Saturne, la sixième planète de notre système solaire, est célèbre pour ses impressionnants anneaux, visibles depuis la Terre. Nous avions déjà présenté dans un article précédent les grandes caractéristiques de ces anneaux, mais l’image présentée aujourd’hui permet d’aborder un autre phénomène bien connu des observateurs : la variation de l’angle d’ouverture des anneaux.
L’aspect des anneaux change en effet significativement sur une période d’environ 29 ans, correspondant à la période de révolution de la planète géante autour du Soleil : parfois majestueux et visibles presque intégralement, parfois totalement invisibles, et le plus souvent d’inclinaison intermédiaire entre ces deux extrêmes…
La clé pour comprendre ces changements d’apparence réside dans l’orientation de l’axe de rotation de Saturne par rapport au plan de son orbite : la planète est inclinée d’environ 27 degrés par rapport à l’écliptique (le plan de l’orbite terrestre), ce qui signifie que selon la position de Saturne sur son orbite, celle-ci nous présente alternativement, à chaque demi-révolution, son pôle nord puis son pôle sud (l’inclinaison restant fixe au cours de l’orbite).
Conséquence directe : sur une période de 14 ans, cette inclinaison fait varier l’angle sous lequel nous observons les anneaux.
Au début du cycle, lors des solstices de Saturne, les anneaux peuvent être vus au maximum de leur ouverture, offrant une vue spectaculaire de leur structure. Pour le cycle en cours, cette phase était observable en 2017.
À mesure que les années passent, les anneaux s’inclinent progressivement jusqu’à devenir presque invisibles lors de l’équinoxe. A ce moment, l’axe des anneaux est aligné avec l’écliptique et ceux-ci sont ainsi vus par la tranche.
Les anneaux ayant une épaisseur moyenne d’une dizaine de mètres seulement, ceux-ci deviennent alors invisibles depuis la Terre !
L’image ci-contre, captée par la sonde Cassini lors d’un passage quasiment dans le plan des anneaux, montre bien l’extrême finesse de cette structure…
Le prochain passage dans le plan des anneaux aura lieu en mars 2025… malheureusement, Saturne sera alors trop proche du Soleil pour que ce phénomène puisse être observé dans de bonnes conditions ; et il faudra plutôt attendre… 2038.
Après l’équinoxe, les anneaux commencent à s’incliner dans l’autre sens, redevenant progressivement visibles jusqu’à atteindre une nouvelle ouverture maximale environ 14/15 ans plus tard.
L’angle des anneaux influe non seulement sur leur visibilité mais aussi sur les phénomènes observables. Par exemple, lorsque les anneaux sont largement ouverts, les variations de leur brillance peuvent être étudiées en détail, révélant des différences dans la composition et la structure des particules de glace et de poussière qui les composent.
Lors des périodes pendant lesquelles les anneaux sont vus par la tranche, il est possible d’observer des phénomènes subtils comme l’alignement et l’ombre des anneaux sur Saturne, ainsi que l’interaction des anneaux avec les petits satellites de la planète. C’est aussi une période privilégiée pour l’observation de « phénomènes mutuels » (« phemus ») d’occultations et d’éclipses entre les principaux satellites.
La photographie planétaire en haute résolution est une discipline passionnante mais exigeante, qui implique de parfaitement maitriser son matériel afin de l’exploiter au maximum de ses possibilités.
Outre un choix judicieux de toutes les composantes de la chaine d’imagerie (du télescope à la caméra, en passant par le correcteur de dispersion atmosphérique, barlow…) et de l’échantillonnage, le réglage optique de son instrument est sans doute le critère qui affecte le plus la qualité des images planétaire chez les amateurs. L’étape de collimation, c’est à dire d’alignement des différents éléments optiques entre eux, est une étape obligatoire pour quiconque envisage d’obtenir la meilleure résolution avec son instrument en se rapprochant du pouvoir de séparation théorique de celui-ci. Sur ce point, nous renvoyons à l’incontournable article de Thierry Legault sur le sujet, qui permet également d’apprécier les dégradations optiques liées à l’importance des défauts de collimation…
Il faut ensuite mettre en œuvre les « bonnes pratiques » lors de l’acquisition : beaucoup de petites choses qui – en s’accumulant – peuvent faire la différence entre une « bonne » image et une image « d’exception » : mise en température du tube, précision de la mise au point, réglage de l’ADC, etc. (Sur tous ces points, nous recommandons encore une fois l’excellente série de vidéos de Jean-Luc Dauvergne).
Reste ensuite l’étape – cruciale également – du traitement, où de bonnes données peuvent être magnifiées… ou totalement gâchées ! Le but étant ici de mettre en évidence au mieux les détails sans provoquer l’apparition d’artefacts et en conservant le plus possible l’aspect naturel de la planète.
Mais, plus encore que toute cette somme de différents savoir-faire techniques, la prime revient souvent à la motivation, à l’assiduité et à la persévérance.
Les prétextes pour ne pas aller observer chaque nuit où cela est possible ne manquent pas : horaires compliqués, froid, flemme de sortir le matériel, météo incertaine… Pourtant, à de rares exceptions, les moments d’excellent seeing propice à la photographie en haute résolution sont difficilement prévisibles…
Il n’est pas rare d’observer pendant des heures dans de mauvaises conditions, et d’obtenir subitement un « trou » de turbulence – de quelques minutes – où la magie opère… et seuls les plus courageux auront la chance de profiter de ces conditions !
La « planche » réalisée par Jean-Paul Oger et mise à l’honneur ici démontre non seulement une grande maitrise des différents aspects de l’imagerie planétaire, mais surtout cette persévérance – alimentée par la passion – qui seule rend possible la réalisation de telles images sur plusieurs années successives.
Outre le fait de parfaitement illustrer le phénomène de variation de l’inclinaison des anneaux selon les années, cette image présente aussi l’intérêt de montrer l’évolution des résultats obtenus par Jean-Paul depuis ses débuts en astrophoto (en 2020) jusqu’à aujourd’hui.
Mêmes les images réalisées en 2020 et 2024, qui souffrent d’une qualité légèrement dégradée en raison de la faible hauteur de la planète à ces deux occasions (nous sommes encore loin de l’opposition de Saturne, qui aura lieu le 8 septembre 2024…) recèlent pourtant de beaux détails, par exemple sur la région polaire avec un hexagone parfaitement visible sur l’image de 2020.
Ces images illustrent également l’influence du matériel (notamment du diamètre) sur les résultats obtenus, notamment en terme de détails. L’amélioration des caméras, de plus en plus sensibles, joue aussi un rôle prépondérant…
Le gain en qualité est manifeste depuis quelques années, en particulier pour les caméras couleur qui tendent à supplanter les caméras monochromes chez la plupart des amateurs de photographie planétaire ; qui réservent plutôt la caméra mono pour les nuits de seeing exceptionnels ou les travaux plus spécifiques dans certaines longueurs d’onde (méthane, infrarouge…).
Parions donc sur le fait que cette série a vocation a s’enrichir pendant les années à venir d’autres magnifiques clichés… reste à savoir avec quel matériel !
Si Jean-Paul Oger fait partie sans conteste des meilleurs astrophotographes planétaires de France, la beauté de ses images pourrait faire oublier qu’il n’a commencé cette activité qu’en… 2020 !
Sa passion pour les planètes est toutefois plus ancienne puisque – comme beaucoup d’amateurs – elle est née lors de sa première observation de Saturne, dans la lunette de son père, alors qu’il n’avait que 9 ans.
S’il observe également le ciel profond, c’est uniquement en visuel : sa véritable passion reste l’observation des planètes, et en particulier les géantes avec leurs changements quotidiens dans les nuages, le ballet des satellites, les transits… autant de phénomènes parfois fugaces qui rendent cette discipline aussi vivante !
Outre la volonté de réaliser de belles images, Jean-Paul participe également à plusieurs programmes de recherche participative entre amateurs et professionnels, tels que la détection d’impact sur Jupiter (par Marc Delcroix et Alpo Japan), ou encore les contributions au programme de la sonde spatiale Juno de la NASA.
Un de ses projets en cours est un instrument All Sky qui lui permettra de participer à des programmes de détection d’astéroïdes.
Date : 2020/2024
Lieu : Fourmies (Nord)
Optique : Celestron C11 / Cassegrain Kepler 250mm / SW 406mm
Caméra : ZWO ASI-224MC / 462MC / 290MM / 664 MC
Correcteur de dispersion : ADC PA MK3
Traitement : AS!3 – AstroSurface – Photoshop
Lien vers la full et la description complète sur le forum Astrosurf
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