Amélioration du setup (3) : nouvelle caméra et rotateur de champ
Une nouvelle caméra et un nouveau train optique intégrant un rotateur de champ… le setup est désormais quasi-totalement automatisé pour les séances d’acquisition !
Si l’on ne devait retenir qu’un seul objet du ciel pour symboliser l’astronomie, Saturne figurerait sans aucun doute tout en haut de la liste !
Quel amateur ne se souvient pas de l’émotion ressentie lors de sa première observation de ce spectacle quasi-irréel d’une boule jaune pâle entourée d’un disque semblant flotter dans l’espace ? Malgré les années d’expérience, la magie continue d’agir à chaque nouvelle observation comme si c’était la première…
Si Saturne est incontestablement la planète la plus impressionnante du système solaire, c’est donc essentiellement en raison de son système d’anneaux, de loin le plus développé de toutes les planètes gazeuses.
Il faut dire qu’il n’y a pas réellement de « match », dans la mesure où si toutes les autres planètes géantes (Jupiter, Uranus et Neptune) possèdent un système d’anneaux, celui de Saturne est le seul à pouvoir être observé avec un instrument d’optique amateur ; les autres étant réservés aux sondes spatiales, aux télescopes spatiaux aux télescopes géants professionnels et sont essentiellement ou uniquement visibles dans l’infrarouge.
Au contraire, les anneaux de Saturne s’étendent sur 360 000 kilomètres (soit approximativement la distance Terre-Lune) et les principaux (150 000 km de diamètre) sont parfaitement visibles dans les plus petites lunettes d’initiation.
Cette facilité d’observation n’est toutefois que très contemporaine, en raison de l’amélioration de la qualité optique minimum des instruments… mais cela n’a pas toujours été le cas ! Ainsi, lorsque Galilée observe pour la première fois Saturne en 1610, la qualité de sa lunette ne lui permet pas d’identifier les anneaux, qu’il perçoit plutôt comme des « anses » de part et d’autre de la planète. Il faudra attendre 1655 pour que Huygens suggère l’existence d’un anneau (unique et solide) et 1675 pour que Cassini identifie la présence de plusieurs anneaux concentriques dont il postule qu’ils sont composés d’une multitude de petits corps ; hypothèse qui sera confirmée par Laplace un siècle plus tard et démontrée par Maxwell en 1859.
De fait, depuis leur découverte, les anneaux de Saturne ont passionné des générations d’astronomes qui n’ont eu de cesse, avec le perfectionnement croissant des moyens d’observation, d’améliorer notre compréhension de leur structure, de leur dynamique interne ou encore de leurs origines. Mais les progrès les plus importants ont été réalisés au cours des dernières décennies par les sondes spatiales.
Pionner en 1979, suivi par les deux sondes Voyager à quelques mois d’intervalle, n’ont réalisé que des survols rapides de la planète, mais avaient déjà permis d’obtenir une incroyable quantité de résultats… et de questions restant en suspens.
Notre connaissance actuelle du système saturnien repose principalement sur la mission Cassini, restée en orbite autour de la planète de 2004 à 2017.
Outre la première exploration de la lune Titan (avec l’atterrisseur Huygens) et la découverte de plusieurs satellites, cette sonde a permis d’étudier le système de Saturne (atmosphère, satellites, anneaux, etc.) pendant une demie-révolution, tout en fournissant des images toutes plus éblouissantes les unes que les autres, parfois prises au plus près des objets ou sous des angles inédits.
La sélection présentée ici ne constitue donc qu’un petit échantillon des trésors incroyables dévoilés par Cassini !
Si Saturne est surnommée « le seigneur des anneaux », ce n’est pas par hasard. Ces images dévoilent avec une finesse inégalée la complexité de ces structures : des dizaines de milliers d’anneaux concentriques, constitués de milliards de petits débris principalement composés de glace d’eau, réunis au sein de zones de densité plus ou moins fortes mais globalement homogènes.
Par commodité, ces innombrables structures sont regroupées au sein « d’anneaux principaux » entrecoupés par des « divisions » (et présentant par endroits des « lacunes ») de largeurs variables et de moindre densité. La plus importantes de ces divisions, située entre les anneaux A et B (dite « de Cassini« ) est facilement observable avec un petit instrument, tandis que certaines font office de test pour apprécier la qualité optique de son télescope (par exemple la lacune de Encke en périphérie de l’anneau A).
La présence d’objets plus massifs au sein des anneaux permet d’expliquer par des mécanismes d’interactions gravitationnelles et de résonances la parfaite délimitation de certaines lacunes.
Parmi ces « satellites gardiens », on trouve ainsi des petits corps au sein même des anneaux (par exemple Pan dans la lacune d’Encke, découvert par Voyager 2), mais aussi des satellites plus importants à l’extérieur des anneaux dont les orbites en résonance permettent d’expliquer les zones de faible densité de matière dans les divisions (Mimas, en résonnance avec l’orbite de la division de Cassini).
La sonde Cassini, lors de survols très rapprochés des anneaux, a non seulement permis de découvrir d’autres « gardiens » du même type, mais a aussi révélé des phénomènes jusqu’alors inobservés, tels que les ondulations produites par ces corps en amont et en aval de leur orbite.
Sur l’image ci-contre, on peut ainsi admirer les « vagues » créées par la lune Daphnis dans les sillages de l’anneau A, de part et d’autre de la lacune de Keeler (dont elle est – par ailleurs – à l’origine).
Malgré les petites dimensions de cette lune (8 km), on constate que celle-ci est bien plus large que les anneaux eux-mêmes.
En réalité, l’épaisseur moyenne des anneaux ne dépasse pas une dizaine de mètres (avec des minimums de l’ordre de 2m et des maximum de quelques centaines de mètres dans les « vagues »), ce qui fait des anneaux de Saturne « l’objet » le plus fin connu dans l’Univers (environ 1000 fois plus fin qu’une feuille de papier !).
Et encore, c’est sans compter les dimensions réelles des anneaux si l’on ne se limite pas aux principaux et plus visibles d’entre eux, notamment l’anneau E, beaucoup plus diffus et magnifiquement mis en évidence par la sonde Cassini lors d’une éclipse du Soleil par Saturne en 2013 (image ci-contre).
Mais ces dimensions sont encore à revoir à la hausse si l’on tient compte du gigantesque anneau de poussières découvert par le satellite infrarouge Spitzer en 2009, qui s’étend sur 12 millions de kilomètres soit 300 fois le diamètre de la planète.
Cet anneau présente présente toutefois quelques caractéristiques qui le distinguent des anneaux internes, et qui ne plaident pas pour une assimilation ou un prolongement de ces derniers : une épaisseur bien plus importante (20 fois le diamètre de Saturne), une inclinaison de 27° par rapport au plan des anneaux principaux et une rotation en sens inverse.
Autant de signes qui font envisager aux astronomes un mécanisme de formation distinct des anneaux principaux.
Les anneaux sont donc des sujets d’étude passionnants que les astronomes sont encore loin de comprendre parfaitement… mais il ne s’agit évidemment pas des seuls intérêts que présente le système de Saturne : outre ses satellites très nombreux et diversifiés (146 identifiés, de Titan plus grand que Mercure aux plus petits n’excédant pas 1 km), l’atmosphère de la planète elle-même fait l’objet d’un suivi constant, auquel les amateurs peuvent contribuer.
Comparée à celle de Jupiter, l’atmosphère de Saturne apparait nettement moins active et contrastée. Cela n’est qu’une apparence, due à la présence d’une « brume » d’altitude masquant les bandes et les tâches situées plus en profondeur. Deux fois plus éloignée du Soleil que Jupiter, Saturne reçoit donc quatre fois moins de lumière : la température plus froide favorise la création d’une brume d’ammoniac sur l’ensemble du globe.
Malgré cela, certains phénomènes atmosphériques sont si importants et violents qu’il est possible de les observer avec des instruments amateurs depuis la Terre.
C’est le cas par exemple de l’hexagone évoluant en permanence au pole nord de la planète (visible lorsque l’inclinaison de la planète s’y prête), qui renferme un vortex très impressionnant.
De grandes tempêtes apparaissent également périodiquement, suivant les saisons qui sont nettement marquées sur Saturne. La dernière en date, en 2010/2011, a pu être suivie pendant de longs mois, tant par la sonde Cassini que par les observatoires professionnels et les amateurs.
Le système de Saturne est d’une richesse infinie et qui demeure encore, pour l’essentiel, largement méconnu. Il faudra encore de nombreuses missions sur place pour percer certains de ses mystères… Fort heureusement, nul besoin de rentrer dans toutes ses subtilités pour en apprécier la majestueuse beauté !
Vous souhaitez observer Saturne dans les meilleures conditions ? C’est le moment idéal puisque la planète est passée à l’opposition le 28 août et sera parfaitement visible dans le ciel du soir pendant encore plusieurs semaines, même si son diamètre va désormais en diminuant un peu plus chaque jour.
De merveilleuses observations peuvent être réalisées avec un matériel très modeste, tel qu’une lunette de faible diamètre ou un petit télescope. Naturellement, si vous disposez d’un instrument plus important, vous aurez accès à des détails plus fins, comme la division de Cassini ou le repérage des satellites les plus importants.
Si vous souhaitez réaliser des photographies, les choses se compliquent mais le challenge est un peu moins technique que pour Jupiter : la rotation de Saturne est plus lente et les détails à sa surface sont peu nombreux, ce qui permet de réaliser des vidéos plus longues sans risque de perdre trop de détails. Attention toutefois, les choses se compliquent nettement si vous visez la photographie en haute résolution, à l’instar de l’image présentée ce mois-ci !
Réalisée par Simon Labergère et Robin Le Guern, cette image montre ce qu’il est possible d’obtenir avec un télescope de diamètre important (400mm), sous un ciel de qualité, avec le matériel adéquat… et sous réserve de parfaitement maitriser l’ensemble de la chaine d’acquisition et de traitement : de la mise en température à la collimation, en passant par le réglage des différents paramètres de prise de vue, chaque petit détail compte et devient crucial pour optimiser le résultat final !
Simon et Robin livrent ici une image d’une qualité superlative : outre le fait que de nombreuses divisions sont visibles dans les anneaux (Cassini, Encke…), les différentes bandes colorées de la planète sont parfaitement mises en évidence, de même que le petit disque du satellite Thétys (dont le diamètre ne représente que 60% de celui de notre Lune… mais à 1,5 milliards de kilomètre !).
On appréciera également la belle présence de l’anneau de crêpe (anneau C), la différence marquée de couleurs entre les deux hémisphères (l’hémisphère sud apparaissant nettement plus vert), ainsi que le phénomène d’accroissement manifeste de la luminosité des anneaux (visible uniquement quelques jours avant et après l’opposition).
Réalisée avec deux caméras (une monochrome pour la luminance et une caméra couleur pour les couches RGB) depuis l’observatoire du Mont d’Arbois, cette magnifique image n’est que l’une des très belles réalisations que nous propose régulièrement ce tandem de passionnés d’astrophoto planétaire. La série en cours sur Jupiter, notamment, est de toute beauté !
Difficile à croire lorsqu’on regarde ses superbes images planétaires, mais Simon Labergere pratique l’astronomie depuis… seulement 3 ans !
Après avoir débuté sur un Mak127, puis un C11, Simon utilise depuis un an le télescope Schmidt-Cassegrain de 400mm de l’observatoire du Mont d’Arbois dont il est membre actif.
Fervent passionné d’observation planétaire, et en particulier de Jupiter, Simon fréquente assidument la coupole de l’observatoire, seul ou avec des amis et notamment Robin Le Guern.
Pour varier les plaisirs, Simon pratique également l’astrophoto du ciel profond, avec une ASKAR FRA400 et une caméra couleur ASI294.
Habitant comme Simon la Haute-Savoie et membre également de l’association du Mont d’Arbois, Robin Le Guern pratique l’astronomie depuis quelques années avec un côté « touche à tout » qui lui permet d’aborder les différentes disciplines de l’astrophotographie.
Pour le ciel profond, Robin utilise une lunette avec une caméra ASI183 ; et un Schmidt-Cassegrain 8″ pour le planétaire – ce qui reste une valeur sûre et un grand classique chez les amateurs.
Son domaine de prédilection est la photographie planétaire, en particulier avec un capteur monochrome qui lui permet de jouer avec les différents filtres afin de disposer d’une plus grande latitude lors du traitement.
Un tandem de choc de l’imagerie planétaire !
Date : 1er septembre 2023 – 22h36 UT
Lieu : Observatoire du Mont d’Arbois, Saint-Gervais le Bains, Auvergne-Rhône-Alpes, France
Optique : Meade LX200 ACF 16″ (400mm)
Caméra : ZWO ASI-462MM & ASI-662MC
Correcteur : ADC Pierro-Astro Mk3
Barlow : Televue 2x PowerMate
Filtres : ZWO UV/IRcut 1,25″
Acquisitions : 8 vidéos de 240s (2 couleur / 4 mono / 2 couleur) ; 70 ms.
Echantillonnage : 0,08″/px
Traitement : WinJupos – AS!3 – AstroSurface
Les Photons d’Or récompensent chaque mois une image particulièrement remarquable réalisée par un amateur… n’hésitez pas à proposer vos images !
Une nouvelle caméra et un nouveau train optique intégrant un rotateur de champ… le setup est désormais quasi-totalement automatisé pour les séances d’acquisition !
« Vous (oui, vous !) pouvez soutenir Photon Millenium ! » Vous appréciez Photon Millenium et peut-être même le consultez-vous régulièrement ? Vous souhaitez soutenir mon travail et contribuer au développement du site ? Vous avez amélioré vos traitements grâce aux tutos
Hubert Reeves nous a quitté le 13 octobre 2023. Parti rejoindre les étoiles qu’il aimait tant, il laisse les amoureux du ciel ici-bas emplis d’une infinie tristesse. Hommage à celui qui aura été une source d’inspiration pour beaucoup d’astronomes amateurs.