On ne présente plus la célèbre M42, également dénommée la « grande nébuleuse d’Orion » pour souligner son caractère exceptionnel : il s’agit tout simplement de la plus belle et impressionnante représentante de sa catégorie observable depuis la Terre.
Et pour cause, il s’agit de l’une des rares nébuleuses visibles à l’œil nu ; assez brillante même pour être discernable sous un ciel dégradé par la pollution lumineuse.
Mais c’est bien sûr sous un ciel bien noir et avec des jumelles que la splendeur de la nébuleuse d’Orion se révèle au mieux : sur une surface 4 fois plus étendue que la pleine Lune, on peut alors admirer un subtil dégradé de nébulosités offrant de nombreux détails.
Avec une optique plus importante et collectant plus de lumière, il est même possible de discerner quelques couleurs (notamment du vert au niveau du « trapèze » central).
Mais M42 n’est en réalité qu’une petite parcelle d’un ensemble bien plus vaste encore, le « Nuage d’Orion », qui s’étend sur quasiment l’ensemble de la constellation du même nom et qui regroupe d’autres nébuleuses bien connues, telles que la « boucle de Barnard » ou encore la fameuse nébuleuse de la Tête de cheval… comme le montre l’exceptionnelle image ci-contre signée Rogelio Bernal Andreo.
Sur cette photo d’ensemble de la constellation d’Orion, M42, qui constitue pourtant le joyau indiscutable de ce magnifique écrin, semble presque minuscule…
Ce nuage, de plusieurs centaines d’années-lumière de long, est l’une des régions de formation d’étoiles les plus actives de notre périphérie galactique. La zone la plus lumineuse au cœur de la nébuleuse d’Orion contient ainsi de nombreuses étoiles jeunes, dont le fameux « Trapèze », composé de plusieurs étoiles brillantes observées pour la première fois par Galilée en 1610 (ce dernier n’en dénombra que 3, mais on peut en observer au moins 6 avec un instrument amateur moderne, la plupart de ces étoiles étant binaires…).
Avec des moyens modernes, (image du télescope spatial Hubble ci-contre), il est même possible de révéler en détail les « premiers instants » de ces jeunes étoiles dans leur environnement nébulaire.
Si les étoiles du Trapèze ne sont pas responsables à elles-seules de l’illumination de la nébuleuse environnante, leur rayonnement contribue à disperser le nuage de gaz qui leur a donné naissance : après quelques dizaines de millions d’années, il ne reste plus grand chose de la nébuleuse originelle et seules demeurent les étoiles qui y sont nées (soit réunies sous la forme d’amas ouverts, soit dispersées).
En outre, la « pouponnière » d’Orion ne se limite pas à ces étoiles du Trapèze : ce sont en réalité plus de 2800 étoiles qui sont concentrées dans une sphère de 20 années-lumière de diamètre !
Si cette densité très élevée n’est pas flagrante en lumière visible, c’est parce que l’essentiel de ces étoiles sont cachées derrière les nuages de gaz et de poussière de la nébuleuse. L’observation en infrarouge permet de « voir au travers » ces obstacles et de dévoiler la grande quantité d’étoiles qui s’y trouvent.
Au-delà de la formation d’étoiles, il est également possible d’observer, au sein de la nébuleuse d’Orion, la création de systèmes planétaires : sur l’image ci-contre, on peut ainsi observer cinq disques protoplanétaires (proplyds), issus d’un même globule de Bok, dans lesquels de futurs systèmes planétaires se forment autour des étoiles nouvellement créées.
La nébuleuse d’Orion n’est donc pas seulement un magnifique spectacle pour l’amateur (tant en visuel qu’en photographie) : elle permet aux professionnels d’observer – quasiment « en direct » – la formation et la naissance d’étoiles et de systèmes planétaires dans notre environnement proche (la nébuleuse étant située à environ 1350 années-lumières seulement) !
Pour en savoir plus sur cette nébuleuse et la manière de la photographier, je vous renvoie vers la fiche-astro qui lui est dédiée.
Si la nébuleuse d’Orion constitue une cible de choix pour tout astrophotographe débutant, les plus expérimentés ne manquent pas d’y revenir régulièrement, saison après saison, pour voir les progrès accomplis ou pour se lancer de nouveaux défis ! M42 est souvent une cible de prédilection pour réaliser sa première image : vaste, lumineuse, contrastée, colorée… elle cumule tous les atouts !
Mais ces avantages ne vont pas sans quelques inconvénients, qui poseront problème à l’astrophotographe confirmé : elle est grande, oui… presque trop : il faut disposer d’une focale très courte et d’un capteur grand format pour ne pas perdre trop de champ dans les extensions périphériques ! Elle est lumineuse, oui… mais beaucoup trop dans la région centrale de l’amas du Trapèze : n’importe quel capteur même peu sensible sature au bout de quelques secondes ! Elle est contrastée, oui… mais trop là encore : alors que quelques secondes de pose suffisent pour révéler le centre, les extensions les plus ténues ne se révèlent qu’avec plusieurs (dizaines de) minutes de pose !
Mettre en valeur cette nébuleuse dans son ensemble tout en ne perdant pas de détails (et de couleurs) dans la région centrale constitue donc un challenge moins simple à relever qu’il n’y parait… D’autant plus qu’il est nécessaire de conserver au final une dynamique d’ensemble cohérente et sans rendu artificiel.
Pour ce faire, il est nécessaire de recourir à la technique « HDR », qui consiste à mixer des images réalisées avec une série de poses longues (pour optimiser le signal sur les zones de faible signal) et une série de poses courtes (pour conserver les détails dans les zones saturées sur les poses longues).
Bien réalisée, cette opération permet d’obtenir une image combinant les qualités des deux séries de poses, en sacrifiant obligatoirement un peu de dynamique au passage…
Ci-contre un exemple entre une image « poses longues » uniquement et une image obtenue après combinaison HDR : la différence est flagrante !
Pour une présentation détaillée sur la manière de combiner des images de différents temps de pose, je vous invite à consulter mon tutoriel dédié à l’assemblage HDR ainsi que le tuto vidéo associé.
C’est cette technique qu’a utilisé – avec une grande maestria – Nicola Beltraminelli pour l’image mise à l’honneur dans cet article : celui-ci a réalisé des poses longues classiques en luminance et en RGB (300s), puis a complété pour chaque filtre avec deux séries de poses plus courtes (60s et 5s) afin de ne perdre aucun détail dans la zone centrale de l’amas du Trapèze.
Naturellement, le traitement est dans ce cas un peu plus complexe qu’avec les seules poses longues classiques, mais comme on peut le constater ici, le jeu en vaut largement la chandelle !
On peut ainsi admirer sur cette image de superbes détails et de magnifiques couleurs jusque dans la région du Trapèze (voir le détail en résolution « full » native ci-contre).
On notera en particulier l’absence totale de zones de transitions dans la zone où le mixage HDR a été réalisé (que ce soit sur la luminance et – encore plus compliqué – dans la chrominance), ce qui est le signe d’une parfaite réussite technique. Par ailleurs, le parti pris dynamique est cohérent avec le niveau de détails, ce qui permet à l’image de rester harmonieuse dans son ensemble.
Si les détails sont magnifiques dans la région centrale, le reste de la nébuleuse n’est pas en reste : la finesse des volutes de gaz et de poussières est à couper le souffle, avec des effets de transparence et de chevauchement de couleurs superbement rendus. La calibration des couleurs, réalisée ici avec le process SPCC, est précise et subtile.
Si l’on sent le « boost » apporté à la finesse globale d’image par les process les plus récents, tels que BXT ou NXT, le réglage des paramètres reste acceptable (même si l’on se situe surement dans la « fourchette haute » à ne pas dépasser…).
Au final, une superbe réalisation qui mérite évidemment d’être consultée en version « full » à 100% pour être appréciée à sa juste valeur ! Cette image présente vraisemblablement le maximum de « finesse » qu’il est possible d’obtenir sur une image de M42 avec des acquisitions « classiques » : pour aller encore plus loin en détails, il faut ensuite se tourner vers la technique du « lucky imaging » (voir par exemple l’excellente image réalisée par Stéphane Gonza sur cette même cible)… mais cela est une autre histoire !
De nationalité Suisse, Nicola s’est pris de passion pour l’astronomie lors d’un cours de physique à l’école, en 1982. Débutant avec un C8 en 1984, il s’intéresse tout de suite à l’astrophotographie en argentique, mais les résultats ne le satisfont pas…
Il se lance alors dans la construction d’un télescope de 40cm à f/3 qu’il achève après plusieurs années d’efforts à 21 ans ! Malheureusement, la qualité optique n’est pas à la hauteur de ses attentes, et cette nouvelle déception le conduit à prendre ses distances avec l’astronomie amateur pour « quelques » années…
Il faut attendre 2015 et un voyage au Chili pour que la passion soit ravivée ! Enthousiasmé par les incroyables avancées technologiques au cours des deux dernières décennies, Nicola se replonge dans l’astrophoto en 2018, avec cette fois-ci un RASA C11 et un APN couleur.
Progressant dans les techniques de traitement, Nicola a ensuite fait évoluer son équipement avec une lunette Stellarvue de 180mm de diamètre et une caméra ASI 6200, montées sur une 10Micron 2000.
Initialement utilisé en nomade, le poids de l’ensemble (140kg !) l’a conduit à évoluer en 2023 vers un hébergement en remote en Espagne, lui permettant en prime de bénéficier de davantage de nuits claires que dans la région lyonnaise.
Avec de nombreuses images magnifiques (dont certaines mises en avant dans les vidéos « best-of » du concours des Photons d’Or), Nicola compte incontestablement comme l’un des astrophotographes les plus talentueux de ces dernières années ; et une visite de sa galerie AstroBin ne manquera pas de vous en convaincre !
Date : 13 – 15 novembre 2023
Lieu : e-EyE Extremadura – Espagne (observatoire personnel en remote)
Optique : Stellarvue SVX 180T (f/d 6,8)
Monture : 10Micron GM2000 HPS II
Caméra : ZWO ASI6200MM Pro
Echantillonnage : 0,60″/px
Filtres : Chroma LRGB
L : 56 x 300s + 60 x 60s + 33 x 5s
R : 14 x 300s + 20 x 60s + 20 x 5s
G : 14 x 300s + 20 x 60s + 20 x 5s
B : 14 x 300s + 20 x 60s + 20 x 5s
Total : 10h18
Acquisition : N.I.N.A.
Traitement : Pixinsight & Photoshop
Les Photons d’Or récompensent chaque mois une image particulièrement remarquable réalisée par un amateur… n’hésitez pas à proposer vos images !
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