La nébuleuse MWP1 est un objet céleste fascinant mais relativement peu imagé, principalement en raison de sa très faible luminosité qui la réserve aux astrophotographes les plus motivés !
Découverte tardivement, en 1993 par les astronomes Motch, Werner et Pakull lors de l’étude de sources X dans le ciel, cette nébuleuse planétaire se situe dans la constellation du Cygne, à environ 4 500 années-lumière.
Ce qui rend MWP1 particulièrement remarquable, c’est sa taille impressionnante (15 années-lumière de diamètre) et son âge avancé, qui lui a valu le surnom de « nébuleuse de Mathusalem » : il s’agit en effet de l’une des plus anciennes nébuleuses planétaires connues.
Alors que la plupart des nébuleuses planétaires ont une durée de vie relativement « courte » (en termes astronomiques), de l’ordre de quelques dizaines de milliers d’années avant de se dissiper dans l’espace, MWP1 se distingue par son âge « canonique », estimé à environ 150 000 ans ! La longue durée de vie de MWP1 est probablement due à la vitesse relativement lente à laquelle ses gaz se sont dispersés, ce qui a permis à la nébuleuse de rester visible bien plus longtemps que la plupart des autres.
En fait, cette nébuleuse est tellement ancienne qu’elle a déjà entamé la fin de sa phase de nébuleuse planétaire, au point où les restes de gaz sont tellement dilués dans le milieu interstellaire qu’ils deviennent de plus en plus difficiles à détecter.
De fait, on voit sur l’image présentée ici (voir détail ci-contre) que sa structure est déjà largement étiolée ; même si on devine encore bien la forme globale d’une structure bipolaire caractéristique, avec deux lobes symétriques s’étendant de part et d’autre de son étoile centrale.
Cette forme suggère une histoire d’évolution complexe, probablement marquée par des éjections de matière à grande vitesse et des interactions dynamiques avec le milieu interstellaire environnant.
La nature de l’étoile centrale a également une influence majeure sur la forme et le développement de la nébuleuse planétaire. En l’occurrence, la forme bipolaire suggère la présence d’un système double avec de forts champs magnétiques ; et l’étoile centrale principale est atypique puisqu’il ne s’agit pas à proprement parler d’une naine blanche, mais d’une « pré-naine blanche » : étape intermédiaire de l’évolution d’une étoile entre la géante rouge et la naine blanche.
L’étoile a ainsi déjà expulsé ses couches extérieures sous la forme d’une nébuleuse planétaire, mais le cœur de l’étoile ne s’est pas encore contracté en naine blanche.
Techniquement, ces étoiles sont classées dans les « naines blanches à pulsation » et l’étoile responsable de la nébuleuse MWP1 est classée dans la catégorie GW Vir, dont les étoiles présentent une atmosphère principalement constituée de carbone, d’hélium et d’oxygène et dont la température de surface est élevée (entre 75 000 et 200 000 K). Sur le diagramme de Hertzsprung-Russell, ces étoiles sont dans une position intermédiaire entre la branche asymptotique des géantes et la région des naines blanches.
La nébuleuse MWP1, ainsi que son étoile d’origine (qui n’est pas située parfaitement au « centre » de la nébuleuse, ce qui suggère un déplacement rapide de celle-ci) constituent donc de très intéressants sujets d’étude pour les astronomes.
On notera également sur cette image la présence à proximité d’une autre petite nébuleuse planétaire, découverte encore plus récemment (en 2009) par l’astronome amateur Filipe Alves, alors qu’il réalisait une photographie de MWP1 ! De forme circulaire plus classique, celle-ci est encore plus faiblement lumineuse que sa voisine, et reste difficilement perceptible sur des poses longues en Ha ou en OIII, même avec des filtres très restrictifs…
La nébuleuse MWP1, avec sa faible luminosité, représente un défi de choix pour tout astrophotographe un peu « avancé », ainsi qu’une bonne occasion de sortir des sentiers bien balisés dans la constellation du Cygne !
Il faudra bien sûr disposer d’un équipement adapté à la prise de vue de cet objet (qui ne rayonne quasiment qu’en Ha et en OIII), bénéficier d’un ciel de qualité sans présence de la Lune… et surtout s’armer de patience car – même avec les capteurs les plus récents et performants – il faudra miser sur plusieurs dizaines d’heures pour pouvoir disposer au final d’une image exploitable au traitement.
A titre d’exemple, on peut voir ci-contre à quoi ressemble des brutes unitaires de 300s en Ha et en OIII (avec une ASI 2600MM refroidie à -10° – gain 100 – offset 50) réalisées depuis un site de très bonne qualité sans pollution lumineuse (images réalisées par moi-même, cet été en Corse…) : le signal est très ténu sur MWP1, et sa petite voisine ALV1 est quasiment invisible avant l’empilage.
L’image présentée ici, réalisée par Sara Harvey, est un magnifique exemple de ce qu’il est possible d’obtenir avec des temps de pose très conséquents (plus de 50h au total, dont près de 30 heures pour la seule couche Ha).
Les différentes structures de la nébuleuse apparaissent alors de manière très distincte entre les couches Ha et OIII, avec pour résultat des zones rouges et bleues très marquées.
D’autres structures, des bandes de gaz en émission Ha et OIII encore plus ténues, sont également visibles dans le champ (mais totalement invisibles sur les brutes unitaires comme on peut le constater sur les images ci-contre).
Le prétraitement ainsi que le traitement se doivent ensuite d’être exemplaires afin de pouvoir mettre en valeur les différentes nébulosités, tout en préservant la montée du bruit. Le traitement de tels objets faibles est certes désormais facilité avec les derniers process starless, mais demeure toujours délicat pour respecter la dynamique des objets et obtenir un équilibre d’ensemble satisfaisant…
Dans le cas présent, on ne peut que constater la très grande qualité du traitement réalisé : un signal parfaitement exploité, des couleurs vivantes sans basculer dans la saturation outrancière, des transitions subtiles entre les zones Ha et OIII, un bruit à peine perceptible, ainsi que de belles couleurs pour les étoiles (apportées par une série de poses complémentaires en RGB).
La balade dans la full est un véritable plaisir ! Nul doute que cette image inspirera plus d’un astrophotographe à décaler son objectif de quelques degrés la prochaine fois qu’il pointera vers les Dentelles du Cygne ! 😉
Astrophotographe irlandaise, Sara Harvey réalise depuis quelques années de magnifiques images du ciel profond.
Passionnée d’astronomie depuis son enfance grâce à son père qui lui fait découvrir les constellations, Sara a reçu son premier télescope 17 ans et a été émerveillée par l’observation de Saturne. Après du visuel avec un Mak127, elle s’est lancée dans l’astrophotographie en 2019.
En 2020, lors du passage de la comète Neowise, Sara se tourne vers l’imagerie du ciel profond, s’équipant d’une lunette WO Z73 et d’une EQ6Rpro. Face à la pollution lumineuse dans sa ville de Cork, elle a adopté des filtres à bande étroite et est passée à une Takahashi FSQ85, puis un Newton Lacerta 250 – son instrument favori.
Devant les défis liés aux conditions météorologiques en Irlande, Sara a installé sa FSQ85 en remote à l’observatoire Trevinca Skies en Espagne.
Une visite de la galerie de Sara permet de constater toute l’étendue de son talent, avec de superbes traitements sur des objets parfois très faibles et nécessitant de longues heures de pose !
Date : 29 août 2024
Lieu : Trevinca Skies – Espagne
Optique : Takahashi FSQ 85 EDX (f/3,5)
Monture : SW HEQ5 Pro
Caméra : ASI 1600 MM
Ha 6nm : 292 x 360s (bin1)
OIII 3nm : 211 x 360s (bin1)
R/G/B : 3 x (5 x 60s) (bin1)
Total : 50h33
Logiciels : APP, Pixinsight, Photoshop
Les Photons d’Or récompensent chaque mois une image particulièrement remarquable réalisée par un amateur… n’hésitez pas à proposer vos images !
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