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Popularité : |
Nom : M94
Type : Galaxie spirale
Distance : 14 millions AL
Taille : 14,4′ x 12′ (60 000 AL)
Magnitude : 8,2
Meilleure période d’observation : Printemps
Située à environ 14 millions d’années-lumière dans la constellation des Chiens de Chasse, la galaxie M94 est assurément l’une des plus belles galaxies observables dans le ciel du printemps.
Bien qu’elle soit relativement moins photographiée que ses voisines plus célèbres (M51, M106, M81…), M94 présente pourtant des dimensions apparentes généreuses (14,4′ x 12′) ainsi qu’une luminosité assez importante (du moins pour sa partie centrale), ce qui permet d’envisager de la capturer avec un matériel et un temps de pose modestes. L’étude de sa structure globale, avec le « halo » extérieur, est des plus intéressantes mais suppose alors d’y consacrer un temps d’acquisition plus important.
Les clichés réalisés dans l’infrarouge et l’ultraviolet (voir ci-contre) permettent de bien mettre en évidence cette structure particulière, dont le diamètre dépasse les 45000 années-lumière autour du centre de la galaxie. Ce « disque » externe, bien que beaucoup moins lumineux, représente pourtant un quart environ de la masse stellaire totale de la galaxie.
Outre ces bras périphériques qui créent une impression visuelle de « halo diffus », M94 renferme une autre structure « interne » en forme d’anneau, à proximité du noyau.
Déjà bien visible sur une image amateur (comme dans l’exemple présenté ici, sous la forme d’un anneau bleuté), cette structure dévoile toute sa richesse et sa complexité sur les images professionnelles.
L’image réalisée par le télescope spatial (ci-contre) montre ainsi que cette structure consiste en réalité en un disque de formation d’étoiles d’environ 4000 années-lumière de rayon autour du noyau galactique : la densité d’étoiles bleues (étoiles jeunes, massives et très chaudes) et de nébuleuses HII est notablement plus élevée que dans le reste de la galaxie.
Cette structure est d’autant plus remarquable qu’elle contraste fortement avec le reste de la galaxie et notamment avec la zone du noyau, qui apparait très « lisse » et régulière en comparaison sur l’image obtenue par le HST.
Elle correspond en réalité à un « anneau à sursaut de formation d’étoiles » : des ondes de pression issues du noyau se déplacent vers la périphérie de la galaxie, en comprimant au passage le gaz et la poussière et entraînant une flambée de formations d’étoiles. En effet, ces ondes de pression viennent perturber les nuages moléculaires jusqu’alors en équilibre et provoquent un effondrement gravitationnel de ces derniers.
Ces nuages se densifient alors de plus en plus jusqu’à devenir suffisamment compacts et opaques pour que la formation d’étoiles puisse s’amorcer. Ces ondes de pression peuvent également contribuer à renforcer la densité des zones déjà en effondrement, conduisant à une véritable « flambée » de nouvelles étoiles, dont beaucoup d’étoiles géantes bleues, qui contrastent fortement avec les étoiles plus âgées situées dans le noyau et dans les régions plus périphériques des bras spiraux.
La formation en « anneau » illustre quant à elle le fait que ces ondes se déplacent depuis le centre vers les régions périphériques à une vitesse moyenne similaire dans toutes les directions (ce qui implique une densité isotrope du milieu interstellaire de la galaxie).
Se pose alors la question de savoir quel type de phénomène est à même de générer des ondes de pression aussi importantes, capables de se propager pendant des dizaines de milliers d’années-lumière jusqu’à la périphérie de la galaxie ? Et ce, d’autant plus que ces phénomènes sont loin d’être éphémères puisqu’ils peuvent persister de plusieurs centaines de millions d’années à quelques milliards d’années !
La première information importante à relever est que, statistiquement, ces anneaux à sursaut de formation d’étoiles se rencontrent davantage dans les galaxies spirales de type S0 à Sbc (ce qui comprend les galaxies Sab comme M94) et en particulier au sein des galaxies comportant une barre ou – dans quelques cas dont M94 – un noyau de forme ovale entrainant des effets de résonances similaires et conduisant à une accumulation de gaz dans certaines parties de la galaxie.
L’une des premières explications avancées dans ce cadre a été la vitesse de rotation des galaxies ; des recherches ayant établi qu’une vitesse de rotation supérieure à 120km/s entrainait une instabilité gravitationnelle du disque pouvant conduire à des effondrements localisés des nuages de gaz.
Une autre explication est la présence de galaxies satellites proches pouvant générer des effets de résonance dynamique (ce qui ne semble pas être le cas de M94 qui, bien que faisant partie du Groupe M106, est relativement isolée…).
Enfin, il a été mis en évidence le fait que ces anneaux se rencontrent majoritairement dans des galaxies à noyau actif, comme par exemple les galaxies dites « de Seyfert » dont M94 fait partie, qui comportent en leur sein un trou noir supermassif et particulièrement actif. Certains phénomènes très énergétiques au centre de la galaxie pourraient ainsi engendrer des ondes de pression assez importantes pour entrainer dans leur sillage de telles flambées de formation d’étoiles.
A ce jour, il n’y a donc pas d’unanimité parmi les astronomes sur le phénomène à l’origine de ces anneaux ; d’autant plus que M94 fait partie des très rares galaxies présentant cette double structure (interne et externe), ce qui limite les possibilités d’études comparatives.
Enfin, et pour complexifier encore un peu plus les choses, une étude menée en 2008 tend à démontrer que la galaxie M94 présente une caractéristique très rare pour une galaxie spirale : sa courbe de rotation présente un aspect « képlérien » (décroissant depuis le centre vers la périphérie), qui s’écarte radicalement des courbes observées sur les autres galaxies similaires où la vitesse de rotation tend à se maintenir constante sur l’ensemble du disque galactique.
Ce constat, observé sur un nombre considérable de galaxies de tous types depuis la fin des années 1970, notamment par l’astronome américaine Vera Rubin, a conduit à l’introduction dans l’astrophysique moderne de la notion de « matière noire » : une matière hypothétiquement inconnue ou du moins invisible et qui serait six fois plus importante que la matière « ordinaire » visible.
La nature exacte de cette « matière noire » – qui représenterait tout de même 27% de la densité d’énergie totale de l’Univers observable – demeure encore un mystère et constitue l’un des sujets d’étude les plus essentiels de l’astrophysique et de la cosmologie actuelle : naines brunes, trous noirs, particules massives, matière non-baryonique… les hypothèses ne manquent pas pour expliquer ce « déficit de masse » observé dans l’Univers.
Toujours est-il que le recours à cette « matière noire » est nécessaire pour expliquer l’observation de la vitesse constante de rotation des galaxies ; le déficit de masse visible en périphérie de la galaxie étant incompatible avec de telles observations. C’est pourquoi les astronomes postulent aujourd’hui que l’essentiel de la masse d’une galaxie serait constituée de matière noire, sous la forme d’un « halo » périphérique entourant la galaxie et maintenant l’équilibre de cette dernière.
Dans le cas de M94, la diminution de la vitesse de rotation liée à la distance au noyau va, au contraire, dans le sens d’une absence quasi-totale de matière noire… ce qui soulève d’autres questions, compte-tenu de la grande rareté de tels cas ! En particulier, si la présence de matière noire est présumée dans l’immense majorité des galaxies dans une très importante proportion (supérieure même à la matière visible), il faut alors expliquer pourquoi M94 en serait dépourvue, si elle l’a toujours été ou si la matière noire initialement présente a disparu au cours de l’évolution de la galaxie…
Une autre interrogation est que les différentes recherches mentionnées ci-dessus semblent contradictoires dans leurs conclusion, puisque si le halo extérieur représente bien 25% de la masse de la galaxie, la courbe de rotation ne devrait pas décroitre de manière aussi linéaire. On notera sur ce point qu’il est toujours plus difficile de mesurer la vitesse de rotation d’une galaxie vue de face et que ces mesures pourraient être remises en cause. Ces différentes conclusions doivent donc être prises avec précaution, en attendant des observations complémentaires.
Au final, beaucoup de questions qui demeurent encore sans réponse précise à ce jour… ce qui contribue à faire de M94 l’une des galaxies les plus intéressantes qui soient !
Cette image a été réalisée avec la TSA-102, mais pour une fois à pleine focale (f/8), sans réducteur. Ceci était bien sûr destiné à gagner en résolution et en détails dans la galaxie, mais également car cette image a été réalisée au cours de la même session d’acquisition que la galaxie M51, pour laquelle j’avais également retenu cette configuration… et il n’était pas question de tout changer en cours de nuit en cas d’alternance de cible !
Les acquisitions ont été faites avec la AtikOne 6.0, avec des filtres LRGB et Ha.
J’ai eu la chance de profiter de quelques très belles nuits au cours du mois de mai 2020 ; en l’occurrence de 4 nuits avec un ciel particulièrement propre, sans aucune humidité et avec une Lune absente… et un petit coup de pouce (involontaire ?) de la mairie de la commune où je me trouvais, qui a décidé de ne pas allumer l’éclairage public dans le quartier ! 🙂
Réalisant en priorité les acquisitions sur M51, le choix d’une cible complémentaire sur M94 n’est pas du au hasard puisque cette dernière présente à peu près les mêmes contraintes et difficultés : une galaxie assez lumineuse mais présentant des extensions très ténues. Le choix d’utiliser la pleine focale de l’instrument offre donc des avantages au niveau des détails obtenus dans les zones lumineuses, mais constitue également un handicap pour ce qui concerne la détection du signal dans les extensions périphériques.
Difficile de savoir a posteriori quel montage aurait été optimal, mais je pense en l’occurrence avoir fait le bon choix, notamment en raison de la grande qualité du ciel qui a permis réellement d’exploiter l’échantillonnage plus réduit, tout en limitant la perte de luminosité lié au rapport f/d plus élevé. L’utilisation du réducteur de focale aurait certes permis d’obtenir un signal identique en un temps deux fois plus court, mais ces images aurait présenté des détails moins fins ; alors qu’il s’agit – à mon avis – de l’un de leurs points forts.
Naturellement, un instrument avec une plus grande focale aurait permis d’obtenir des détails encore plus fins, mais dans la mesure où le but était justement de mettre le plus en évidence possible les extensions et halos ténus de ces galaxies, il s’agissait d’un bon compromis en terme de « niveau de détails / champ photo » (en tenant compte pour ce dernier paramètre du fait que les extensions pouvaient rapidement s’étendre au-delà du cadre si celui-ci était trop réduit…). Comme souvent, il est nécessaire de faire certains arbitrages sur les différents paramètres de ses acquisitions pour ce qui concerne l’échantillonnage, le champ et la luminosité du setup.
Au niveau du traitement, j’ai retenu pour cette image des couleurs moins saturées que pour M51. D’une part car l’objet s’y prête nettement moins (beaucoup moins de zones Ha notamment), mais également car le halo externe est très peu coloré et le rendu aurait été très étrange en cas de saturation excessive des couleurs dans la zone centrale de la galaxie… Le traitement en lui-même a été particulièrement long sur cette image, en raison d’un gros travail pour isoler le halo et le mettre en valeur tout en réduisant le bruit, notamment chromatique.
Matériel :
Takahashi TSA102 f/8
AZEQ6 via EQmod
Atik One 6.0 (-15°)
Guidage : OAG & Atik GP
Filtres Astronomik LRGB + Ha 6nm
Pixinsight – Photoshop
Acquisition :
L : 60 x 600s (bin1) + 15 x 180s (bin1)
R : 20 x 180s (bin2)
G : 20 x 180s (bin2)
B : 20 x 180s (bin2)
Ha : 12 x 600s bin1
Intégration totale : 15h45
Date(s) de prise de vue : 21-25 mai 2020
Comme la plupart des galaxies de dimensions assez réduites, M94 ne nécessite pas forcément de recommandations particulières quant à sa prise de vue… sous réserve de bien penser à tenir compte de son halo !
Le cadrage en lui-même ne pose donc guère problème : il suffit de disposer d’une focale adaptée au champ recherché. M94 peut être imagée en plan rapproché avec une longue focale, ou dans un champ plus large avec une focale plus courte ; dans les deux cas avec un résultat très esthétique. Attention cependant à ne pas trop descendre en focale, car la zone centrale de M94 où sont présents les plus beaux détails reste modeste, et la perte de détails peut s’avérer préjudiciable au résultat final.
Naturellement, un ciel dépourvu de pollution lumineuse, stable et transparent est toujours une condition essentielle à une bonne qualité d’image finale. Si la présence de la Lune est moins gênante que pour les faibles nébuleuses, il est malgré tout recommandé d’éviter les nuits avec une Lune supérieure à 50%. Outre le fait que la présence de celle-ci génère un gradient de luminosité variable d’une image à l’autre (qui reste gérable en utilisant les fonctions adaptées de retrait de gradient), ce sont surtout les couches couleur qui sont affectées et parfois difficiles à rattraper lors du traitement.
De la même manière, l’utilisation d’un filtre anti-pollution lumineuse est déconseillée, en raison de l’altération de l’équilibre colorimétrique, également complexe à corriger au traitement. En cas de ciel affecté par la pollution lumineuse, il est en effet préférable de réduire le temps de pose unitaire.
Si vous comptez mettre en valeur au maximum le halo périphérique et ténu (ce qui semble relativement indispensable pour réaliser une photographie digne de cet objet…), il faut absolument privilégier la période autour de nouvelle Lune afin de mettre toutes les chances de votre côté.
Si la zone centrale de M94 peut être imagée avec succès avec un temps de pose limité compte-tenu de sa luminosité, la mise en valeur du halo extérieur nécessite quant à elle un temps de pose conséquent… à ajuster également en fonction de la qualité du ciel. Dans ce cas, n’hésitez pas à augmenter le temps de pose global de manière conséquente. Comme on peut le voir sur l’image présentée ici, certaines structures observables au sein de ce halo demeurent très faibles malgré un temps de pose de 6h pour la couche de luminance. Certes, ma lunette était ici utilisée à f/8 et non à f/6 comme habituellement avec le réducteur (ce qui occasionne une perte de luminosité de 50% !), mais même avec un capteur sensible il faut bien compter au moins sur 4/5h sous un bon ciel sans Lune pour bénéficier d’un signal correct (et surtout exploitable proprement au traitement) sur ce halo.
Attention cependant, le noyau de M94 est particulièrement brillant et peut donc saturer le capteur si celui-ci est sensible et que vous posez trop longtemps. Ou, lors du traitement, si vous devez tirer sur les curseurs pour faire ressortir le halo, le centre de la galaxie se retrouvera saturé… Or, c’est dans cette zone que l’on peut espérer mettre en valeur de très beaux détails ! Pour réussir à mettre en valeur à la fois ces détails et le halo externe très faiblement lumineux, il est donc nécessaire de prévoir une série de poses courtes en complément des poses longues, en vue d’une intégration HDR de ces images lors du traitement.
Le temps de pose unitaire de ces poses courtes doit donc être adapté en fonction du setup afin de ne pas entraîner une saturation du capteur dans la zone centrale riche en détails. Pour ma part, lors des acquisitions pour cette image, j’ai réalisé en complément des poses longues de 600s, deux séries de poses courtes de 300s et de 60s :
Le but n’était pas de cumuler l’ensemble de ces séries de poses : je ne savais juste pas évaluer précisément quelle série permettrait de réaliser au mieux la combinaison HDR lors du traitement ! 🙂
Au final, la série de 180s permettait d’éviter toute saturation du noyau, tout en offrant un meilleur rapport signal sur bruit : c’est donc cette série qui a été retenue pour la combinaison HDR et la série de 60s n’a pas été utile.
Enfin, comme pour la plupart des galaxies vues de face, la réalisation d’une couche Ha permet de sublimer un peu plus M94. Même si cette galaxie n’est pas aussi riche que d’autres en la matière, les quelques régions HII présentes dans les bras spiraux et dans le disque interne de flambée d’étoiles permettent de rehausser les couleurs.
Inutile de poser trop longtemps pour la couche Ha : les régions HII sont suffisamment brillantes pour ressortir assez rapidement et il est illusoire d’espérer mettre en évidence d’autres régions « cachées » dans le halo externe. Une série d’une dizaine de poses de 300s fait déjà largement l’affaire. Si possible, je vous recommande de privilégier du bin1 pour ces acquisitions, afin de gagner en finesse lors de l’intégration à la couche RGB. Certaines régions HII sont en effet assez petites et proches, et l’utilisation du bin2 peut dès lors être assez préjudiciable (tout dépend cependant de votre échantillonnage).
Petit conseil pratique : sous nos latitudes, M51 passe quasiment au zénith dans le ciel lors de son passage au méridien. Dans ces conditions, le pare-buée devient inefficace. Il est donc nécessaire d’utiliser une résistance chauffante sur les optiques fermées (lunettes, Schmidt-Cassegrain…) et de surveiller régulièrement les éventuels dépôts de buée. Attention également à l’éventuelle butée du tube contre le trépied lors du passage au méridien…
L’avantage avec les très faibles extensions de galaxies, c’est qu’il est toujours bénéfique de poser le plus possible !
Rien n’empêche donc les astrophotographes motivés et disposant d’un temps conséquent de réaliser de très longues poses sur cet objet (tant pour les poses unitaires que pour le temps d’acquisition global) afin de mettre en valeur encore mieux les structures au sein du halo périphérique. Attention toutefois, il est illusoire de chercher à mettre en évidence la structure des bras spiraux dans le halo externe en lumière visible…
L’image ci-contre, réalisée par R. Jay Gabany avec un télescope de 500mm de diamètre et 10h de pose, constitue un exemple un peu extrême de cette ambition !
La difficulté essentielle lors du traitement est de faire ressortir de manière correcte le halo extérieur de la galaxie sur la couche de luminance.
A cette fin, le travail commence dès le prétraitement, avec une sélection drastique des brutes à empiler. N’hésitez pas à exclure les images juste « moyennes » qui vont venir dégrader le résultat final, ou à tout le moins à pondérer les brutes en privilégiant fortement celles disposant du meilleur rapport signal sur bruit. A ce titre, il est recommandé d’empiler le maximum de brutes disponibles et d’un rapport signal sur bruit homogène, sans trop se préoccuper des autres facteurs tels que FWHM ou excentricité (on cherche ici à disposer du maximum de signal sur les extensions, et celles-ci ne présentent aucun détails prononcés). Portez une attention particulière à la valeur « Median » pour vous aider à apprécier la luminosité globale du fond de ciel entre vos différentes images.
Je vous recommande également si besoin d’utiliser la fonction « Local Normalization » lors du prétraitement, afin d’optimiser l’aspect du fond de ciel et des nébulosités. Attention toutefois : dans ce cas, accordez une attention toute particulière au choix de l’image de référence ! Celle-ci doit présenter un très bon rapport signal sur bruit, une valeur Median la plus basse possible, et bien sûr ne présenter aucun défaut apparent (tels qu’une trace de satellite). Au besoin, vous pouvez effectuer plusieurs essais de normalisation et d’empilement avec des images de référence différentes pour apprécier le rendu. Et, naturellement, procédez à un empilage sans recourir à la fonction LocalNormalization afin d’apprécier le gain (ou non) apporté par l’opération.
Sur ces aspects (sélection, pondération et LocalNormalization), je vous invite à consulter le tutoriel dédié au prétraitement pour plus d’informations.
Au niveau du traitement lui-même, la première étape (en dehors d’un éventuel retrait de gradient si nécessaire) est de combiner les images à long temps de pose et les images à court temps de pose pour « décramer » la région du noyau galactique, dont la luminosité peut être saturée sur les images longues poses. Avec Pixinsight, cette opération se réalise assez simplement dès le mode linéaire avec le process HDRCombination. Ce process particulièrement efficace va générer lui-même les masques nécessaires à l’opération, qui se déroule très souvent sans difficulté particulière. Une fois la combinaison de ces deux images réalisées, le traitement peut se poursuivre sur l’image mixée de la même manière que sur une image classique.
Avec Photoshop, cette opération est beaucoup plus complexe à bien réaliser et suppose de concevoir des masques très finement adaptés, sous peine que le mixage soit visible. Pour des raisons évidentes, cette opération doit être réalisée en mode non-linéaire, une fois la montée d’histogramme réalisée… C’est sur ce point en particulier que se démontre la puissance de Pixinsight, qui permet de réaliser cette opération sur les images linéaires, ce qui ouvre des possibilités de traitement bien plus variées ensuite.
Pour une présentation détaillée sur la manière de combiner des images de différents temps de pose, je vous invite à consulter le tutoriel dédié à l’assemblage HDR.
Une fois l’image HDR réalisée, il n’est pas possible de procéder à une montée d’histogramme classique jusqu’à obtenir une belle mise en valeur du halo, car la luminosité de celui-ci est très faible et cela conduirait à la saturation du centre de la galaxie et de certaines étoiles brillantes, ainsi qu’à devoir couper brutalement les niveaux bas dans le fond de ciel. Il en résulterait une image à l’aspect très altéré, avec un fond de ciel trop noir, des étoiles trop grosses, une galaxie trop brillante et sans détails, le tout sans réelles zones de transition entre le fond de ciel et le halo… L’exemple même de ce qu’on appelle souvent une image « brutale » ou « sur-traitée ». Par ailleurs, trop tirer sur l’histogramme pour faire ressortir le halo entraîne de manière inévitable un empâtement des détails dans la galaxie et une perte de zone de transition acceptable entre la galaxie et le fond de ciel ; ce qui peut donner un effet de « collage » très artificiel entre les deux composantes.
Il faut donc procéder plus en finesse et par étapes successives jusqu’à trouver le bon équilibre. La première étape est de privilégier une montée d’histogramme qui permette de mieux exploiter la dynamique globale de l’image, par exemple au moyen des process MaskedStrech ou ArcsinhStretch. Les extensions les plus ténues seront plus simples à faire ressortir du fond de ciel après une telle montée d’histogramme. A noter que l’image RGB peut également être traitée de la même manière afin de préserver au maximum les couleurs… Contrairement à la zone centrale de la galaxie, qui est assez colorée, il ne faut pas espérer beaucoup de couleurs dans la région du halo… Obtenir une teinte légère qui ne soit pas uniformément « grisée » est déjà un beau résultat qui apportera un « plus » à l’image finale.
L’image « de base », ainsi obtenue doit déjà être relativement équilibrée et présenter une dynamique globale acceptable : un halo visible, un fond de ciel et des étoiles corrects, une zone centrale de la galaxie lumineuse (mais pas trop « plate » dans sa dynamique). Dans le cas contraire, il est préférable de renouveler l’opération pour aboutir à une image acceptable, car les traitements ultérieurs vont chercher à améliorer chacun de ces aspects, mais ne pourront pas les modifier du tout au tout !
Il est également recommandé de réaliser une montée d’histogramme classique (log+curseurs) à partir de la même image linéaire. Nous obtenons ainsi une image présentant moins de signal dans le halo, mais préservant davantage les étoiles ainsi que les détails et la dynamique au sein de la galaxie. Si votre image présente des détails intéressants, n’hésitez pas à procéder à une déconvolution en tout début de traitement.
Vous pouvez ensuite envisager de mixer ces deux images afin de conserver les bons aspects de chacune d’entre elles. La version mixée doit présenter à la fois un bon signal dans le halo, des détails fins dans le centre de la galaxie (qu’il est possible d’accentuer encore davantage ensuite avec les process appropriés) et des étoiles d’aspect correct.
Une autre manière de procéder, sur de telles images présentant des zones très ténues à mettre en valeur et d’autres zones plus brillantes, est (toujours sur la base de la version HDR) de traiter la luminance en mode « starless » (au moyen des process StarNet ou StarXTerminator) afin d’isoler d’un côté les objet et de l’autre les étoiles. Il est ensuite possible d’appliquer des traitements distincts sur l’une des images sans altérer l’autre ; en particulier l’ajustement d’histogramme et la montée de niveaux, le retrait de bruit ou encore l’accentuation des détails sur la couche « objets », sans dégrader au passage les étoiles.
Attention toutefois, si cette technique peut se révéler très efficace, elle implique une bonne maîtrise afin que la « réintégration » des étoiles dans l’image soit invisible ! En cas de montées d’histogramme distinctes par exemple, la réintroduction des étoiles peut rapidement devenir très artificielle et ruiner tout le bénéfice escompté… Si vous n’êtes pas à l’aise avec cette méthode, il est préférable de réaliser de tels ajustements une fois la montée d’histogramme réalisée. Mais le plus efficace reste bien sûr de procéder ainsi avec l’image encore en mode linéaire !
En mode linéaire, attention également aux masques utilisés, afin que l’ensemble une fois réassemblé ne présente pas un aspect « collage » des plus inesthétiques. Sur ce point, prenez garde à ne pas utiliser systématiquement l’image des étoiles extraites de l’image par le process starless en tant que masque d’étoiles, même si le retrait est précis : l’image peut servir pour la réintroduction mais son usage en tant que masque peut nécessiter quelques ajustements.
Pour en savoir plus sur les avantages et les inconvénients de ces deux process de retrait d’étoiles, je vous invite à consulter cet article dédié.
Il est ensuite possible d’affiner (plus ou moins selon vos goûts personnels) l’image obtenue avec différents traitements, en jouant sur le rendu de la partie centrale de la galaxie, des extensions, voire des étoiles (même si toute manipulation sur les étoiles prises isolément est souvent périlleuse !).
Pour ce faire, il peut être nécessaire de créer différents masques, afin de procéder à des traitements localisés, par exemple :
En combinant ensuite plusieurs de ces masques (et éventuellement en les inversant au besoin…), il va être possible de traiter de manière plus efficace et localisée certaines composantes de l’image, sans altérer les autres.
A noter que sur les masques de luminosité, et sauf à ce que vous travailliez déjà en starless, il est recommandé de soustraire le masque d’étoiles, afin de ne conserver que les zones de la galaxie et des extensions sans risquer d’affecter l’aspect des étoiles lors des traitements suivants. A mon sens, cette phase de création de masques est la plus complexe : de bons masques, adaptés et progressifs, permettront des traitements simplifiés et efficaces ; alors que des masques approximatifs vont dégrader l’image (création d’artefacts, de zones de transition brutales, halos d’étoiles renforcés, etc.). Il convient donc d’y passer le temps nécessaire et ne pas hésiter, au fur et à mesure des traitements, à actualiser ces masques. Attention également à ne pas « créer » de l’information avec ces masques (par exemple en conservant des zones de fond de ciel dans le masque dédié aux extensions) !
L’étape la plus délicate est bien sûr de mettre en valeur le signal du halo. Je vous recommande de procéder à des ajustements minimes et successifs avec le masque dédié et l’outil « courbes » ; en montant très progressivement les niveaux. Attention, cela implique un masque parfaitement adapté et très progressif (avec le cas échéant un léger floutage du masque), à défaut de quoi les modifications se voient immédiatement. Il est donc parfois nécessaire de refaire un masque adapté après chaque modification. Cette opération peut demander de nombreux ajustements successifs pour parvenir à un résultat correct…
Une difficulté supplémentaire, outre l’ajustement de la luminosité des extensions, est de veiller à conserver des zones de transition parfaitement cohérentes, d’une part avec le fond de ciel et, d’autre part, avec la zone centrale de la galaxie. Cette difficulté est accentuée sur M94 où le halo n’est pas réparti de manière homogène autour des bras spiraux (on remarque certains « trous » entre la zone centrale et le halo, qui doivent être pris en compte sous peine de fausser le résultat !).
A chaque étape, il convient également de veiller à ce que le bruit dans les extensions reste acceptable, et procéder si besoin à une (très) légère réduction de bruit avec le même masque. Attention à conserver des étoiles satisfaisantes à chacune des étapes, et surtout à ce que celles-ci ne soient pas « noyées » dans les extensions ! Pour rappel, les étoiles sont bien situées devant la galaxie… il ne faut pas que l’image finale donne l’impression du contraire ! 🙂
Il est ensuite possible de chercher à améliorer les détails visibles dans la zone centrale de la galaxie ; ce qui est ici une opération plus simple car la zone à traiter est bien identifiée. Les fonctions HDRMultiscaleTransform ou LocalHistogramEqualization donnent en général de très bons résultats (en particulier si vous avez procédé à un assemblage HDR), sous réserve de procéder à quelques essais pour déterminer les valeurs optimales à appliquer.
Pour en savoir plus sur la mise en œuvre de ces process de rehaussement de détails, je vous invite à consulter le tutoriel dédié à HDRMT, ainsi que le tutoriel plus général consacré à l’amélioration des détails avec Pixinsight, ainsi que le tutoriel spécifique à Photoshop le cas échéant.
Inutile de s’appesantir ici sur l’étape de réduction de bruit dans le fond de ciel : celle-ci est des plus simples en comparaison des traitements précédents et sera d’autant plus simple que vous avez pris garde à préserver les étoiles lors des étapes précédentes. Je vous renvoie pour plus de détails au besoin au tutoriel dédié au traitement simple d’une image monochrome.
La dernière étape est la préparation de l’image RGB (notamment avec l’intégration éventuelle de la couche Ha, en veillant à limiter le bruit chromatique. Cette étape ne présente, pour M94, pas de spécificités notables. Vous pouvez consulter le tutoriel dédié sur ce point au besoin. Pour cette image de M94, le mélange avec PixelMath a donné les meilleurs résultats en permettant de cibler précisément les ajouts à apporter. A noter toutefois que les couleurs de M94 ne sont pas très prononcées… attention donc à ne pas trop monter les curseurs en luminance sous peine d’avoir quelques difficultés à mettre les couleurs en valeur ensuite lors de l’assemblage LRGB. N’hésitez pas à pousser un peu la saturation en cas de besoin. L’utilisation du process PCC (PhotometricColorCalibration) donne de bons résultats sur cette galaxie.
Il ne reste plus qu’à procéder ensuite à la fusion de la couche RGB-Ha avec la couche luminance pour parvenir à l’image LRGB(Ha). Le script LRVB_AIP est parfait pour réaliser cette opération.
Enfin, il convient de vérifier sur l’image LRGB finale la cohérence de la dynamique globale de l’image et de s’assurer que les zones de transition sont imperceptibles. Il est beaucoup plus simple pour réaliser cette étape finale sous Photoshop et de gérer les différentes parties de l’image (fond de ciel, étoiles, halos, galaxie) sous la forme de différentes couches, en les fusionnant avec des masques de fusion adaptés et en jouant sur la transparence de chaque calque.
Le but, et toute la difficulté de l’opération, est de parvenir à assembler ces différentes couches en conservant à l’image l’aspect le plus naturel possible. Attention en ce sens à ce que la luminosité du halo ne soit pas trop proche de celle de la galaxie ; ce qui ne refléterait pas la réalité physique de l’objet.
Pour cette image, le principal reproche qu’on peut lui faire est un certain manque de détails dans la zone centrale (même si le résultat est – objectivement – plutôt satisfaisant compte-tenu du diamètre de l’instrument utilisé, 102mm). Il serait donc intéressant de la refaire avec un instrument disposant de plus de focale… à condition de bénéficier d’un ciel d’aussi bonne qualité !
Disposant déjà d’une image convenable pour la partie du halo externe, il serait possible de combiner ces deux images pour améliorer la résolution dans le centre de la galaxie, tout en conservant le signal déjà acquis pour cette image.
De manière similaire, l’autre option est aussi possible : poser plus longtemps avec un instrument plus ouvert pour améliorer le signal sur le halo, et conserver la partie centrale de cette image….
En tout état de cause, de tels compléments ne sont pas d’actualité aujourd’hui car le résultat obtenu avec cette image me satisfait déjà pleinement ; et il s’agit à mon avis de l’une de mes meilleurs images de galaxies à ce jour.
Si l’espace commentaires n’est pas accessible, consultez le guide pratique pour y remédier !
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