le sentiment que de meilleures brutes me permettraient d’aller beaucoup plus loin et d’explorer de nouvelles pistes de traitement, avec l’expérience que j’ai accumulée au cours de 2 dernières années…
Je décide donc de franchir le pas (longtemps reculé…) de revenir à la CCD !
Bien que j’ai pris beaucoup de temps pour choisir correctement ma monture et l’optique, le choix de la CCD a été encore plus long à déterminer avec certitude. Taille des photosites, rendement quantique, taille du capteur, champ photographique, échantillonnage, bruit de lecture, qualité de l’électronique, chambre à argon ou dessicants… les critères à prendre en compte sont nombreux !
Et bien sûr, hors de question de renouveler le fiasco de la précédente CCD ! 🙂
Heureusement, le forum constitue un lieu idéal de débats et de conseils sur le sujet, ainsi que pour obtenir des avis et retours sur les différents modèles. Une étape indispensable est aussi de prendre le temps de consulter un grand nombre d’images sur les sites internet et d’évaluer ces résultats en prenant en compte la configuration associée. Car il n’y a pas que la caméra à envisager, mais également l’adéquation avec l’optique et les capacités de la monture, ainsi que les accessoires : la roue à filtre, les filtres, la méthode de guidage, l’éventuel diviseur optique…
Après de longs mois de recherche, d’hésitations et de comparaisons, j’arrête définitivement mon choix sur la caméra AtikOne6. Celle-ci dispose d’un capteur relativement petit (la moitié seulement de mon capteur APN), mais compensé par une très bonne sensibilité (notamment dans le Ha) et un faible bruit de lecture ; ce qui est important pour l’imagerie narrowband.
Autre point positif pour mon activité nomade : il s’agit d’une caméra “tout-en-un”, avec une roue à filtre interne à 5 positions et un diviseur optique intégré pour l’autoguidage. Il en résulte une grande facilité d’utilisation et de mise en oeuvre, pour un prix qui reste “mesuré” au regard de la concurrence. Je complète l’équipement avec les indispensables jeux de filtres LRGB et SHO (en 6nm), ainsi qu’une nouvelle caméra de guidage, la AtikGP, spécialement conçue pour le guidage au DO de la AtikOne. La toujours sympathique équipe d’Optique Unterlinden s’est également chargée de vérifier mes calculs pour me fournir les bagues allonges parfaitement adaptées pour respecter la distance idéale entre le réducteur Takahashi et le capteur, au millimètre près.
Cette simplicité d’utilisation se confirme dès le soir même, puisqu’une fois réglés quelques problèmes d’installation et de compatibilité de drivers et de configuration ASCOM, la caméra est opérationnelle, refroidie et prêt à recevoir ses premiers photons.
Pour la première lumière, j’ai pointé un objet que je n’ai jamais voulu tenter à l’APN en raison de sa forte prédominance dans la raie Ha : la nébuleuse du Croissant (NGC 6888). J’ai lancé une pose de 10 minutes, le premier autoguidage au diviseur optique se passe sans aucun souci (avec même une précision doublée par rapport à mes meilleurs réglages en parallèle) et j’attends fébrilement que la première image s’affiche, les secondes sont longues…
Puis enfin, le résultat tombe : une explosion de signal ! J’en reste même bouche bée quelques instants : une quantité de détails incroyables dans la nébuleuse, presque pas de bruit, des étoiles d’une finesse incroyable… et il ne s’agit que d’une seule et unique brute !
En une seconde et avec une seule image, je viens enfin de réaliser mon rêve de jeunesse, mais aussi de basculer dans un autre monde…
Cet été là, nuit après nuit, objet après objet, nébuleuse ou galaxie, chaque image obtenue est une source d’émerveillement. Je profite de la météo clémente pour accumuler le maximum de poses ; reportant la constitution d’une bibliothèque de darks et le traitement pour la rentrée.
Les premiers essais sur ces images me font cependant prendre conscience de la nécessité de revoir entièrement mes habitudes et process de prétraitement et de traitement. Le niveau de bruit beaucoup plus faible implique le recours à des outils de réduction de bruit bien plus subtils que pour l’APN, l’acquisition par couches LRGB distinctes apporte son lot de nouveautés, et plus encore pour les images SHO… Les routines de prétraitement doivent également être entièrement revues.
Il s’agit là d’une occasion idéale pour m’atteler à un travail que j’ai plusieurs fois envisagé, mais trop longtemps reporté, essentiellement par manque de temps et un peu effrayé par l’ampleur de la tâche : ne plus seulement suivre les tutoriels disponibles et retenir les finalités des process de Pixinsight, mais comprendre réellement le fonctionnement de tous les process et scripts que je suis amené à utiliser. Cela implique de consulter intégralement la documentation de Pixinsight pour chacun des process concernés, de comprendre la logique des outils mathématiques qui les sous-tendent ; de réaliser de multiples essais pour chaque process afin de constater les conséquences des modifications de chaque paramètre, etc.
Le but est bien sûr de me forger un avis propre sur les opérations appliquées à l’image et de mieux comprendre ces outils pour mieux les utiliser. Et au final, de créer mes propres “process icons” personnalisés.
Comme prévu, ce travail s’avère très chronophage, mais également des plus instructifs ! Au bout de quelques semaines, j’ai à peu près fait le tour des fonctions essentielles et j’ai le sentiment que les fruits de ces efforts se concrétisent dès les traitements suivants sur mes premières images CCD. Naturellement, tout n’est pas encore parfaitement intégré, mais je suis beaucoup plus satisfait de la qualité globale de mes traitements.
Mes premières images CCD reçoivent globalement un très bon accueil sur le forum ; et j’ai même l’agréable surprise de voir certaines d’entre elles récompensées par des publications et d’autres prix (Image du Jour sur Astrobin, AAPOD, EAPOD) : une source de motivation énorme, et d’autant plus pour de premiers essais !
L’année 2016 se termine donc sur une note positive, avec le sentiment agréable de continuer à progresser.
L’année 2017 se poursuit sur la même lancée, et pour une fois sans changement de setup de prévu. Dès lors que je maîtrise désormais bien toutes les composantes de mon équipement ainsi que les différentes étapes du traitement, je retiens une piste d’amélioration simple (mais pas toujours évidente à respecter, surtout en nomade) : augmenter significativement le temps de pose global de mes images, quitte à devoir faire moins d’images dans l’année.
Je m’efforce donc de suivre cette voie sur mes images de l’année 2017. Alors que mes images précédentes ne cumulaient pas plus que 5 ou 6 heures de poses, les suivantes dépassent allègrement les 10, voire les 20 heures de pose. Mon record actuel est même de 24 heures pour la galaxie M101.
Comme prévu, ce temps d’acquisition revu à la hausse permet d’obtenir de meilleurs résultats, en renforçant le signal dans les bras ténus des galaxies spirales, ou en permettant de mettre en évidence l’IFN dans le fond de ciel de certaines images. Mais la pratique nomade n’autorise pas toujours de tels temps de pose à rallonge, et la météo capricieuse ou les aléas de sorties empêchent parfois de tenir cet objectif…
Les années 2017 et 2018 ont été l’occasion de photographier des objets qui me tiennent particulièrement à cœur… y compris certains objets déjà réalisés à l’APN mais que je tenais à réellement remettre mieux en valeur avec la CCD.
En voici un petit “florilège”, pour l’essentiel réalisés avec la TSA-102, avec quelques incursions moins convaincantes avec SC8″ (toujours en raison de la qualité optique inférieure) :
Malheureusement, les occasions de sorties demeurent encore trop rares en dehors des périodes de vacances ; et les hivers de ces deux dernières années n’ont pas été très favorables. Il y a ainsi de nombreux objets du ciel d’hiver, et notamment quelques très grands “classiques”, que je n’ai pas encore eu l’occasion de photographier avec la CCD (M42, la Rosette, le Cône…).
Aujourd’hui, ma plus grande source de limitations n’est donc plus liée au matériel, à l’optique ou au capteur, mais bien à mon emploi du temps, mon lieu de résidence et au fait d’être contraint à une pratique nomade. Evidemment, de telles limitations sont beaucoup plus complexes à dépasser que celles qui relèvent de la technique ou de l’équipement ; puisqu’elles supposent des modifications importantes de ses choix de vie, familiaux et professionnels…
Pourtant, avec l’évolution rapide et considérable de l’astronomie “amateur”, des moyens existent désormais pour profiter davantage de sa passion, y compris avec de telles contraintes : le “remote”.
Ces dernières années, une nouvelle pratique s’est fortement développée dans le monde de l’astronomie amateur : l’imagerie en “remote”.
Le concept est simple : installer son observatoire entièrement automatisé sous les meilleurs cieux du monde (par exemple, dans le désert Chilien afin de profiter des merveilles du ciel austral…) et le contrôler à distance, tranquillement assis chez soi, depuis son ordinateur !
En pratique, compte-tenu de la complexité et du coût d’une telle entreprise, les amateurs qui se lancent dans cette aventure le font en petites équipes ; l’idéal étant que chaque membre fasse bénéficier les autres de compétences propres (en optique, mécanique, programmation, etc.). Il s’agit donc d’une aventure encore réservée sous cette forme aux amateurs les plus expérimentés et les plus motivés.
Mais de nombreuses sociétés (pour la plupart fondées par des amateurs passionnés) se sont engouffrées dans ce qui promet d’être le futur “Eldorado” de l’astronomie amateur, et proposent différents services de nature à simplifier un tel projet ; par exemple en construisant toutes les infrastructures d’accueil et en assurant à leurs clients l’hébergement, l’installation, la maintenance et aussi la sécurité de leur équipement. D’autres adoptent une approche différente, en construisant directement un observatoire doté d’instruments de rêve et en “louant” le temps d’observation de ces télescopes aux amateurs en faisant la demande.
C’est ainsi qu’au mois de juin 2018, un membre du forum réalise, avec quelques heures de poses “louées” sur un télescope installé au Chili, une magnifique image d’une nébuleuse. Il indique également qu’il a une autre image en projet… je le contacte alors pour lui proposer de réaliser cette seconde image ensemble en partageant les frais ; ce qu’il accepte très gentiment.
L’instrument que nous utilisons pour cette image n’a plus rien d’amateur : loué par la société Chilescope, il s’agit d’un Ritchey-Chrétien de 1m (!) de diamètre conçu par la réputée société ASA, sur monture alt-azimutale, équipé d’un dérotateur de champ et d’une caméra CCD haut de gamme ; le tout installé dans une coupole de 5,5m de diamètre… La seule caméra CCD coûte plus cher que l’ensemble de mon setup, et l’optique s’élève à 800 000 € !
L’intérêt de cette forme de “remote” me séduit rapidement. D’une part car elle est beaucoup plus accessible financièrement et sans délais, mais surtout car elle permet d’utiliser un matériel hors de portée du monde amateur traditionnel… avec un tel diamètre, ce télescope ne dénoterait pas dans un observatoire professionnel.
La première image obtenue de M83 est source d’une grande excitation : quel plaisir de traiter de telles données, avec de tels détails, sur un objet que je n’aurais de toutes façon pas pu photographier depuis la France (cette galaxie restant très basse sur l’horizon).
Ce résultat me donne envie de récidiver ; mais cette fois en essayant d’exploiter pleinement le potentiel offert par un tel télescope et ses 6,7m de focale, en photographiant un objet beaucoup plus petit et quasiment jamais imagé au niveau amateur : la galaxie ESO350-40, dite de “la roue de chariot”. Cet objet m’a toujours fasciné, et je l’avais même en poster dans ma chambre étant jeune, photographié par le télescope spatial Hubble ! Fin 2018, je récidivais sur un autre poster d’enfance, mais cette fois avec un Newton de 500mm, sur Cometary Globula 4 (CG4), avec ce que je considère comme mon traitement le plus abouti jusqu’ici.
Dans les deux cas, on ne peut même plus dire qu’il s’agit de réaliser un rêve d’enfant : jamais je n’aurais imaginé plus jeune que j’aurais un jour l’occasion de photographier ces objets, alors réservés aux observatoires professionnels !
Sur des objets classiques, accessibles aux amateurs, de tels observatoires en remote permettent donc de réaliser certains rêves… mais sur des objets plus éloignés, plus petits, normalement hors de portée, ils permettent même d’aller au-delà…
Cependant, je ne pourrais pas me contenter exclusivement de cette manière de pratiquer l’astronomie “devant mon écran”. Malgré la qualité des images obtenues, le remote ne procure pas le même contact direct avec les astres, qui reste une source essentielle de plaisir pour moi.
Il s’agit donc aujourd’hui d’une pratique complémentaire et très enrichissante (sauf sur le plan financier…) de l’observation et de la photographie amateur classique… et d’une bonne source d’occupation lorsque les semaines de mauvaise météo s’enchaînent ! En effet, ces nouvelles images m’ont encore permis de progresser au niveau du traitement en me confrontant à des problématiques nouvelles… progrès qui servent également mes images réalisées avec mon équipement personnel.
Le début de l’année 2019 a également été marqué par une bonne nouvelle, avec la première place au concours d’astrophotographie organisé par Atik pour l’année 2018.
Mon image du “triplet du Lion” a été récompensée par un jury composé de professionnel et d’un vote du public… avec à la clé un magnifique lot : une caméra Atik16200, disposant d’un capteur bien plus grand que celui de mon actuelle caméra !
Quelques mois après avoir reçu cette caméra (le temps de choisir les différents accessoires et filtres, ajuster le montage…), je peux enfin réaliser la première lumière.
Ce capteur est idéalement dimensionné pour la TSA-102 équipée du réducteur de focale, en exploitant l’ensemble du champ photo sans vignettage.
Bien que le capteur de la 16200 soit nettement moins sensible que celui de la Atik One, le champ photo est environ 4 fois plus grand, ce qui compense largement la moindre sensibilité en autorisant de photographier des cibles étendues en une seule prise, plutôt que de recourir à une mosaïque. Au global, le temps de pose sur ce type d’objets étendus est donc moindre, tout en simplifiant grandement l’acquisition ; la réalisation d’une mosaïque 2×2 (ou plus) étant toujours source de contraintes (surtout en nomade…) et de plus grande complexité au traitement.
J’espère que celle-ci me donnera autant de plaisir que “l’ancienne” (qui va rester en activité !) et donnera lieu à autant de belles prises de vues de notre Univers…
Comment poursuivre l’aventure ?
Au terme de ce petit récit, il me semble évident que mes prochains choix ne seront guidés que par trois objectifs : progresser, partager et, surtout, prendre du plaisir !
Sur ces trois aspects, je n’ai guère inquiétudes…
En terme de progression, il y a toujours moyen de s’améliorer, de repousser ses limites et de se fixer de nouveaux objectifs plus ambitieux que ceux déjà réalisés. Et l’astronomie fournit un champ d’études et d’observations tellement vaste qu’il serait pour le moins très présomptueux de prétendre en avoir fait le tour en seulement quelques photos !
Pour ma part, j’ai quelques idées de nouveaux projets pour les années à venir :
Sur le deuxième aspect, celui du “partage”, une première étape est la création de ce site, qui m’a demandé beaucoup de temps. J’ai essayé de faire en sorte qu’il propose un contenu assez fourni dès son lancement, mais le plus difficile reste de l’enrichir petit à petit. Mon souhait est qu’il puisse être utile à ceux qui le consulteront.
Dans tous les cas, les maîtres-mots resteront “passion” et “plaisir”. En écrivant cette chronologie, j’ai pris conscience que, trop longtemps au cours de ma pratique de l’astronomie, j’ai laissé les échecs et les frustrations occulter les sources de plaisir que procure cette passion.
Certes, la pratique de l’astronomie peut s’avérer frustrante, parfois même décourageante… mais toutes les déconvenues, les erreurs, toutes les soirées gâchées par la pluie, les casses de matériel, les pannes… toutes ces difficultés s’évanouissent lorsqu’on admire à l’Est, par une froide nuit d’hiver, le lever de la constellation d’Orion.
Il suffit alors de fermer les yeux, et de laisser son esprit s’abandonner à quelques rêves : les fabuleuses nébuleuses colorées qu’elle renferme, la tête de cheval, Bételgeuse… est-elle en train d’exploser en supernova en cet instant, alors même que je n’en saurai jamais rien ? Et combien d’autres mondes, d’autres vies, autour de ces milliers d’étoiles ? Quelqu’un la-bas regarde t-il notre Soleil, petite étoile perdue au loin, en se posant les mêmes questions ? Mes neurones, qui communiquent en ce moment même ces pensées, sont composés d’atomes créés il y a plusieurs milliards d’années au sein d’étoiles aujourd’hui disparues ; atomes eux-mêmes constitués de particules apparues quelques fractions de seconde après le Big Bang…
En rouvrant les yeux, tout cela est là, devant nous… mais caché, invisible, vertigineux.
Seuls quelques éclats de diamants disséminés dans l’immensité de l’Univers sont perceptibles à nos sens ; comme si le Cosmos lui-même n’avait laissé que quelques indices pour nous inciter à tenter de percer ses mystères.
Il appartient à chacun d’accepter cette invitation au rêve et à la découverte.
Les fragments d’étoiles présents en nous ne demandent qu’à répondre à l’appel de leurs lointaines parentes…
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