Si l’on vous dit « rémanent de supernova dans la constellation du Cygne« , il y a fort à parier que cela vous évoque spontanément le célébrissime ensemble des « Dentelles » (NGC 6992 et NGC 6990)… Pourtant, la constellation du Cygne, l’une des plus riches du ciel en terme de densité de nébuleuses, recèle également d’autres vestiges de supernovæ nettement moins connus.
Parmi ces objets plus discrets, outre W63 (déjà primé ici), SNR G65.3+5.7 constitue un autre ensemble de rémanents d’importance, s’étendant sur près de 3° à proximité de l’étoile double optique Albireo (image ci-contre).
La nébuleuse SH2-91, mise à l’honneur ici, désigne uniquement le filament méridional le plus étendu et le plus lumineux de cet objet très vaste, qui s’étend sur plus de 150 années-lumière de diamètre.
Situé à 2 600 années-lumière environ, cet ensemble très peu lumineux (en comparaison des « Dentelles »…) est une cible fascinante pour les astrophotographes en raison de sa structure filamentaire complexe.
Prise dans son ensemble, SNR G65.2+5.7 présente l’aspect typique d’une « superbulle », c’est à dire une cavité très chaude (plusieurs millions de degrés) et très étendue (plusieurs centaines d’années-lumière, ici 600 AL), formée dans le milieu interstellaire par les vents stellaires et les explosions d’étoiles massives.
Derniers vestiges de l’explosion d’une étoile massive en fin de vie survenue il y a 10 000 à 20 000 ans, cet objet témoigne du caractère cataclysmique de ce type de phénomène.
Les éléments synthétisés par l’étoile sont ensuite lentement disséminés dans l’espace interstellaire, enrichissant ainsi le milieu environnant. Les gaz éjectés à grande vitesse lors de la supernova interagissent avec le milieu interstellaire ambiant, produisant des filaments d’émission caractéristiques, visibles dans certaines longueurs d’onde.
Dans le cas de SH2-91, on observe une forte polarisation, indiquant la présence d’un champ magnétique puissant, typique au sein d’une superbulle. Ses structures filamentaires sont principalement visibles en Hα (hydrogène ionisé) et en OIII (oxygène doublement ionisé), ce qui en fait une cible idéale pour l’astrophotographie en narrowband. De fait, des acquisitions réalisées uniquement avec de tels filtres, comme pour l’image présentée ici, permettent d’obtenir des résultats tout à fait saisissants.
SNR G65.2+5.7 est un objet tellement étendu et tellement faible qu’il est indispensable d’utiliser un instrument à courte focale et très lumineux, associé à une caméra disposant d’un capteur grand format, pour le photographier en un seul champ.
A défaut de disposer d’un tel instrument (ou de ne pas vouloir se lancer dans un projet de mosaïque long et compliqué !), il est bien sûr possible de se concentrer uniquement sur une zone spécifique, en cherchant à obtenir des détails beaucoup plus fins. Cela se prête d’ailleurs particulièrement bien à cet objet dont les filaments de matière regorgent de détails magnifiques.
C’est cette seconde option qu’a choisi Cédric Humbert pour réaliser cette image de la zone de SH2-91 (qui ne représente qu’une toute petite partie du rémanent global) en utilisant des filtres Ha et OIII.
La très forte sélectivité de ces filtres permet d’obtenir un signal très localisé, en excluant les sources parasites, ce qui permet d’obtenir une très grande finesse de détails. En outre, Cédric, qui a récemment installé son setup en remote au Texas, a pu bénéficier d’un ciel de grande qualité, ce qui est évidemment un atout primordial sur une cible aussi peu lumineuse.
On admirera sur cette image la superbe palette de couleurs, avec de très riches nuances qu’il est assez rare de voir sur une image HOO (souvent limitée à un aspect beaucoup plus « bicolore »).
Ici, les structures spécifiques au Ha et au OIII sont bien distinctes et se démarquent clairement, mais avec une unité d’ensemble remarquable dans les zones intermédiaires. Les poses RGB ont permis de redonner aux étoiles leurs couleurs naturelles, ce qui est toujours un « plus » en imagerie narrowband.
La dynamique est également parfaitement maitrisée, avec une belle mise en valeur des zones les plus brillantes et une subtilité bien dosée dans les zones les plus faibles ; favorisant ainsi des transitions douces.
Bien que d’aspect très dramatique, l’image conserve ainsi un aspect « naturel » et équilibré.
On ne s’attardera pas sur la gestion du bruit – impeccable – tant cet aspect semble désormais appartenir au passé, entre les dernières caméras CMOS à faible bruit et les nouveaux process avancés de traitement !
On soulignera en revanche la beauté des détails, réhaussés juste ce qu’il faut pour sublimer les brutes sans basculer dans un excès irréaliste : la finesse extrême de certains filaments, qui semblent découpés « au rasoir », est ici parfaitement retranscrite.
Au final, une image « référence » sur cette nébuleuse encore trop rarement visitée… mais qui devrait inspirer plus d’un astrophotographe à tenter l’aventure !
Cédric Humbert, 44 ans, originaire de Lorraine, et artiste-jongleur de profession, jongle également avec étoiles et les pixels depuis 2021 !
Passionné d’astronomie depuis toujours, il s’est lancé dans l’astrophotographie presque par hasard, après avoir offert un télescope à sa fille. Autodidacte, il a appris grâce à des tutoriels en ligne et a rapidement progressé, tant en prises de vues qu’en traitement d’images.
Son matériel, initialement modeste, a évolué vers une configuration avancée incluant une caméra ASI 2600MC Pro et une lunette Askar FRA400. Côté logiciels, pas trop de difficultés avec Photoshop puisqu’il l’utilise au quotidien pour son activité de graphiste et coloriste en bande dessinée.
Résidant près de Nancy, il a pu bénéficier de l’expertise d’astrophotographes locaux (Thomas Lelu, Yann Sainty) et des équipements de la Société Lorraine d’Astronomie. Ses travaux, publiés dans L’Astronomie, Ciel & Espace, et AstroSurf, lui ont permis de gagner en reconnaissance et en confiance.
Face aux contraintes de météo et de pollution lumineuse, il a franchi une nouvelle étape récemment en installant (avec Charles Robert, un collègue de son club) son matériel au Texas, sous un ciel Bortle 1, pour une utilisation en remote. Depuis cet emplacement privilégié, il réalise des images de haute qualité, comme le démontre
la somptueuse Sh2-91 mise à l’honneur ici.
Une visite de sa galerie, qui regorge de magnifiques images, atteste de sa patte artistique indéniable et de sa grande maitrise technique !
Date : du 30 sept. au 11 oct. 2024 (8 nuits)
Lieu : Texas (USA)
Optique : ASKAR FRA 600
Monture : ZWO AM5
Caméra : Player-One Poseidon M-Pro
Filtres : Antlia Ha – OIII – RGB
Ha : 155 x 300s
OIII : 160 x 300s
RGB : 270 x 60s
Total : 30h45
Échantillonnage : 1,3″/px
Traitement : Pixinsight – Photoshop
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