Les astronomes – amateurs et professionnels – sont toujours limités dans la pratique de leur activité par une multitude de paramètres.
C’est peut-être un point commun à l’ensemble des astronomes, quel que soit leur niveau, leur spécialité, qu’ils observent, photographient ou réalisent de savantes recherches : si vous leur posez la question, aucun ne vous répondra que tout va pour le mieux !
Il y a toujours un souci de matériel, d’alignement optique, de météo qui reste désespérément bouchée depuis des semaines (sauf pendant la Pleine Lune bien sûr..), de câble, un mauvais rapport signal sur bruit, un problème à corriger sur le suivi de la monture, de disponibilité de télescope, de vent ou de seeing, etc. Et à peine a-t-on corrigé le problème qu’il en survient un autre, plus frustrant encore…
Bref, l’astronome est râleur. 🙂 Passionné, exigeant, et donc dans une forme de frustration permanente par rapport aux différentes sources de limitations de son plaisir.
Cela est sans doute encore plus exacerbé chez les astrophotographes, pour qui le moindre petit grain de sable peut venir ruiner au mieux toute une nuit d’observation, au pire plusieurs mois de préparation…
La pratique du « remote », c’est à dire le contrôle d’un télescope à distance, jadis réservée aux professionnels, offre aujourd’hui à tous les astrophotographes amateurs la possibilité de s’affranchir de tout ou partie de leurs contraintes habituelles. Que rêver de mieux que de pouvoir utiliser son équipement, situé à l’autre bout du monde, et de réaliser de magnifiques clichés…
Mais en perdant ainsi le contact avec le ciel, l’amateur y trouve t-il autant de plaisir ? Nous allons essayer de démontrer que… oui !
1. Pourquoi se lancer dans le « remote » ?
Les astronomes amateurs sont tous concernés par les mêmes restrictions dans la pratique de leur passion. Ces limitations sont liées pour l’essentiel au matériel, au temps d’observation, au budget alloué, à la qualité du ciel et à l’emplacement géographique de l’observatoire…
La pratique du remote permet de réduire fortement ces limitations ; mais aussi, pour ceux qui ont déjà réduit leurs contraintes au maximum, de découvrir de nouveaux horizons cosmiques avec le ciel austral.
Les limitations classiques de l’astronome amateur
Le matériel et le budget
Le nerf de la guerre !
En ce qui concerne le matériel, force est de constater que les équipements accessibles aux amateurs ont considérablement évolué, tant en terme de qualité optique et mécanique, que de diamètre.
Aujourd’hui, l’amateur – certes fortuné – peut acquérir un matériel qui aurait été considéré comme professionnel (ou semi-professionnel) il y a seulement quelques décennies.
Sans aller jusqu’à évoquer les télescopes haut-de-gamme développés par la société ASA (qui peuvent atteindre jusqu’à 2m de diamètre) dont le prix les limite davantage aux universités ou institutions, il est désormais possible d’acquérir des optiques de très bonne qualité et à la finition mécanique très pointue, d’un diamètre de 500 ou 600mm, pour quelques dizaines de milliers d’euros. Un budget qui reste bien sûr très conséquent… à moins de mutualiser l’achat au sein d’un groupe d’amateurs ou d’une association.
Et bien sûr, rien n’impose d’acheter dans ce cadre un instrument : le fabriquer soi-même ou au sein d’un club en s’appuyant sur les différentes compétences des membres demeure la solution la plus économique !
L’amateur disposant de moyens plus modestes n’est pas en reste : la qualité moyenne des productions de grande série a également été très nettement améliorée depuis quelques années.
Si l’optique reste plus aléatoire, les mécaniques des montures de gamme intermédiaire proposent désormais une qualité de suivi parfaitement compatible avec l’astrophotographie. Ces montures disposent par ailleurs de possibilités d’automatisation qui permettent de les utiliser dans le cadre d’un observatoire personnel, comme le font de plus en plus d’amateurs, par exemple en modifiant des abris de jardin en les bricolant pour réaliser un toit coulissant sur rails.
Il est donc aujourd’hui possible pour un amateur de disposer, pour un budget raisonnable, d’un matériel performant et adapté à l’astrophotographie. Et les matériels d’occasion – encore plus accessibles – ne manquent pas.
Le budget n’est plus aujourd’hui un facteur excluant pour pratiquer l’astrophotographie, mais simplement discriminant : il est plus simple d’obtenir une bonne image avec un matériel de qualité (donc onéreux) qu’avec un matériel d’entrée de gamme ! Et cela est d’autant plus vrai qu’on souhaite monter en focale et/ou en diamètre…
Deux autres facteurs sont plus discriminants : le lieu de résidence de l’amateur et le temps qu’il peut consacrer à sa passion.
Le lieu de résidence et le temps disponible
Le meilleur matériel du monde ne vaut pas grand chose s’il est installé sur un mauvais site. La pollution lumineuse, la couverture nuageuse moyenne et un mauvais seeing sont les facteurs limitants les plus évidents.
Le lieu de résidence habituel est une source naturelle de restriction : habiter en pleine ville n’offre aucune chance d’observation des objets du ciel profond ; habiter dans une zone moins citadine offre déjà plus de possibilités, même sans disposer d’un ciel idéal ; et habiter dans une zone très peu affectée par la pollution lumineuse est une chance de plus en plus rare…
Peu de gens ont le luxe de réellement choisir leur lieu de résidence, souvent dicté par des considérations professionnelles. Pour ceux qui – comme moi – habitent en pleine ville ou dans une zone trop polluée, la seule solution est de pratiquer l’astronomie « itinérante », en partant observer dans des lieux plus favorables lorsque l’occasion se présente. Cela impose de transporter l’ensemble de son matériel ainsi qu’une source d’alimentation sur le terrain, souvent à plusieurs dizaines de kilomètres de son domicile.
Pour ma part, un minimum de 60 kilomètres loin de Paris et une bonne heure de route sont nécessaires pour trouver un « spot » disposant d’un ciel compatible avec l’astrophoto… Et arrivé sur place, il faut encore installer tout le matériel et procéder à tous les réglages avant de pouvoir observer. Cela m’impose, par session, au moins 3h de route et d’installation avant de pouvoir lancer la première pose ; et encore, quand tout se passe bien ! 🙂
Mais, même un bon matériel installé dans une zone favorable n’a guère d’intérêt s’il prend la poussière des mois durant…
Entre impératifs professionnels et familiaux, difficile cependant de profiter pleinement des occasions d’observation (à poste fixe ou en itinérance) en pleine semaine de travail ou pendant le week-end avec les enfants ! Si l’on rajoute à ces contraintes celles liées à la météo et aux phases de Lune, les occasions peuvent se raréfier considérablement.
Personnellement, je réalise désormais l’essentiel de mes images au cours des vacances scolaires : l’astrophoto nomade est souvent trop contraignante en dehors de ces périodes plus calmes. Beaucoup ont cependant plus de chance et ont la possibilité de réaliser des clichés depuis leur domicile, ce qui offre plus de facilité ; notamment celle de pouvoir décider au dernier moment si le temps se prête à l’observation, ou encore de pouvoir se permettre de petits moments de sommeil au cours de la nuit pendant les acquisitions…
Car l’astrophotographie n’est pas seulement une discipline exigeante et rigoureuse : c’est aussi une activité qui peut avoir quelques répercussions sur la santé. Ce sujet n’est pas souvent évoqué, mais entre les longues nuits dans le froid et le manque de sommeil, mieux vaut être en forme pour pratiquer assidûment cette activité !
Dans tous les cas, mieux vaut donc bien planifier et organiser ses séances d’observation et de prise de vue.
La solution de l’observatoire personnel
Avec ces différentes contraintes, on se dit que l’idéal est donc de disposer à domicile d’un observatoire personnel entièrement automatisé, pouvant être programmé et capable d’assurer les poses pendant que l’utilisateur passe tranquillement la nuit au chaud dans son lit ! 🙂
Je vous recommande à ce sujet la lecture d’un excellent article de Denis Bergeron, qui donne une bonne idée des défis à relever pour une telle réaslisation !
Bien sûr, un tel observatoire n’est pas à la portée de toutes les bourses, et demande quelques compétences en mécanique et en électronique, notamment pour assurer – parmi une multitude d’autres choses – la mise en sécurité du matériel en cas d’intempéries imprévue au cours de la nuit ! Mais il permet de réaliser des images toutes les nuits de beau temps, sans pour autant entraîner une trop grande fatigue.
Mais même avec un tel observatoire à demeure, son utilisateur reste soumis à des limitations importantes : la zone géographique, la météo et la qualité du ciel.
Toutefois, si un tel observatoire automatisé installé dans son jardin peut être contrôlé depuis son salon, rien n’interdit d’installer cet observatoire… un peu plus loin ! Que ce soit à quelques kilomètres ou à plusieurs milliers, le principe demeure le même : c’est là le principe du « remote », c’est à dire du contrôle à distance de son équipement, sans aucune limitation par rapport à ce qu’il serait possible de faire en étant physiquement présent : mise au point, contrôle du suivi, appréciation de la météo, fermeture de l’observatoire, etc.
Et quitte à installer son observatoire à distance, pourquoi ne pas le faire sous un ciel de qualité et sans pollution lumineuse, avec une météo la plus clémente possible au cours de l’année… Et pourquoi pas dans l’hémisphère sud, afin de partir à la découverte du ciel austral ?
L’envie de découvrir de nouveaux horizons…
Outre les limitations classiques évoquées ci-dessus, l’amateur peut aussi se lasser d’observer saison après saison les mêmes objets.
Certes, les nébuleuses et galaxies accessibles aux instruments amateurs sont si nombreuses qu’une vie d’observation ne suffirait pas pour en faire le tour… mais si l’on restreint cette liste aux seuls objets qui présentent réellement un intérêt pour un amateur et un matériel donné, alors une certaine forme de « routine » peut s’installer.
Il suffit de consulter des sites tels que Astrobin, ou les forums d’astronomie, pour se rendre compte que si l’Univers est certes vaste, les objets photographiés sont finalement assez restreints ; et que les mêmes images reviennent, inlassablement, saison après saison : M31, M42, M51, M81, etc.
Et donc, que faire en astrophotographie quand on dispose d’un matériel ultra-performant, que l’on a quasiment tout photographié, qu’on maîtrise le traitement sur le bout des doigts ou encore que l’on peut consacrer des dizaines d’heures à chaque image ? Comme vous l’avez deviné, je ne parle pas de moi, mais des tous meilleurs et des plus motivés astrophotographes : ceux qui investissent le plus de moyens, de temps et d’argent dans leur passion.
Pour ceux-ci, il faut alors chercher d’autres objets à photographier, plus loin, ailleurs, depuis l’hémisphère sud… Certains se découvrent également une vocation de chercheurs de nouvelles nébuleuses planétaires, sur des champs nettement moins souvent photographiés par les amateurs que dans l’hémisphère nord.
Bien sûr, cette envie de partir à la découverte du ciel autral n’est pas réservée qu’aux seuls amateurs parmi les plus expérimentés, et constitue souvent un rêve pour un grand nombre d’entre nous.
Heureusement, pour les blasés de l’hémisphère boréal comme pour les simples curieux, le remote offre désormais la possibilité d’assouvir leur soif de découverte !
2. Le remote : une solution à géométrie variable
Si les professionnels ont depuis longtemps fait le choix d’installer leurs plus puissants observatoires dans les lieux les plus favorables de l’hémisphère sud (notamment au Chili, dans le désert d’Atacama) ou en envoyant des télescopes dans l’espace, les amateurs étaient jusqu’à très récemment contraints de limiter leurs observations à leur domicile (ou proche).
Il est bien sûr possible de voyager dans n’importe quelle région du globe pour observer ou réaliser des images, mais une telle entreprise implique d’avoir recours à un matériel adapté à l’itinérance, donc forcément limité en poids et en taille.
Mais les progrès en astronomie amateur, apportés essentiellement par le développement du numérique et l’automatisation du matériel au cours de ces 20 dernières années, sont tels que les solutions adoptées par les professionnels peuvent désormais être adoptées par les amateurs.
Plusieurs solutions s’offrent à l’amateur, en fonction de ses propres contraintes de temps, de budget et d’expertise, mais aussi à ses motivations personnelles.
La multiplication des offres – très forte ces dernières années – a conduit à une démocratisation du remote, si bien qu’il existe désormais des solutions adaptées à chaque amateur souhaitant en bénéficier.
La solution « pro » : construire son observatoire remote privé
La construction d’un observatoire personnel est un rêve pour la plupart des astronomes amateurs. Leur construction n’a rien de nouveau, mais le format de ces observatoires a cependant beaucoup évolué depuis quelques dizaines d’années. A la classique « coupole », on substitue désormais le plus souvent l’abri de jardin modifié, beaucoup plus simple à construire.
Au cours des années 2000, certains amateurs ont commencé à construire des observatoires personnels en remote, mais les limitations géographiques jouaient encore fortement : pour des raisons pratiques, il restait préférable d’installer de tels observatoires pas trop loin de son domicile. Plus simple à gérer quand un petit câble de rien du tout se décroche !
Mais aujourd’hui, quand on parle de « remote », on ne pense plus vraiment à un observatoire distant de quelques kilomètres… mais plutôt à d’autres pays tels que l’Espagne, le Maroc, le Chili ou encore l’Australie !
Le concept est simple : installer un observatoire entièrement automatisé sous les meilleurs cieux du monde et le contrôler à distance, tranquillement assis au chaud chez soi, depuis son ordinateur ! Il est possible d’installer en complément une ou plusieurs caméras permettant de voir en direct ce qui se passe dans l’observatoire, de vérifier la qualité du ciel… Et même de prévoir une station météo autonome, reliée à l’ensemble, qui referme automatiquement la coupole pour mettre à l’abri le matériel en cas de mauvaises conditions climatiques (vent, pluie, orages…) !
Le remote permet ainsi, en choisissant son site d’installation de manière pertinente, de bénéficier d’un ciel dépourvu de toute pollution lumineuse et à la météo clémente. Et, surtout, en s’installant dans l’hémisphère sud, de pouvoir photographier des objets du ciel austral qu’il est impossible de voir sous nos latitudes.
A cette fin, même s’il est possible de réaliser de telles installations au Portugal ou au Maroc, la plupart des passionnés préfèrent installer leur observatoire directement au Chili, tout proche des sites d’observation des professionnels de l’ESO dans les zones désertiques de l’Atacama.
Les défis d’une telle entreprise sont évidemment nettement plus relevés que de construire un observatoire dans son jardin : outre l’éloignement géographique, les moyens financiers à mettre en oeuvre sont beaucoup plus importants. Ne serait-ce que pour acheter le terrain, y construire l’observatoire, faire réaliser les branchements nécessaires (électricité, internet…), mais également pour la matériel : les instruments qui trônent dans de telles installations sont quasiment professionnels. Se pose encore le problème de la surveillance, de l’entretien et de la maintenance… sauf à devoir dépenser plusieurs milliers d’euros en avion pour Santiago pour rebrancher le fameux petit câble décroché (et qui se décroche toujours….).
En pratique, les amateurs ayant réellement construit intégralement leur propre observatoire personnel « privé » à l’autre bout du monde se comptent sur les doigts d’une main !
Heureusement, il existe d’autres solutions plus économiques…
La solution « passion » : faire héberger son équipement remote
Fort heureusement, disposer d’un équipement de compétition sous les meilleurs ciels du monde n’est pas réservé à une poignée d’associations amateurs ou de quelques milliardaires excentriques.
Une solution intermédiaire existe, en ayant recours aux services de prestataires spécialisés qui s’occupent des principales difficultés de logistique et d’infrastructures.
Ainsi, de nombreuses sociétés (pour la plupart fondées par des amateurs passionnés) se sont engouffrées dans ce qui promet d’être le futur « Eldorado » de l’astronomie amateur, et proposent différents services de nature à simplifier la concrétisations des projets de remote ; par exemple en construisant toutes les infrastructures d’accueil et en assurant à leurs clients l’hébergement, l’installation, la maintenance et aussi la sécurité de leur équipement.
Naturellement, ces infrastructures sont installées dans des lieux bénéficiant de conditions météo particulièrement favorables (+320 nuits dégagées par an, aucune pollution lumineuse, au-dessus de la couche d’inversion, excellent seeing, etc.).
La plupart de ces prestataires proposent des hébergements mutualisés ou individuels. La solution mutualisée est évidemment la moins onéreuse, car toute l’infrastructure est déjà prête : il ne reste plus qu’à installer l’équipement sur la colonne dédiée et à le configurer. La nuit venue, et si les conditions météo sont favorables, le prestataire commande l’ouverture du toit de l’abri, et l’ensemble des équipements installés peuvent alors observer.
Une telle solution est aujourd’hui – de très loin – la plus prisée des passionnés, car elle simplifie énormément les difficultés administratives et logistiques, tout en assurant une sécurité et une maintenance du matériel avec des personnes compétentes présentes sur place toute l’année.
Mais même s’il ne reste à se focaliser matériellement « que » sur l’équipement à installer, une telle entreprise représente toujours une aventure de plusieurs mois avant de disposer d’un observatoire fonctionnel. Naturellement, l’investissement financier reste considérablement plus élevé qu’une pratique « locale » de l’astronomie puisqu’en plus du prix du matériel (qui ne change pas) il faut ajouter les frais d’hébergement, d’entretien et de maintenance du prestataire (plusieurs milliers d’euros par an), auxquels s’ajoutent souvent les déplacements sur place (au moins pour l’installation).
Côté matériel, il est bien évident que tout doit être à la hauteur de l’investissement ! Le haut-de-gamme est donc privilégié, même si les configurations sont assez diversifiées, allant du setup « grand champ » (FSQ106) à des télescopes Ritchey-Chrétien de grand diamètre.
C’est pourquoi, en pratique, les amateurs qui se lancent dans cette aventure le font en petites équipes ; l’idéal étant que chaque membre fasse bénéficier les autres de ses compétences propres (en optique, mécanique, programmation, etc.) qui peuvent être utiles lors de la conception de l’instrument.
Ces équipements en remote permettent ainsi à leurs utilisateurs de réaliser des images chaque nuit de temps dégagé. Idéal pour cumuler plusieurs dizaines, voire centaines, d’heures de pose pour chaque image !
Mais même si cette solution se démocratise, une telle aventure demeure encore réservée aux amateurs les plus expérimentés, les plus passionnés… et prêts à investir beaucoup de temps et d’argent dans leur passion.
Est-ce à dire que le remote n’est pas accessible pour le plus grand nombre d’amateurs ? Pas du tout ! Il existe d’autres solutions moins onéreuses.
La solution « ponctuelle » : louer du temps de télescope en remote
En parallèle (et parfois en complément) des solutions d’hébergement, certaines sociétés adoptent une approche différente, en construisant directement un observatoire doté d’instruments de rêve et en « louant » le temps d’observation.
Ici, pas de matériel à acquérir ou à installer, aucun frais d’hébergement ou d’entretien, ni de maintenant : tout est déjà prêt à l’emploi, et il suffit de créer un compte pour pouvoir commencer à utiliser le matériel.
On change ici clairement de philosophie car le matériel utilisé par l’amateur n’est plus le sien. Il n’y a donc plus la satisfaction de réaliser des images avec « son » setup exclusif, dont tous les composants ont été choisis et réglés minutieusement pendant de longs mois…
Mais cet aspect est rapidement compensé par la qualité du matériel qu’il est possible de louer, par exemple un télescope Ritchey-Chrétien de… 1m de diamètre (chez Chilescope). Un instrument digne d’un observatoire professionnel, valant plus d’un million d’euros et installé dans une coupole de 5,5m de diamètre… Donc pas de complexes à avoir, il est de toute façon inenvisageable pour un amateur de disposer d’un tel instrument ! Même les « petits » télescope de 500mm de diamètre qu’il est possible de louer représentent déjà un rêve quasi-inaccessible pour un grand nombre d’amateurs ; le simple tube optique dépassant allègrement les 50 000 euros…
Le fait de ne pas utiliser son propre matériel est également compensé par la liberté offerte à l’utilisateur de configurer lui-même ses sessions d’acquisition comme bon lui semble, en entrant les coordonnées de son choix, en sélectionnant les filtres à utiliser, le temps de pose, le suivi, la mise au point, etc., et de suivre en direct le déroulement des acquisitions. Attention toutefois, il n’est pas possible de « contrôler » directement le télescope pendant la prise de vue. Même si vous restez, au final, responsable de vos choix et du cadrage des images, toute la procédure est automatisée. La présence de l’utilisateur n’étant pas requise pour initier la séquence de prise de vue, celui-ci est libre de programmer son temps d’observation comme bon lui semble, y compris pendant ses heures de travail, en pleine nuit, ou 6 mois à l’avance…
Ces instruments sont utilisables sur demande, et la facturation est réalisée sur la base d’un taux horaire différent pour chaque instrument. Par exemple, Chilescope offre la possibilité de louer le RC1m pour 200$ de l’heure, ou un Newton ASA500mm pour 60$/h. Mais ciel du Chili ou pas, la réalisation d’une image astronomique de qualité nécessite de réaliser plusieurs heures de pose, souvent plus de 10h pour les nébuleuses faibles… la facture peut donc grimper très rapidement ! Ainsi, 10h de pose avec le RC1m en plein tarif équivaut à dépenser 2000$ (à peu près autant en euros), ce qui représente le prix d’un bon tube optique d’amateur !
Heureusement, ce tarif de base ne s’applique qu’au cours des quelques nuits de Nouvelle Lune, là où le ciel n’est affecté par aucune lumière parasite. Des réductions progressives sont appliquées en fonction de la phase de Lune, jusqu’à 75% lors de la Pleine Lune. En fonction des objets photographiés et en prenant la peine de planifier habillement ses sessions d’acquisition, il est donc possible de cumuler de nombreuses heures de pose en dépensant un prix qui demeure raisonnable. Il est par ailleurs parfaitement possible de réaliser des images à plusieurs, en se répartissant les sessions d’acquisition et en mutualisant ensuite les images réalisées.
Personnellement, c’est cette solution que j’utilise actuellement pour réaliser occasionnellement des photos d’objets de l’hémisphère austral. Je n’étais pas spécialement attiré par le « remote » au départ, mais il s’agit d’une solution simple pour réaliser des images d’objets impossibles à observer depuis la France.
Au mois de juin 2018, un membre du forum réalise, avec quelques heures de poses « louées » sur un télescope installé au Chili, une magnifique image d’une nébuleuse. Il indique également qu’il a une autre image en projet… je le contacte alors pour lui proposer de réaliser cette seconde image ensemble, en partageant les frais… ce qu’il accepte très gentiment !
La première image ainsi réalisée est une véritable révélation, qui me donnera envie de récidiver rapidement sur des objets moins communs voire quasiment jamais imagés par des amateurs (et même peu photographiés par les professionnels) telle que la galaxie ESO350-40, dite de « la roue de chariot ».
J’utilise donc régulièrement ce service, qui me permet de rester en contact avec le ciel lorsqu’il m’est impossible de pratiquer en « nomade », et qui est très pratique compte-tenu des mes contraintes d’horaires, professionnelles ou familiales…
La popularité de ces services est en forte croissance, aussi il devient parfois compliqué de trouver des créneaux de réservation pour les bonnes nuits adaptées à l’objet que l’on souhaite photographier. C’est là l’un des principaux inconvénients de ce service : le nombre d’instruments proposés à la location est limité, mais la demande d’utilisation augmente… à moins de réserver ses séances avec plusieurs semaines d’avance (mais sans visibilité sur la météo), il faudra parfois accepter d’étaler ses prises de vue sur plusieurs semaines pour obtenir suffisamment de poses.
Cette solution, qui a pour elle l’avantage de la simplicité et de la rapidité, peut toutefois s’avérer potentiellement moins rentable sur le long terme que faire héberger son propre équipement personnel. Attention donc à ne pas basculer dans une addiction trop forte sous peine de voir la facture grimper rapidement !
Si vous souhaitez maîtriser avec certitude vos dépenses, tout en ayant l’assurance d’obtenir des données exploitables à traiter, il existe enfin une dernière solution… mais il ne s’agit plus vraiment de « remote ».
La solution « traitement d’images » : l’achat de données acquises en remote
Certaines sociétés proposent, outre leurs activités d’hébergement, de pouvoir accéder à des « données » obtenues avec des setup d’ores et déjà installés.
Il suffit donc de s’inscrire et de rejoindre une « team » dédiée à un setup donné, en contrepartie d’un abonnement annuel dont le prix dépend de la qualité du matériel utilisé. Par exemple, la société DeepSkyWest propose, en plus de l’hébergement de matériel, des abonnements de ce type compris entre 600$ et 2400$ par an. Les membres de la « team » peuvent proposer des cibles et un vote déterminer celle retenue : il n’y a donc pas de garantie que les objets que vous souhaitez réaliser soient retenus au final…
Les données sont accessibles sous une forme mutualisée, et chaque utilisateur peut réaliser son propre traitement.
Ce type d’abonnement permet d’accéder, à moindre frais et avec une garantie de résultat, à des données de qualité permettant des traitements d’image réguliers.
Mais attention cependant, le terme « remote » n’est plus ici vraiment pertinent ! En effet, vous ne maîtrisez réellement aucune étape de la prise de vue, et n’avez même accès à aucun moment au matériel lui-même…
Si l’image finale appartient à celui en ayant effectué le traitement, il est cependant plus difficile de considérer dans ce cas que l’image réalisée est bien la « sienne ». On voit régulièrement publiées, en quelques jours d’intervalle sur Astrobin, des images très similaires issues de ces « lots » de données… Cela n’empêche bien sûr pas de réaliser de belles images, mais il ne faut pas compter dans ce cas faire preuve d’une grande originalité !
Bref, vous l’avez compris, je n’adhère pas réellement à cette solution ; mais elle est susceptible de convenir à beaucoup d’amateurs, notamment ceux souhaitant se perfectionner en traitement. D’autant qu’il est simple dans ce cas de comparer ses résultats avec ceux obtenus par les autres membres.
3. Le remote est-il fait pour moi ?
Comme nous l’avons vu, le terme « remote » regroupe plusieurs réalités, et chacune est susceptible de répondre à des attentes, des envies mais aussi des contraintes très différentes auprès de nombreux amateurs.
Pour autant le remote peut lui aussi se révéler source de difficultés ou de frustrations… autant les envisager avant de se lancer dans l’aventure, quelle qu’en soit la forme !
Le coût financier
A domicile ou en remote, on en revient encore et toujours à l’aspect financier…
Quel que soit le type de remote choisi, cela représente un investissement financier qui peut rapidement s’avérer non négligeable… nous avons évoqué ci-dessus les budgets moyens de chaque solution, mais bien sûr il faut déterminer très précisément votre propre budget prévisionnel, compatible avec vos moyens.
En dehors de la location de temps de télescope (qui n’est soumise à aucun engagement), les autres options impliquent des dépenses régulières sur plusieurs mois, voire sur plusieurs années. Il est donc recommandé de se lancer dans cette aventure uniquement lorsqu’on dispose bien de l’ensemble des équipements nécessaires à sa pratique personnelle de l’observation ou de la photographie « à domicile »… sauf à souhaiter délocaliser l’ensemble de son matériel et renoncer à l’observation soi-même au quotidien.
Si le projet qui vous intéresse, quel qu’il soit, n’est pas compatible avec votre budget, n’y renoncez pas forcément et essayez de constituer une équipe avec quelques amateurs dans la même situation afin de partager les frais. Naturellement, s’il s’agit d’un projet ayant vocation à se développer sur plusieurs années, il est préférable de se lancer dans l’aventure avec des amis ou des personnes que vous connaissez suffisamment bien !
Pour les projets les plus ambitieux, les membres de l’équipe peuvent créer une structure juridique distincte afin de centraliser les comptes liés au projet et pour préciser les apports de chacun, par exemple sous la forme d’une association. Même entre amis, cela peut simplifier beaucoup les choses…
L’expérience préalable
On ne peut que recommander aux amateurs souhaitant se lancer dans un projet d’équipement personnel en remote d’acquérir au préalable une expérience dans l’automatisation de leur setup à domicile, et de bien connaitre les différents logiciels nécessaires pour exploiter l’ensemble des fonctionnalités de manière optimale.
Il est en effet inenvisageable de découvrir les possibles problèmes récurrents une fois tout installé à l’autre bout du monde… sauf à alourdir la facture en ayant recours aux services de maintenance sur place !
Si vous êtes amenés à constituer une équipe, l’idéal est bien sûr que chaque membre puisse faire bénéficier les autres de ses propres compétences, expériences et domaines de spécialité. Il peut également être appréciable de définir de manière commune le fonctionnement de l’équipe lorsque l’équipement sera opérationnel.
Pour les solutions de remote n’impliquant pas d’installer votre propre équipement, aucune expérience préalable n’est en revanche réellement nécessaire…
La perte de contact avec le ciel
Il s’agit là d’une question éminemment subjective, car chaque astronome amateur a son propre rapport au ciel et à la façon de vivre sa passion.
Pour certains, il n’est pas envisageable de tout automatiser, car ils apprécient être sur le terrain au moins autant que de réaliser des photographies. Pour d’autres, la prise de vue n’est qu’une succession d’opérations technique indispensables, mais dont l’unique finalité est d’obtenir des images exploitables pour le traitement. D’autres encore ne conçoivent simplement pas de se séparer de leur matériel, car ils apprécient de pouvoir lui apporter autant de petits réglages et améliorations que nécessaire.
Alors certes, le remote permet de bénéficier des meilleurs ciels du monde, éventuellement avec du matériel inaccessible aux amateurs. Il permet d’automatiser l’ensemble des processus, de la surveillance du ciel à la fermeture automatique de l’observatoire en passant par le lancement des prises de vue ; tandis que l’utilisateur est tranquillement en train de dormir.
Mais ce faisant, le risque n’est-il pas de perdre contact avec le ciel ? Je ne le pense pas. Ou, plus exactement, je ne le pense plus.
En effet, j’ai pendant longtemps nourri une certaine réticence envers le remote. A titre personnel, je ne conçois pas de ne plus avoir besoin d’être physiquement présent pendant les séances d’acquisition. Non pas que ma présence soit indispensable – car pour l’essentiel mon setup peut tourner tout seul une fois les poses lancées – mais simplement parce que j’apprécie ces moments là. Sans doute est-ce lié au fait que j’ai peu l’occasion d’observer dans l’année, ou que j’ai débuté l’astronomie à une époque où l’automatisation n’existait pas…
Pourtant, dès ma première expérience en remote, ces réticences ont été vite balayées par l’excitation ressentie lors de la visualisation en direct des images acquises par un téléscope de 1m depuis le Chili ! Et même si je n’étais pas présent physiquement et que le matériel ne m’appartenait pas, je n’avais pas de doute sur le fait que les images obtenues étaient bien « les miennes ». Une sensation nouvelle mais qui s’est confirmée session après session. Je ne peux donc qu’imaginer que ce sentiment et la satisfaction ressentie soient infiniment plus grands lorsqu’on utilise en remote son propre équipement personnel !
Alors, mes appréhensions n’étaient-elles en réalité que d’obscurs préjugés ? Pas vraiment non plus…
En effet, si la pratique de l’astrophoto en remote me procure beaucoup de satisfaction, je ne pourrais pas m’en contenter de manière exclusive. Il s’agit pour moi d’un parfait complément à ma manière d’observer habituelle, mais en aucun cas d’une solution de substitution.
Loin de perdre un quelconque rapport au ciel, le remote me permet au contraire de conserver un lien régulier avec l’observation, y compris pendant les longues périodes de mauvais temps hivernal qui sont habituelles sur la région parisienne.
Observations à domicile et en remote ne sont en rien concurrentes : elles peuvent se compléter parfaitement pour faire bénéficier l’amateur de sources nouvelles de découverte et de plaisir dans sa pratique de l’astronomie. Et avoir un œil dans chaque hémisphère, n’est ce pas le rêve ?
En conclusion…
Je n’aurai qu’un conseil : lancez-vous !
C’est encore la meilleure manière de vérifier concrètement si les possibilités offertes par le remote vous conviennent ou non. Vous pouvez commencer simplement et modestement, en engageant très peu de moyens, par exemple en louant – comme je l’ai fait – quelques heures d’observation sur un télescope déjà installé.
Attention toutefois… le risque est d’y prendre rapidement goût !
Pour ma part, je sais déjà que l’étape suivante sera de constituer ou de rejoindre une équipe pour installer un instrument en remote. Peut être pas directement au Chili pour commencer, mais d’autres destinations plus proches (et plus économiques) disposent de conditions déjà nettement plus favorables que Paris…
Mais est-il possible de tirer une croix (du sud) sur le ciel austral lorsqu’on a commencé à y goûter ? 🙂