Si elle ne fait pas partie des plus connues du grand public, la constellation de Céphée est l’une des destinations préférées des astrophotographes dans le ciel d’automne.
Traversée par la Voie Lactée, il s’agit en effet de l’une des constellations les plus riches du ciel et elle renferme beaucoup d’objets très variés, en particulier de grands nuages de poussières formant des nébuleuses obscures et par réflexion en de multiples endroits (par exemple la nébuleuse de l’Iris, Barnard 150 ou VDB141…) mais aussi quelques magnifiques nébuleuses en émission (la nébuleuse du sorcier, NGC 7822, NGC 1396 ou encore la nébuleuse du Lion…).
Au-delà de ces objets bien connus, les nouvelles générations de capteurs CMOS ont fait entrer depuis quelques années de nouveaux objets dans la liste des cibles « habituelles » de l’astrophotographe ; alors que celles-ci étaient auparavant soit réputées trop difficiles, soit tout simplement inaccessibles avec les technologies existantes et ce, malgré des temps de pose considérables. Les avancées récentes en matière de traitement d’image (BXT, traitement starless…) renforcent également cette appréciable tendance !
La nébuleuse VDB152 constitue un bon exemple d’un objet autrefois considéré comme très difficile et aujourd’hui régulièrement photographié. Si ses régions centrales – les plus lumineuses – pouvaient être mises en évidence, son environnement proche était quand à lui quasiment impossible à révéler en raison d’un signal trop faible par rapport au bruit du fond de ciel. Il suffit de comparer sur AstroBin des photos récentes de cette zone avec des images réalisées il y a une dizaine d’années (voire même il y a 5 ou 6 ans seulement) pour mesurer les progrès spectaculaires qui ont été accomplis !
L’image mise à l’honneur ce mois-ci, réalisée par la Team ASTROFLEET, s’impose clairement comme une nouvelle image de référence « moderne » pour cette nébuleuse et son environnement proche, dont elle révèle avec magnificence toute la beauté et la diversité !
L’utilisation d’une lunette à faible rapport F/D (Askar FRA400) associée à « la » caméra vedette du moment (ASI 2600MM), des filtres très sélectifs (Ha et OIII 3nm) et un temps de pose global conséquent (~60h) permettent d’obtenir un signal exceptionnel sur l’ensemble des différents objets, y compris les plus ténus.
C’est ainsi une myriade de nébuleuses qui est révélée, avec un effet de relief saisissant : on perçoit très nettement les objets situés en avant-plan, en arrière-plan, ainsi que les bandes de poussières intermédiaires.
Avec un tel signal, on pourrait s’attendre à ce que les acquisitions aient été réalisées depuis un observatoire en remote sous des cieux très favorisés, mais il n’en est rien puisque cette image a été réalisée depuis… la Charente-Maritime !
On ne peut évidemment que se réjouir de voir que les améliorations techniques permettent d’obtenir un tel résultat depuis un site en métropole !
La nébuleuse « star » de cette image est bien sûr VDB 152, une région de gaz et de poussières formant des protoétoiles et dont la physionomie rappelle celle des fameux « piliers » au sein de la nébuleuse de l’Aigle (M16).
Le rayonnement blanc-bleu de l’étoile BD + 69 1231 (mag. 9,3), à l’extrémité de la structure, donne au gaz environnant une couleur bleuâtre typique des nébuleuses par réflexion. Sa distance est estimée à environ 1400 années-lumière. Il semble par ailleurs que – compte-tenu de sa vitesse de déplacement – cette étoile ne soit pas née au sein du nuage. Son fort rayonnement ultraviolet produit également quelques zones d’émission plus faibles au sein de la structure.
D’autres nébuleuses obscures sont également présentes, et notamment LBN 532 (dans le coin supérieur-droit), dont la longue trainée de poussières se prolonge bien au-delà de Barnard 175.
Outre la nébuleuse planétaire DeHt-5 (en bas au centre) et la petite zone en émission entre VDB 152 et LBN 532 (qui ne semble pas avoir de dénomination propre), on admirera une partie du plus lointain rémanent de supernova SNR 110.3+11.3, dont les filaments d’hydrogène ionisé (Ha) traversent tout le champ en arrière-plan.
Même avec les dernières caméras et les process de traitement les plus récents, mettre en valeur le champ autour de VDB 152 reste un challenge de taille ! Le temps consacré aux acquisitions, même long, ne suffit pas à lui seul à garantir un résultat convenable : encore faut-il réussir à sublimer lors du traitement l’ensemble du signal sur les différents objets, tout en conservant une dynamique d’ensemble correcte et des couleurs vives.
C’est ce défi qu’a relevé haut-la-main la Team ASTROFLEET, avec cette image superlative à tous points de vue et qui peut sans hésitation être considérée comme l’une des toutes meilleurs versions de référence de cette zone : un signal parfaitement exploité sur l’ensemble des objets, un bruit quasiment imperceptible, un contraste saisissant mais subtil qui donne un véritable « effet 3d », des couleurs à la fois dynamiques et conservant des zones de transition progressives…
On admirera notamment l’excellente gestion des « voiles » blancs de poussières, qui donnent beaucoup de profondeur à l’image en permettant de bien distinguer les objets en avant-plan et ceux plus éloignés ; de même que les subtiles dégradés dans le fond de ciel.
Les détails au sein des nébuleuses sont parfaitement mis en valeur et ont été préservés par une « full » proposée en version drizzle 2x, ce qui permet d’admirer les moindres petites structures.
Avec cette image à l’aspect dramatique, poétiquement intitulée « Au cœur de la brume, entre le feu et la glace…« , la Team ASTROFLEET nous propose un véritable feu d’artifice cosmique pour finir en beauté l’année 2023 !
Date : 14, 15, 19 & 23 septembre 2023
Lieu : Charente-Maritime
Optique : Askar FRA400
Monture : iOptron CEM70
Caméra : ZWO ASI 2600 MM Pro
Echantillonnage : 0,97″/px (drizzle 2x)
Filtres : Antlia LRGB – Ha – OIII
L : 160 x 600s (bin1)
R : 50 x 180s (bin1)
G : 50 x 180s (bin1)
B : 50 x 180s (bin1)
Ha : 105 x 600s (bin1)
SII : 48 x 600s (bin1)
Total : 59h40
Traitement : Pixinsight & Photoshop
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