Amélioration du setup (3) : nouvelle caméra et rotateur de champ
Une nouvelle caméra et un nouveau train optique intégrant un rotateur de champ… le setup est désormais quasi-totalement automatisé pour les séances d’acquisition !
Voici réunies sur la même image deux nébuleuses « stars » du ciel d’hiver : IC 410 (la « nébuleuse des têtards », à gauche) et IC 405 (la « nébuleuse de l’étoile flamboyante« , à droite), dans la constellation du Cocher.
Dans les deux cas, il s’agit de nébuleuses en émission, c’est à dire de grands nuages de gaz ionisé par le rayonnement de jeunes étoiles chaudes à proximité ; accompagnées de nombreuses zones de poussières plus denses qui viennent obscurcir les zones d’émission situées en arrière-plan.
IC 410, située à environ 12 000 années-lumière de distance, s’étend sur environ 100 années-lumière de diamètre. Le gaz de cette nébuleuse (principalement de l’hydrogène) est ionisé par les quelques 4600 étoiles de l’amas NGC 1893, âgées à peine de 4 millions d’années et réparties tout autour de la nébuleuse. De très jeunes étoiles en comparaison de notre Soleil, âgé de 5 milliards d’années !
Cette nébuleuse présente une morphologie très contrastée entre les zones par émission et les bandes de poussières en avant-plan, et se distingue surtout par la présence de deux formations remarquables en forme de « têtards », bien visibles sur cette image et qui lui donnent son surnom.
Chacune de ces formations s’étend sur une dizaine d’années-lumière de longueur, et est notablement plus dense que le reste de la nébuleuse.
Il s’agit en effet de zones actives de formation d’étoiles, où le gaz et la poussières s’effondrent progressivement sous l’effet de leur propre gravité, les rendant opaque au rayonnement visible (mais pas à l’infrarouge comme on peut le constater sur l’image ci-contre, qui permet une véritable plongée au cœur des zones actives de la nébuleuse…).
IC 405 (à droite sur l’image) est beaucoup plus proche de nous, à « seulement » 1500 années-lumière. Dans la mesure où les dimensions apparentes de ces deux nébuleuses sont proches, les dimensions réelles de IC 405 sont naturellement beaucoup plus réduites que celles de IC 410, avec un longueur d’environ 5 années-lumière pour la seule partie la plus brillante (en haut à droite de l’image). Pour se représenter les dimensions réelles respectives de ces deux nébuleuses, il faut imaginer que chacun des « têtards » de IC 410 (qui semblent pourtant assez petits sur cette image grand champ) pourrait contenir deux fois toute la nébuleuse IC 405 !
De taille plus modeste, nul besoin de plusieurs milliers d’étoiles pour illuminer la nébuleuse IC 405 : une seule étoile suffit… mais quelle étoile !
A peine discernable à l’œil nu (mag. 6), AE Aurigae est en réalité une jeune étoile bleue (type spectral O), 20 fois plus massive que le Soleil, 60 000 fois plus lumineuse et dont la température de surface dépasse les 35 000 K.
Il s’agit par ailleurs d’une étoile variable, sujette à des variations irrégulières et éruptives de luminosité, classée dans la catégorie des variables « de type Orion ».
Une classification plus qu’à propos, comme nous allons le voir… Car ce ne sont pas les caractéristiques physiques intrinsèques de AE Aurigae qui sont le plus étonnantes, mais son « parcours ».
Comme nous l’avons mentionné plus haut, l’effondrement des nuages de gaz aboutit à la création de nombreuses étoiles qui illuminent et ionisent ensuite le gaz environnant pour donner à ce dernier son aspect de nébuleuse par émission. Dans la très grande majorité des cas, les nébuleuses par émission sont donc illuminées par les étoiles nées en leur sein.
Mais ce n’est pas le cas de IC 405 et AE Aurigae. La vitesse radiale de celle-ci par rapport au Soleil a été mesurée à 57km/s ; une vitesse anormalement élevée qui la classe parmi les « étoiles en fuite ». Compte-tenu de son âge, cette étoile n’a donc pas pu se former au sein de la nébuleuse IC 405.
Les astronomes considèrent que cette étoile a pu être projetée à grande vitesse à la suite de la collision de deux systèmes binaires.
Mieux encore, en tenant compte de sa trajectoire et de sa vitesse actuelle, il est possible de retracer son parcours et de retrouver son emplacement d’origine : la collision aurait ainsi impliqué les étoiles Mu Columbae et Iota Orionis, et se serait déroulée il y a 2 millions d’années dans l’amas du Trapèze, au centre de la nébuleuse d’Orion (M42).
Originaire d’Orion, AE Aurigae aurait ainsi effectué un long voyage avant de venir illuminer, dans la constellation du Cocher, la nébuleuse IC 405 !
Bien que cette théorie soit crédible et confortée par différentes simulations s’appuyant sur les données des satellites Hipparcos et Gaïa, il n’est toutefois pas possible d’être totalement certain de sa véracité…
Ce qui est certain en revanche, c’est qu’à cette vitesse, AE Aurigae ne fait que traverser la nébuleuse IC 405 et n’y demeurera pas pour une très longue durée. A défaut d’activité de formation d’étoiles très marquée en son sein, IC 405 est peut être ainsi destinée à n’être qu’un « feu de paille » cosmique. Mais rien n’est moins sûr : en effet, le passage rapide de AE Aurigae dans le nuage de gaz provoque des ondes de choc et un rayonnement électromagnétique intense au sein de ce dernier ; deux phénomènes à même de provoquer des effondrements localisés du nuage sur lui-même et ainsi de donner naissance à de nouvelles étoiles.
Une étoile de « type Orion » née dans le trapèze de la nébuleuse d’Orion et projetée à grande vitesse dans l’espace pour venir illuminer après plusieurs millions d’années un nuage de gaz dans la constellation du Cocher, et potentiellement donner naissance à de nouvelles étoiles qui viendront prendre la relève pour continuer à illuminer la « nébuleuse de l’étoile flamboyante » longtemps après son passage ; voici pour le moins une belle histoire qui vient nous rappeler que l’Univers est loin d’être aussi fixe et immobile que ce que nous pouvons observer au cours de nos vies !
Pour réaliser cette magnifique image avec son nouveau setup, Mathieu Guinot a utilisé des filtres interférentiels à bande étroite (Soufre, Oxygène et Hydrogène). Cette technique « SHO » permet de réaliser des images en « palette Hubble » en référence au traitement des images du télescope spatial. L’intérêt de cette technique est de ne retenir le signal utile que dans des raies d’émission spécifiques et ainsi d’obtenir des images particulièrement fines et contrastées ; à défaut d’obtenir des couleurs « réalistes ». Mathieu nous prouve cependant avec cette image qu’il est possible d’obtenir une palette de couleurs à la fois riche, diversifiée, et révélatrice de la composition chimique des nébuleuses. On note immédiatement la forte différence entre les deux nébuleuses dans le rayonnement de l’Oxygène (couleur bleue sur l’image), très présent sur IC 410 mais quasiment absent sur IC 405.
Cette technique SHO est particulièrement adaptée à la réalisation de photographies présentant à la fois des zones de nébuleuses en émission et des zones obscures, en permettant de mettre en évidence des zones bien différenciées tout en gagnant en contraste et en détails. Sur cette image, les zones obscures contrastent ainsi superbement avec les nuages ionisés environnants, en particulier dans IC 410 ; tandis que la structure tourmentée de IC 405 ressort magnifiquement.
Soulignons également le soin apporté à la coloration des étoiles, ainsi que la très bonne gestion des halos autour des étoiles les plus lumineuses ; deux aspects souvent délicats en SHO. Enfin, notons que le bruit est particulièrement bien contenu, y compris sur la version full, malgré les « petites » 16h de pose, un temps d’acquisition tout juste dans la moyenne basse pour une image SHO. Du moins, c’était vrai « avant ». Avant l’arrivée de nouveaux capteurs CMOS particulièrement sensibles et composés d’un nombre suffisamment élevé de photosites permettant de réaliser des acquisitions natives en bin2 tout en conservant une très bonne résolution d’image, même utilisés avec une courte focale. Une combinaison qui permet de diviser par deux les temps de poses « classiques » à la CCD pour obtenir un rapport signal sur bruit identique. Une preuve de ce très bon signal sur cette image est la très belle présence des faibles draperies rouges Ha entre les deux nébuleuses, qui nécessiterait un temps de pose plus conséquent pour être aussi bien mis en valeur avec un caméra aux spécifications plus traditionnelles.
De tels capteurs, associés à des optiques ouvertes et lumineuses, constituent ainsi des outils remarquables pour photographier les beautés du ciel… d’autant plus quand ils se retrouvent entre des mains aussi talentueuses !
Mathieu, 37 ans et psychologue de formation, photographie le ciel profond depuis 2015. Pour ce passionné de musique, la dimension artistique de l’astrophoto tient un rôle central, comme le démontre la richesse de la palette de couleurs sur cette image.
Mais Mathieu est tout aussi intéressé par la technique instrumentale. Il est d’ailleurs un membre actif de l’association Repères Astro (60) et responsable du matériel de l’observatoire qui comprend notamment un télescope de 600mm. Il partage dans ce cadre sa passion avec le public et en tant qu’animateur de stages « Etoiles » de l’AFA.
Observant depuis Amiens et disposant d’un setup à poste fixe dans son jardin, il peut consacrer des temps de pose conséquents à chacune de ses images (souvent plus de 30h) ; ce qui reste un élément déterminant dans la réussite d’images de qualité.
Ayant renouvelé récemment son matériel et fait progresser son setup, Mathieu « enchaine » les très belles réalisations ; ce qui rend incontournables des visites régulières sur son nouveau site internet ou sur sa galerie Astrobin !
Date : décembre 2020 / janvier 2021
Lieu : Amiens (France)
Optique : ASKAR FRA400 F5.6 Quintuplet
Monture : Avalon LINEAR
Caméra : Zwo asi294mm pro
Ha (Antlia 3,5nm) : 69 x 300s (bin2)
OIII (Antlia 3,5nm) : 65 x 300s (bin2)
SII (Antlia 3,5nm) : 59 x 300s (bin2)
Total : 16h10
Traitement : Pixinsight & Photoshop
Les Photons d’Or récompensent chaque mois une image particulièrement remarquable réalisée par un amateur… n’hésitez pas à proposer vos images !
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