Amélioration du setup (3) : nouvelle caméra et rotateur de champ
Une nouvelle caméra et un nouveau train optique intégrant un rotateur de champ… le setup est désormais quasi-totalement automatisé pour les séances d’acquisition !
Les nébuleuses obscures comptent sans doute parmi les les objets du ciel les plus difficiles à photographier au niveau amateur. En effet, contrairement aux nébuleuses par émission (qui émettent leur propre lumière) ou aux nébuleuses par réflexion (qui reflètent la lumière environnante), les nébuleuses obscures n’émettent non seulement aucune lumière (dans le domaine visible), mais occultent également la lumière en arrière-plan ; c’est pourquoi on désigne également ces structures par le terme « nébuleuses par absorption ».
Ces nébuleuses sont constituées de nuages plus ou moins concentrés de poussières, de taille et de formes très divers, opaque au rayonnement visible. Elles contiennent également de l’hydrogène, sous forme moléculaire (H2) ; aussi les zones en effondrement de ces nébuleuses – bien visibles en infrarouge – sont-elles le siège de formation d’étoiles.
Dans certains cas, de telles bandes obscures se situent devant des nébuleuses lumineuses, et sont de fait bien visibles. C’est par exemple le cas de la nébuleuse América (NGC 7000), du Pélican (IC5070), de la nébuleuse d’Orion (M42), ou encore de la célébrissime « tête de cheval » (IC434). Mais, parfois, ces zones obscures ne sont situées en avant-plan d’aucune nébuleuse particulière. Dès lors, la seule manière de les mettre en évidence est par effet de « contraste » avec le fond de ciel en arrière-plan. Celui-ci étant très peu lumineux, la mise en valeur de telles structures demeure une opération délicate. Mais le jeu en vaut la chandelle, tant ces nébuleuses obscures proposent de magnifiques spectacles !
Historiquement, c’est l’astronome américain Beverly T. Lynds, alors en poste à l’observatoire du Mont Palomar dans les années 1960, qui a catalogué le premier ces nébuleuses. Deux catalogues de nébuleuses, issus de ces recherches, portent son nom et couvrent l’hémisphère Nord et une partie de l’hémisphère Sud :
Les objets de ces catalogues constituent aujourd’hui des cibles de choix pour les astronomes amateurs aguerris ou souhaitant s’aventurer hors des sentiers bien balisés du catalogue Messier ou des objets « NGC » les plus connus !
Comme pour les autres types de nébuleuses, on trouve la grande majorité des nébuleuses obscures dans le plan de la Voie Lactée. La constellation de Céphée, en particulier, renferme un gigantesque complexe de nuages de gaz et de poussières, qui recouvre presque la totalité de sa superficie.
C’est précisément cette région du ciel que Idir Saci a choisi d’explorer avec cette image couvrant un champ de 3.7° x 7.2°, qui est en réalité une mosaïque de 2 images cumulant plus de 44h de pose étalées sur 3 ans !
La version annotée ci-dessous permet de prendre pleinement la mesure de la grande quantité d’objets différents sur le champ ainsi que de leur diversité : nébuleuses par réflexion, nébuleuses obscures, rémanents de supernova, nébuleuse planétaire…
Les quatre gigantesques colonnes de matière qui constituent les nébuleuses obscures sautent immédiatement aux yeux (LBN 532, 528, 535 et 558). Si celles-ci sont souvent imagées individuellement (ou par paire), il est beaucoup plus rare en revanche que les quatre soient rassemblées sur la même image : un résultat rendu possible à la fois par la combinaison d’une optique à courte focale (FSQ-106) et d’un capteur grand format (KAF-16800), et évidemment par le recours à la technique de la mosaïque.
La plus connue de ces nébuleuses (LBN535+LDN1235) – et la plus souvent photographiée – est surnommée la « nébuleuse du requin ». Distante d’environ 650 années-lumière, elle s’étend sur 15 années-lumière. LDN1251 constitue également une cible réputée auprès des astrophotographes : d’une taille légèrement plus importante (17 années-lumière), elle est toutefois plus éloignée (environ 1000 années-lumière). On observe en son sein de nombreux objets de Herbig-Haro, lieux de formation d’étoiles. LBN528 est surtout prisée pour sa partie « nord », où se situe la belle nébuleuse par émission VdB152 (distance : environ 1700 années-lumière). La quatrième, LBN532 est, quant à elle, moins souvent photographiée en raison de son étendue plus importante et de son contraste moins élevé que ses voisines ; exception faite de sa partie la plus au nord (LDN1221) dont l’opacité est très marquée.
Cette image contient également d’autres objets remarquables de nature totalement différente :
Avec cette image, Idir Saci démontre une fois encore (si cela était nécessaire…) son énorme talent et une maîtrise impeccable de l’ensemble des étapes de la réalisation d’une astrophotographie de grande qualité.
On pourrait ainsi relever la précision du cadrage (qui implique une bonne préparation en amont car la marge est finalement assez limitée pour faire tenir tous ces objets dans le champ !), le soin apporté au traitement de la luminance (pour faire ressortir de manière très naturelle ces objets faibles et conserver un contraste satisfaisant avec les autres objets plus lumineux), les couleurs prononcées (un exercice toujours difficile sur les nébuleuses obscures), le travail précis sur l’aspect des étoiles et des halos, l’intégration parfaitement gérée du signal Ha sur les rémanents de supernova, la gestion impeccable du bruit, ou encore souligner la persévérance nécessaire pour mener un tel projet à bien sur 3 années d’affilée…
Mais comme toujours avec les images réalisées par Idir, ces aspects techniques et de traitement sont relégués au second plan pour juste laisser place à la pure beauté des objets représentés et nous permettre d’admirer quelques fragments du spectacle de l’Univers dans toute sa diversité.
A l’heure où les réseaux sociaux tendent à concurrencer les forums traditionnels, certains astrophotographes sont tentés de multiplier au maximum les clichés – quitte parfois à rogner un peu les temps de pose ou à expédier gentiment le traitement.
Mais pas Idir Saci !
Au contraire, Idir publie peu d’images (10 depuis 2016), mais c’est à chaque fois une véritable “claque” et une redécouverte d’objets que l’on pensait bien connaître.
Outre une parfaite maîtrise de son équipement, il réalise sans conteste des traitements d’images parmi les tout meilleurs avec, à la clé, des images de référence sur chaque objet photographié.
Une approche artistique et presque poétique, qui nous rappelle que, pour obtenir d’excellents résultats à cette école de patience qu’est l’astrophotographie, le mieux est encore de prendre son temps !
Date : 2017 / 2020
Lieu : Haute-Savoie (alt. 1100m)
Optique : FSQ-106
Monture : EQ6 Pro Evolution
Caméra : Moravian G4-16800
Filtres : Astrodon LRGB-Ha (5nm)
Traitement : Pixinsight & Photoshop
L : 141 x 600s (bin1)
R : 22 x 600s (bin1)
G : 23 x 600s (bin1)
B : 23 x 600s (bin1)
Ha : 28 x 1200s (bin1)
Total : 44h10
Les Photons d’Or récompensent chaque mois une image particulièrement remarquable réalisée par un amateur… n’hésitez pas à proposer vos images !
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