
Si Mars fascine l’humanité depuis la nuit des temps, c’est sans doute parce qu’elle constitue, parmi toutes les planètes du système solaire, celle qui nourrit le plus notre imaginaire collectif. Tour à tour divinité guerrière pour les Anciens, objet de spéculations fiévreuses sur d’hypothétiques canaux au XIXe siècle, puis terrain d’exploration privilégié de nos sondes spatiales contemporaines, la planète rouge n’a cessé d’alimenter nos rêves d’ailleurs.
Pourtant, derrière ces projections romantiques ou futuristes se cache une réalité géologique et atmosphérique d’une complexité fascinante, que les observations modernes permettent d’apprécier avec une finesse inédite, y compris chez les amateurs.
L’image présentée ce mois-ci capture Mars dans la période privilégiée précédant l’opposition de janvier 2025, un moment très attendu par les observateurs planétaires.
Avec un diamètre apparent approchant les 15 secondes d’arc – certes modeste comparé aux 25″ des oppositions les plus favorables, mais suffisant pour révéler une richesse de détails insoupçonnée –, la planète rouge offre ici un spectacle saisissant.
On y distingue avec une netteté remarquable la dichotomie fondamentale entre les sombres plaines volcaniques de l’hémisphère nord et les terrains plus clairs et anciens du sud. La calotte polaire, d’un blanc éclatant malgré la saison martienne, rappelle que cette planète aujourd’hui désertique conserve aux pôles d’importantes réserves de glace d’eau et de dioxyde de carbone.
Les nuances subtiles qui parcourent le globe martien – du brun-rouge des régions poussiéreuses aux teintes plus sombres des terrains basaltiques – témoignent de la diversité géologique de notre voisine. Plus fascinant encore, on devine sur cette image les délicates colorations atmosphériques : voiles bleutés ténus au limbe, légères brumes matinales ou vespérales qui adoucissent certains contours… autant de phénomènes éphémères qui confèrent à Mars cette dimension « vivante » si captivante pour l’observateur assidu !
L’excellence technique de cette image repose sur un ensemble de choix matériels particulièrement judicieux. Le télescope utilisé présente un diamètre important de 450mm, ce qui permet de viser un pouvoir de résolution théorique de près de 0,26 seconde d’arc selon le critère de Rayleigh.
Associé à une Powermate x5, l’ensemble travaille à une focale résultante considérable, permettant d’échantillonner finement les détails martiens tout en respectant le critère de Shannon.
La caméra Player One Saturn-M, dotée d’un capteur monochrome réputé pour sa sensibilité et son faible bruit de lecture, constitue le complément idéal de cette optique. Sa capacité à travailler à des cadences élevées – cruciale pour figer les instants de moindre turbulence – s’allie à une dynamique étendue permettant de préserver les subtiles variations de luminosité entre les régions martiennes.
L’utilisation de filtres RGB garantit une séparation spectrale précise et une transmission optimale, tandis que le correcteur de dispersion atmosphérique PA MKIII joue un rôle crucial dans la qualité finale : en compensant la dispersion chromatique induite par l’atmosphère terrestre, il permet de conserver la pureté des couleurs et la netteté des détails, même lorsque Mars culmine à des hauteurs modérées sur l’horizon.
Mais le matériel ne fait pas tout : la photographie de Mars représente un vrai défi technique pour l’imagerie haute résolution ! En effet, lors d’une telle séquence d’acquisition avec des filtres RGB, les détails de surface se déplacent sensiblement entre chaque filtre, rendant impossible la superposition directe des couches colorimétriques sans flou de rotation.
C’est ici qu’intervient la technique sophistiquée de la dérotation, brillamment mise en œuvre dans cette image.
Le principe, élégant dans sa conception mais délicat dans son exécution, consiste à «rembobiner» numériquement la rotation de Mars pour chaque couche colorée, les ramenant toutes à un même instant de référence.
WinJUPOS, logiciel spécialisé dans ce type de traitement, calcule avec précision la position de chaque détail de surface à partir des éphémérides et applique les transformations géométriques nécessaires. Pour en savoir plus sur cette technique appliquée spécifiquement à Mars, je vous invite à consulter l’excellente vidéo de Jean-Luc Dauvergne !
Cette approche permet de s’affranchir de la contrainte temporelle habituelle : au lieu de devoir capturer l’ensemble des données RGB en quelques minutes – au prix d’un compromis sur le rapport signal/bruit –, il devient possible d’allouer quelques minutes à chaque filtre. Le gain est considérable : meilleure statistique sur la turbulence atmosphérique, réduction drastique du bruit, et surtout possibilité de sélectionner pour chaque canal coloré les meilleurs moments de stabilité atmosphérique.
Le workflow de traitement, bien que classique pour ce type d’images planétaires (AutoStakkert!4, WinJupos et AstroSurface) doit cependant être parfaitement maitrisé pour révéler les plus fins détails enfouis dans les données tout en limitant au maximum l’apparition d’artefacts, en particulier sur le limbe de la planète où le contraste est maximal.
Pour en savoir plus sur cet aspect, la vidéo dédiée de Jean-Luc Dauvergne sur le rehaussement des détails sur Mars est là encore incontournable !
La finesse du traitement appliqué ici mérite d’être soulignée : les détails sont magnifiés sans qu’aucun de ces fameux artefacts si caractéristiques du sur-traitement (halos excessifs, contours artificiels, aspect «plastique») ne soit visible.
Le résultat : une planète qui semble flotter dans l’espace avec un naturel confondant, révélant des détails géologiques et atmosphériques avec une fidélité de premier ordre !
Cette image démontre avec éclat que l’opposition de janvier 2025, même si elle n’a pas été la plus favorable en termes de diamètre apparent, a néanmoins offert des opportunités remarquables aux observateurs motivés et persévérants.
Si Pierre Gilet fait aujourd’hui partie des astrophotographes planétaires les plus prometteurs de sa génération, son parcours est relativement récent. C’est en 2020, suite au cadeau inspiré de son épouse – un Celestron NexStar 130 SLT –, que débute son aventure astronomique. Mais c’est l’acquisition fortuite d’une caméra d’occasion qui va révéler sa véritable passion : « comme un petit Hubble dans mon jardin ! » confie-t-il avec enthousiasme.
Son évolution instrumentale témoigne d’une recherche constante de performance : du polyvalent 250/1200 au Newton 300/1600 Orion Optics UK avec lequel il réalise ses premières captures de Vénus en ultraviolet, jusqu’au récent Stargate 450P goto qui lui offre le diamètre nécessaire pour exploiter pleinement les nuits de seeing exceptionnel.
Membre actif de l’association Apex 89 à Charny, Pierre s’est spécialisé dans l’imagerie planétaire, discipline qu’il apprécie pour son caractère technique et la possibilité de concilier passion astronomique et vie familiale. Ses projets – optimisation du setup avec chariot sur mesure, amélioration du train optique, acquisition de filtres spécialisés – révèlent l’approche méthodique qui le caractérise.
Cette image de Mars constitue l’aboutissement de plusieurs années d’apprentissage, démontrant qu’avec persévérance et méthode, il est possible d’atteindre rapidement l’excellence en astrophotographie planétaire.
Date : Janvier 2025
Optique : Stargate 450P Goto
Caméra : Player-One Saturn-M
Filtres : RGB Baader
Les Photons d’Or récompensent chaque mois une image particulièrement remarquable réalisée par un amateur… n’hésitez pas à proposer vos images !
Si l’espace commentaires n’est pas accessible, consultez le guide pratique pour y remédier !
Vous appréciez Photon Millenium et peut-être même le consultez-vous régulièrement ? Vous souhaitez soutenir mon travail et contribuer au développement du site ? Vous avez amélioré vos traitements grâce aux tutos et souhaitez m’offrir un café en retour ? 😉
Vos dons, grands comme modestes, m’aideront à supporter les différents frais liés à la vie du site (hébergement, plugins, logiciels, etc.) tout en continuant de bannir les publicités !
Un immense merci pour votre précieux soutien ! 🙂