
Photons d’Or – Mai 2023
L’image du mois Mai 2023 Les galaxies NGC 4725, NGC 4747 & NGC 4712, par Guillaume GRUNTZ. Parmi les belles galaxies du printemps, NGC 4725 n’est pas l’une des plus populaires… et l’on se demande vraiment pourquoi ! Elle n’a
Lorsque les grands explorateurs européens se lancèrent, à la fin du XVe et au début du XVIe siècle, à l’assaut des mers pour découvrir de nouveaux mondes et des routes maritimes encore inexplorées, ils naviguaient – une fois éloignés de toute côte visible – à l’aide des étoiles. Une bonne connaissance du ciel et des constellations leur était donc essentielle pour déterminer leur position approximative et leur cap, ainsi que pour dresser des cartographies.
En s’aventurant de plus en plus au sud sous l’équateur, le ciel changeait radicalement d’aspect et ne ressemblait plus à celui qu’ils connaissaient bien en Europe.
Sans surprise d’ailleurs, puisqu’à cette époque (et contrairement à une certaine idée reçue qui tente de faire passer les hommes du moyen-âge pour plus obscurantistes qu’ils n’étaient…), il était déjà communément admis que la Terre était ronde.
En particulier pour les marins qui pouvaient par exemple constater que les mats des navires disparaissaient après la coque sur l’horizon, ou qui voyaient des étoiles inconnues apparaitre dans le ciel au fur et à mesure que leur latitude diminuait…
Pour les besoins de leur navigation au cours de ces longs voyages, il leur était donc essentiel de cartographier – même sommairement – ces « nouvelles » étoiles. C’est ainsi que Fernand de Magellan, lors de son départ depuis Séville en 1519, était équipé d’un astrolabe nautique (une nouveauté !) lui permettant de mesurer précisément la hauteur des astres pour estimer sa latitude.
Lors de son périple (qui prit fin pour lui sur une île des Philippines…), il fût amené à observer de nombreuses étoiles et objets célestes encore inconnus des européens, et notamment deux « nuages » assez lumineux qui furent ensuite baptisés en son nom ; bien que leur existence ait déjà été rapportée quelques années auparavant par Amerigo Vespucci et… depuis plus de 600 ans par l’astronome perse Al-Soufi !
Il faudra toutefois attendre le milieu du XVIIIe siècle, et notamment les travaux de Nicolas-Louis de Lacaille pour que certaines de ces « nouvelles » constellations se voient attribuer leurs noms définitifs (sur les anciennes cartes, il n’était pas rare de voir des constellations identiques appelées différemment, au gré de l’imagination de leurs auteurs).
Au sein du plus grand de ces « nuages » observés par Magellan – en réalité deux petites galaxies satellites de notre Voie Lactée – l‘astronome français sera par ailleurs le premier à identifier la nature nébuleuse du gigantesque ensemble de gaz visible à l’œil nu – et jusqu’alors répertorié comme une étoile : la nébuleuse de la Tarentule, tout simplement la plus grande nébuleuse connue dans l’Univers. Si elle était située à la même distance de la Terre que la nébuleuse d’Orion, la Tarentule s’étendrait dans le ciel sur plus du double du chariot de la Grande Ourse, avec un éclat identique à Vénus à son maximum !
Cette nébuleuse « hors-normes » tend à éclipser quelque peu ses proches voisines… qui sont pourtant nombreuses : sur l’image ci-contre, réalisée en narrowband par la Team Ciel Austral (avec un temps de pose démentiel de 1060h !!), il est possible d’en dénombrer visuellement plus d’une centaine !
En effet, malgré sa petite taille (14 000 années-lumière, soit 7 fois moindre que la Voie Lactée), le Grand Nuage de Magellan est particulièrement actif puisqu’on y dénombre pas moins de 400 nébuleuses planétaires et plus de 700 amas ouverts, généralement associés à une ou plusieurs nébuleuses ! La supernova 1987A – la plus proche observée depuis l’invention du télescope – était également localisée dans cette galaxie.
Si la Tarentule est certes la plus imposante, certaines de ses voisines ne sont pas en reste : c’est le cas notamment de NGC 1955 (présentée ce mois-ci), qui surclasse également de très loin la nébuleuse d’Orion en terme de dimensions réelles et qui dévoile des structures particulièrement spectaculaires avec de nombreux filaments entremêlés et des zones bien marquées en OIII..
L’image mise à l’honneur ce mois a été réalisée par la Team Ciel Austral avec un setup incroyable exploité en remote sous le ciel chilien, et notamment avec l’utilisation de la caméra C4-16000, que la team a contribué à développer et améliorer en collaboration avec Moravian.
Comme nous le relevions dans la présentation de la dernière image de Ciel Austral primée ici (Photon d’Or de mai 2021) avec pour objet la galaxie du Sombrero (M104), ce capteur CMOS au rendement quantique très élevé et au très faible bruit de lecture permet d’obtenir en quelques minutes un signal incroyable (d’après la team, le temps de pose peut être divisé par 4 pour obtenir un signal identique à celui de leur ancienne caméra G4-16000) : nous ne pouvions alors qu’imaginer ce qu’il leur serait possible d’obtenir sur des nébuleuses faibles en SHO, avec un setup comparable et un long temps de pose…
Nous sommes désormais fixés. Les images réalisées depuis par la Team Ciel Austral avec cette caméra sur ce type d’objets sont époustouflantes ; et la présente image de la nébuleuse NGC 1955 – cumulant un total de presque 111h de pose ! – s’inscrit dans la même lignée : le signal obtenu est tout simplement incroyable (que ce soit sur la couche Ha ou sur les couches OIII et SII) et le bruit est quasiment totalement absent.
La version HOO (ci-contre), au rendu plus « naturel » mais moins complexe – comme toujours en comparaison avec la version SHO – est également d’une très grande beauté ! L’apport d’une couche RGB pour les étoiles est toujours bienvenue et contribue à renforcer l’harmonie de la palette de couleurs.
Certains pourraient s’interroger sur l’intérêt de « refaire » un objet déjà réalisé peu de temps auparavant et déjà en SHO, puisque cette nébuleuse était déjà bien présente sur l’image « grand champ » du Grand Nuage de Magellan réalisée en 2019 par Ciel Austral avec 1060h de pose. Pourquoi donc revenir sur cette région du ciel avec un temps de pose a priori plus court ?
L’intérêt est toutefois évident et pour plusieurs raisons. Tout d’abord car les deux images n’ont pas été réalisées avec le même matériel : une lunette de 160mm pour l’image de 2019 contre un télescope de 600mm en 2023 ! Compte-tenu de la qualité du ciel et du seeing au Chili, une telle différence de diamètre et un échantillonnage plus fin ne peuvent que laisser espérer un gain très net en résolution !
Ensuite, il faut préciser que si l’image de 2019 cumule en effet plus de 1000h de pose, il s’agit d’une mosaïque de 16 panneaux : ce qui signifie que, pour chacune des images individuelles, le temps de pose total « réel » n’excède pas… 66h. En réalité, l’image 2023 bénéficie d’un temps de pose quasiment doublé par rapport à la version précédente pour un objet donné ; sans oublier que la nouvelle caméra est beaucoup plus sensible que la précédente !
Sur l’image d’ensemble, le gain en signal est manifeste (en particulier dans les zones plus ténues qui se détachent faiblement du fond de ciel dans la version de 2019, en particulier dans certaines zones riches en OIII qui n’apparaissaient quasiment pas auparavant) ; de même que le gain en détails qui est déjà bien perceptible :
Comparaison des versions 2019 et 2023, recadrées à la même échelle pour les besoins de l’exercice.
Plus impressionnante encore est la différence en terme de détails obtenue entre ces deux versions : outre les étoiles, bien plus fines et résolues dans les amas, les filaments de gaz ionisés prennent sur cette nouvelle image une toute autre ampleur avec une sensation de relief très renforcée ! Les structures sont ainsi mises en lumière à un niveau insoupçonné sur la première image et certaines zones de poussières qui apparaissaient de manière assez indistinctes regorgent désormais de détails :
Comparaison des versions 2019 et 2023, recadrées et à la même échelle pour les besoins de l’exercice ; ici à 100% de la full 2023. A noter que la compression de l’image sur ce module de comparaison entraîne une légère perte de qualité par rapport à l’image originale.
Il va sans dire que l’image se doit d’être consultée en version « full » (et pas uniquement sur l’aperçu de qualité dégradée présenté ici) afin de l’apprécier pleinement : le spectacle est présent d’un bord à l’autre de l’image et une myriade de petits objets et détails sont visibles.
Outre la différence de matériel utilisé entre ces deux images, signalons également un point important : celui du traitement. En effet, bien que 3 ans seulement séparent ces deux images, cette dernière version a profité de l’ensemble des raffinements les plus récents en matière de traitement d’image, et notamment le process Blur-X-Terminator (voir ma vidéo de présentation) qui permet à la fois de réduire les étoiles mais aussi de gagner dans les détails de manière parfois spectaculaire. Cela ne fait évidemment pas tout, mais contribue à accentuer encore un peu plus la différence de rendu entre ces deux images.
Au-delà de ces aspects techniques, l’image finale est – comme toujours avec Ciel Austral – totalement superlative en terme de qualité, de rendu, de dynamique et de mise en valeur du signal.
S’il a fallu plus d’un an à Magellan pour rallier Séville aux côtes du Chili, quelques heures d’avion suffisent aujourd’hui pour s’y rendre et bénéficier du meilleur ciel du monde. Mais pour les passionnés qui y installent leur matériel, cela constitue toujours une aventure au long cours et riche en émotions !
En 500 ans, le monde s’est réduit mais l’Univers s’est considérablement agrandi… Merci donc à ces explorateurs des temps nouveaux, qui nous permettent d’explorer des contrées encore inconnues… et de continuer de rêver !
Est-il besoin de présenter la « team » Ciel Austral ?
Composée de 7 passionnés disposant chacun de compétences propres (de gauche à droite sur la photo : Mike Selby, qui a intégré l’équipe récemment, Jean-Claude Canonne, Didier Chaplain, Laurent Bourgon, Philippe Bernhard, Nicolas Outters et Georges Chassaigne), cette équipe repousse les limites de l’astrophotographie en cumulant sur chacune de ses images des temps de pose colossaux et à peine concevables pour l’amateur moyen ; avec notamment un record à 1060h (!) de pose pour une mosaïque du Grand Nuage de Magellan !
Ciel Austral a installé son setup en remote sous le ciel magique du Chili, à l’observatoire El Sauce.
Le matériel utilisé est toujours de très grande qualité.
Cette image de M104 est la première réalisée avec le télescope de 1m de Mike Selby et la nouvelle caméra C4-16000 ; en attendant l’installation d’un autre télescope de 450mm de diamètre conçu sur mesure !
Résumer Ciel Austral au temps de pose de ses images ou au matériel employé n’aurait toutefois aucun sens : il s’agit uniquement en l’occurrence des moyens consacrés à une quête continuelle de perfection et de (re)découverte des beautés de l’Univers.
Le meilleur moyen de s’en convaincre est encore de parcourir leur galerie, où chaque image est en soi un petit bijou qui, au-delà de l’aspect purement esthétique, permet de se sentir plus proche des merveilles du Cosmos…
Date : du 23/12/2022 au 22/01/2023
Lieu : Observatoire El Sauce (Chili)
Optique : Planewave CDK 610 – f/6,5
Monture : PW1000
Caméra : Moravian C4-16000
Filtres : Astrodon
Pilotage : The SkyX – MaxPilot
Echantillonnage : 0,47 »
Ha : 201 x 600s (bin1)
OIII : 201 x 600s (bin1)
SII : 201 x 600s (bin1)
R : 81 x 150s (bin1)
G : 81 x 150s (bin1)
B : 81 x 150s (bin1)
Total : 110h38
Traitement : APP – PixInsight – Photoshop
Les Photons d’Or récompensent chaque mois une image particulièrement remarquable réalisée par un amateur… n’hésitez pas à proposer vos images !
L’image du mois Mai 2023 Les galaxies NGC 4725, NGC 4747 & NGC 4712, par Guillaume GRUNTZ. Parmi les belles galaxies du printemps, NGC 4725 n’est pas l’une des plus populaires… et l’on se demande vraiment pourquoi ! Elle n’a
L’image du mois Avril 2023 La nébuleuse NGC 1955 dans le Grand Nuage de Magellan, en version SHO-RGB, par la Team CIEL AUSTRAL. Lorsque les grands explorateurs européens se lancèrent, à la fin du XVe et au début du XVIe
L’image du mois Mars 2023 La nébuleuse variable de Hind (NGC 1555), autour de l’étoile T Tauri dans la constellation du Taureau, par Georges CHASSAIGNE. Les amateurs d’astronomie ainsi que lecteurs assidus de ce site savent déjà – car nous