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Nom : NGC 7000 – Caldwell 20 – Nébuleuse America
Type : Nébuleuse par émission
Distance : ~1800 AL
Taille : 6° (50/150 AL)
Magnitude : 6
Meilleure période d’observation : Eté
La nomenclature NGC 7000 désigne la plus importante des nébuleuses d’un complexe plus vaste, située dans la constellation du Cygne, proche de l’étoile Deneb. C’est d’ailleurs cette étoile, une supergéante bleue et l’une des plus grosses étoiles connues de la Voie Lactée, qui illuminerait par son rayonnement intense les nuages d’hydrogène de cette région. Le conditionnel reste cependant de mise, puisque ni la distance exacte ni la taille réelle de cette nébuleuse ne sont encore connues de manière certaine… La dernière estimation en date de sa distance, basée sur la mesure de sa parallaxe, est d’environ 1500 années-lumière ; ce qui rend cohérent l’hypothèse que son rayonnement très énergétique soit responsable (en grande partie du moins) de l’ionisation de la région HII aux alentours, un peu plus éloignée à environ 1800 années-lumière.
Cette nébuleuse (à gauche sur l’image de 2014), évoque par sa forme l’Amérique du Nord et le golfe du Mexique. Elle est ainsi usuellement surnommée « America » ou « North America Nebula ». A titre personnel, j’aime également y voir, en pivotant l’image de 90° dans le sens horaire, la tête d’un dragon en lieu et place du Golfe du Mexique… et aussi parce que l’association avec un Pélican (la nébuleuse IC 5070 sur la droite) donne une forme de cohérence animalière et fantasmagorique à l’ensemble !
NGC 7000 est l’une des plus vastes nébuleuses du ciel boréal : elle représente dans le ciel une surface équivalente à plus de 4 pleine Lune (quasiment 6° au total). Cependant, peu d’observateurs parviennent à la distinguer à l’œil nu ; sa faible luminosité de surface nécessitant un excellent ciel bien transparent et dépourvu de pollution lumineuse. Le recours à des jumelles et/ou à des filtres UHC permettent d’augmenter le contraste et de la discerner plus facilement. Pour ma part, je n’ai réussi à la distinguer à l’œil nu et à bien la voir aux jumelles que sous le ciel parfaitement noir des montagnes Corses…
Pour le photographe, en revanche, le spectacle est total. NGC 7000 offre une grande variété de couleurs et un foisonnement de détails et de structures de natures très différentes ; zones d’émission, d’absorption, bandes de poussières…
Comme on peut le voir sur cette image, les contrastes entre zones fortement ionisées et les zones opaques sont très prononcés. L’utilisation de filtres narrowband SHO renforce encore cette impression.
Pourtant, la dénomination de la nébuleuse America ne se justifie vraiment qu’en lumière visible…
Vue dans d’autres longueurs d’onde, sa forme caractéristique s’estompe pour mieux révéler sa complexité et l’ensemble des zones actives.
L’imagerie infrarouge, dont les rayonnements ne sont plus bloqués par les denses nuages de gaz et de poussières qui constituent les nébuleuses obscures en lumière visible, permet ainsi de révéler les zones de réelle activité de la nébuleuse.
Sur ces images, on constate en effet que les zones qui semblent les moins actives en lumière visible sont en réalité les principaux lieux de formation stellaire.
L’explication à ce paradoxe est assez simple : les régions les plus lumineuses dans le visibles sont issues de l’ionisation des nuages de gaz par le rayonnement des étoiles environnantes ; mais ce rayonnement n’est visible qu’en raison de la faible densité de matière des nuages ionisés. Ces zones sont trop peu denses pour que des étoiles ne soient en cours de formation en leur sein.
Les zones opaques en lumière visible sont en revanche beaucoup plus denses, et correspondent à des zones où la matière se concentre pour donner naissance à des étoiles. Soit ces étoiles ne sont pas encore formées, soit leur rayonnement n’a pas encore dispensé les nuages de gaz denses qui les entourent. Mais c’est bien au sein de ces grands nuages denses que la formation stellaire se déroule.
On constate d’ailleurs sur les images infrarouge que les nébuleuses America et du Pélican, qui semblent séparées en lumière visuelle, ne constituent en réalité qu’une seule et même nébuleuse plus vaste.
J’ai un faible pour cet objet… c’est avec lui que j’ai pu réaliser ma première « vraie » astrophoto à l’été 2014 avec une apo 66/400 (il s’agit de la première version présentée ici). Et c’est aussi grâce à cette image que j’ai reçu l’une des meilleures leçons d’astrophoto qu’un débutant peut espérer !
Voilà l’histoire de ces images, et de ce qu’il y a derrière…
A l’été 2014, alors que je venais d’acquérir ma monture et de faire défiltrer mon APN, je comptais profiter de mes 3 semaines de vacances pour faire la maximum d’images, et surtout des essais pour bien prendre en main la monture, l’autoguidage, les réglages, etc. J’étais alors totalement novice avec ces nouvelles fonctionnalités ; et je dois avouer que la prise en main a été plus simple que ce que je redoutais… Malheureusement, seulement 3 petites nuits ont été à peu près dégagées cet été là, en raison d’une météo capricieuse et d’un ciel voilé quasiment en permanence.
Au cours de ma première « vraie » nuit d’astrophoto, j’ai décidé de tenter cet objet mythique, et le non-moins superbe Pélican qui l’accompagne (que je préfère encore plus que America elle-même).
Malheureusement, le ciel qui était au départ très sombre s’est progressivement éclairci ; en raison de l’arrivée de nuages d’altitude au bout de 30 minutes de pose, puis de la Lune au bout d’une heure. Entre ma première photo et ma dernière, le fond du ciel a doublé d’intensité… J’ai donc décidé d’arrêter au bout d’une petite heure de pose. Le reste des acquisitions est à l’avenant : seulement 5 darks, 15 offsets et 15 flats (réalisés dans des conditions approximatives…). Je n’avais alors aucune expérience de traitement, et je me souviens m’être retrouvé le lendemain à la fois très content d’avoir quelques brutes à traiter, mais aussi totalement dépassé par la prise en main du seul logiciel de traitement à ma disposition (Iris). Après une reprise sous Photoshop, et plusieurs heures de traitement, j’arrivais enfin à un résultat que je trouvais satisfaisant.
J’allais donc de ce pas partager l’image sur le forum Webastro, espérant avoir des retours positifs… parce que, quand même, j’avoue que je la trouvais très réussie ! Et les premiers retours semblaient me donner raison !
Mais après quelques posts, une voix dissidente se fit entendre ; n’hésitant pas à descendre en flèche chaque aspect de cette image : le fond de ciel était mauvais, la nébuleuse mal traitée, les étoiles déformées, l’histogramme dans les choux, l’aspect global n’était pas bon… bref, rien n’était à garder dans cette image ! Et comme bien souvent sur les forums, lorsqu’une personne commence à pointer du doigt ce qui ne va pas, les autres prennent moins de gants ensuite. Les posts suivants étaient donc nettement plus nuancés… Moi qui était ravi d’avoir pu sortir une image de « quasiment rien », avec presque aucune connaissance en traitement et que je trouvais au final « pas si mal » (et que je m’étais empressé de montrer à toute ma famille présente), voilà que je me faisais bien remettre à ma place !
A la première lecture de cet avis négatif, je me souviens avoir été vraiment peiné… presque en colère. J’avais le sentiment que la personne n’avait pas du tout pris conscience de « l’exploit » qu’arriver à produire cette image représentait pour moi à l’époque !
Mais comme le plus souvent sur les forums astro, les critiques ne sont jamais émises pour blesser les personnes ou dans un but malveillant. Les plus expérimentés prennent du temps pour partager leur savoir et assortissent leurs critiques de nombreux conseils constructifs pour améliorer les choses. Et là, pour le coup, je sentais bien que la personne savait que sa critique risquait d’être douloureusement accueillie… elle était assortie de nombreux conseils et encouragements, m’invitant à reprendre le traitement depuis le début.
Avec un regard plus objectif, je reprenais ma photo… et prenais alors conscience, petit à petit, que toutes les critiques émises étaient parfaitement justifiées. Rien n’allait sur cette image !
Je me décidais alors à me retrousser les manches et épluchais les différents tutoriels de traitement disponibles sur les forums, les conseils adaptés sur des points spécifiques… Après un second traitement repris depuis le début, à commencer par le prétraitement, je parvenais à un résultat nettement plus « propre ». Je pouvais même laisser l’image dans sa résolution à 100%, alors que j’avais du réduire la photo dans la première version pour cacher des défauts qui auraient sinon été trop visibles… Bien sûr, cette image était encore extrêmement perfectible et bourrée de défauts, mais j’avais pris conscience des règles de base d’un bon traitement, à défaut d’en maîtriser la mise en oeuvre.
Sur le forum, cette seconde version reçue plus de commentaires agréables, et je ressentais une certaine fierté quand la personne ayant émise les critiques les plus dures me dit que c’était « bien mieux » ! D’autres personnes continuaient de me prodiguer des conseils plus qu’utiles, et certains astrophotographes aguerris prenaient même la peine de traiter eux-mêmes cette image pour me montrer ce qu’il était possible d’en obtenir. Quelle chance de pouvoir bénéficier d’autant de partage d’expérience en si peu de temps !
Au final, je ne remercierai jamais assez la personne n’ayant pas hésité à soulever l’ensemble des défauts de mon image. Il s’agit même, à mon sens, de la leçon la plus importante que j’ai reçue à ce jour en astrophoto : ne pas se contenter d’un résultat que l’on trouve correct, mais regarder avec modestie et objectivité ses images pour en déceler tous les défauts, faire son autocritique et ne pas hésiter à prendre le temps nécessaire pour apprendre, faire des essais, consolider ses acquis. En astrophoto, la technique, qu’elle concerne l’acquisition ou le traitement, ne vient pas immédiatement : elle est le fruit de l’expérience et des nombreuses erreurs réalisées. Le but n’est pas d’être capable de produire dès le départ des images remarquables, mais de s’améliorer constamment.
Un an plus tard, pour mon premier « anniversaire d’astrophoto », je décidais de retenter cette même cible, depuis la Corse avec un meilleur ciel, plus de temps de pose et avec cette fois la TSA102. Refaire la même cible à quelques années d’intervalles est un très bon moyen de faire le point sur ses progrès et sur les améliorations apportées par le matériel. Ayant passé toute une année à essayer de mettre en pratique les conseils obtenus sur ma première image et ayant passé beaucoup de temps pour prendre en main les logiciels de traitement, le résultat était nettement plus réussi.
Avec le recul, je me demandais même comme j’avais pu oser poster la première version de 2014, tant celle-ci me semblait désormais « moche »… Mais si je ne l’avais pas postée, jamais je n’aurais bénéficié d’autant de conseils avisés qui m’ont permis de progresser ensuite !
C’est pourquoi, malgré la très faible qualité de cette première image, j’avais à cœur de la faire figurer dans cette galerie : elle est bourrée de défauts, presque à la limite du regardable, mais ça restera ma première « astrophoto », le début d’une magnifique aventure… et pour cela, elle tiendra toujours une place spéciale ! 🙂
Je tenais donc à partager ici cette expérience, à l’attention des astrophotographes débutants : même si les premiers pas sont hésitants et les résultats pas forcément concluants, ne vous découragez pas et persévérez ! L’astrophotographie (comme l’astronomie plus largement d’ailleurs) est une école de patience et d’abnégation… La météo qui n’est jamais clémente au bon moment, les nuages qui arrivent quelques minutes après la première pose, le matériel qui flanche, les drivers qui font tout planter, un oubli dans la mise en station ou l’équilibrage, les nuit de perdues à essayer de configurer correctement le matériel, les heures passées seules dans le noir, le froid… tout ça pour obtenir une image un peu ingrate… les occasions de se décourager ne manquent pas.
Pourtant, la récompense est bien là, à la fin, pour qui à la patience et l’envie de progresser. Les meilleurs astrophotographes dont vous admirez les magnifiques images sont, eux-aussi, passés par les mêmes galères au départ… ils n’ont pas décroché une APOD dès leur première image ! Je vous recommande d’ailleurs chaudement à cet égard le site de Nicolas Outters, l’un des meilleurs astrophotographes du monde, qui évoque le « gros pavé tout flou » de sa première image en ciel profond sur l’amas d’Hercule… Quand on connait le niveau de maîtrise de ses images aujourd’hui, cet aveu devrait réconforter plus d’un débutant !
Matériel :
Takahashi TSA102 f/6
AZEQ6 via EQmod
Canon 1100D Astrodon (800iso)
Guidage : lunette-guide 9×50 et PLA-MX
Fitre : Orion Skyglow
Pixinsight
Acquisition :
36 x 300s
Intégration totale : 3h
Date(s) de prise de vue : 14 et 21 août 2015
Matériel :
Astropro 66/400 (f/6)
AZEQ6 via EQmod
Canon 1100D Astrodon (800iso)
Guidage : lunette-guide 9×50 et PLA-MX
Filtre Orion Skyglow
Photoshop
Acquisition :
12 x 300s
Intégration totale : 1h
Date(s) de prise de vue : 16 août 2014
Version SHO
Cette image a été réalisée avec une TSA102 associée à la CCD AtikOne6, avec des filtres S, H et O, en août 2016.
Ma première image du ciel profond réalisé 2 ans auparavant était déjà NGC 7000, avec une 66/400 et un APN. Le résultat était peu probant, mais j’y étais revenu avec un meilleur résultat l’été suivant, cette fois-ci avec la TSA102.
Pour ce 2e anniversaire d’astrophoto, j’avais donc décidé de revenir (encore) sur NGC7000, mais cette fois avec la CCD ! Revenir sur le même objet est toujours un bon moyen pour évaluer ses progrès, et voir les améliorations qu’apportent un nouveau matériel. Il s’agit également de ma première image en SHO.
Si je ne bénéficiais pas en Charente-Maritime d’un ciel aussi sombre qu’en Corse l’été précédent, j’étais malgré tout confiant dans la possibilité d’obtenir une meilleure image avec ce nouveau capteur… un peu aidé par le ciel car sur les 2 nuits d’acquisition, j’ai eu la chance de bénéficier d’un ciel véritablement coronal et sans aucune humidité dans l’air (chose rare au bord de l’Océan…) : malgré la Lune présente et quasiment pleine (86%), le ciel était d’un noir d’encre et très peu turbulent. Bien aidé par ces conditions idéales, je décidais d’augmenter le temps de pose unitaire à 900s en Ha (avec seulement -10° en refroidissement de capteur en raison de la canicule).
J’étais stupéfait en découvrant les brutes s’afficher sur l’écran : un piqué incroyable, un beau signal et surtout… aucune trace de bruit, y compris dans les zones les plus sombres !
Cette absence totale de bruit s’est confirmée au traitement, où même après l’empilement, aucun bruit dans le fond de ciel n’était détectable. Chose inédite et quasiment inimaginable pour moi qui était habitué à l’APN non refroidi : aucun traitement de réduction de bruit n’a été nécessaire sur la couche Ha, que ce soit en mode linéaire ou après la montée d’histogramme !
Cette qualité de brute m’a permis d’obtenir une image finale très contrastée, permettant une belle mise en valeur de la région du Mur, et surtout des bandes de poussières dans le Golfe du Mexique.
A ce jour, il s’agit encore de l’une de mes images préférées !
Matériel :
Takahashi TSA102 f/6
AZEQ6 via EQmod
AtikOne6 (-10°)
Guidage : OAG & Atik GP
Filtres Astronomik SHO 6nm
Pixinsight – Photoshop
Acquisition :
Ha : 12 x 900s bin1
OIII : 6 x 600s bin2
SII : 6 x 600s bin2
Intégration totale : 5h
Date(s) de prise de vue : 22 août 2016
En fouillant dans mes vieux carnets d’astronomie, j’ai pu retrouver une image de NGC 7000 réalisée en… 1995 (j’avais alors 16 ans) ! On y distingue à peine la nébuleuse du Pélican, pourtant bien présente dans le champ… Seule la région la plus active de celle-ci (zone de la « tête ») peut être discernée.
Cette version argentique permet de mieux se rendre compte de la différence de luminosité entre les deux nébuleuses… aspect qui a tendance a être souvent estompé en imagerie numérique du fait des traitements beaucoup plus puissants qu’il est possible de réaliser à partir des données obtenues !
Cette image n’est pas seulement une trace bien modeste de mes premières tentatives de photo du ciel, mais presque un « témoignage » de l’astrophoto « ancienne génération » : un temps (pourtant pas si lointain) où l’autoguidage ne s’était pas encore démocratisé, et où, armé d’un appareil photo argentique pour lequel la pellicule avait préalablement été « hypersensibilisée » dans des bains de nitrate d’argent, on guidait en permanence l’œil rivé à un oculaire réticulé et éclairé afin d’éviter les dérives de suivi !
Pour cette image, tout le matériel m’avait été prêté par un membre du club : appareil photo, téléobjectif, monture équatoriale… j’avais effectué moi-même l’hypersensibilisation du fameux « TP2415 », une pellicule alors très prisée des astrophotographes, et guidé à l’oculaire pendant 1h ! J’avais également moi-même développé et tiré sur papier la photo (ce qui explique les nombreux défauts…). J’étais très fier à l’époque d’avoir quasiment tout réalisé tout seul, de bout en bout, pour obtenir cette image !
Seulement 20 ans séparent cette image de celle présentée ici… que de progrès rendus possibles pour tous les astronomes amateurs en cette période !
Les dimensions majestueuses de NGC 7000 peuvent constituer un handicap, car même avec une focale réduite et un capteur de taille standard (APS-C), il est difficile de photographier en une seule prise toutes les nébulosités de cette région, ou à tout le moins en incluant la nébuleuse du Pélican sur la même image. L’image de 2014 présentée ici, pourtant réalisée avec un capteur APS-C défiltré et 400mm de focale, montre bien cette contrainte… dont l’aspect est renforcé sur les images de 2015 et 2016, réalisées avec 600mm de focale et respectivement le même APN et la CCD AtikOne6 qui dispose d’un capteur deux fois plus petit.
Sauf à disposer d’un capteur grand format (24×36 type KAF16200, KAF11000, ou supérieur tel que KAF16803), il est donc recommandé, pour photographier toute la zone en une prise, d’opter plutôt pour un objectif photo de 250mm maximum. A défaut, il faut envisager de réaliser une mosaïque, ou de se concentrer sur une seule des nébuleuses.
A l’inverse, avec un petit capteur ou une plus longue focale, il est possible de réaliser une plongée au cœur de la nébuleuse, en réalisant une image d’une zone précise et riche en détails. La région du « Mur », qui correspond au « Golfe du Mexique » (où à la « tête du dragon » comme j’aime y voir), représentée ici, est l’une des plus prisées par les astrophotographes. Comme le montre la présente image, elle regorge de détails incroyables et est plus contrastée que le reste de la nébuleuse dans sa partie nord, en particulier en raison de la présence de bandes de poussières obscures et d’un fond de ciel moins dense en étoiles. D’autres zones proches ne sont pas en reste, telle que la nébuleuse du Pélican.
Alors, LRGB ou SHO ? Si elle est déjà magnifique en RGB, cette région prend cependant une dimension encore supplémentaire grâce une acquisition avec des filtres narrowband :
Un APN défiltré est un quasiment une obligation sur cette cible, sauf à devoir allonger énormément le temps de pose.
L’utilisation d’un filtre anti-pollution lumineuse ou UHC permet d’améliorer le contraste sur le fond de ciel, en particulier dans cette zone qui regorge de nébulosités. Dans ce cas, prévoyez tout de même d’allonger le temps de pose global d’au moins 25%, afin de compenser la perte de signal et obtenir un bruit qui reste gérable au traitement dans le fond de ciel.
Il est possible, avec un objectif photo de faible focale (50/100mm selon la taille du capteur), ou en réalisant une mosaïque (avec beaucoup de patience) de réaliser une image très grand champ de NGC 7000 et des alentours, voire même un panorama complet d’une grande partie de la constellation du Cygne, qui regorge de nombreuses merveilles. Réunir sur la même photographie les nébuleuses America, du Pélican, les nébulosités de Sadr, les dentelles du cygne ou encore la nébuleuse du croissant, constitue un résultat remarquable. Il est même tout à fait possible de réaliser un tel panorama uniquement en noir et blanc, au moyen d’un filtre Ha, avec une image très impressionnante au final.
Une image qui sort résolument des sentiers battus est celle réunissant le complexe de NGC 7000 avec les plus faibles nébulosités à l’est, en association avec l’amas NGC 7039 et la zone HII LBN 392. Cette dernière est assez méconnue (j’ai d’ailleurs eu du mal à trouver son nom exact !) et offre un complément original au complexe NGC 7000, comme le prouve cette magnifique image réalisée par Olly Penrice et Paul Kummer. A noter le superbe contrepoint bleuté que procure la présence de Deneb au sein de ce champ saturé de rouge !
L’utilisation de filtres SHO restrictifs, par exemple 6nm ou moins (tels que ceux utilisés pour l’image présentée), permettent de photographier cette région même en présence de la Pleine Lune (du moins pour le filtre Ha…). Un ciel transparent et peu turbulent est cependant nécessaire pour obtenir un signal satisfaisant et de nombreux détails dans les nébulosités et les bandes de poussière.
Pour cette image, j’ai effectué les acquisitions Ha en bin1, avec 900s de pose, et les couches O et S en bin2, avec 600s de pose. Il est bien sûr possible de réaliser l’ensemble des couches en bin1, mais comme on peut le constater sur cette image, la perte de définition sur les couches O et S n’est pas préjudiciable au résultat final, dans la mesure où l’essentiel des détails sont contenus dans la couche Ha. Par ailleurs, cette option permet de diminuer le temps de pose des couches O et S, et ainsi consacrer plus de temps à la couche Ha.
Avec un objectif de courte focale, monté directement sur la CCD, il est possible de réaliser une magnifique vue d’ensemble de NGC 7000, également en SHO.
L’alternative est de disposer d’un instrument très ouvert et à faible focale (idéalement une FSQ106 ou FSQ85) associé à un capteur de très grandes dimensions (par exemple un KAF16803). Les images réalisées avec cette configuration permettent de réduire au minimum les aberrations optiques et d’éviter les mosaïques. Les résultats obtenus peuvent être stupéfiants, comme le montre cette magnifique image réalisée par Idir Saci.
NGC 7000 présente quelques spécificités dont il faut tenir compte au traitement.
La première est la grande densité d’étoiles assez faibles dans le champ, en particulier dans la zone nord de la nébuleuse. Il est donc recommandé de pratiquer une réduction d’étoiles afin de mieux mettre en valeur la nébuleuse. Attention cependant, dans la mesure où les étoiles sont, de base, assez faibles et fines, il est nécessaire de réaliser cette réduction avec parcimonie ; faute de quoi l’aspect des étoiles peut se retrouver trop altéré et prendre la forme d’artefacts étranges (voir le premier traitement de mon image de 2014 ci-dessus pour un exemple de réduction trop accentuée et mal maîtrisée !). Il est par ailleurs recommandé d’effectuer celle-ci dès le stade stade linéaire plutôt qu’en fin de traitement, pour un résultat plus précis et moins visible…
La seconde difficulté est, comme cela est bien visible sur mon image de 2015, que les nébulosités sont omniprésentes dans tout le champ dès lors que celui-ci ne déborde pas largement de NGC 7000. Vous pouvez donc assez rapidement vous retrouver avec une image sans aucune zone de pur « fond de ciel ». L’absence de la moindre zone de référence peut rendre complexe la calibration des couleurs et la neutralisation du fond de ciel, mais aussi la gestion de la montée d’histogramme et la création de masques pour les traitements localisés sur la nébuleuse. A défaut de mieux, une petite zone dans les bandes noires de poussières du Golfe du Mexique peut servir de référence. Cependant, comme on le voit sur l’image de 2015, même cette zone n’est pas neutre, la dominante rouge étant assez prononcée…
Concernant la calibration des couleurs, il est possible de substituer à l’habituelle procédure BackgroundNeutralization + ColorCalibration, le plus récent process PhotometricColorCalibration (PCC) proposé par Pixinsight, qui repose sur l’analyse des étoiles comprises dans le champ. Toutefois, il est important dans ce cas de réaliser plusieurs essais afin de déterminer si cette solution est concluante avant d’aller plus loin. En effet, ce process trouve ses limites dans les cas où la couleur des étoiles est altérée par la présence de nébuleuses en avant-plan, leur conférant un aspect plus « rougi » que la réalité, rendant incorrecte la calibration.
Selon le rapport signal sur bruit de votre image, il peut même être délicat dans certaines zones de déterminer si celles-ci contiennent un faible signal ou du bruit. L’image de 2014 donne un bon exemple de ce problème ; le risque étant alors de traiter comme du signal ce qui n’est que du bruit, et donc « d’inventer » du signal là où il n’y en a pas ! Dans le doute, je vous recommande de vérifier sur quelques images de référence réalisées avec un temps de pose conséquent ; en sachant qu’il est toujours préférable de ne pas tirer outre mesure sur les curseurs plutôt que de mettre en valeur un signal imaginaire.
Concernant la création de masque pour des traitements localisés sur la nébuleuses, plusieurs options complémentaires sont possibles. La plus simple est d’appliquer en guise de masque l’image elle-même, inversée si besoin en fonction des traitements en cause. Cela permet de créer des masques sans zones de transition trop forte susceptibles d’altérer le rendu final. Une autre est d’effectuer une sélection des zones de haute valeur avec le process RangeSelection, et de jouer avec les différents paramètres proposés pour flouter plus ou moins le masque obtenu. Ce type de masque peut être utilisé tel quel, ou après déduction d’un masque d’étoiles avec PixelMath, afin de ne sélectionner que les hautes valeurs de la nébuleuse mais risque d’altérer les étoiles.
Dans tous les cas, il est possible de pousser un peu les détails dans les zones les plus brillantes de la nébuleuse qui présentent un rapport signal sur bruit plus satisfaisant. Il est donc recommander de travailler sur les zones concernées en les isolant au moyen de masques adaptés, afin de localiser les traitements appliqués. Un renforcement des détails, que ce soit sous Pixinsight avec la fonction HDRMultiscaleTransform, ou sous Photoshop au moyen de la fonction d’AstroTools Local Contrast Enhancement, donne de très bons résultats.
Un renforcement des zones sombres (bandes de poussières au sein de la nébuleuse…) est également possible, par exemple avec le process DarkStructureEnhance (DSE) sous Pixinsight. Attention cependant à ne pas pousser trop fort ces accentuations des zones sombres, au risque de perdre des détails dans ces zones (dégradés de luminosité) et de rapidement donner à l’image un aspect artificiel ou « sur-traité »…
Pour en savoir plus sur la mise en œuvre de ces différents process de rehaussement de détails, je vous invite à consulter le tutoriel dédié à HDRMT, ainsi que le tutoriel plus général consacré à l’amélioration des détails avec Pixinsight, ainsi que le tutoriel spécifique à Photoshop le cas échéant.
Si vous réalisez plusieurs sessions d’acquisition avec des conditions différentes, vous pouvez être contraints de devoir utiliser un filtre anti pollution lumineuse pour une session et pas pour l’autre. C’est le cas pour mon image de 2015, dont l’acquisition s’est faite en 2 temps : une première session sous le ciel noir des montagnes Corses, sans filtre, et une seconde sous un ciel nettement plus pollué en Charente-Maritime, avec un filtre Baader Neodynium. Au traitement, en LRGB, j’ai utilisé l’ensemble des images pour la couche luminance, et l’image « corse », sans filtre, pour la couche RGB. Après quelques essais, c’est la méthode qui m’a permis d’obtenir les couleurs les plus réalistes. Je vous recommande donc, si vous le pouvez, de n’utiliser pour la couleur que les brutes issues de l’acquisition sans filtre.
Par rapport à la version RGB, la version SHO de NGC 7000 ne pose pas les mêmes problèmes, mais est tout de même globalement plus simple à traiter.
En effet, pour le RGB, de nombreux aspects du champ pouvaient poser problème : la forte densité d’étoiles, la difficulté de calibrer les couleurs compte-tenu du signal omniprésent et la potentielle absence de zone neutre de fond de ciel.
En SHO, la taille des étoiles n’est pas un souci dès lors que les filtres sont suffisamment restrictifs. Il est donc généralement inutile d’effectuer une réduction d’étoiles sur l’image. En revanche, il peut être nécessaire d’effectuer une légère réduction pour harmoniser la taille des étoiles entre les couches S, H et O. La couche Ha présentant les étoiles les plus fines, une légère réduction sur les couches O et S peut éviter d’avoir à gérer de trop forts halos magenta en fin de traitement.
Même si je ne suis pas adepte des traitements starless, celui-ci peut s’avérer particulièrement efficace sur ce genre de cible, en particulier s’il est réalisé en mode linéaire (avant la montée d’histogramme) et sous réserve qu’aucune étoile ne génère des artefacts trop flagrants (ce qui est parfois le cas en mode linéaire ou en présence d’aigrettes…). N’hésitez pas à consulter le dernier comparatif des logiciels starless pour en savoir plus sur ces différents aspects.
La calibration des couleurs n’est pas non plus un souci ici, puisque les techniques classiques de calibration ne sont pas utilisables. En revanche, l’absence de zone de référence neutre pour le fond de ciel peut poser un problème sur le retrait de gradient des couches unitaires. Le plus simple dans ce cas est de se fier aux process de retrait de gradient automatique (tel ABE) qui donnent de bons résultats sous réserve de trouver les paramètres corrects de modélisation du fond de ciel. Si les nébulosités sont trop prises en compte dans cette modélisation, n’hésitez pas à diminuer le degré de polynômes par défaut (par exemple, pour ABE, passez de 4 par défaut à 2, voire 1).
Pour l’assemblage des couches, je préconise d’utiliser le process SHO_AIP, très simple d’utilisation, qui permet de mixer directement chaque couche avec des de multiples combinaisons et l’application de coefficients différents. L’outil de création de la couche Luminance, dans ce même process, est également très puissante. Plusieurs possibilités existent pour ce qui concerne la création de la couche Luminance, notamment celle de s’en passer purement et simplement et de rester sur du SHO classique. A titre personnel, je préfère créer une couche Luminance avec un mix des 3 couches, et une prédominance du Ha. Il est cependant parfois nécessaire de rajouter une certaine dose de la couche OIII dans la luminance afin de ne pas perdre trop de luminosité sur les zones très prédominantes en OIII. Dans ce cas, le mode d’assemblage « lighten » (équivalent à « éclaircir » dans Photoshop) permet de préserver la couche Ha tout en augmentant le signal dans les seules zones OIII. Avec un réglage correct des coefficients et du mode d’assemblage, il est assez simple d’obtenir une belle image de Luminance. Attention cependant à veiller que le mix ne réduise pas les détails dans la couche Ha, en particulier si les couches O et S ont été effectuées en bin2.
Pour ce qui est des couleurs elles-mêmes, il n’existe pas de vérité absolue en SHO. La liberté et la créativité sont beaucoup plus grandes qu’en RGB.
Il existe cependant quelques règles de base :
Par ailleurs, l’habitude du traitement RGB conduit souvent à diminuer la présence du « vert » dans l’image. En SHO cependant, cette diminution n’a pas réellement lieu d’être, puisque la couche verte est attribuée au Ha, qui présente le signal le plus présent. Cette réduction excessive du vert conduit souvent à des images d’aspect « bicolore » (HOO), qui offrent beaucoup moins de nuances dans les teintes qu’une palette SHO.
Dans l’image présentée ici, le vert a été « légèrement » réduit, mais pas totalement enlevé : c’est précisément la présence de vert dans l’image qui permet d’obtenir une palette de nuances très variées, notamment dans les zones bleutées de l’image ; qui à défaut ressortiraient uniformément bleues, entraînant une perte d’informations.
Méfiez-vous également de la tendance similaire à vouloir supprimer l’ensemble du « magenta » des images SHO : si cela est vrai pour les étoiles, il est à mon sens contre productif de vouloir retirer le magenta dans les zones de la nébuleuse. En effet, le magenta, s’il ne doit pas être prédominant, permet cependant d’obtenir une variété des teintes et de dégradés beaucoup plus importante. Une suppression globale du magenta conférera à votre image un aspect plus « bicolore » que réellement SHO… autant dans ce cas se limiter à une version HOO ! 🙂
Sur le niveau de fond de ciel, celui-ci peut être réhaussé sur cette zone, afin de mettre en valeur le maximum de détails. Les valeurs les plus basses sont à réserver pour les zones les plus sombres des bandes de poussière, afin d’assurer un contraste optimal à l’image.
Dans tous les cas, il est possible de pousser un peu les détails dans les zones les plus brillantes de la nébuleuse qui présentent un rapport signal sur bruit plus satisfaisant. Il est donc recommander de travailler sur les zones concernées en les isolant au moyen de masques adaptés, afin de localiser les traitements appliqués. Un renforcement des détails, que ce soit sous Pixinsight avec la fonction HDRMultiscaleTransform, ou sous Photoshop au moyen de la fonction d’AstroTools Local Contrast Enhancement, donne de très bons résultats.
Un renforcement des zones sombres (bandes de poussières au sein de la nébuleuse…) est également possible, par exemple avec le process DarkStructureEnhance (DSE) sous Pixinsight. Attention cependant à ne pas pousser trop fort ces accentuations des zones sombres, au risque de perdre des détails dans ces zones (dégradés de luminosité) et de rapidement donner à l’image un aspect artificiel ou « sur-traité »…
Pour en savoir plus sur la mise en œuvre de ces différents process de rehaussement de détails, je vous invite à consulter le tutoriel dédié à HDRMT, ainsi que le tutoriel plus général consacré à l’amélioration des détails avec Pixinsight, ainsi que le tutoriel spécifique à Photoshop le cas échéant.
Après avoir réalisé des images séparées des nébuleuses America et Pélican, la réalisation d’une image d’ensemble de cette très riche région, en SHO, est un objectif pour une prochaine visite de la constellation du Cygne !
Si l’espace commentaires n’est pas accessible, consultez le guide pratique pour y remédier !
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