La nébuleuse du Cœur est l’une des « stars » du ciel d’automne. De part ses dimensions, la richesse de sa structure, ses couleurs subtiles et sa forme globale se prêtant à la paréidolie, elle constitue une cible incontournable ! Paradoxalement, c’est dans la constellation de Cassiopée – reine demeurée célèbre pour son orgueil et sa vanité, condamnée à ce titre par les Dieux à tourner éternellement autour de la Polaire – que se trouve ce « cœur » céleste.
Située à environ 7500 années-lumière, soit 5 fois plus éloignée que les nébuleuses d’Orion ou California par exemple, elle n’en présente pas moins des dimensions apparentes conséquentes et des détails fascinants, notamment dans les zones sombres qui bordent l’extérieur de la structure. La nébuleuse, s’étend ainsi dans le ciel sur une taille apparente de 1°, soit le double de la pleine Lune.
Au centre de la nébuleuse, l’amas ouvert Melotte 15 contient de nombreuses étoiles jeunes, massives et chaudes, dont les radiations et les vents intenses sculptent les nuages de gaz environnants sur une zone de plus de 200 années-lumière.
L’amas lui-même s’est formé très récemment, puisque celui-ci est âgé tout au plus de 1,5 millions d’années… un battement de cil à l’échelle de temps cosmique !
Parmi les étoiles les plus remarquables de cet amas, figure notamment HD 15570, qui est considérée comme l’une des étoiles les plus massives et les plus lumineuses de la galaxie avec une luminosité presque 3 millions de fois supérieure à celle du Soleil, pour une masse environ 100 fois supérieure.
Mais avec une masse estimée à environ 150 masses solaires, c’est bien son étoile voisine HD 15558 qui se approche de la « limite » théorique de masse pour une étoile. En effet, au-delà de cette masse, les astronomes estiment qu’il est plus probable que le nuage de gaz en contraction se scinde en plusieurs parties pour donner naissance à plusieurs étoiles de masses unitaires moindres.
A noter que le record absolu en la matière est détenu par l’étoile R136a1, une étoile de Wolf-Rayet située dans le Grand Nuage de Magellan, avec une masse estimée comprise entre 250 et 300 masses solaires. La « limite » théorique de 150 masses solaires n’est donc pas absolue, mais le nombre d’étoiles qui dépassent cette limite est sans aucun doute statistiquement très faible ; la création de tels « monstres » isolés étant vraisemblablement liée à des conditions de formation assez inhabituelles. Par ailleurs, la durée de vie de telles étoiles supermassives étant très courte (de l’ordre de quelques millions à quelques dizaines de millions d’années), le nombre de spécimens observables est très réduit !
Le rayonnement puissant généré par ces étoiles ionise les nuages de gaz environnants et donnent au « cœur » son aspect si particulier.
La composition de cette nébuleuse est classique : la plus grande partie est constituée de nuage d’hydrogène, et dans une moindre mesure de poussières, visibles par contraste lorsqu’elles se trouvent en avant-plan des zones ionisées.
L’image ci-contre, réalisée par le télescope spatial infrarouge WISE, permet de bien visualiser les bandes de poussières qui parcourent cette nébuleuse, ainsi que sa proche et très similaire voisine, la nébuleuse de l’âme (IC 1848).
L’image est composée en couleurs codées : le bleu et le cyan représentent les longueurs d’onde de 3,4 et 4,6 microns, correspondant essentiellement à la lumière des étoiles, tandis que le rouge et le vert représentent les longueurs d’onde de 12 et 22 microns, permettant de visualiser les zones de poussières chaudes.
On constate que les poussières les plus chaudes sont situées au centre de la nébuleuse et coïncident avec la localisation des amas ouverts, là où le rayonnement est le plus énergétique. Ces zones sont également les plus « transparentes » et l’on peut y observer la présence de grande « cavités » creusées par le rayonnement et les vents stellaires. La création de telles cavités entraîne une condensation du gaz à la périphérie et conduit à la création de nouvelles étoiles.
Pour en savoir plus sur cette nébuleuse et comment la photographier, voir la fiche-astro qui lui est dédiée.
L’image mise à l’honneur ce mois-ci, réalisée par Mary Bonell, est remarquable à plus d’un titre.
En premier lieu car il s’agit d’une mosaïque de 9 panneaux, totalisant 130 heures de poses, réalisées sur deux ans (d’octobre 2021 à octobre 2023) ! Inutile de dire que mener à bien un tel projet suppose à la fois une réelle motivation, beaucoup de patience, une bonne dose d’abnégation… et bien sûr, de passion !
Ensuite car – contrairement à ce que la palette narrowband pourrait laisser croire – cette image a été réalisée avec une caméra couleur associée à des filtres spécifiques avec, d’une part une série de poses avec un filtre Optolong L-Extrem, permettant de récupérer le signal utile sur les raies Ha et OIII, et d’autre part avec un filtre SII afin de disposer de la 3e raie nécessaire pour un assemblage SHO.
La palette obtenue au final est très riche et prouve que les capteurs couleur récents n’ont pas grand chose à envier aux capteurs monochromes pour la réalisation d’image SHO (et pas seulement HOO)… du moins pour les objets « relativement lumineux » sur les 3 couches des principaux catalogues.
Naturellement, l’utilisation d’un capteur couleur implique une légère perte de résolution par rapport à un capteur monochrome, mais si l’on tient compte de la taille plus petite des photosites sur les capteurs récents, des effets de la turbulence et du recours fréquent au binning pour les couches OIII et SII, l’effet demeure assez contenu ; à l’exception de la couche Ha.
Par ailleurs, cette perte de résolution est moins gênante dans le cas d’une image grand champ ou, comme dans le cas présent, d’une mosaïque…
En effet, la réalisation d’une mosaïque permet ici de concilier un champ important avec une bonne résolution, ce qui permet de bénéficier de détails intéressants dans les zones de l’amas central Melotte 15, du « poisson » (en haut à droite de l’image), ainsi que dans les volutes de gaz et de poussières en périphérie de la nébuleuse. La petite nébuleuse planétaire WeBo 1 est également bien visible et bien définie (ci-contre).
Au-delà du temps de pose, la réalisation d’une telle image exige aussi un long et minutieux travail de traitement, afin d’harmoniser les différentes tuiles entre elles et de tirer le meilleur parti de l’ensemble du signal (voir les tutos papier et vidéo disponibles sur ce site pour en savoir plus).
Sur ce point, l’image proposée par Mary est un sans-faute : non seulement les zones de chevauchement sont invisibles (ce qui n’est pas forcément simple avec un nombre important de tuiles réalisées sur une longue période, avec nécessairement une qualité de ciel variable), mais le signal est parfaitement exploité, avec une séparation efficace de chacune des trois couches et l’obtention d’une palette de couleurs complexe avec de belles zones de transition.
Signalons enfin que – contrairement à une certaine tendance actuelle à la surenchère permanente – Mary a choisi de conserver une saturation raisonnable des couleurs tout en conservant suffisamment de vert : ceci permet d’optimiser les transitions entre le différentes zones et donc de gagner en complexité, ainsi que de ne pas « noyer » les détails. Pour autant, les couleur sont bien présentes, avec un rendu très naturel pour une image narrowband.
Au final, une superbe image qui prouve qu’en astrophotographie, au-delà du matériel ou de la complexité des logiciels utilisés, rien ne remplace la passion !
Avec une mère photographe, Mary Bonell baigne depuis toujours dans l’univers de l’imagerie… mais il aura fallu attendre le passage de la comète Neowise en 2020 pour que le déclic de l’astrophoto ne se produise !
Avec son premier setup, Mary se lance ensuite dans l’apprentissage de l’astrophoto en autodidacte, en consultant des centaines d’articles et de tutoriels en ligne. Avec l’amélioration progressive de ses connaissances et de son matériel, les résultats ne se font pas attendre… à tel point que Mary s’est rapidement imposée comme l’une des astrophotographes françaises les plus actives et les plus talentueuses !
Dans un milieu majoritairement masculin, on pourrait bien sûr se contenter de se réjouir de voir la gent féminine aussi bien représentée ou louer une sensibilité particulière dans la manière d’appréhender le traitement de ses images… mais ce serait surtout oublier que Mary compte à son actif de nombreuses réalisations à rendre verts de jalousie beaucoup d’hommes… et notamment la construction intégrale de son propre observatoire personnel !
Cette passion dévorante pour l’astro – comme le prouve l’image présentée ici – est prometteuse de nombreuses autres réalisations toutes aussi belles !
Date : octobre 2021 à octobre 2023 (18 nuits)
Lieu : Région nantaise – Observatoire personnel
Optique : Newton SW150
Monture : SW HEQ5 Pro
Caméra : ZWO ASI 533MC Pro
Echantillonnage : 1,03″/px
Filtres: Optolong L-Extrem & SII (6,5nm)
L : 1295 x 180s (bin1)
SII : 1294 x 180s (bin2)
Total : 129h27
Traitement : Pixinsight
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