
Amélioration du setup (3) : nouvelle caméra et rotateur de champ
Une nouvelle caméra et un nouveau train optique intégrant un rotateur de champ… le setup est désormais quasi-totalement automatisé pour les séances d’acquisition !
Ce mois-ci, nous ne célébrons pas seulement une galaxie, mais une leçon de perspective. L’image de Martin Dufour est une fenêtre ouverte sur deux mondes radicalement opposés, pourtant réunis dans le même champ de vision de sa lunette FSQ-106.
À gauche : NGC 6946, une galaxie spirale titanesque, vibrant d’une activité frénétique. À droite : Barnard 150, une silhouette sombre, froide et silencieuse, qui semble flotter comme une ombre chinoise.
L’image est de nature à provoquer un vertige (tri)dimensionnel : la galaxie est 20 000 fois plus éloignée que le nuage sombre qui semble flotter à ses côtés ! La poussière de notre propre galaxie se superpose à l’univers extragalactique.
Située à cheval entre les constellations de Céphée et du Cygne, cette galaxie est une célébrité du catalogue NGC. Distante d’environ 25,2 millions d’années-lumière (une donnée récemment révisée à la hausse par rapport aux 22 millions souvent cités), elle se présente à nous parfaitement de face.
Son surnom de la « Galaxie du Feu d’Artifice » est lié à une statistique impressionnante : au cours du dernier siècle, il y a été observé pas moins de 10 supernovæ. Pour donner une idée de l’anomalie : dans notre propre Voie Lactée, on s’attend à une supernova par siècle environ seulement… alors même que notre galaxie est bien plus importante en dimensions et en nombre d’étoiles. En effet, NGC6946 ne dépasse pas 40 000 années-lumière de diamètre, contre plus de 100 000 pour la nôtre. Pourtant, comme on le voit au nombre impressionnant de nébuleuses rayonnant en Ha, NGC 6946 est extrêmement active en formation d’étoiles !
Bien que brillante (Mag. 9.6), elle est piégeuse. Elle est située très près du plan de notre propre Galaxie (seulement 11 degrés de latitude galactique). Cela signifie que nous la regardons à travers la tranche de la Voie Lactée, la partie la plus dense et donc la plus opaque au rayonnement lointain. Sa lumière nous parvient ainsi filtrée, rougie et atténuée par la poussière interstellaire de notre propre bras spiral. Réussir à en faire ressortir les bras bleutés et les régions Ha rosées (les pouponnières d’étoiles), n’est donc pas chose aisée !
Changement d’échelle brutal. L’objet sombre qui ondule sur la droite de l’image n’est pas un « vide » intergalactique. C’est de la matière, dense et froide. Classé sous le nom de Barnard 150 (ou LDN 1082), ce nuage moléculaire appartient à notre banlieue immédiate : il flotte à seulement 1 200 années-lumière de la Terre, au sein du complexe du Céphée.
Ce que l’on voit ici est donc en réalité une accumulation de gaz (hydrogène moléculaire) et de poussière cosmique si dense qu’elle bloque totalement la lumière des étoiles situées derrière elle. C’est ce qu’on appelle une nébuleuse obscure. Sa température avoisine les 10 Kelvins (-263°C). Sa forme sinueuse lui a valu le surnom de « Nébuleuse de l’Hippocampe ».
Contrairement à la galaxie qui émet des photons, Barnard 150 fonctionne par soustraction. C’est un masque. Pour le révéler, l’astrophotographe ne doit pas chercher la lumière, mais sculpter l’absence de lumière. Il faut un ciel d’une grande pureté pour que le contraste entre le « fond du ciel » (légèrement gris) et la nébuleuse (noire comme l’encre) soit visible.
Entre ces deux objets, l’espace n’est pas vide ; et le noir n’est pas total. Cette image met magnifiquement en évidence les volutes grisâtres plus faibles qui semblent draper l’espace. Il s’agit de l’IFN (Integrated Flux Nebulae), des sortes de « cirrus galactiques » : de la poussière périphérique à notre galaxie éclairée par l’ensemble des étoiles de la Voie Lactée. Attention, la richesse et la dynamique de l’image sont telles qu’il faut prendre garde à ne pas confondre ce qui est de l’IFN et les bandes de poussières appartenant à l’ensemble du nuage moléculaire sombre en avant plan.
Déjà très belle en elle-même, cette image s’inscrit en réalité dans un projet plus vaste, pour lequel Martin Dufour a accumulé plus de 200 heures de pose sur cette région avec 4 télescopes. La version présentée ici est une « Pure FSQ-106 » totalisant 71 heures en LRGB et Ha. C’est un choix de puriste qui privilégie l’homogénéité du piqué sur l’ensemble du champ, ce qui contribue à donner à l’image une impression globale cohérente et équilibrée.
Parmi les réussites incontestables de cette image, on peut mentionner :
Le cadrage : Le choix de la FSQ-106 (focale ~530mm), associé à une caméra « full frame » ASI6200, est ici idéal. Il offre le « respiration » nécessaire pour voir la galaxie flotter dans son environnement. On ne regarde pas la galaxie « au microscope », on la voit dans son contexte galactique.
La gestion des couleurs (LRGB + Ha) : Martin a intégré du signal H-Alpha (Ha) pour rehausser les nébuleuses en émission dans les bras de la galaxie NGC 6946. L’assemblage est subtil et parfaitement dosé. Les nuances de couleurs dans la nébuleuse obscure (qui vont du jaune jusqu’à l’orange foncé, selon la densité des zones) sont très progressives et bien gérées, évitant une impression de bloc uniforme. Même si cela est assez difficile à juger (en l’absence de zones réellement « vides »), le fond de ciel semble par ailleurs globalement bien équilibré.
Le traitement de l’IFN : La qualité du signal a permis de mettre en évidence de manière très convaincante l’IFN, dont la couleur grise est seulement perturbée par endroits par les halos des étoiles bleues environnantes. Le niveau de luminosité donné à l’IFN confère à l’image une impression de foisonnement et de textures variées.
Cette image – avec des partis pris affirmés – pourra diviser ; notamment sur les détails dans le noyau de la galaxie (un peu perdus en raison de la saturation élevée). Mais s’agissant d’un cliché qui fait primer les grandes structures, ce petit bémol est acceptable (d’autant plus qu’une autre version, plus axée sur les détails mais avec un champ plus restreint, est également proposée par l’auteur).
Les astrophotographes les plus « académiques » regretteront surement ce niveau de saturation qu’ils jugeront trop appuyé, avec un traitement « à l’américaine« … une audace bien naturelle pour un cousin d’Outre-Atlantique ! 🙂
Cependant, loin d’être un excès gratuit, cette saturation a une vertu : elle permet de séparer visuellement les différents plans, offrant une lecture de l’image spectaculaire et un aspect d’ensemble réellement « dramatique ».
Par la richesse de son signal et de ses couleurs, sa densité, sa grande dynamique et ses contrastes franchement assumés, l’image offre un grand spectacle pyrotechnique. Une plongée vertigineuse dans la complexité des différentes structures de l’espace, avec un effet de profondeur saisissant.
Martin n’est pas un inconnu pour la communauté, bien au contraire. Son aventure débute en 2010, un peu par hasard, lorsqu’il achète un télescope pour son fils. En parcourant le web, il tombe sur des images amateurs et n’en croit pas ses yeux : « Je voulais moi aussi photographier des galaxies. »
Si la courbe d’apprentissage fut, selon ses mots, « longue et fastidieuse », il a pu compter sur l’entraide du forum astro-quebec.com pour forger sa technique. Quinze ans plus tard, l’amateur curieux est devenu une vraie référence au Québec, en ayant conçu et bâti pas moins de 4 observatoires personnels entre 2010 et 2024.
Son excellence a été saluée par une APOD (NASA) en mai 2021 et plusieurs Images du Jour sur AstroBin, dont le projet collaboratif M51 Québec.
Au-delà de ses images, Martin est un pilier actif de l’astrophotographie francophone et grand pédagogue, puisqu’il est conférencier et animateur régulier dans différentes manifestations.
C’est aussi un grand « bricoleur » qui a développé son propre projet ASCOM pour l’automatisation de portes de son observatoire.
Une approche complète, technique et artistique, qui se ressent dans la maîtrise de ce Photon d’Or.
Date : juin 2025
Lieu : St-Philemon, Québec, Canada
Optique : Takahashi FSQ 106EDX4
Monture : SW EQ8-R
Caméra : ASI 2600 MM-Pro
Echantillonnage : 1,46″/px
Caméra : ASI 6200 MM-Pro
Filtres : Astrodon L/R/G/B/Ha
Intégration totale (LRGB + Ha) : 71h
Logiciels : SGP, APP, Pixinsight


Les Photons d’Or récompensent chaque mois une image particulièrement remarquable réalisée par un amateur… n’hésitez pas à proposer vos images !

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