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Nom : NGC 6888 – Nébuleuse du Croissant
Type : Nébuleuse en émission – Etoile de Wolf-Rayet
Distance : ~4700 AL
Taille : 18′ x 12′ (25AL)
Magnitude : 7,4
Meilleure période d’observation : Eté
La nébuleuse du Croissant (NGC 6888) est une nébuleuse en émission située dans la constellation du Cygne, à environ 5 000 années-lumière.
Cette enveloppe de matière est produite par une étoile d’un type très particulier, une « étoile Wolf-Rayet » du nom des deux astronomes de l’observatoire de Paris qui ont découvert grâce à la spectroscopie ce type d’étoiles en 1867.
Les étoiles de type Wolf-Rayet (WR) sont des étoiles chaudes, probablement issues d’étoiles de type spectral O et B (c’est à dire les étoiles les plus chaudes et les plus massives existantes) qui viennent de quitter la séquence principale et abordent donc les dernières étapes de leur vie.
Pour bien comprendre ce qui suit, il faut procéder à trois rappels simples mais essentiels sur la physique des étoiles :
La fin de la séquence principale d’une étoile correspond au moment où l’étoile a fini de consumer l’essentiel de son carburant de base qu’est l’hydrogène. Seules les étoiles suffisamment massives peuvent ensuite enclencher les réactions de fusion de l’hélium. Une fois l’hélium consumé, l’absence de ces éléments légers entraine une contraction du cœur de l’étoile et une forte augmentation de la température, qui permet à l’étoile de « survivre » avec des réactions basées sur des éléments plus lourds, qui nécessite plus d’énergie mais continuent de générer plus d’énergie qu’elles n’en demandent (réactions exothermiques).
Pour les étoiles de moins de 8 masses solaires, l’aventure s’arrête avec la création de carbone et d’oxygène. L’étoile expulse ses couches externes sous la forme d’une nébuleuse planétaire et son cœur se contracte en naine blanche.
Pour les étoiles plus massives, les réactions se poursuivent jusqu’à la création d’un noyau de fer. Une fois ce stade atteint, il n’existe plus aucune réaction permettant à l’étoile de générer suffisamment d’énergie pour contenir l’effet de la gravité par la force radiative. En effet, tant la fusion que la fission du fer sont des réactions endothermiques, qui nécessitent plus d’énergie qu’elles n’en créent. Dans tous les cas à ce stade, l’étoile va finir sa vie en supernova ; évènement cataclysmique qui résulte de l’expulsion dans l’espace d’une quantité d’énergie et de matière phénoménale. Pour le cœur de l’étoile en revanche, tout dépend encore une fois de la masse : les moins massives aboutiront à la création d’une étoile à neutrons, les plus massives à la création d’un trou noir.
Les étoiles de type Wolf-Rayet impliquent des étoiles d’une masse supérieure à au moins 15, voire 25 masses solaires (selon la métallicité) ; et les recherches actuelles tendent à démontrer que ces dernières aboutissent inévitablement à une supernova.
Lorsque ces étoiles quittent leur séquence principale, plusieurs types de réactions impliquant la fusion de différents éléments – hydrogène et hélium notamment – sont à l’œuvre simultanément dans le noyau et dans différentes couches de l’étoile. Il en résulte une instabilité (effondrement puis rebond des couches) qui conduit à l’expulsion à très grande vitesse de la matière entourant le noyau sous forme de vent stellaire.
Ce vent stellaire, beaucoup plus massif, rapide et jusqu’à un milliard de fois plus énergétique que le vent solaire, est ensuite ionisé par le rayonnement ultraviolet intense de l’étoile. Le vent stellaire comprime également le gaz de la nébuleuse environnante, tandis que le rayonnement ultraviolet ionise celui-ci.
Le Croissant, visible sur la photographie présentée ici, matérialise donc la zone d’influence du vent stellaire de l’étoile centrale WR-136, dont la température de surface est extrêmement élevée et estimée à 70 000K. Cette bulle est de dimension considérable puisqu’elle s’étend sur 25 années-lumière de longueur ! A titre de comparaison, l’héliosphère du Soleil, c’est à dire la zone d’influence de ses vents solaires, n’excède pas les 12 heures-lumière.
La matière composant l’enveloppe ayant été éjectée de l’étoile il y a 400 000 ans, il est donc possible d’estimer sa vitesse d’expansion actuelle à environ 50 km/s. Lors de l’éjection, la vitesse était cependant beaucoup plus importante, estimée à 1400 km/s.
Contrairement à la nébuleuse de la Bulle, générée par le même phénomène mais de forme quasiment sphérique, la nébuleuse du Croissant est beaucoup plus étirée dans un sens que dans l’autre. Cette asymétrie est due aux différences de densité de la nébuleuse dans les différentes directions.
Les chercheurs estiment que WR-136 devrait exploser en supernova dans un futur « proche » (à l’échelle de l’Univers), d’ici 100 000 à 1 million d’années.
Cette image a été réalisée avec une TSA 102 et une caméra CCD AtikOne6 (monochrome), en août 2016 depuis la Charente-Maritime.
Il s’agit de ma première image à la CCD, qui se voulait avant tout un test du nouveau matériel en essayant les différents filtres à ma disposition. J’espérais également pouvoir faire différents tests de traitement avec les multiples couches ainsi réalisées.
Au final, après beaucoup d’heures passées à étudier en détail les différents aspects du traitement des images APN, le traitement des images CCD m’a semblé beaucoup plus simple ! Pas forcément en terme de réglages ou de process à utiliser, mais parce que la qualité des images est, de base, bien supérieure : moins de bruit, meilleure résolution, toutes les couches sont monochromes et pas à debayeriser comme sur les APN, etc.
Un ami, qui est également passé par l’APN avant la CCD, m’a un jour dit cette phrase que je trouve parfaitement pertinente et qui résume bien mon sentiment : « Avec l’APN, mon but au traitement était d’améliorer l’image ; avec la CCD, mon but est que le traitement n’altère pas trop la qualité des brutes !« .
Même si ces premiers traitements CCD sont perfectibles (surtout pour la version LRGB et notamment l’aspect des étoiles), je les trouve plutôt satisfaisants, même avec un certain recul et plus d’expérience aujourd’hui. Ce qui devait juste être un « test » a débouché au final sur l’une de mes images préférées, pour la version HOO.
Pour la version LRGB, la luminance a été mixée en partie avec la couche Ha ; ce qui permet de gagner du signal sur la nébuleuse et également sur le fond de ciel. La couche luminance a ainsi été réalisée en combinant la couche L pure (sans CSL-CCD) et la couche Ha pour un résultat plus naturel qu’un mix classique HaRGB.
A noter que si la version LRGB a été réalisée sous un ciel sombre sans Lune, les couches H et O ont quant à elles été réalisées sous une Lune quasiment pleine (94% et 89%). Pour autant, la qualité du signal enregistré est particulièrement satisfaisante, en particulier avec le filtre Ha. La bande passante restrictive des filtres (6nm) apporte sur ce point un bénéfice indéniable. C’est là un des grands avantages de la CCD par rapport à l’APN : il est possible d’exploiter beaucoup plus de nuits d’observations, y compris lors de la Pleine Lune ou sous un ciel affecté par la pollution lumineuse, en ayant recours à ces filtres SHO très sélectifs.
Comme vous pouvez le constater, ces deux images ne sont pas absolument identiques en terme de champ. La raison est simple : la version LHa-RGB suppose la réalisation de 5 images différentes, et la version HOO seulement 2. Ces acquisitions étant réalisées sur plusieurs nuits différentes, le recadrage n’est pas parfaitement reproduit ; ce qui conduit à croper plus ou moins l’image. Et le risque d’erreurs et d’imprécisions est d’autant plus grand que le nombre d’images à réaliser est important…
Matériel :
Takahashi TSA102 f/6
AZEQ6 via EQmod
AtikOne6 (-5° / -15°)
Guidage : OAG & Atik GP
Filtres Astronomik LRGB & Ha & OIII 6nm
Pixinsight – Photoshop
Acquisition :
L (CLS CCD) : 30 x 300s bin 1
R : 6 x 180s bin2
G : 6 x 180s bin2
B : 6 x 180s bin2
Ha : 18 x 600s bin1
OIII : 12 x 600s bin2
Intégration totale : 5h (HOO) 3h20 (LRGB)
Date(s) de prise de vue : 7 & 8août 2016 (LRGB) – 16 & 21 août 2016 (HOO)
Il s’agit de ma première image réalisée avec la CCD AtikOne6, le soir même de sa livraison, en août 2016 ! J’ai reçu un vrai choc en voyant les premières brutes, réalisées en Ha, s’afficher sur l’écran : le gain en résolution, en signal et en qualité d’image était incroyable comparé à l’APN (pourtant défiltré) !
Cette première image était évidemment l’occasion de tester la caméra, et les possibilités de traitement, au maximum. C’est pourquoi j’ai réalisé des poses avec quasiment tous les filtres à ma disposition : L, CLS-CCD, R, G, B, Ha et OIII, sans avoir d’idée précise sur la manière dont je pourrais traiter toutes ces images ensuite…
J’ai donc réalisé ces deux versions, HOO et LHa-RGB, mais d’autres combinaisons auraient été possibles ; notamment récupérer les couleurs des étoiles de la version LRGB pour les insérer sur la version HOO. Je réaliserai peut-être à l’occasion ce traitement complémentaire et le partagerai avec vous ici.
Comme toutes les nébuleuses en émission, le Croissant émet l’essentiel de son rayonnement dans le rouge. Il est donc parfaitement possible de réaliser une image de celui-ci avec un APN défiltré, moyennant un temps de pose assez conséquent.
C’est cependant avec une caméra CCD, et l’utilisation d’un filtre Ha, que NGC 6888 révélera au mieux les détails de sa structure et les finesses de ses extensions les plus ténues.
En LRGB, il est possible de conserver des temps de pose raisonnables pour les couches couleurs (1h par couche par exemple) afin de privilégier l’intégration de la couche Ha, qui pourra servir de Luminance (ou à renforcer cette dernière), et/ou à renforcer la couche Rouge.
Il est bien sûr possible de réaliser une image de cette nébuleuse en version SHO, mais la palette Hubble aboutit à une très forte dominante de la couche verte dans les nébulosités du fond de ciel, et à un croissant assez uniformément bleu ; combinaison que je trouve personnellement assez peu esthétique sur cet objet… sauf à l’intégrer dans un champ bien plus large comprenant d’autres zones des nébulosités de la région de Sadr.
C’est pourquoi j’ai préféré opter pour une version narrowband bicolore (HOO) de cet objet : les couleurs obtenues au final sont assez proches de la version LRGB (pour la nébuleuse, pas pour les étoiles…) et la couche O permet de faire très bien ressortir l’enveloppe bleutée autour du Croissant. Le contraste final est saisissant ! Pour la couche Ha, il est important de conserver la résolution maximale de la caméra (bin1) afin de saisir au mieux l’ensemble des détails dans la structure de la nébuleuse. Pour la couche O, l’enveloppe bleutée ne présentant pas des détails aussi fins, il est parfaitement possible d’opter pour une acquisition en bin2, qui permettra par ailleurs de diminuer fortement le temps de pose.
En soignant le cadrage et en fonction du champ couvert par votre combinaison optique-caméra, il est possible de saisir des draperies magnifiques dans le fond de ciel. N’hésitez pas à décentrer le croissant au besoin afin de saisir au mieux les nébulosités qui vous semblent les plus esthétiques !
Avec une focale assez courte (600mm) ou un capteur de moyen format, il est possible de saisir sur la même image la nébuleuse du croissant et la fine « bulle de savon », petite nébuleuse planétaire qui rayonne essentiellement en OIII, et aussi légèrement en Ha.
Il est recommandé de décaler le croissant au cadrage et de bien vérifier au préalable la présence de la « bulle » dans le champ avant de lancer la série de poses. Attention cependant, la bulle est quasiment invisible sur des brutes de 600s, pourtant réalisées avec un capteur sensible tel que le ICX694 ! Celle-ci n’apparait réellement qu’après l’empilement d’un nombre conséquent de brutes, et encore… assez faiblement. Ceci explique pourquoi cette nébuleuse n’a été découverte, dans cette région du ciel pourtant très fréquentée par les astrophotographes, qu’en juillet 2010 par un amateur !
Le plus simple, pour ne pas se tromper, est encore de s’assurer au préalable de la position exacte de la bulle au moyen d’un logiciel de carte du ciel… encore faut-il que celui-ci référence bien cet objet, ce qui n’est pas le cas de Stellarium par exemple (la référence exacte de cet objet n’est pas si simple à trouver : PN G75.5+1.7).
Attention : en raison de sa très faible luminosité, un ciel bien sombre et transparent est nécessaire pour espérer faire apparaître la « bulle de savon » sur l’image finale !
Le traitement de cet objet en LRGB peut rester très classique. Le Croissant lui-même est suffisamment lumineux et contrasté pour qu’une montée d’histogramme habituelle (logarithmique + montée fine) soit suffisante.
Si une couche Ha a été réalisée, il est possible de l’intégrer à l’image LRGB, soit sur la couche de Luminance, soit sur la couche Rouge. Pour la couche de Luminance, il est même possible de n’utiliser que la couche Ha ; mais je conseille toutefois un mix des deux images L et Ha afin de conserver un rendu plus naturel. La couche Ha apportera un signal bien plus contrasté que la couche L classique, avec en plus des étoiles plus ponctuelles.
Attention également, si la couche Ha est utilisée à la fois pour renforcer la Luminance et la couche Rouge, un déséquilibre colorimétrique peut en résulter, avec une forte prédominance du rouge dans l’image et un aspect « saumoné » de celui-ci. Cet aspect rose-délavé peut être corrigé avec la fonction « Correction sélective » de Photoshop, mais pas totalement rattrapé. Pour ma part, je préfère pour cette raison renforcer l’une ou l’autre des couches L ou R, mais pas les deux.
Autre difficulté de ce mix L-Ha : les étoiles seront bien plus ponctuelles sur la couche Luminance que sur les couches couleurs ; ce qui implique de procéder à une réduction d’étoile adaptée sur les couches RGB avant l’assemblage des couches Luminance et Couleurs. Ce souci est bien sûr accentué dans le cas où la couche Ha soit utilisée comme luminance pure.
Par ailleurs, en LRGB, ce champ en pleine Voie Lactée est très riche et dense en étoiles. Il est donc recommandé de procéder à une réduction d’étoiles afin de mieux mettre en valeur la nébuleuse elle-même.
En SHO ou HOO, ces problèmes sont moins sensibles, dans la mesure où les deux couches présenteront des étoiles d’autant plus réduites que les filtres utilisés sont restrictifs. Les étoiles sont cependant moins ponctuelles sur la couche OIII que sur la couche Ha, ce qui obligera, si la différence est trop perceptible, à une réduction d’étoile sur la seule couche O, afin de limiter les halos sur l’image finale.
Pour mieux mettre en valeur l’enveloppe bleutée, il est possible de lui appliquer des traitements localisés, en utilisant la couche O elle-même comme masque. L’outil « Correction Sélective » de Photoshop permet également d’affiner la teinte exacte que l’on souhaite donner à cette enveloppe.
Quelque soit la version, les détails sont si nombreux dans la structure de la nébuleuse qu’il est recommandé de les rehausser avec des process adaptés. Un renforcement des détails, que ce soit sous Pixinsight avec la fonction HDRMultiscaleTransform, ou sous Photoshop au moyen de la fonction d’AstroTools Local Contrast Enhancement, donne de très bons résultats. Dans les deux cas, des masques adaptés doivent être créés au préalable afin de limiter l’application de ces process aux seules zones les plus lumineuses (par exemple avec le process RangeSelection). A défaut, des artefacts peuvent apparaitre dans les zones moins lumineuses.
Pour en savoir plus sur la mise en œuvre de ces différents process de rehaussement de détails, je vous invite à consulter le tutoriel dédié à HDRMT, ainsi que le tutoriel plus général consacré à l’amélioration des détails avec Pixinsight, ainsi que le tutoriel spécifique à Photoshop le cas échéant.
Petite info utile : en plein centre du Croissant, vous constaterez la présence d’une sorte de « trou » très sombre. Il ne s’agit pas d’un artefact ou d’un défaut de prise de vue ou de traitement, mais bien d’une région plus obscure et compacte.
Ci-dessous, une comparaison des version LRGB et HOO :
Sans hésiter : cadrer mieux afin de saisir la « bulle » sur la même image !
Cela étant, il faudra prévoir plus de temps de pose sur la couche OIII pour saisir la « bulle » au mieux…
MAJ : j’ai peu à l’été 2018 réaliser de telles poses, afin de compléter mon image de 2016 et réaliser ainsi une mosaïque intégrant la nébuleuse du Croissant et la nébuleuse de la Bulle de savon ! En réalité une « demi-mosaïque » car les champs ne pouvaient pas être adjacents. Le résultat est visible ici.
Si l’espace commentaires n’est pas accessible, consultez le guide pratique pour y remédier !
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