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Nom : Sh2-101 – Nébuleuse de la Tulipe
Type : Nébuleuse en émission
Distance : 6000 AL
Taille : 16′ x 9′
Magnitude : 9
Meilleure période d’observation : Été
Sh2-101, également connue sous le doux nom de « nébuleuse de la Tulipe », désigne la partie la plus lumineuse d’un ensemble de nébuleuses beaucoup plus vaste dans la constellation du Cygne, formant des structures complexe et enchevêtrées.
Ce grand complexe de nébulosités s’intègre dans la zone de nébulosités encore plus vaste qui s’étend sur la quasi-totalité de la constellation du Cygne, dont la richesse est presque sans égale. Des images de l’ensemble de cette constellation, réalisées en Ha, permettent de bien resituer la nébuleuse de la Tulipe, qui semble bien petite en regard de quelques-unes de ses voisines !
La superbe mosaïque ci-contre, réalisée par Kees Scherer et qui compte pas moins de 48 images, permet de situer la nébuleuse de la Tulipe (en bas à droite) au sein de cet immense complexe de nébuleuses, qui remonte vers la nébuleuse du Croissant, les nébulosités de Sadr puis les nébuleuses America et du Pélican…
Attention toutefois, les images sont souvent trompeuses en astronomie, car rien ne permet de déceler d’un simple coup d’œil les distances respectives des objets présents sur le même champ ! La nébuleuse de la Tulipe, située à environ 6000 années-lumière, est en effet 3 fois plus éloignée que la nébuleuse America. Elle se situe cependant à une distance à peu près comparable à celle des nébuleuses du Croissant et du Papillon (autour de l’étoile Sadr au centre de l’image ci-contre). Si elle se situait à la même distance que la nébuleuse du Pélican, elle présenterait à peu près les mêmes dimensions…
A l’instar des autres nébuleuses par émission, Sh2-101 ainsi que les nébulosités environnantes sont des régions actives de formation d’étoiles et sont ainsi associés à des amas ouverts. Les étoiles se forment en réalité dans les régions les plus obscures du complexe, et les plus brillantes d’entre elles – de chaudes géantes bleues – illuminent ensuite les nuages de gaz environnants par leur rayonnement intense.
Cette image met bien perspective la démesure des creusets cosmiques : d’immenses nuages de gaz et de poussières qui s’étendent sur plusieurs dizaines d’années-lumière, condensés par endroits par la gravitation, sont nécessaires pour aboutir à la formation de quelques étoiles.
Mais cette région du ciel, qui semble tourmentée, est en réalité bien calme en comparaison des phénomènes très énergétiques se produisant de manière beaucoup plus localisée, autour d’une étoile d’apparence bien anodine…
Cette étoile, située en bas à droite de l’image présentée ici, se nomme HD226868. Sous cette appellation quelque peu anonyme se cache une étoile variable supergéante de type O, d’une masse comprise entre 20 et 30 masses solaires.
Jusqu’ici, rien d’exceptionnel. Mais en 1965, des observations révélèrent que cette étoile est en orbite autour d’une source intense de rayons X… mais sans qu’il soit cependant possible de détecter la moindre étoile compagnon à proximité ! La forte émission de rayons X supposait toutefois que l’étoile soit en orbite autour d’un objet massif, qui arrache une partie de son atmosphère. Les recherches ultérieures démontrèrent que l’objet compagnon devait avoir une masse avoisinant les 10 masses solaires, ce qui excluait dès lors la possibilité d’une étoile à neutron (de 1,4 à 3,2 masses solaires).
En 1971, il fut donc envisagé que cette mystérieuse source X, baptisée « Cygnus X-1 » (désignant la première source X répertoriée de la constellation du Cygne) soit en réalité un trou noir… faisant ainsi de Cygus X-1 le premier « candidat trou noir » clairement identifié de l’histoire de l’astrophysique !
Ces objets fascinants, qui n’existaient jusqu’ici que sur le papier, depuis Laplace et Einstein, faisaient ainsi leur entrée dans le « bestiaire » cosmique… pour ne plus jamais en sortir. Il a cependant fallu attendre février 2016, et la détection des ondes gravitationnelles émises par la coalescence de deux trous noirs, pour que leur existence soit établi avec certitude.
De fait, la nature exacte de Cygnus X-1 demeure encore un mystère ; ou du moins est sujette à controverses. Si l’hypothèse du trou noir est la plus vraisemblable, elle n’est cependant pas définitivement avérée. En effet, certains astrophysiciens considèrent qu’il n’est pas possible qu’un tel trou noir se soit formé sans résulter de l’explosion préalable d’une supernova, et donc de la création d’une nébuleuse planétaire observable. Or, aucune nébuleuse de ce type n’a pu être détectée à proximité de l’étoile HD226868… Mais les partisans du trou noir avancent que la théorie d’un « effondrement simple » d’une étoile en un trou noir, sans explosion préalable d’une supernova, a été modélisée mathématiquement il y a plusieurs décennies par Robert Oppenheimer et d’autres chercheurs.
La théorie la plus partagée aujourd’hui est donc que Cygnus X-1 est bel et bien un trou noir, d’environ 10 masses solaires et de 60 kilomètres de diamètres.
Le couple binaire est en rotation avec une période de révolution d’environ 6 jours. La forte attraction gravitationnelle du trou noir « étire » l’étoile compagnon et lui arrache de la matière, créant ainsi un disque d’accrétion en rotation rapide autour du trou noir. Ce disque, constitué de matière chaude et ionisée, un plasma, prend une forme de spirale conduisant la matière à s’effondrer régulièrement sur le trou noir.
La chute de cette matière se manifeste par la création de « jets » relativistes de rayons X perpendiculaires au disque d’accrétion. Mais un trou noir n’a pas de pôles magnétiques qui pourrait expliquer ces jets perpendiculaires : l’origine de ces jets n’est donc pas liée au trou noir lui-même, mais à l’intense champ magnétique créé par le plasma en rotation autour de ce dernier. Les astrophysiciens estiment ainsi que l’origine de ces jets se trouve au niveau de l’horizon du trou noir, c’est à dire la limite « invisible » en deçà de laquelle aucun objet – pas même la lumière – ne peut plus s’échapper de l’attraction gravitationnelle du trou noir.
Cette théorie explique également pourquoi Cygnus X-1 est une source quasi-continue d’émission de rayons X, mais sans périodicité précise, comme on peut s’y attendre dans le cas d’une étoile à neutrons, qui elle présente un champ magnétique intense.
Outre le fait qu’elle constitue l’une des plus importantes sources de rayonnement X du ciel, il a ensuite été observé que Cygnus X-1 est aussi une forte source de rayons gamma polarisés ; cette polarisation étant le signe que ces phénomènes de jets trouvent leur origine très près du trou noir.
En raison de ces caractéristiques, Cygnus X-1 est donc considéré aujourd’hui comme un « microquasar », reproduisant sur l’échelle d’un système stellaire les mécanismes physiques à l’oeuvre au sein des « quasars » qui impliquent une galaxie entière !
Cette image a été réalisée avec une TSA102 équipée de son réducteur (f/6 à 600mm de focale) et une caméra CCD AtikOne6 équipée de filtres narrowband SHO 6nm.
La durée globale d’acquisition (5h) est identique à celle utilisée pour mon image SHO de la nébuleuse America (NGC7000), mais l’on constate tout de suite qu’il n’y a pas la même quantité de signal : la nébuleuse de la Tulipe, et encore plus les fines nébulosités présentes dans cette zone, sont bien moins lumineuses !
J’ai profité d’un séjour en Corse et d’un ciel particulièrement noir pour réaliser cette image… sans cela, il m’aurait sans doute fallu doubler, voire tripler, le temps de pose global pour obtenir une image qui soit juste montrable.
L’image présentée ici souffre d’un manque global de signal mais demeure cependant présentable, du moins pour la nébuleuse principale de la Tulipe.
Si la « Tulipe » elle-même est de dimension modeste et donc bien adaptée pour le petit capteur de la AtikOne, il n’en va pas de même des nébulosités environnantes, qui s’étendent sur plusieurs degrés… A défaut de pouvoir réaliser une mosaïque, j’ai donc du trouver un compromis dans le cadrage, afin d’intégrer au moins une grande partie du « mur » à proximité, tout en conservant la Tulipe dans son ensemble dans le champ. Pour ce faire, la Tulipe a dû être fortement décentrée : cela m’a permis d’intégrer dans l’image les nébulosités obscures sur la gauche de l’image, qui apportent beaucoup de profondeur à l’image par contraste avec l’objet principal.
Avec le recul, je regrette de ne pas avoir réalisé une mosaïque pour ce champ… il n’est cependant pas trop tard ! 🙂 Difficile cependant de vraiment se décider sur l’emplacement des tuiles complémentaires à réaliser : plutôt sur la gauche, vers le haut… ?
Je pense donc que je reviendrai sur cet objet avec mon nouveau capteur Atik16200, afin de saisir un champ bien plus vaste en une seule prise. Cela simplifiera également le cadrage de la Tulipe.
Cette caméra présentera également un autre avantage : son refroidissement plus important que le modèle One (delta de 50° par rapport à la température ambiante au lieu de 37°). En effet, cette image a certes été réalisée sous un ciel noir, mais également lors d’une période de canicule qui m’a contraint à ne pas pouvoir refroidir plus bas que -10°. En SHO, il est cependant essentiel de pouvoir refroidir la caméra aussi bas que possible, afin de limiter le bruit électronique (darks) et optimiser le rapport signal sur bruit de l’image finale.
Matériel :
Takahashi TSA102 f/6
AZEQ6 via EQmod
AtikOne6 (-10°)
Guidage : OAG & Atik GP
Filtres Astronomik SHO 6nm
Pixinsight – Photoshop
Acquisition :
Ha : 19 x 300s bin1
OIII : 12 x 300s bin2
SII : 10 x 300s bin2
Intégration totale : 5h
Date(s) de prise de vue : 15 & 16 août 2017
La zone désignée sous le terme de la « Tulipe » est de dimensions assez modestes. Il est donc parfaitement possible de la photographier dans son ensemble avec un capteur de petit format associé à une focale intermédiaire (600 à 800mm).
Avec une focale plus courte et/ou avec un plus grand capteur (APS-C, APS-H ou supérieur), il sera possible de sublimer la Tulipe en la resituant dans un champ très fourni en nébulosités plus ténues. Cette zone est également parsemée de nébuleuses obscures, ce qui renforce l’aspect tourmenté de l’image. Attention cependant, ces nébulosités sont réparties de façon inégale autour de la Tulipe et se concentrent presque toutes du même côté : il faut donc privilégier, comme sur l’image présentée, un décentrage prononcé de la Tulipe en bord de champ afin de saisir au mieux l’ensemble de ces nébulosités.
La Tulipe se prête bien également à une prise de vue avec une focale plus importante, car elle présente de nombreux détails assez fins et contrastés, notamment dans sa région centrale et sa partie basse, avec des bandes de poussières opaques en avant plan des nébulosités colorées. Une prise de vue détaillée sera possible avec une focale supérieure à 1000mm et un échantillonnage adapté à la recherche d’une haute définition (de l’ordre de 1″/pix).
La nébuleuse de la Tulipe peut parfaitement être photographiée en RGB ou en SHO. La « nébuleuse de la Tulipe » constitue une cible de choix en imagerie narrowband, en raison de ses couleurs très prononcées.
En RGB, il sera cependant indispensable de réaliser une couche Ha qui constituera l’image de Luminance : toute cette région émet essentiellement en Ha ! Cette cible est donc réservée, pour les utilisateurs d’APN, à ceux ayant procédé au défiltrage de leur appareil.
A la CCD, il sera possible de se concentrer sur la couche Ha, en bin1, en lui consacrant le maximum de temps de pose. Les couches Couleur (RGB ou HO) pourront quant à elles être réalisées uniquement en bin2 sans que cela n’affecte trop le résultat final de l’image : tous les détails sont en effet bien présents sur la couche Ha.
A titre personnel, j’ai toujours trouvé l’aspect en RGB assez « décevant » pour cette nébuleuse : la prédominance du signal Ha conduit souvent à un visuel résultat uniformément rouge et sans grands contrastes. Il existe quelques contre-exemples, mais réalisés au prix de plusieurs dizaines d’heures de pose !
Le SHO permet de mettre plus facilement en évidence les différentes zones de la nébuleuse et d’obtenir un résultat plus riche en (fausses) couleurs… à condition bien sûr d’apprécier le rendu en palette Hubble ! 🙂
A défaut, un compromis permettant de conserver les détails d’une image narrowband et une palette de couleurs plus proche du RGB est de réaliser une version HOO de cette image. Une telle image ne nécessitant donc que la réalisation de deux images, cela permettra par ailleurs de consacrer un temps de pose plus important à chacune d’elles…
En utilisant un champ photo plus large, ou en réalisant une mosaïque suffisamment importante, il est possible, en poussant plus vers la gauche de l’image présentée ici, de réaliser une image intégrant la Tulipe, un grand nombre de nébulosités, mais aussi la petite « bulle » de l’étoile Wolf-Rayet WR134, qui apporte par sa belle teinte bleue un contraste particulièrement esthétique dans cette océan rouge de Ha !
Cet objet offre un signal relativement important pour les 3 couches S, H et O ; avec comme souvent une prédominance du signal Ha.
Mais le signal des couches OIII et SII est suffisant pour que le traitement ne soit pas particulièrement problématique, notamment au stade de la composition des 3 images pour la création de l’image couleur. Il sera donc possible de conserver une palette relativement riche de nuances ; tant sur la nébuleuse elle-même que dans les « draperies » qui l’entourent.
Sur cette image, j’ai pris le parti de conserver assez fortement le « vert », justement dans le but de favoriser une gamme du teintes plus riche. Mais il est également possible de moins le mettre en avant si vous n’êtes pas fan de ce type de palette. Attention toutefois à ne pas basculer sur une palette trop réduite qui s’apparente trop à du bicolore HOO… Il serait dommage de perdre une partie de l’information issue de l’une des couches réalisées !
Veillez également, si besoin, à procéder à une réduction d’étoiles adaptée sur les couches S et O avant la combinaison avec la couche Ha, afin que les 3 couches présentent des étoiles de diamètres comparables. Cela évitera la création de « halos » plus compliqués à réduire par la suite après la combinaison.
Dans la mesure où les nébulosités sont très présentes dans le fond de ciel, il est recommandé de procéder à une montée d’histogramme qui permette de mettre en valeur ces dernières. Sous Pixinsight, le process MaskedStretch (utilisé pour l’image présentée) permet de bien faire ressortir les extensions tout en les distinguant suffisamment des zones de fond de ciel ou des nébuleuses opaques, d’obtenir un dégradé de contraste important (ce qui permettra également d’obtenir une palette de couleurs plus riche) et de conserver aux étoiles un aspect présentable. Attention pour appliquer cette fonction à bien sélectionner comme « référence de fond de ciel » une zone la plus noire possible sur l’image ; à défaut de réelle zone de fond de ciel pure, il est possible de sélectionner une zone de nébuleuse obscure dépourvue d’étoiles.
Un léger rehaussement localisé du contraste peut être réalisé sur les zones de nébuleuses obscures au sein de la nébuleuse de la Tulipe, afin de mieux faire ressortir ces dernières. Attention toutefois de ne pas basculer dans un contraste excessif qui nuirait au rendu naturel de l’image. De la même manière, un rehaussement des détails n’est pas réellement justifié sur l’ensemble de l’image.
Cette image se prêt bien également à une légère accentuation globale du contraste en toute fin de traitement (avec l’outils Courbes sous Pixinsight ou Photoshop), ainsi qu’à une saturation des couleurs assez accentuée.
Vous pouvez également envisager une légère réduction d’étoiles finale afin de mieux mettre en valeur les nébulosités présentes sur l’image.
Ce serait incontestablement avec un champ plus grand, afin d’intégrer le plus de nébulosités environnantes autour de la Tulipe…
Un temps de pose global plus conséquent permettrait également d’obtenir une image plus riche et avec un meilleur signal ; la version présentée ici étant sur ce point un peu « juste ».
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