Prise de vue : | |
Traitement : | |
Intérêt Ha : | |
Popularité : |
Nom : M31 – NGC 224 – Galaxie d’Andromède
Type : Galaxie spirale (SA(s)b)
Distance : 2,5 millions AL
Taille : 3,2° x 1° (~200 000 AL)
Magnitude : 3,4
Meilleure période d’observation : Automne
La galaxie d’Andromède est l’un des plus beaux spectacles célestes offert aux amateurs, observateurs comme photographes !
En effet, celle-ci est très distinctement visible à l’œil nu sous la forme d’une « tache » aux contours mal définis, même sous un ciel de qualité moyenne. De magnitude 3 et d’un diamètre supérieur à celui de la Pleine Lune en visuel, elle est immanquable pour tout observateur, même peu aguerri, dans le ciel d’automne. Aux jumelles, avec un grossissement modéré de 7/10x, et sous un ciel bien sombre, le spectacle est total, M31 révélant alors un noyau lumineux et des bras spiraux plus ténus qui s’étendent sur plusieurs degrés. Capter la totalité de ses extensions et ses subtils couleurs est cependant réservé aux photographes, qui peuvent capter du signal sur plus de 3°, soit l’équivalent de 6 diamètres lunaires !
Si Charles Messier, le grand chasseur de comètes, l’a intégré à la 31e place de son catalogue en 1764, cet objet était cependant déjà connu depuis des millénaires par les différentes civilisations, bien que sa nature exacte fut alors inconnue. L’astronome perse Al-Soufi en rapporte ainsi l’observation dès 964, le décrivant comme « un petit nuage ». Mais il ne s’agit là que de la première mention écrite dont nous disposons… il ne fait aucun doute que cette tache suffisamment lumineuse pour être visible à l’œil nu ait été observée depuis des temps immémoriaux. De façon surprenante, on ne trouve pas mention de celle-ci chez les égyptiens, ni chez les grecs anciens. Il faut cependant garder à l’esprit qu’un très faible nombre d’écrits de cette époque sont parvenus jusqu’à nous.
La dénomination initiale de M31, « la grande nébuleuse d’Andromède », reflète la méconnaissance quant à sa véritable nature qui a perduré pendant plusieurs siècles après l’invention du télescope.
A l’œil nu, comment différencier la galaxie d’Andromède et la nébuleuse d’Orion ? Toutes deux présentent le même aspect nébuleux et faiblement lumineux. On peut avancer sans risque qu’il s’agit d’un objet distinct d’une étoile, d’aspect ponctuel, ou encore d’une comète qui se déplace jour après jour dans le ciel. L’invention des instruments d’optique n’a pas permis non plus de trancher la question, puisqu’observés à l’oculaire, ces objets restent flous et indistincts. S’agit-il d’objets proches et de dimension réduite, qui font partie de notre galaxie, ou d’objets plus étendus mais lointain ?
Ce point suscitera à travers les siècles de nombreux débats et controverses entre astronomes théoriciens, observateurs, et même philosophes. Emmanuel Kant, reprenant certaines idées de l’astronome anglais Thomas Wright, sera ainsi l’un des premiers à envisager que l’Univers recèle une multitude d’ « univers-îles » semblables à notre Voie Lactée.
Les observateurs, bénéficiant pourtant d’instruments de plus en plus puissants, ne parviendront pas à trancher ce point de façon certaine, bien que certains aient fait preuve d’une intuition remarquable. C’est le cas par exemple de Lord Ross qui, grâce à son puissant télescope de 1m80 de diamètre, étudia de manière assez systématique ces « nébuleuses » dès 1845 ; et déduisit de leur structure spirale qu’il devait s’agir d’objets composés d’étoiles et non de gaz… sans pouvoir cependant en apporter une preuve concrète.
Ainsi, au début du XXe siècle, ce débat opposait encore vivement les astronomes. Certains, tels Harlow Shapley, considéraient que ces objets étaient constitués de gaz et faisaient partie de notre galaxie ; d’autres, tels Heber Curtis, estimaient au contraire que ces objets étaient composés d’étoiles mais situés à une distance si considérable qu’il n’était pas possible de distinguer celles-ci.
Finalement, le débat fut tranché grâce à une combinaison de progrès techniques, matériels et théoriques :
Dans la culture populaire, tout le mérite de la découverte de la véritable nature de ces « nébuleuses » est attribuée à un seul homme, l’astronome Edwin Hubble.
C’est en effet Hubble qui, au moyen d’un suivi photographique régulier réalisé avec le télescope du Mont Wilson, le plus puissant de l’époque, fut le premier à détecter, en 1924, une céphéide au sein de M31 (identifiée « Var! » pour « variable » par Hubble sur la plaque photo originale reproduite ici) .
En appliquant les découvertes antérieures de Leavitt et de Shapley sur le lien entre période-luminosité et distance des céphéides, il put ainsi déterminer la distance de cette étoile, et par conséquent celle de la « nébuleuse » d’Andromède.
Avec une distance estimée à 900 000 AL (depuis revue à la hausse à 2,5 millions AL), le doute n’était alors plus permis : il s’agissait de toute évidence d’un objet extrêmement grand, constitué de milliards d’étoiles et situé à l’extérieur de notre Voie Lactée. Signalons ici l’ironie voulant que les travaux de Harlow Shapley, qui soutenait la thèse des « nébuleuses » situées au sein de la Voie Lactée, servirent finalement à Hubble pour démontrer l’inverse !
Cette « nébuleuse » serait donc désormais dénommée « Galaxie d’Andromède » : l’Univers, qui se réduisait alors à notre seule galaxie, venait soudain de changer radicalement d’échelle ! Notre galaxie, dès lors, ne serait plus qu’un « univers-île » parmi une infinité d’autres…
S’il ne faut pas tomber dans une attitude excessive qui consisterait à diminuer l’importance des recherches et la pugnacité d’Edwin Hubble dans cette découverte majeure, il me semble toutefois nécessaire d’insister sur l’injustice qui consiste à lui en attribuer le mérite exclusif ; en particulier en omettant systématiquement le nom d’Henrietta Leavitt, qui est pourtant à l’origine de la découverte de la relation fondamentale des céphéides, sans laquelle Hubble n’aurait jamais pu calculer la distance de M31.
Essayons donc ici de lui rendre hommage ; tant avec notre prisme moderne, la vie d’Henrietta Leavitt ressemble à une longue série d’injustices…
Née dans une famille modeste du Massachusetts en 1868, Henrietta Leavitt suit de brillantes études et décide de se spécialiser en astronomie lors de sa quatrième année à l’université. Frappée de surdité à 25 ans, elle est embauchée au terme de ses études (mais sans que son diplôme d’astronome ne lui soit accordé) comme assistante à l’observatoire de l’université Harvard, pour étudier les plaques photographiques et cataloguer les étoiles en fonction de leur luminosité. Un travail répétitif et assez ingrat ; mais il faut préciser qu’à l’époque, les femmes ne sont pas autorisées à accéder aux télescopes… et encore moins à les utiliser !
Les femmes astronomes sont donc cantonnées à des fonctions de « calculateurs humains », chargées d’établir et d’analyser de grands relevés de données et d’effectuer les calculs associés. Le directeur de l’observatoire de Harvard de l’époque, Edward Pickering, a ainsi constitué une équipe exclusivement féminine de « calculatrices » ; surnommé alors le « harem de Pickering ».
Pickering, estimant qu’Henrietta Leavitt est financièrement indépendante, se dispense même au départ de la payer… Elle sera par la suite rémunérée 0,30$ de l’heure (soit moins de 50$ par mois) pour ce travail qui lui permettra, en étudiant patiemment plusieurs milliers d’étoiles dans les Nuages de Magellan, d’effectuer la découverte fondamentale de la relation entre la période de variation d’une céphéide et sa magnitude absolue. Malgré la publication de cette découverte, Pickering tentera de la dissuader de poursuivre ses recherches, préférant conserver Henrietta au sein de son « harem » de talents féminins sous-payés. La situation d’Henrietta Leavitt s’améliorera avec l’arrivée de Harlow Shapley en remplacement de Pickering à la tête de l’observatoire de Harvard, qui la nommera responsable du département de photométrie stellaire… poste qu’elle n’occupera que quelques mois avant sa mort.
Beau joueur, Edwin Hubble reconnaissait lui-même l’importance des travaux de Leavitt et leur influence déterminante dans ses propres recherches ; déclarant même publiquement et à plusieurs reprises qu’elle mériterait de se voir décerner le Prix Nobel (Hubble lui-même ne l’obtint pas). Lorsqu’un membre de l’Académie Nobel essaya de nominer Henrietta Leavitt pour ses travaux en vue du Nobel de Physique 1926, il découvrit qu’elle était morte près de cinq ans auparavant… Le prix Nobel, ne pouvant être attribué à titre posthume, ne lui fut donc jamais décerné…
Emportée par un cancer en 1921, à 53 ans. Henrietta Leavitt ne bénéficia de son vivant de quasiment aucune reconnaissance et ne reçut aucun prix ou récompense scientifique. Elle ne vécut pas même assez longtemps pour voir toute la portée de sa découverte par les travaux d’Hubble.
La postérité n’a pas été beaucoup plus juste avec elle, effaçant même son nom de sa découverte, qui est habituellement désignée comme la « relation période-luminosité »… et non comme la « loi de Leavitt ». Un astéroïde, ainsi qu’un cratère lunaire ont malgré tout été nommés bien plus tard en son honneur. Le cratère Leavitt, de modestes dimensions, est, ironiquement, situé sur… la face cachée de la Lune ! Tout un symbole, en somme, à l’image d’une vie de recherche passée dans l’ombre.
L’histoire de Hubble avec M31, quant à elle, ne s’arrête pas là… Quelques années plus tard, en 1929, lorsque Hubble publiera ses travaux démontrant la corrélation entre la distance des galaxies et leur vitesse de récession, il notera une exception parmi les galaxies étudiées, qui semblent toutes s’éloigner les unes des autres d’autant plus rapidement qu’elles sont distantes… toutes, sauf la galaxie M31, qui se rapproche de la Voie Lactée à près de 400km/s. Aujourd’hui, on sait que plus d’une centaine de galaxies présentent un tel « redshift négatif » (ou « blueshift »), pour l’essentiel les galaxies de l’amas de la Vierge, superamas le plus proche vers lequel se dirigent l’ensemble des galaxies de notre propre amas local.
La « loi de Hubble » (ou « loi de Hubble-Lemaître » depuis une délibération de l’Union Astronomique Internationale de 2018) énonce que les galaxies s’éloignent les unes des autres à une vitesse proportionnelle à leur distance, selon la formule v = H.d où H est la « constante de Hubble », aujourd’hui estimée à 70km/s/Mpc. La vitesse relative d’une galaxie peut être déterminée par plusieurs méthodes, selon leur distance (céphéides, supernovae, décalage des raies spectrales…). Le décalage des raies spectrales, noté z (pour « Redshift », le décalage vers le rouge – synonyme d’éloignement – étant le cas le plus fréquent), permet de calculer la vitesse de la galaxie, selon la relation v = c.z (où c est la vitesse de la lumière). L’interprétation cosmologique de ce phénomène a été formulée en premier lieu par l’astronome russe Alexandre Friedmann et l’astronome et chanoine belge Georges Lemaitre ; ce dernier étant le premier à établir le rapport entre distance des galaxies et vitesse d’éloignement, sur la base des observations de Hubble.
La Galaxie d’Andromède, de par sa proximité et sa similarité avec notre propre galaxie, constitue donc un objet d’étude extrêmement important pour les astronomes. Confrontés à la difficulté d’étudier notre propre galaxie « de l’intérieur », nous avons la chance de bénéficier d’une galaxie similaire à portée de télescope ! M31 a ainsi joué un rôle majeur dans de nombreuses découvertes fondamentales, et continue d’être scrutée en détail par les meilleurs télescopes actuels afin de percer les mystères de son histoire et de son évolution, et à travers elle de mieux comprendre les lois qui régissent les galaxies dans leur ensemble.
Il a ainsi longtemps été considéré que la galaxie d’Andromède était d’une taille et d’une masse bien supérieure à la Voie Lactée ; cependant, les dernières études réalisées en 2018 tendent plutôt à démontrer que ces deux galaxies seraient quasiment équivalentes… voire même que notre Voie Lactée serait en réalité plus imposante que notre proche voisine !
De la même manière que notre Voie Lactée, la galaxie d’Andromède abrite en son centre un trou noir supermassif, estimé à 140 millions de masses solaires ; le trou noir au centre de la Voie Lactée étant estimé à « seulement » 40 millions de masses solaires.
La masse totale de M31 est estimée à environ 1230 milliards de masses solaires, contre 1900 milliards de masses solaires pour la Voie Lactée. M31 contiendrait cependant 25% d’étoiles de plus que notre galaxie ; cette dernière étant cependant plus active en formation d’étoiles.
Comment expliquer qu’Andromède soit moins massive que notre galaxie tout en contenant plus d’étoiles ? La réponse se trouve dans la matière « non-baryonique » ou « matière noire », qui serait plus abondante dans notre galaxie. Il faut toutefois insister sur le fait qu’aucun de ces points n’est actuellement tranché avec certitude…
Une autre étude, réalisée également en 2018, tend à démontrer que la galaxie d’Andromède est issue de la collision, il y a 3 milliards d’années, de deux galaxies de tailles plus modestes. Notre voisine aurait donc pris sa forme actuelle il y a relativement peu de temps (la Terre était à cette époque déjà formée). L’étude de son noyau, par le télescope spatial Hubble, démontre en effet que celui-ci est dédoublé, ce qui peut s’expliquer par la fusion ancienne avec une autre galaxie. D’autres études tendent à démontrer que la petite galaxie satellite M32 aurait traversé par le passé le disque de M31.
L’histoire de la galaxie d’Andromède semble ainsi avoir été très chaotique, évoluant par absorptions successives de galaxies plus petites.
Le cliché obtenu en cumulant 3000h (!) de pose sur une surface de 400 deg² par différents « surveys » et notamment le relevé « Megacam » du teléscope franco-canadien de Hawaï (CFHT) permet d’illustrer les traces de cette évolution et les immenses courants de matière qui subsistent aujourd’hui autour de M31.
Sur cette image extraordinaire, la vue « classique » de M31 est la petite zone incrustée au centre (qui serait sinon totalement saturée), et les courants de matière, trace des collisions anciennes avec d’autres galaxies, s’étendent sur un rayon de 150kpc, soit 540 000 années-lumière.
Au total, de diamètre couvert par ces extensions est donc de l’ordre de 1 million d’années-lumière ! On voit également sur cette image les courants de matière de M33 (en bas à gauche), qui subissent d’ores et déjà l’influence gravitationnelle de M31.
Ces collisions passées ne sont toutefois que les prémices d’une collision beaucoup plus importante, prévue dans 4 milliards d’années : la collision de la galaxie d’Andromède avec notre propre Voie Lactée ! Le terme de « collision » est cependant trompeur, car malgré la taille et le nombre considérable d’étoiles que contient une galaxie, les collisions physiques entre étoiles sont des phénomènes extrêmement rares. Une rencontre entre deux galaxies se manifeste donc surtout au niveau du gaz qui, comprimé, entraine une véritable « flambée » de création d’étoiles.
La galaxie qui résultera de cette collision sera, au final, une galaxie géante de forme elliptique, qui pourra ensuite reprendre progressivement la forme d’une galaxie spirale (les connaissances actuelles ne permettent pas de trancher ce point avec certitude).
Si nous ne serons plus là pour admirer ce spectacle, un nom a d’ores et déjà été donné à cette nouvelle galaxie : « Lactomeda » (ou « Milkomeda » en anglais), contraction des noms « Voie Lactée » et « Andromède ».
Mais cette galaxie géante ne sera pas la dernière étape : Andromède compte plus de 20 galaxies satellites, dont la plus importante est la galaxie du Triangle (M33), qui finiront également par fusionner avec elles, dans un avenir plus lointain…
La première image a été réalisée à la fin de l’été 2014, depuis la Charente-Maritime, avec une apo 66/400 et un APN défiltré, avec un peu plus d’une heure de pose. Il s’agit d’une de mes premières images, ce qui explique le temps de pose limité.
L’image initiale avait été traitée avec Photoshop (et mes modestes compétences en la matière)… j’étais à l’époque satisfait du résultat, mais sans plus. Je mettais alors la qualité limitée de l’image finale sur le compte de la qualité des acquisitions. L’image présentée ici est une « reprise » du traitement avec Pixinsight et plus de maîtrise des process : la différence saute aux yeux ! Le fond de ciel et le bruit sont mieux gérés, de même que l’aspect des étoiles ou encore la couleur.
Finalement, les acquisitions n’étaient pas en cause, mais bien le traitement… Les compétences de traitement ne sont pas seules en cause non plus, Pixinsight fournissant des processus de traitement beaucoup plus aboutis que Photoshop ; notamment pour la calibration des couleurs.
La seconde image a été réalisée un an plus tard, à l’été 2015, pour l’essentiel depuis la Corse et pour une autre session depuis la Charente-Maritime (avec pour cette session sous un ciel plus pollué, l’utilisation d’un filtre Baader Neodynium). L’image a été réalisée avec le même APN défiltré, mais cette fois sur la TSA 102 avec réducteur de focale à f/6.
Le temps de pose global, porté à 5h, permet de mieux mettre en évidence les faibles bras spiraux de M31, tout en obtenant un meilleur rapport signal sur bruit. Toutefois, les 200mm de focale supplémentaires font que la galaxie rentre « au chausse-pied » dans le cadre, là où la focale de 400mm permettait une belle mise en valeur de la galaxie dans un champ plus large. A 600mm, il est même nécessaire d’orienter la galaxie dans la diagonale du capteur.
Dans les deux cas, les poses longues classiques ont été complétées par une série de poses courtes (27 x 30s pour la version 2015 et 6 x 60s pour la version 2014) afin de permettre de désaturer la luminosité du noyau de la galaxie lors du traitement.
La troisième image consiste simplement en une « reprise » des images précédentes, empilées ensemble et complétées avec une couche Ha, composée de 12 poses de 300s en bin2 prises à l’été 2018 en fin de nuit…
L’apport de cette couche Ha, associée au léger « gain » en signal permis par la combinaison d’un plus grand nombre d’images, permet de rehausser de manière assez sensible les versions précédentes.
Cette version combine ainsi la finesse de l’image de la TSA (2015) et les couleurs plus naturelles de la première version (2014), le tout avec un traitement revu intégrant notamment l’utilisation des derniers outils de Pixinsight, tel que PhotometricColorCalibration (PCC)… et profite aussi de mes progrès réalisés dans le traitement d’images entre 2015 et 2019 !
Même si j’aime conserver une approche modeste dans l’évaluation de mes propres images, je dois avouer que, pour celle-ci, le résultat final me semble assez convaincant… en particulier si l’on ne perd pas de vue que l’ensemble des poses (exception faite de la couche Ha) ont été réalisées uniquement avec un APN d’entrée de gamme.
Enfin une version CCD pour cette quatrième version… qui a tout de même mis du temps à sortir puisque les acquisitions ont été réalisées en septembre 2020 en Touraine.
Cette version a été réalisée avec la même lunette (TSA-102 à f/6), mais cette fois avec la caméra Atik16200, qui présente l’intérêt de disposer d’un capteur assez grand (environ le double d’un APS-C, mais inférieur au full frame). Sur cette version avec relativement peu de poses, la galaxie d’Andromède tient en entier dans la diagonale du capteur ; mais il en irait sans doute différemment avec plus de temps de pose et des extensions plus étendues. 17h de pose au total pour cette image réalisée en champ unique (dont 9h20 pour la luminance).
Mon intention initiale était de réaliser une mosaïque 2×1 afin de donner plus de champ à la galaxie et qu’elle soit moins « enfermée » avec la possibilité de mettre en valeur au maximum les extensions les plus ténues des bras spiraux. Malheureusement, le temps global disponible ainsi que la qualité limitée du ciel ces deux nuits-là ne m’ont pas permis de mener à bien ce projet. Aussi, je me suis rabattu sur une vision plus classique.
Une fois n’est pas coutume, ces sessions ont été relativement « gâchées » par des flats incorrects. La phase de prétraitement a été rendue beaucoup plus compliquée, avec à la clé des images imparfaitement corrigées, ce qui a limité également la mise en valeur des signaux les plus faibles.
Au niveau des couleurs, j’ai essayé de ne pas reproduire littéralement la version précédente. Aussi cette image est un peu plus appuyée et saturée. Une couche Ha a été réalisée afin de renforcer les belles et nombreuses zones HII de la galaxie.
Cette 4e version ne constitue donc pas encore ma version définitive ! 🙂
Sans surprise, la version CCD se révèle bien supérieure à la version APN en terme de résolution, comme on peut le voir sur les étoiles et les bandes de poussières dans les bras spiraux :
Matériel :
Takahashi TSA102 f/6
AZEQ6 via EQmod
Canon 1100D Astrodon (800iso)
Guidage : lunette-guide 9×50 et PLA-MX
Fitre : Orion Skyglow
Pixinsight
Acquisition :
48 x 300s
12 x 300s (avec Skyglow)
27 x 30s (pour le noyau)
Intégration totale : 5h12
Date(s) de prise de vue : 17 & 24 août 2015
Matériel :
APO 66/400 + correcteur
AZEQ6 via EQmod
Canon 1100D Astrodon (800iso)
Guidage : lunette-guide 9×50 et PLA-MX
Fitre : Orion Skyglow
Pixinsight
Acquisition :
13 x 300s
6 x 60s (pour le noyau)
Intégration totale : 1h10
Date(s) de prise de vue : 21 août 2014
Matériel :
Takahashi TSA102 f/6
AZEQ6 via EQmod
Atik 16200 mono
Guidage : OAG Atik + Atik GP
Fitres :
L : 56 x 600s (bin1) + 12 x 60s (bin1)
R : 24 x 300s (bin2)
G : 24 x 300s (bin2)
B : 24 x 300s (bin2)
Ha : 18 x 300s (bin2)
Pixinsight & Photoshop
Acquisition :
48 x 300s
12 x 300s (avec Skyglow)
27 x 30s (pour le noyau)
Intégration totale : 5h12
Date(s) de prise de vue : 17 & 24 août 2015
A l’époque où je reprenais juste la pratique de l’astronomie sans intention de passer à la photo, j’avais tenté un premier « test » sur M31, en 2012 :
Pour cette image, réalisée avec une lunette 66/400 montée en parallèle du tube d’un C8 sur monture à fourche et table équatoriale, tout tient de l’improvisation : l’APN a été acheté le matin même, l’oculaire guide la veille, le C8 n’a pas servi depuis des années… et je n’ai plus réalisé de guidage à l’oculaire depuis plus de 10 ans !
Malgré le temps de pose global très limité (20 minutes), celui-ci m’a semblé une éternité, tant effectuer le guidage depuis un C8 et ses 2000mm de focale, une raquette de contrôle antédiluvienne et des roues dentées en plastique sur l’axe de déclinaison s’est avéré une vraie tannée !
On ne va pas se mentir : avec le recul, réaliser une photo dans de telles conditions s’apparente beaucoup à du masochisme ! 🙂 Et tout ça pour une image qui n’est même pas à la hauteur de certaines images réalisées sur pellicule argentique… mais là n’est pas l’essentiel.
Au final, je garde un bon souvenir de cette nuit : elle constitue pour moi un « lien » entre l’astronomie « ancienne » que je pratiquais adolescent, et l’astrophoto actuelle où quasiment tout peut être automatisé.
Je n’en mesure que mieux tous les progrès extraordinaires accomplis dans ce domaine !
Et puisqu’on en parle, remontons encore un peu le temps… en feuilletant mes vieux carnets d’astronomie, j’ai retrouvé cette image de M31, que j’ai photographiée en… 1994 (j’avais alors 15 ans) !
Cette image n’est pas seulement une trace bien modeste de mes premières tentatives de photo du ciel, mais presque un « témoignage » de l’astrophoto « ancienne génération » : un temps (pourtant pas si lointain) où l’autoguidage ne s’était pas encore démocratisé, et où, armé d’un appareil photo argentique pour lequel la pellicule avait préalablement été « hypersensibilisée » dans des bains de nitrate d’argent, on guidait en permanence l’œil rivé à un oculaire réticulé et éclairé afin d’éviter les dérives de suivi.
Pour cette image, tout le matériel m’avait été prêté par un membre du club : appareil photo, téléobjectif, monture équatoriale… j’avais effectué moi-même l’hypersensibilisation du fameux « TP2415 », une pellicule alors très prisée des astrophotographes, et guidé à l’oculaire pendant 1h ! J’avais également moi-même développé et tiré sur papier la photo (ce qui explique les nombreux défauts et notamment la surexposition du noyau de la galaxie…). J’étais très fier à l’époque d’avoir quasiment tout réalisé tout seul, de bout en bout, pour obtenir cette image.
Je me souviens également qu’à cette époque, certains « pros » de la photo argentique réussissaient à effectuer des masques au développement pour combiner des photos réalisés avec différentes poses… c’est à dire la même technique que ce qu’on peut réaliser aujourd’hui en quelques clics sous Photoshop ! J’étais, pour ma part, bien incapable d’en faire autant…
M31 fait partie de ces objets du ciel si étendus et si lumineux, à l’instar de M42 ou des Pléiades, qu’ils sont considérés comme des cibles faciles et immédiatement accessibles aux astrophotographes débutants.
Pour ma part, je nuancerais quelque peu cette idée reçue : les acquisitions sont en effet assez simples, mais le traitement l’est beaucoup moins ! Il suffit de s’en convaincre de regarder les images publiées sur cet objet : s’agissant d’un objet extrêmement photographié et réputé simple, il est étonnant de constater qu’on relèvera très souvent des approximations de traitement, voire certaines « fautes de goût » flagrantes (notamment pour la gestion des couleurs).
Le premier souci peut tout simplement être celui du champ photo : M31 est une galaxie très étendue, avec des bras spiraux qui se prolongent bien au-delà de ce qu’on peut voir à l’oculaire ou sur certaines images avec un temps de pose trop court ! Il faut donc prévoir de laisser pas mal de « marge » lors du cadrage pour être sûr de ne pas couper ces extensions…
Avec un capteur au format APS-C, une lunette de 400mm de focale avec un réducteur permet d’obtenir un champ parfaitement approprié. Mais les possesseurs de capteur grand champ seront ici avantagés, avec la possibilité d’une gamme de focales et d’instruments plus large. A défaut d’un capteur assez grand, il est possible de troquer son instrument pour un objectif photo de 200 à 300mm.
Niveau acquisitions, si la luminosité de tels objets permet d’obtenir un résultat correct avec un temps de pose limité, voire de s’abstenir d’autoguider en diminuant suffisamment le temps de pose unitaire, cela ne concerne que leur partie principale. Les zones les plus faibles, en revanche, nécessitent un temps de pose beaucoup plus long. Le cadrage de ces objets ne constitue pas non plus une difficulté, dès lors que l’on dispose d’un setup et d’un champ adapté. Même un ciel de qualité moyenne n’est pas forcément un obstacle à la prise de vue…
Ces conditions de prise de vue pourront satisfaire les débutants. Mais avec un peu d’expérience, on cherche toujours à proposer une version qualitative des objets photographiés… surtout pour des objets aussi vus et revus que M31 !
Pour obtenir une image qui se démarque, la première étape passe bien sûr pas des acquisitions de qualité. Et dans ce cas, des conditions qui paraissaient simples peuvent s’avérer difficiles à obtenir : un ciel de qualité, dépourvu de pollution lumineuse, un temps de pose conséquent, doubler les poses longues avec des poses courtes pour les mixer au traitement, disposer d’un champ suffisant pour donner de l’espace à la galaxie dans le cadre, bénéficier d’un champ parfaitement plan, etc.
Mais quelle que soit la qualité des acquisitions, le traitement de M31 n’est jamais aussi simple qu’on pourrait le penser a priori. D’une part, car il existe une telle quantité d’images fabuleuses de cette galaxie, qu’il faut essayer d’être un minimum « à la hauteur » en comparaison. Et d’autre part, plus fondamentalement, en raison de la physionomie de l’objet lui-même.
Les considérations relatives au traitement sont abordées dans la partie suivante, mais il est important d’avoir en tête quelques aspects essentiels de celui-ci afin d’anticiper ce qui convient de l’être lors de l’acquisition.
En premier lieu, M31 est une galaxie très étendue, avec des différences de luminosité importantes entre le noyau et les bras spiraux.
Lors de la montée de niveaux, cela conduit obligatoirement à devoir saturer le noyau pour faire ressortir les bras. Pour corriger cet aspect, il est donc nécessaire de prévoir la réalisation d’une série de poses courtes qui sera mixée avec les poses longues. Le centre de M31 est si brillant que pour tout capteur, APN ou CCD, des poses de 60s suffisent à saturer celui-ci. Le temps de pose unitaire de ces poses courtes doit donc être adapté en fonction du setup afin de ne pas entraîner une saturation du capteur dans la zone centrale riche en détails.
Par ailleurs, la faible luminosité des bras peut conduire à sous-estimer leurs véritables dimensions lors du cadrage, au cours duquel des poses assez courtes sont généralement employées. Le risque est alors de se retrouver au final, après empilage de brutes, à une version tronquée de la galaxie si le champ n’offre que peu de marge de manœuvre. Il est donc nécessaire d’effectuer, avant de lancer les acquisitions, une pose du temps unitaire envisagé afin de s’assurer que le cadrage est correctement réalisé.
D’autre part, M31 présente des nuances de couleurs très subtiles. L’habitude de voir des images de M31 aux couleurs très vives (voire parfois « criardes »…) peut faire perdre de vue cette réalité. En pratique, faire correctement ressortir les différentes nuances de couleurs dans les différentes zones de la galaxie peut s’avérer beaucoup plus compliqué qu’il n’y parait ! Il est donc recommandé, pour les utilisateurs de CCD monochrome, de consacrer un temps important à la réalisation de couches RGB de qualité.
Enfin, M31 est notre plus proche voisine (si l’on excepte les galaxies satellites de la Voie Lactée et quelques galaxies naines…) : elle est même si proche qu’il s’agit d’une des rares galaxies au sein de laquelle il est possible pour un amateur de mettre en évidence de nombreux détails : des amas globulaires, des nébuleuses, les bandes de poussières des bras spiraux…
Pour espérer pouvoir mettre ces détails en valeur lors du traitement, il est indispensable de disposer d’un champ bien corrigé, d’un instrument parfaitement collimaté, de soigner la mise au point et de la vérifier à intervalles réguliers si besoin, et enfin d’assurer un autoguidage optimal. Et bien sûr, tous ces petits détails ne feront que peu de différence sans un ciel stable et transparent !
La richesse des nébuleuses par émission qui constellent les bras spiraux de M31 peut également être rehaussée par la réalisation d’une couche Ha. L’ajout de cette image à la couche Rouge apporte une dimension supplémentaire à l’image en rehaussant les lignes des bras spiraux. En revanche, la réalisation d’une couche OIII n’apporte en pratique pas grand chose… en dehors de quelques difficultés de traitement supplémentaires ! 🙂
Un challenge peut consister à traquer les amas globulaires au sein de M31.
Avec une focale plus conséquente, une bonne définition et un ciel stable, il est en effet possible de mettre en évidence de nombreux amas au sein des bras spiraux de notre galaxie voisine.
L’amas Mayall 2, plus important que l’amas du Toucan, présente même quelques « détails » et son aspect caractéristique d’amas globulaire peut être mis en évidence avec une focale conséquente, par exemple avec un C11. Les autres amas conservent quant à eux un aspect quasi-stellaire, mais n’en demeurent pas moins fascinants à saisir avec un équipement amateur…
Comme évoqué ci-dessus, M31 est un objet dont la difficulté de traitement est souvent sous-estimée ; notamment du fait qu’en raison de sa luminosité, un traitement basique permettra presque toujours d’obtenir un résultat flatteur.
Mais réussir un traitement parfaitement dosé et subtil, qui permette de faire ressortir les plus fines extensions, de mettre en valeur les plus petits détails, d’obtenir un équilibre de couleurs satisfaisant, tout en gardant un bruit bien géré et un fond de ciel équilibré sans zones de transitions agressives avec les bras spiraux, peut s’avérer autrement plus difficile !
Le photographe devra donc soigneusement s’appliquer lors de toutes les étapes du traitement à appliquer les bons paramètres, et surtout à éviter les process inutiles qui permettent de gagner de micro-avantages localisés au détriment de l’aspect d’ensemble.
Car c’est bien sur l’aspect général que se juge rapidement la qualité d’un traitement de M31 : le signal dans les bras spiraux, les détails dans le centre et les bandes de poussières, et l’équilibre des couleurs.
Une première étape à réaliser en début de traitement (avec Pixinsight) est de combiner les images à long temps de pose et les images à court temps de pose pour « décramer » la région du bulbe galactique, dont la luminosité est saturée sur les images longues poses. Avec Pixinsight, cette opération se réalise assez simplement dès le mode linéaire avec le process HDRCombination. Ce process particulièrement efficace va générer lui-même les masques nécessaires à l’opération, qui se déroule très souvent sans difficulté particulière. Une fois la combinaison de ces deux images réalisées, le traitement peut se poursuivre sur l’image mixée de la même manière que sur une image classique.
Avec Photoshop, cette opération est beaucoup plus complexe à bien réaliser et suppose de concevoir des masques très finement adaptés, sous peine que le mixage soit visible. Pour des raisons évidentes, cette opération doit être réalisée en mode non-linéaire, une fois la montée d’histogramme réalisée… C’est sur ce point en particulier que se démontre la puissance de Pixinsight, qui permet de réaliser cette opération sur les images linéaires, ce qui ouvre des possibilités de traitement bien plus variées ensuite.
Une autre difficulté est d’appliquer, quand cela est nécessaire, un retrait de gradient des images. En raison de la taille considérable de M31, il peut être difficile d’apprécier les zones à définir comme points de référence pour la modélisation du fond de ciel. Si les zones sélectionnées sont trop proches de la galaxie, y compris de ses faibles extensions, l’utilisation des process ABE ou DBE de Pixinsight peuvent provoquer un halo plus sombre autour de l’objet, qu’il est ensuite quasiment impossible de rattraper lors des traitements ultérieurs.
Le rehaussement des détails est une opération assez simple à réaliser sur M31, à condition de créer des masques bien adaptés et localisés. Il est même recommandé de rehausser les détails de manière différenciée sur le bulbe galactique et sur les bras (et notamment sur les bandes de poussières), car ces deux zones présentent des dynamiques très différentes qui justifient d’appliquer des traitements plus ou moins appuyés. Ici encore, les fonctions HDRMultiscaleTransform ou LocalHistogramEqualization donnent en général de très bons résultats, sous réserve de procéder à quelques essais pour déterminer les valeurs optimales à appliquer.
Enfin, l’équilibre des couleurs est un des aspects les plus complexes du traitement de cet objet. Les nuances sont subtiles dans les bras, et beaucoup sont tentés de sur-saturer les couleurs pour mieux les faire ressortir. Mais souvent, la galaxie prend dans ce cas un aspect, sinon artificiel, du moins « forcé », avec un noyau à forte dominante rouge, et des bras très bleus/cyan. Une approche plus modérée, qui respecte la subtilité des nuances, donne cependant les meilleurs résultats.
Si une couche Ha est réalisée, il est important, pour éviter toute altération des couleurs, de renforcer les zones Ha de façon localisée (avec l’outil PixelMath) plutôt que de mixer directement l’ensemble de l’image Ha avec la couche Rouge. Vous trouverez sur ce site un tutoriel détaillé sur cette manière de procéder. Il est également possible de conserver l’image des zones traitées afin de l’utiliser ultérieurement comme « masque » afin de rehausser légèrement si besoin la saturation de ces seules zones Ha, ou de leur appliquer une correction sélective spécifique.
La « version 2019 » constituait donc, en quelque sorte, l’aboutissement de ce qu’il m’était possible de réaliser avec un APN…
La version 2021, réalisée avec la CCD, m’a permis de franchir un niveau supplémentaire en terme de résolution, mais celle-ci a été source de frustration en ce qui concerne la qualité globale.
Il me faudra donc réaliser une autre version avec beaucoup plus de temps de pose et sous forme de mosaïque pour espérer pouvoir approcher le résultat final que j’ai en tête, notamment avec une mise en évidence des zones Ha autour de la galaxie.
Bien que M31 soit l’un des objets les plus connus du ciel, on voit bien qu’on ne se lasse jamais d’y revenir avec des objectifs de plus en plus élevés !
Si l’espace commentaires n’est pas accessible, consultez le guide pratique pour y remédier !
Vous appréciez Photon Millenium et peut-être même le consultez-vous régulièrement ? Vous souhaitez soutenir mon travail et contribuer au développement du site ? Vous avez amélioré vos traitements grâce aux tutos et souhaitez m’offrir un café en retour ? 😉
Vos dons, grands comme modestes, m’aideront à supporter les différents frais liés à la vie du site (hébergement, plugins, logiciels, etc.) tout en continuant de bannir les publicités !
Un immense merci pour votre précieux soutien ! 🙂