
Photons d’Or – Mai 2023
L’image du mois Mai 2023 Les galaxies NGC 4725, NGC 4747 & NGC 4712, par Guillaume GRUNTZ. Parmi les belles galaxies du printemps, NGC 4725 n’est pas l’une des plus populaires… et l’on se demande vraiment pourquoi ! Elle n’a
Vous avez sans doute déjà entendu dire que nous sommes des « poussières d’étoiles ». Sachez que cette expression n’est pas seulement très poétique, mais doit bien être comprise dans son sens le plus littéral !
En effet, une grande part des atomes dont nous sommes constitués sont directement issus de ces événements cataclysmiques que sont la « mort » des étoiles. Seuls ces événements, dont certains impliquent une énergie colossale, peuvent donner naissance aux éléments chimiques les plus lourds et complexes.
Notons aussi que, pour ce qui concerne les éléments les plus légers, et en particulier l’hydrogène, ceux-ci ont été formés uniquement lors du Big Bang… Or, le corps humain étant composé à 65% d’eau (soit une combinaison d’oxygène et d’hydrogène), il serait en réalité plus juste de dire (sans connotation ésotérique) que nous sommes des « enfants du Cosmos », combinaison à la fois d’atomes engendrés dans les premiers instants de l’Univers et d’éléments plus complexes créés par plusieurs générations successives d’étoiles !
Concernant la « mort » d’une étoile, celle-ci peut prendre des formes différentes en fonction de sa masse initiale, et toutes ne contribuent pas à ce processus d’enrichissement du milieu interstellaire. Le point commun est l’épuisement des réserves d’hydrogène de l’étoile, qui constitue son carburant principal pendant l’essentiel de sa vie (la séquence principale). En fonction de sa masse, et donc de sa capacité ou non à maintenir via la force gravitationnelle des réactions d’éléments plus lourds, son évolution est ensuite radicalement différente.
En dessous de 0,8 masse solaire, la force gravitationnelle de l’étoile n’est pas suffisante pour amorcer d’autres réactions que celle de l’hydrogène ; ce qui conduit l’étoile à s’effondrer lentement sur elle-même et à se refroidir sur plusieurs dizaines de milliards d’années. Ces « naines rouges » (qui représentent tout de même 80% des étoiles de notre galaxie…) sont stériles car elles ne créent aucun élément lourd et a fortiori ne les propagent pas dans l’espace environnant.
Entre 0,8 et 8 masses solaires, la mort d’une étoile est nettement plus spectaculaire !
Au terme de la séquence principale, lorsque l’étoile a fini de consumer ses réserves d’hydrogène et d’hélium, son noyau s’effondre alors pour former une naine blanche, tandis que ses couches externes sont expulsées dans l’espace par la pression de radiation. Il ne reste au centre qu’une étoile massive et compacte, dotée d’une température de surface élevée, tandis que sont éjectées des coquilles de gaz, résidus de ses couches externes. La matière ainsi éjectée, à une vitesse moyenne de l’ordre de 100 000 km/h, est ionisée par le rayonnement ultraviolet de l’étoile.
Ce rayonnement est ensuite réémis par le gaz à des énergies plus faibles, dans toutes les longueurs d’onde (infrarouge, visible, ultra-violet…), ce qui nous permet d’observer de magnifiques « nébuleuses planétaires ».
Au-delà de 8 masses solaires, les étoiles très massives achèvent leur vie de manière beaucoup plus cataclysmique, sous la forme d’une « supernova ».
Le noyau de l’étoile transforme l’ensemble des éléments à sa disposition (hydrogène, hélium, carbone, oxygène, silicium…) jusqu’à être exclusivement constitué de fer.
Arrivé à ce stade d’extrême densité, le noyau s’effondre sur lui-même pour former une étoile à neutron (ou pulsar). Les couches externes font de même avant de « rebondir » sur le noyau et être expulsées violemment dans l’espace. Au cours de ce processus extrêmement court de l’ordre de quelques millisecondes, l’étoile synthétise les éléments atomiques les plus lourds et peut rayonner plus d’énergie qu’une galaxie entière !
Dans ces deux derniers cas, ce sont donc dans les dernières phases – voire dans les tous derniers instants – de leur vie que les étoiles fabriquent les éléments atomiques complexes (oxygène et carbone essentiellement pour les nébuleuses planétaires) ainsi que les plus lourds que l’on peut trouver dans la nature (or, uranium, etc., pour les supernovæ). Ces éléments sont ensuite disséminés par l’explosion dans l’espace environnant et vont enrichir le milieu interstellaire et les nuages d’hydrogène qui, plus tard, donneront à leur tour naissance à d’autres étoiles et d’autres systèmes planétaires contenant ces composants indispensables à l’apparition de la vie.
Observées quelques milliers d’années après leur formation, il n’est pas forcément simple de distinguer « visuellement » une nébuleuse planétaire d’un rémanent de supernova… la preuve avec cet objet, initialement identifié comme une nébuleuse planétaire (et inclus par erreur par l’astronome George Abell dans son catalogue sous la dénomination Abell 85) avant d’être plus tard reconnu comme un rémanent de supernova (désormais officiellement désigné SNR G116.9 +00.1, ou CTB1) qui aurait explosé il y a environ 10 000 ans dans la constellation de Cassiopée, à une distance d’environ 6500 années-lumière.
Cependant, comme nous l’avons vu ci-dessus, ces deux phénomènes – s’ils occasionnent tous deux une expulsion de matière – n’engendrent pas du tout le même « résidu » d’étoile : une naine blanche dans le cas des nébuleuses planétaire, un pulsar pour les supernovæ (c’est à dire une étoile à neutrons en rotation rapide). Et il est parfaitement possible d’identifier ces deux objets de nature physique bien distincte par d’autres moyens : ondes radio, rayons X, spectroscopie, etc.
Si la nature de résidu de supernova de CTB1 a dans un premier temps été confirmée par l’étude spectroscopique de la coquille de matière éjectée, l’absence d’un pulsar en son centre demeurait énigmatique.
Finalement identifié en 2017, le pulsar PSR J0002+6216, résidu de l’étoile ayant explosé en supernova et tournant sur lui-même 8,7 fois par seconde , a été trouvé… à 53 années-lumière du centre du rémanent.
Si l’on ramène cette distance à la durée écoulée depuis l’explosion de la supernova, il en découle que ce pulsar se déplace dans l’espace à la vitesse incroyable d’environ 1100 km/s !
Ce pulsar « boulet de canon » est l’un des objets stellaires les plus rapides identifiés à ce jour dans notre galaxie ; les étoiles étant désignées « hypervéloces » lorsqu’elles possèdent une vitesse supérieure à 1000 km/s (environ 10 fois plus rapide que la moyenne des étoiles). Cette vitesse est tellement élevée qu’elle permet à ces objets de s’arracher – à terme – de l’attraction gravitationnelle de l’ensemble de la galaxie.
Le pulsar, initialement situé au centre de ce qui est aujourd’hui la coquille de matière (image ci-contre, matérialisé par la croix verte) a été propulsé, lors de sa formation, à une très grande vitesse. Il a ainsi traversé l’ensemble du rémanent (lui-même en expansion rapide) avant de s’en échapper, pour aujourd’hui poursuivre sa trajectoire dans l’espace interstellaire.
Observé en ondes radio (images ci-contre), le pulsar dévoile une « trainée » de matière le long de sa trajectoire que l’on peut prolonger jusqu’au centre du rémanent, ce qui permet de visualiser sa position actuelle, de calculer sa vitesse, ainsi que de mieux comprendre les effets qu’ont pu avoir l’onde de choc générée par ce déplacement sur les rémanents de la supernova.
Malgré tout, les mécanismes susceptibles de générer une telle « expulsion » sont encore mal compris et font aujourd’hui l’objet de recherches avancées. L’hypothèse la plus vraisemblable est celle d’une asymétrie lors de l’effondrement de l’étoile sur elle-même, amplifiée par l’effet d’explosion extrêmement violent de la supernova.
A noter que, malgré ces indices concordants, il n’a toujours pas été établi avec certitude que ce pulsar soit bien celui à l’origine du rémanent de supernova… CTB1 garde donc, encore à ce jour, d’intrigants mystères !
Quel que soit le nom sous lequel on désigne cet objet (Abell 85, CTB1, SNR G116.9 +00.1), celui-ci reste assurément un challenge difficile du ciel profond en raison de sa très faible luminosité de surface. Plusieurs dizaines d’heures de pose, ainsi qu’un ciel de qualité, sont en effet nécessaires pour espérer pouvoir obtenir un résultat satisfaisant.
C’est ce challenge qu’a tenté – et relevé avec beaucoup de brio – Aziz Kaeouach depuis l’observatoire d’Oukaimeden, situé dans les montagnes du Haut Atlas au Maroc (à 80km environ de Marrakech), en cumulant 47h de pose (dont 30h pour la couche OIII et 15h pour la couche Ha) afin de révéler la beauté de cet objet.
On peut saluer la qualité du signal obtenu tant sur le rémanent de supernova que sur les cibles alentours, notamment sur la nébuleuse obscure PN We 2-262 (en haut de l’image au centre) et sur la discrète nébuleuse en réflexion GN 23.50.6.03. Signal parfaitement mis en valeur, comme en témoigne la richesse des draperies Ha dans le fond de ciel sur l’ensemble du champ.
Avec un traitement parfaitement maitrisé (gestion du bruit, équilibre des couleurs, palette RGB pour les étoiles, détails bien mis en avant sans exagération), Aziz propose ici une image « de référence » pour ceux qui souhaiteraient eux aussi s’essayer à ce challenge relevé !
Ayant découvert le ciel à l’âge de 11 ans grâce à une paire de jumelles, Aziz a attrapé très jeune le virus de l’astronomie.
Après plusieurs télescopes dédiés à l’observation visuelle, il se lance en 2016 dans l’astrophotographie avec tout d’abord une prédilection pour le planétaire ; avant de basculer dès l’année suivante sur le ciel profond.
Après deux années en nomade, Aziz a pu créer, avec l’aide d’autres astronomes amateurs, un premier observatoire privé, grâce auquel il peut désormais photographier le ciel en remote dans de très bonnes conditions.
Très impliqué dans la pratique de l’astronomie au Maroc, Aziz est un véritable « moteur » pour l’astrophotographie dans ce beau pays où cette activité reste encore largement confidentielle malgré plusieurs « spots » capables de rivaliser avec le ciel Chilien en terme de seeing (notamment à l’observatoire d’Oukaimeden, situé à 2750m d’altitude et qui offre 240 nuits dégagées par an…).
Aziz organise et participe en outre à de nombreux projets ambitieux impliquant astronomes amateurs et professionnels.
Consacrant beaucoup de temps à chacun de ses traitements, ses images méritent d’être examinées avec attention. Sa galerie Astrobin reflète bien son évolution et sa progression en la matière ; aussi une visite est (très) fortement recommandée !
Date : 2, 7 & 10 août 2021
Lieu : HAO, Observatoire de Oukaimeden, Marrakech (Maroc)
Optique : Takahashi FSQ85-ED
Monture : iOptron CEM60-EC
Caméra : ZWO ASI 2600 MM Pro
Filtres : Astronomik / ZWO
H : 92 x 600s (bin1)
OIII : 181 x 600s (bin1)
R : 30 x 60s (bin1)
G : 30 x 60s (bin1)
B : 30 x 60s (bin1)
Total : 47h
Traitement : Pixinsight
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