Prise de vue / traitement classique : | |
Prise de vue / traitement halo : | |
Intérêt SHO : | |
Popularité : |
Nom : M27 – NGC 6853 – Nébuleuse de l’Haltère
Type : Nébuleuse planétaire
Distance : ~1300 AL
Taille : 8′ x 5,7′ (15′ pour le halo)
Magnitude : 7,4
Meilleure période d’observation : Été
M27, dans la constellation du Petit Renard, est l’un des objets les plus connus du ciel et l’un des plus prisés par les amateurs, que ce soit en observation visuelle ou en photographie.
Découverte par Charles Messier en juillet 1764, il s’agit de la plus brillante et de l’une des plus grandes nébuleuses planétaires (avec la nébuleuse Helix). Son observation est déjà possible aux jumelles et devient véritablement spectaculaire avec une lunette ou un télescope de 200mm. Sa partie la plus lumineuse correspond en effet à 1/5e de la surface de la Lune.
Cependant, comme toutes les nébuleuses planétaires, celle-ci est composée de « couches » successives. En plus de l’enveloppe bien visible, M27 est entouré d’un « halo » de forme assez tourmentée, d’une taille de 15′, soit visuellement la moitié de la surface lunaire ! Ce halo n’est cependant accessible qu’en photographie… et avec de longs temps de pose.
Une nébuleuse planétaire résulte de l’éjection dans l’espace, par une étoile de masse intermédiaire et en fin de vie, de ses couches extérieures. Les couches extérieures sont soufflées et forment ainsi de grands nuages de gaz qui se propagent dans l’espace pendant plusieurs milliers d’années. La vitesse d’expansion mesurée pour M27 est de 31 km/s, ce qui correspond à une augmentation de sa taille apparente à environ 7′ par siècle. Avec cette mesure, il est possible d’estimer que cette nébuleuse s’est formée il y a environ 4000 ans.
En regardant cette nébuleuse, nous pouvons voir la propre fin de notre système solaire : c’est le sort qui attend le Soleil, d’ici 5 milliards d’années… Il est même vraisemblable, compte-tenu de l’estimation de son âge, que des hommes aient assisté à l’explosion qui l’a engendré !
L’étoile ayant donné naissance à cette nébuleuse est située au centre de la partie la plus lumineuse (en forme de « trognon » de pomme) : il s’agit d’une sous-naine bleutée dont la température de surface est très élevée (85 000K) et sans doute accompagnée d’une autre étoile. L’étoile centrale est de magnitude 13,5, ce qui rend son observation assez difficile en visuel, mais facilement accessible en photographie.
Compte-tenu de sa distance, de sa surface et de sa luminosité apparente, les astronomes estiment que l’enveloppe de gaz de M27 possède une luminosité réelle 100 fois supérieure à celle de notre Soleil. Pourtant, la naine centrale n’offre un rayonnement que du tiers de notre étoile… comment la nébuleuse, pourtant illuminée par une étoile faible, peut-elle être aussi brillante ?
L’explication tient au fait que l’étoile naine, extrêmement chaude, émet l’essentiel de son rayonnement dans de hautes énergies, à des longueurs d’onde en dehors du spectre visible. Ce rayonnement de haute énergie ionise la nébuleuse, qui elle la réémet – au contraire – principalement dans des longueurs d’onde visibles.
Les photographies présentées ont été réalisées avec des optiques, des capteurs et des méthodes différentes.
La première version a été réalisée en juin 2015 avec une TSA102 et un APN défiltré, avec juste 1h de pose. Il s’agissait d’une petite image « bonus », réalisée en fin de nuit après une acquisition plus longue sur un autre objet. Les dernières images ont été réalisées sous un ciel qui n’était plus vraiment noir…
J’avais donc envie de revenir à cet objet avec plus de temps, et surtout avec une focale plus importante afin de saisir davantage de détails dans la structure de la nébuleuse.
La seconde version a ainsi été réalisée en août 2017 avec un SC8″ et la CCD AtikOne, avec une combinaison de filtres LRGB, Ha et OIII et 6h30 de pose cumulée ; ce qui malgré tout reste faible au regard du temps de pose pour chacun des filtres, surtout en narrowband.
Pour palier à cette contrainte de temps, seule la couche L a été réalisée en bin1. Toutes les autres couches, RGB, H et O, ont été réalisées en bin2 afin d’obtenir un signal qui reste correct.
Enfin, l’optique du SC8″ n’étant pas parfaite, j’ai réutilisé l’image de 2015 faite à la TSA pour corriger l’aspect des étoiles dans le champ et éviter de trop croper l’image.
J’ai réalisé volontairement lors de cette session de 2017 des images avec le maximum de filtres possibles, afin de tester différentes combinaisons au traitement.
Une version de cette image a ainsi été réalisée en LRGB-HO, et la seconde en HOO. Les 2 versions sont assez proches visuellement, même s’il faudrait effectuer une comparaison sur des images présentant un temps de pose global similaire… avec à peine 2h de pose, la version HOO souffre d’un bruit trop prononcé. En revanche, les étoiles restent plus ponctuelles ce qui fait mieux ressortir la nébuleuse…
Pour les 2 versions, le traitement a été beaucoup plus long et délicat que sur une version classique… la mise en valeur des extensions ténues étant compliquée avec un signal limité.
Pour mieux se rendre compte des différences, voici un comparatif des versions LRGB-H-O et HOO :
Matériel :
Takahashi TSA102 f/6
AZEQ6 via EQmod
Canon 1100D Astrodon (800iso)
Guidage : lunette-guide 9×50 et PLA-MX
Fitre : Baader Neodynium
Pixinsight – Photoshop
Acquisition :
12x 300s
Intégration totale : 1h00
Date(s) de prise de vue : 10 juillet 2015
Matériel :
Meade Lx50 8″ f/6.4
AZEQ6 via EQmod
AtikOne6 (-10°)
Guidage : OAG & Atik GP
Filtres Astronomik LRGB & Ha & OIII 6nm
Pixinsight – Photoshop
Acquisition :
L : 36 x 300s bin1
R : 11x 180s bin2
G : 11 x 180s bin2
B : 11 x 180s bin2
Ha : 15 x 300s bin2
OIII : 7 x 300s bin2
Intégration totale : 6h30
Date(s) de prise de vue : 21 août 2017
M27 est l’un des objets les plus simples à photographier… en mode « classique », c’est à dire pour saisir uniquement la nébuleuse principale. La nébuleuse est très brillante, d’une surface apparente conséquente et riche en couleurs. Toutes ces qualités en font une cible très prisée des débutants.
Par ailleurs, comme le prouve la version de 2015 réalisée à l’APN, un temps de pose minime permet déjà d’obtenir une image agréable et présentant un signal correct. Un APN non modifié peut être utilisé, mais les APN défiltrés seront bien sûr avantagés compte-tenu du signal rouge bien marqué.
Pas trop de contraintes non plus quant à l’instrument utilisé… quelle que soit la focale, M27 reste très photogénique : en gros plan ou perdue au milieu d’un grand champ d’étoiles colorées, l’image obtenue a toujours du charme !
Mais M27 peut également constituer un vrai défi pour les photographes expérimentés qui souhaitent mettre en évidence au mieux les nébulosités plus ténues qui composent son halo… La version de 2017, présentée ici, peut être regardée comme une version « a minima » des moyens à mettre en oeuvre pour parvenir à un résultat. La CCD est ici indispensable, de même que l’utilisation de filtres Ha et OIII, et le temps de pose doit être considérablement allongé.
Entre les versions 2015 et 2017, on voit clairement l’influence cumulée des différences d’acquisition :
Ces deux versions permettent de bien se rendre compte de ce qu’il est possible d’obtenir sous une forme « classique » à l’APN, et « moderne » avec la CCD (encore qu’il soit bien sûr possible de réaliser une version classique avec une CCD ; mais l’inverse – à savoir une version moderne avec un APN – est nettement moins simple !).
La version classique montre la zone centrale et la plus brillante de la nébuleuse, qui correspond – aux couleurs près – à celle que l’on peut percevoir dans une vision à l’oculaire. On peut trouver des centaines de clichés réalisés sous cette forme de cette nébuleuse ; et c’est probablement la forme qui vient spontanément à l’esprit d’un amateur lorsqu’on évoque M27.
Toutefois, la version moderne – qui laisse apparaître le faible halo environnant – se rencontre de plus en plus fréquemment et tend à se populariser.
On voit sur la version de 2017 présentée ici qu’il est parfaitement possible de faire ressortir le halo plus faible en ajoutant à une image classique à peine 2h de pose cumulée avec des filtres Ha et OIII ; le tout sous un ciel de petite ville affecté de pollution lumineuse !
L’acquisition n’est donc pas un obstacle insurmontable à la mise en valeur de cette enveloppe externe ; encore que 2h comme ici soit sans doute un minimum… Ce qui pose davantage problème, c’est la difficulté de traitement : celui-ci n’a plus rien à voir entre la version classique et la version moderne !
La mise en valeur de l’enveloppe externe constitue déjà en soi un défi à relever, qui donnera du fil à retordre au plus grand nombre…
Un autre défi peut être de réaliser une telle mise en avant mais avec une longue focale, afin de mettre en valeur également les plus fins détails au sein de la nébuleuse principale.
Comme pour l’acquisition, et selon l’option retenue de mettre ou non en évidence le halo, M27 peut être un objet très simple ou au contraire très compliqué à traiter !
Version classique
Pour la version « classique » en RGB (ou LRGB, voire même avec un complément de Ha), où seule la nébuleuse principale est à mettre en avant, un traitement simple est largement suffisant : on peut dans ce cadre se contenter d’une réduction de bruit, d’une montée d’histogramme traditionnelle (logarithme + montée fine) et d’un ajustement des couleurs, avec en complément les habituels petits ajustement en mode non-linéaire.
La principale subtilité va porter dans ce cadre sur la calibration des couleurs. En effet, cette nébuleuse est très colorée et émet principalement dans le vert… L’astrophotographe devra donc refreiner, sur cet objet, sa tendance habituelle à vouloir supprimer autant de vert que possible de l’image, sous peine de dénaturer le rendu visuel de la nébuleuse. On voit souvent celle-ci sous une teinte d’un bleu assez prononcé (voire carrement « flashy »), sans aucune présence de vert : dans ce cas, la calibration n’est pas correcte ! Il ne faut pas non plus tomber dans l’excès inverse d’un vert trop prononcé qui dénaturerait la couleur des étoiles environnantes…
A cette fin, l’idéal, si l’on dispose d’un champ suffisamment large, est de procéder à une calibration via l’outil Photometric Color Calibration (PCC). Le champ environnant étant très dense en étoiles, ce mode de calibration donnera de bons résultats à la fois sur les étoiles et sur la nébuleuse. Si le champ est trop réduit, mieux vaut se rabattre sur une méthode plus classique de neutralisation du fond de ciel et de calibration des blancs.
Si l’image est réalisée à longue focale, il peut être intéressant de procéder à un rehaussement des détails dans le centre de la nébuleuse. Cette opération peut être réalisée avec les process LocalHistogramEqualization (avec un masque de protection des basses valeurs adapté) ou même avec HDRMultiscaleTransform. Attention toutefois dans ce dernier cas à ne pas trop écraser la dynamique de la nébuleuse dans son ensemble : un HDR trop prononcé peut conduire à une image d’aspect assez « plate » et sans contraste.
Si l’image est réalisée à courte focale, le rehaussement de détails ne présente que peu d’intérêt. En revanche, cette zone du ciel étant très dense en étoiles, il est recommandé d’effectuer une petite réduction d’étoiles de mieux mettre en valeur la nébuleuse elle-même.
Version moderne
Pour la version « moderne », où l’on cherche à faire ressortir au maximum le halo de la nébuleuse, les choses sont plus compliquées…
Déjà, cela suppose d’avoir procédé spécifiquement à des acquisitions dans ce but : temps de pose allongé, utilisation de filtres H et OIII…
Le traitement va dépendre essentiellement des choix retenus lors de l’acquisition, et notamment des filtres utilisés. Mais dans tous les cas, une grande différence avec le traitement simplifié de la version « classique » va porter sur la montée d’histogramme. En effet, pour mettre en valeur les extensions, il est recommandé de procéder à une montée d’histogramme plus « aggressive » que le classique « logarithme+montée »…
Sous Pixinsight, l’utilisation de la fonction MaskedStretch permet d’optimiser le signal présent dans les basses valeurs, et de mieux faire ressortir celui-ci du fond de ciel en mode non-linéaire. C’est personnellement l’option que j’ai retenu dans le traitement de cette image.
A noter que ce process peut également être utilisé utilement pour la montée d’histogramme des couches couleur, puisqu’il permet de conserver une grande dynamique de teintes tout en évitant les zones de saturation lumineuse, ce qui est particulièrement appréciable ensuite pour effectuer les réglages de la couleur.
Une autre étape cruciale est la réalisation d’une image de luminance qui contienne de l’information utile pour l’ensemble des couches couleurs. Si l’on se limite à une image de luminance classique réalisée avec un filtre L (aucun intérêt pour une image en HOO…), ou si l’on utilise l’image Ha comme luminance, ou encore si l’on procède à une combinaison des couches L et Ha pour réaliser l’image de Luminance, alors on risque de perdre beaucoup de signal utile pour la mise en valeur de l’enveloppe externe de la nébuleuse…
Pour se faire une idée plus précise, voici à quoi ressemblent les images L, Ha et OIII :
On voit bien que la luminance classique ne contient quasiment aucun signal utile pour le halo. L’ensemble du signal utile se trouve sur les couches Ha et OIII, mais est réparti de façon très différenciée.
Dès lors, il est indispensable de réaliser une couche de Luminance qui regroupe ces 3 images. Une manière simple de procéder est d’exploiter la fonctionnalité de mix de luminance du script SHO_AIP, en mode « screen » ou « lighten ». Il est également possible d’utiliser PixelMath à cette fin.
Bien sûr, en cas de mixage HOO, seule les images H et OIII vont être mixées ; la couche L n’ayant aucune raison d’être.
La même opération de mixage peut être réalisée pour les couches couleurs : le Ha peut être mixé avec la couche Rouge, et le OIII avec la seule image Bleue, ou avec les images Verte et Bleue, dans des proportions différentes. Pour cette image, c’est cette dernière option que j’ai retenue.
Le mixage pour l’image de Luminance et pour les couches Couleurs peut être réalisé en mode linéaire ou non-linéaire. Pour ma part, il me semble beaucoup plus simple pour la luminance de procéder à ce mixage en mode non-linéaire, afin de pouvoir équilibrer au préalable les images entre elles au moyen du process LinearFit. Pour la couleur en revanche, le mixage en mode linéaire dispose de nombreux avantages, notamment celui d’une intégration bien plus douce et imperceptible du signal narrowband dans l’image. Dans la même finalité, le mixage narrowband et couches couleurs se fera de manière plus fine en utilisant PixelMath qu’avec le process SHO_AIP. Je vous invite à consulter le tutoriel dédié pour plus de détails.
Au final, on peut donc tenter un montage, d’apparence un peu barbare, (L-Ha-OIII) – RHa-GOIII-BOIII.
Une fois n’est pas coutume, une grande partie du traitement consistant à faire ressortir le halo aura lieu ensuite sous Photoshop, avec des masques de fusion adaptés et en jouant très subtilement sur les courbes. En fonction du signal de l’image, un nombre plus ou moins important de passes successives seront nécessaires. Mais mieux vaut y aller progressivement que de vouloir faire ressortir tout le halo en une seule opération, car cela se fera nécessairement au détriment du bruit et peut créer des zones de transition très inesthétiques avec le fond de ciel… Par ailleurs, des traitements successifs et localisés permettent de conserver des transitions de luminosité plus cohérentes. Il faut à tout prix éviter un aspect « collage » sur l’image finale !
A noter que l’essentiel des traitements visant à mettre en évidence le halo vont être réalisés exclusivement sur l’image de Luminance.
Pour la création des masques de fusion adaptés, rien ne remplace le process RangeSelection de Pixinsight ; en soustrayant à l’image obtenue un masque d’étoiles, afin de ne surtout pas affecter l’aspect des étoiles lors de ces traitements.
Cette phase de création de masques est l’une des plus complexes : de bons masques, adaptés et progressifs, permettront des traitements simplifiés et efficaces ; alors que des masques approximatifs vont dégrader l’image (création d’artefacts, de zones de transition brutales, halos d’étoiles renforcés, etc.). Il convient donc d’y passer le temps nécessaire et ne pas hésiter, au fur et à mesure des traitements, à actualiser ces masques. Attention également à ne pas « créer » de l’information avec ces masques (par exemple en conservant des zones de fond de ciel dans le masque de halo) !
Difficulté complémentaire : la mise en valeur des extensions les plus faibles du halo ne doit pas conduire à ce que ces dernières soient aussi lumineuses que la zone centrale de la nébuleuse ! Il est très tentant de chercher à remonter le signal, mais il faut avant tout respecter la nature « physique » et la réalité de l’objet. Il sera donc nécessaire de procéder, si besoin, à des petits ajustement également sur la zone centrale, encore une fois avec des masques adaptés.
Sur les images présentés, j’ai veillé à ce que la couronne externe demeure bien moins lumineuse que l’enveloppe de gaz principale. Conserver un équilibre contrasté et des dégradés de luminosité réalistes est également une difficulté.
Dans tous les cas, je vous souhaite bon courage ! Ce traitement est sans conteste l’un des plus difficiles que j’ai eu à effectuer…
Au vu de mes contraintes sur ces images et des limitations qu’elles ont entraîné, l’objectif sur cet objet est clair : réaliser une nouvelle image avec une optique disposant d’une longue focale mais parfaitement corrigée optiquement, avec beaucoup plus de temps en Ha et en OIII !
Certaines versions parmi les plus belles que l’on peut voir cumulent plusieurs dizaines d’heures… ce qui est un peu optimiste pour moi en nomade, mais malgré tout il y a moyen de faire bien mieux qu’avec 2h en HOO ! 🙂
Si l’espace commentaires n’est pas accessible, consultez le guide pratique pour y remédier !
Vous appréciez Photon Millenium et peut-être même le consultez-vous régulièrement ? Vous souhaitez soutenir mon travail et contribuer au développement du site ? Vous avez amélioré vos traitements grâce aux tutos et souhaitez m’offrir un café en retour ? 😉
Vos dons, grands comme modestes, m’aideront à supporter les différents frais liés à la vie du site (hébergement, plugins, logiciels, etc.) tout en continuant de bannir les publicités !
Un immense merci pour votre précieux soutien ! 🙂