Située dans la très riche constellation de Cassiopée, la nébuleuse de l’âme est assurément l’une des plus belles nébuleuses qu’il est possible d’observer dans le ciel de fin d’année. Avec sa proche voisine, la nébuleuse du Cœur, 3° plus à l’ouest et avec laquelle elle est physiquement reliée par un pont de gaz, elle constitue une cible de prédilection pour tous les astrophotographes.
Distante d’environ 7000 années-lumière (soit 5 fois plus loin que les nébuleuses d’Orion ou California par exemple) et s’étendant sur plus d’une centaine d’années-lumière, elle présente ainsi des dimensions apparentes conséquentes : la nébuleuse s’étend ainsi dans le ciel sur une taille apparente de plus d’un degré, soit le double de la pleine Lune.
Au sein de cette nébuleuse, on peut observer des détails très intéressants, notamment dans les zones sombres qui bordent l’extérieur de la structure, ainsi que dans les méandres de gaz à l’intérieur de la nébuleuse modelés par les vents stellaires des jeunes étoiles alentour.
De telles structures sont par exemple visibles sur l’image présentée ici : la zone ci-contre (détail de l’image), dénommée LBN 673, s’étend sur environ 25 années-lumière mais ne représente qu’une petite fraction de la nébuleuse.
On estime que cette nébuleuse existe depuis environ 1,5 million d’années ; ce qui correspond à l’âge des étoiles les plus chaudes de l’amas IC1848 (dénomination souvent donnée par extension à la nébuleuse du cœur dans son ensemble).
En effet, le rayonnement puissant généré par les étoiles bleues de cet amas (et des trois autres amas CR 34, 632, et 634) ionise les nuages de gaz environnants et donnent à la nébuleuse de l’âme son aspect particulier.
La composition de cette nébuleuse est classique : la plus grande partie est constituée de nuage d’hydrogène, et dans une moindre mesure de poussières, visibles par contraste lorsqu’elles se trouvent en avant-plan des zones ionisées.
L’image ci-dessous, réalisée par le télescope spatial infrarouge WISE, permet de bien visualiser les bandes de poussières qui parcourent cette nébuleuse.
L’image est composée en couleurs codées, pour 4 longueurs d’onde différentes : le bleu et le cyan représentent les longueurs d’onde de 3,4 et 4,6 microns, correspondant essentiellement à la lumière des étoiles ; tandis que les couleurs rouge et verte représentent les longueurs d’onde de 12 et 22 microns et permettent de visualiser les zones de poussière chaude.
On constate ainsi que les poussières les plus chaudes (en rouge) sont situées au centre de la nébuleuse et coïncident avec la localisation des amas ouverts, là où le rayonnement est le plus énergétique.
Comme on peut le voir sur l’image en lumière visible, ces zones sont également les plus « transparentes » et l’on peut y observer la présence de grande « cavités » creusées par le rayonnement et les vents des étoiles les plus massives de la région.
La création de telles cavités entraîne une condensation du gaz à la périphérie et conduit à la création de nouvelles étoiles. Cette image permet d’ailleurs de bien mettre en évidence les différentes générations d’étoiles formées au sein de la nébuleuse : les étoiles les plus anciennes de l’amas sont situées au centre et apparaissent en bleu, tandis que les étoiles formées plus récemment sont situées en périphérie de la cavité et apparaissent en rose. Les étoiles les plus jeunes apparaissent quant à elles dans les régions blanches, situées sur les lignes de structure externe.
Les zones vertes correspondent aux régions les plus éloignées des jeunes étoiles des amas, où la matière est moins chaude et reste donc plus opaque. On constate que ces nuages périphériques sont parsemées de nombreuses nébuleuses obscures et de bandes de poussières.
On observe ainsi dans ces structures périphériques la présence de « piliers » plus froids, semblables à ceux que l’on peut observer au sein de la nébuleuse de l’Aigle (M16), ainsi que de quelques « globules de Bok », structures plus compactes et opaques correspondant à la phase avancée de la création d’étoiles.
L’image mise à l’honneur ce mois-ci nous rappelle qu’il existe un moyen simple de sortir des sentiers battus, sur des cibles classiques de grande taille : augmenter la focale pour aller chercher des petits détails dans des zones spécifiques.
C’est ce qu’a fait ici Nicolas Puig, en se concentrant seulement sur une petite zone de la majestueuse nébuleuse de l’âme… mais quelle zone ! La nébuleuse LBN 673, parfois surnommée « le cœur de l’âme », est loin d’être inconnue mais reste cependant une zone peu imagée et mise en avant de manière spécifique.
Effectuer de telles « plongées » dans des objets plus importants permet en effet de découvrir une multitude de détails sous un jour nouveau ; détails habituellement perdus dans une image beaucoup plus grande. Cela permet aussi de traiter de manière très spécifique ces détails intéressants, sans devoir parfois les « sacrifier » en faisant primer l’aspect global de la nébuleuse lors du traitement (et notamment lors de la phase de montée d’histogramme).
Réalisée en narrowband, cette image a nécessité une trentaine d’heures de pose, dont la moitié consacrées au seul signal Ha ; les poses OIII et SII se partageant l’autre moitié.
Un temps de pose aussi conséquent, associé à des filtres très sélectifs et un capteur sensible, permet d’obtenir des merveilles en terme de signal… d’autant plus (une fois n’est pas coutume !) que cette zone demeure assez lumineuse.
Ce signal a ensuite été parfaitement exploité lors du traitement, avec notamment une très bonne dynamique globale après la montée d’histogramme : toutes les zones sont parfaitement mises en valeur, des plus sombres aux plus lumineuses, avec une grande progressivité et une vraie « douceur » dans le réglage des curseurs. Même en l’absence de toute zone de fond de ciel « pur », le contraste reste exemplaire.
La palette de couleurs est également de toute beauté, avec un mixage assez classique en SHO mais où le bleu a été subtilement rehaussé ; le tout avec des dégradés très intéressants (à la frontière du bleu et du vert).
La gestion du bruit, l’aspect des étoiles (avec des couleurs RGB) et le soin apporté aux détails finissent enfin de sublimer ce résultat très superlatif, dans la lignée de ceux proposés par Nicolas Puig depuis maintenant quelques temps !
Nicolas Puig s’est très jeune pris de passion pour le ciel et la photographie : il s’initie à partir de 10 ans à l’observation visuelle avec une lunette Perl 60/700 (qui rappellera de bons souvenirs à beaucoup d’amateurs !), avant de se lancer dans la photographie planétaire avec un newton 114/900 et une webcam Toucam modifiée.
Après une pause d’une dizaine d’année, motivé par les images publiées dans les magazines astro, Nicolas décide de se lancer dans la photo du ciel profond, avec une monture équatoriale, un lunette 80/400 et un APN défiltré. La passion ne faisant que grandir, l’APN a rapidement cédé la place à une caméra refroidie, d’abord avec un capteur couleur puis mono.
Aujourd’hui, Nicolas aborde la quarantaine avec un très beau setup composé d’un newton SW 200/800, une EQ6-R Pro et une nouvelle caméra PlayerOne Ares-M Pro, qu’il exploite depuis son domicile dans la région d’Avignon. Un second setup plus orienté grand champ est en cours de conception (avec une Askar FRA-300)… mais pas de spoil : nul doute que nous aurons l’occasion de présenter celui-ci à l’avenir !
Depuis un an, Nicolas fait également partie de la team « DSC – Deep Sky Collective », qui combine des milliers d’heures de pose réalisées par des dizaines d’astrophotographes afin de réaliser des images de plus en plus profonde – et impressionnantes – de notre univers.
A signaler enfin que Nicolas confesse avoir beaucoup progressé en traitement en consultant les nombreux sites et tutos disponibles sur Internet… dont ceux de Photon Millenium ! La boucle est donc bouclée avec cette superbe image mise à l’honneur aujourd’hui ! 🙂
Date : 25 déc. 2023, 6 & 14 janv. 2024
Lieu : Noves (PACA)
Optique : S> Quattro 8CF
Monture : SW EQ6-R Pro
Caméra : PlayerOne Ares-M Pro
Filtres : Antlia
Traitement : Pixinsight – Photoshop
Ha : 172 x 300s (14h20)
OIII : 107 x 300s (8h55)
SII : 70 x 300s (5h50)
R/G/B : 3 x (30 x 30s)
Total : 29h50
Echantillonnage : 1″/px
Les Photons d’Or récompensent chaque mois une image particulièrement remarquable réalisée par un amateur… n’hésitez pas à proposer vos images !
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