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Nom : M81 (NGC 3031) – M82 (NGC 3034) – NGC 3077
Type : Galaxies spirales
Distance : 12 millions AL
Taille : 27′ x 14′ (M81) – 11′ x 4,5′ (M82)
Magnitude : 7 (M81) – 8,4 (M82)
Meilleure période d’observation : Printemps
Les galaxies M81 et M82, dans la constellation de la Grande Ourse, constituent l’un des plus beaux « couples » galactique observables par l’amateur.
Ces deux galaxies font partie, avec la plus petite galaxie NGC 3077 (située en bas de l’image de 2015), du même groupe local, dont M81 constitue la galaxie dominante. Elles présentent toutefois une caractéristique particulière et assez inattendue pour des galaxies situées à peu près à la même distance : M81 se rapproche de la Voie Lactée, alors que M82 s’en éloigne. Les vitesses relatives sont toutefois assez faibles, et l’on peut en déduire que l’éloignement de M82 est davantage lié à sa trajectoire actuelle autour de M81. Dans la mesure où ces galaxies sont en interaction gravitationnelle, que M81 emporte avec elle M82, et que M81 se rapproche de notre galaxie, on peut en déduire que cet éloignement de M82 finira par s’inverser dans le futur.
Le groupe M81 fait partie, comme notre propre groupe local, du même superamas de la Vierge.
Les galaxies M81, M82 et NGC 3077, toutes situées à environ 12 millions d’années-lumière, comptent donc parmi les galaxies les plus proches de la nôtre.
Lorsqu’on regarde une photo astronomique, le cas le plus fréquent est de voir sur le même plan des objets situés en réalité à des distances très variables : des étoiles, une nébuleuse, une galaxie en avant-plan et plusieurs autres en arrière-plan, à des distances beaucoup plus éloignées…
Un aspect intéressant de cette image est que les galaxies M81, M82 et NGC 3077 sont quasiment toutes les trois situées à la même distance de notre galaxie. Cela signifie que la manière dont nous percevons leur distances respectives sur la photographie correspond bien à la réalité : la galaxie M82 est bien aussi rapprochée de M81 que ce qu’on peut voir sur l’image, à peine 120 000 années-lumière de distance (à comparer avec les 2 millions d’années-lumière de distance de la galaxie la plus proche de la nôtre, à savoir M31, la galaxie d’Andromède). Comme on peut le voir, cette distance est vraiment réduite, puisqu’elle correspond à peine à 1,5 fois le diamètre de la galaxie M81 !
Leur proximité n’est cependant pas synonyme de conformité, puisque ces trois galaxies présentent des morphologies très différentes !
M81 est une galaxie spirale de dimensions inférieures à notre Voie Lactée, son diamètre étant estimé à environ 87 000 années-lumière (contre au moins 100 000 pour notre galaxie).
Sa distance a pu être mesurée de manière très précise par le télescope spatial Hubble, par l’observation d’une trentaine d’étoiles Céphéides en 1993, à 11,8 millions d’années-lumière.
Elle présente une légère asymétrie dans la répartition de sa masse, en raison des effets de marée gravitationnels avec la proche M82.
M81 présente également de belles régions de formation d’étoiles dans ses bras spiraux, signe d’une activité de formation stellaire assez soutenue. Ces régions correspondent aux zones « rouges » sur l’image présentée ici dans la version de 2017.
Cette activité de formation stellaire est sans doute entretenue par la proximité de M82, et les ondes chocs générées par les effets de marée gravitationnelle. Pourtant, en dépit de cette activité, une seule supernova a été observée dans cette galaxie, en 1993.
Mais en terme d’activité, la palme revient incontestablement à M82, classée parmi les galaxies « à sursaut d’étoiles ». Cela signifie que le taux de création d’étoiles y est beaucoup plus élevé que le taux moyen observé dans les autres galaxies.
Sa morphologie particulière traduit une véritable débauche d’énergie : M82 est dans son ensemble 5 fois plus lumineuse que la Voie Lactée, et sa région centrale plusieurs centaines de fois plus brillante que le noyau de notre galaxie ! M82 subit en effet les mêmes forces gravitationnelles que M81, mais est beaucoup plus impactée que cette dernière en raison de sa masse plus réduite. Les astronomes considèrent que M81 a ainsi subi au moins un passage rapproché à proximité de M81, qui continue de laisser des traces dans sa morphologie et son activité.
Les dernières recherches ont prouvé, de façon inattendue, que cette galaxie n’est pas irrégulière, mais… spirale ! Deux bras spiraux symétriques sont en effet visibles en infrarouge, de part et d’autre du disque.
Mais c’est bien au centre de M82 que l’activité est la plus soutenue : le télescope spatial Hubble a ainsi mis en évidence la présence de plus de 200 amas d’étoiles jeunes dans le noyau, chacun représentant quelques 200 000 masses solaires. L’activité de formation d’étoiles y est ainsi plus de 10 fois supérieurs à celle observée habituellement dans les galaxies. Il s’agit donc d’une région très dense et où se produisent des phénomènes très énergétiques. C’est d’ailleurs dans cette zone que l’on trouve le pulsar le plus brillant connu à ce jour.
4 régions amas très brillants (désignés A, B, et D) ont également été mis en évidence dans le noyau de M82 et, en association avec le trou noir central et des supernovae régulières, semblent jouer un rôle prépondérant dans la formation des impressionnants jets bipolaires de matière visibles sur cette image.
Cette activité intense conduit la galaxie M82 a perdre son gaz à un rythme tellement soutenu que les astronomes estiment qu’elle aura épuisé l’ensemble de ses réserves d’ici moins de 10 millions d’années… une véritable « hémorragie » qui conduira à l’arrêt brutal de sont activité de création stellaire !
La troisième galaxie d’importance, NGC3077, peut sembler bien calme comparée à M82… il n’en est en fait rien !
D’aspect irrégulier, elle est parcourue par d’immenses bandes de poussières et son noyau central est également le siège d’une forte activité. Sa morphologie torturée s’explique par les fortes interactions gravitationnelles qu’elle subit de M81 et M82.
Ces effets gravitationnels ont entrainé une intense formation stellaire dans le cœur de la galaxie, et une perte importante de matière et de gaz au profit de ses galaxies voisines plus massives.
En réalité, NGC 3077 s’apparente à une version « en fin de vie » de M82 : lorsque le gaz de celle-ci aura été totalement consumé par la formation stellaire et évacué pour le reste vers M81, il ne restera de celle-ci qu’une galaxie composée d’étoiles et sans aucune zone de formation d’étoiles (caractérisées par l’aspect « rouge » sur les images), avec des bandes de poussières toujours présentes.
Le groupe M81 est un sujet d’études fascinant pour ce qui concerne les interactions gravitationnelles entre les galaxies.
Si M81, M82 et NGC3077 semblent proches mais indépendantes en lumière visible, l’étude en imagerie radio montre les « courants » intergalactiques de matière entre ces galaxies, en l’occurrence de gaz d’hydrogène neutre (HI).
L’animation présentée ci-dessous consiste en le mixage d’une image en ondes radio à 21 cm (HI) du VLA et de mon image ci-dessus dans sa version 2015.
Aucune interaction n’est apparente en lumière visible. En revanche, l’image radio met clairement en évidence que des « ponts de matière » sont présents entre les différentes galaxies. Le gaz présent en périphérie des galaxies est ainsi en mouvement au sein de ces « courants », et échangé d’une galaxie à l’autre. C’est bien sûr la galaxie la plus massive, en l’occurrence M81, qui capte le plus de gaz de ces échanges ; asséchant progressivement ses compagnonnes de la matière première de la formation stellaire. On voit également que le gaz neutre est très présent en périphérie des galaxies M81 et M82, ce qui n’apparait pas en lumière visible
Les galaxies naines Arp-Loop et Holmberg IX complètent ce système complexe d’interactions gravitationnelles.
Autre élément visible sur cette image : l’IFN (« Integrated Flux Nebulae ») qui est décelable en lumière visible mais qui n’appartient pas du tout à ce groupe de galaxie. Il s’agit en réalité de « cirrus » de gaz et de poussière en avant-plan, appartenant à notre galaxie et illuminé faiblement par les étoiles de celle-ci. La superposition des images IFN et radio montre bien que ces nuages de gaz sont d’une nature distincte de ceux en jeu dans le cadre des interactions gravitationnelles.
La version 2015 est ma première image réalisée avec la TSA 102, commandée lors des Rencontres du Ciel et de l’Espace (RCE) de 2014.
Reçue en novembre 2014, j’ai du patienter près de 4 mois avant de pouvoir enfin l’utiliser ! Inutile de dire que lorsque la météo a été enfin clémente, je n’ai pas trop été regardant quant à la qualité du ciel… ni à la phase de la Lune, qui était quasiment pleine lors de cette première prise de vue !
Des conditions d’acquisition qui étaient donc loin d’être optimales (ni même juste bonnes…), mais un vrai plaisir de pouvoir enfin utiliser cette nouvelle lunette, qui ne me quitte plus depuis.
La présence de la Pleine Lune m’empêchant cependant de pouvoir tenter sérieusement une nébuleuse faible, j’ai porté mon choix sur ce classique couple de galaxies ; le champ offert par l’APN me permettant même d’intégrer sur l’image la plus petite galaxie NGC 3077.
2 petites heures de pose seulement, en raison des divers problèmes rencontrés lors de cette première utilisation…
Le traitement de cette image a été très compliqué en raison de la présence de la Lune : les brutes étaient quasiment « blanches » avec seulement 5 minutes de pose. L’utilisation du filtre Baader Neodynium n’a pas pu faire de miracles en ce cas.
Au final une image assez pauvre en détails, très bruitée, et avec des couleurs compliquées à équilibrer.
Une première image très frustrante donc, mais avec beaucoup d’enseignements à la clé.
La seconde image (version 2017), a été réalisée avec la même configuration, mais avec la CCD en lieu et place de l’APN.
Avec un capteur refroidi et beaucoup plus d’heures de poses, j’espérais évidemment un résultat bien meilleur. C’est (logiquement) le cas, mais de gros soucis d’acquisition ont compliqué le traitement, sur lequel j’ai passé quasiment 3 semaines.
Les acquisitions ont réalisées sur 2 nuits. La seconde nuit, j’ai laissé le système tourner seul entre 3h et 7h du matin. Au réveil, surprise : le refroidissement de la CCD s’était coupé, et la caméra tournait autour de 5° au lieu de -15° pour l’ensemble des poses ! Sans doute la faute à un câble un peu tiré… Et pour couronner le tout, la map avait également bougé, faisant passer la FHWM de 1,8″ à 2,2″…
Je me suis donc retrouvé avec 3h de poses additionnelles mais qui me semblaient juste bonnes à jeter à la poubelle. Dans la mesure où cela représentait malgré tout un temps significatif, j’ai décidé de garder ces poses, afin de voir s’il était possible d’en faire quelque chose malgré tout. Au prétraitement, j’ai donc fait plusieurs essais : 1/en sélectionnant uniquement les meilleurs brutes, 2/en ne prenant pas les luminances additionnelles, et 3/ avec toutes les brutes.
Verdict : comme cela était prévisible, la version avec toutes les brutes est moins fine, mais… assez surprenant, la version avec toutes les brutes (donc celle avec les « mauvaises » brutes) présentait un bien meilleur rapport signal sur bruit et l’IFN ressortait largement mieux !
Au final, j’ai donc décidé de mixer, avec des masques adaptés, les deux luminances obtenues afin de garder les avantages des deux versions.
L’image finale présente ainsi de beaux détails, notamment dans les bras de M81 et dans les extensions de M82, tout en présentant un signal assez présent dans le fond de ciel avec l’IFN, qui reste difficile à faire ressortir proprement. Un défaut sur ce point est le lissage un peu trop prononcé dans les basses valeurs, sur l’IFN mais également dans le fond de ciel.
Enfin, la version 2019 est une image qui exploite pour partie la version 2017 ainsi que de nouvelles acquisitions, réalisées avec une lunette Astroprofessionnal 66/400 et la CCD AtikOne.
L’utilisation d’un réducteur de focale m’a permis d’abaisser la focale à 320mm et ainsi de saisir un champ plus grand avec le capteur assez petit de la CCD AtikOne.
Cette image intègre ainsi les brutes réalisées à l’occasion de ces deux sessions, 2017 et 2019, avec au final une incrustation des détails obtenus avec la TSA pour les détails dans les galaxies M81 et M82. La contrepartie de cette méthode, ce sont les étoiles les plus « grosses » des deux versions qui restent au final, pour des raisons évidentes d’harmonisation. Et les étoiles obtenues avec la 66/400 sont bien moins fines que celles de la TSA…
24h de pose au total (11h pour le champ resserré, 13h sur le champ large) pour cette version 2019, ce qui permet de bien mettre en valeur l’IFN. Pour la session 2019, j’ai attendu que la Lune soit couchée pour réaliser les images, afin de ne pas dégrader le faible signal de l’IFN. La visualisation sous STF de Pix montre l’IFN de manière beaucoup plus accentuée, mais avec un bruit à la mesure… j’ai donc préféré traiter de manière assez « soft » l’IFN, qui reste encore un peu bruité malgré le temps de pose. On flirte ici avec la limite acceptable pour le bruit… ce sera déjà trop pour certains (surtout sur la version « full »), mais le but de cette image était de bien faire ressortir l’IFN, et il m’a fallu pour atteindre ce but accepter certains compromis sur le rendu final.
Matériel :
Takahashi TSA102 f/6 – Astropro 66/400 (avec réducteur)
AZEQ6 via EQmod
AtikOne6 (-15°)
Guidage : OAG & Atik GP
Filtres Astronomik LRGB + Ha
Pixinsight – Photoshop
Acquisition :
L : (84 x 300s) + (40 x 900s) bin1
R : (20 x 180s) + (12 x 300s) bin2
G : (20 x 180s) + (12 x 300s) bin2
B : (20 x 180s) + (12 x 300s) bin2
Ha : 12 x 300s bin1
Intégration totale : 24h
Date(s) de prise de vue : 17 & 18 février 2017 ; 27 & 28 février 2019
Matériel :
Takahashi TSA102 f/6
AZEQ6 via EQmod
AtikOne6 (-15°)
Guidage : OAG & Atik GP
Filtres Astronomik LRGB & Ha 6nm
Pixinsight – Photoshop
Acquisition :
L : 84 x 300s bin1
R : 20 x 180s bin2
G : 20 x 180s bin2
B : 20 x 180s bin2
Ha : 12 x 300s bin1
Intégration totale : 11h
Date(s) de prise de vue : 17 & 18 février 2017
Matériel :
Takahashi TSA102 f/6
AZEQ6 via EQmod
Canon 1100D Astrodon
Guidage : 66/400
Filtres Baader Neodynium
Pixinsight – Photoshop
Acquisition :
27 x 300s
Intégration totale : 2h15
Date(s) de prise de vue : 6 février 2015
Lors de l’acquisition de la version 2017, la température ressentie a atteint les -12° au cours de la nuit. Je n’étais vraiment pas préparé à de telles conditions, et j’ai mis 2 jours à m’en remettre ! Depuis, je prépare aussi bien mon propre équipement que celui nécessaire à la photo : vêtements techniques, accessoires adaptés, nourriture et boissons chaudes.
Je n’étais pas le seul à ressentir les effets du froid, puisqu’au petit matin l’axe de déclinaison de la monture était lui aussi grippé… après quelques heures au chaud, le problème était cependant résolu.
Il existe une grande variété de cadrages possibles sur ce groupe M81.
Le plus classique est de photographier dans le même champ ses deux composantes principales que sont M81 et M82, comme sur la version de 2017 présentée ici. Une focale intermédiaire associée à un capteur de dimensions classiques (type APS-C) est parfaitement adapté. Cette version est souvent privilégiée car elle permet d’obtenir un portrait d’ensemble de ce couple galactique, sans trop sacrifier à la résolution, de beaux détails pouvant déjà être saisis dans les bras spiraux de M81 et le centre de M82.
Il est également possible de saisir sur la même image l’ensemble des galaxies du groupe M81, en recourant à une focale plus réduite et/ou un capteur de plus grandes dimensions. L’intégration de NGC 3077 peut être réalisée en cadrant cette dernière dans la diagonale du capteur, de manière bien mieux optimisée que ce qui est montré ici sur la version de 2015. Une telle image ne permettra pas d’obtenir des détails très intéressants dans les galaxies prises indépendamment, mais si le temps de pose est suffisamment conséquent elle permettra de mettre en valeur de manière très spectaculaire l’IFN présent dans cette zone du ciel. Comme cela est visible sur l’animation ci-dessus, l’IFN est présente dans tout le champ, et particulièrement dense dans la zone comprise (en apparence) entre M81 et NGC 3077. Avoir en tête la répartition de l’IFN est important pour cadrer au mieux lors de la prise de vue.
Enfin, il est bien sûr possible de consacrer une photographie distincte à chacune de ces galaxies, au moyen d’une focale plus importante, supérieure à 1000mm.
Sur M81, la photographie pose longue classique est de mise ; alors que sur M82, compte-tenu de la très forte luminosité de sa région centrale, il est possible de recourir efficacement à la technique du « Lucky Imaging ». Cette technique, inspirée de l’imagerie planétaire, consiste à réaliser un nombre extrêmement important de pose très courtes afin de ne conserver que les « quelques » centaines ou milliers de meilleures brutes lors de l’empilement. Compte-tenu de la courte durée des poses (1s voire moins), cette technique suppose de disposer d’un télescope d’un diamètre conséquent (250mm et plus) et d’une caméra refroidie disposant d’un bruit de lecture très faible. Les dernières générations de caméras CMOS font en ce sens des merveilles. En profitant d’un ciel calme, cette technique permet de « figer » la turbulence et ainsi d’espérer obtenir un gain en résolution par rapport à une image « classique » en poses longues, au détriment cependant d’une détectivité comparable dans le fond de ciel. Autrement dit, inutile d’espérer avec cette technique faire ressortir l’IFN dans le fond de ciel, mais de beaux détails peuvent être obtenus dans le noyau et les jets de matière de M82.
Dans tous les cas, il est recommandé de privilégier pour la prise de vue des nuits bénéficiant d’un ciel bien transparent (pour l’IFN) et avec une turbulence limitée (pour les détails dans les galaxies)… et si possible de limiter les acquisitions aux nuits aux alentours de la nouvelle Lune (avant le Premier Quartier maximum). En effet, la présence d’une Lune trop lumineuse dégrade très fortement le résultat final avec une perte de l’IFN, des extensions les plus faibles de M81, une montée du bruit dans le fond de ciel et une difficulté supplémentaire pour la calibration des couleurs (en particulier avec un APN).
Sur les images rapprochées de M81 et M82, il est plus que recommandé, avec une caméra CCD, de réaliser une couche Ha. Associée à la couche Rouge, le Ha permettra de mettre en valeur les très nombreuses nébuleuses au sein des bras spiraux de M81, ainsi que les jets de M82. L’image ci-dessous est la couche Ha réalisée avec la CCD pour l’image de 2017, seulement 1h de pose en bin1 :
On voit qu’avec seulement 1h de pose, la mise en avant des zones Ha est déjà très améliorée. Il est possible de multiplier ce temps de pose à loisir, afin d’augmenter le rapport signal sur bruit de la couche Ha et améliorer son intégration avec la couche R sans ajout de bruit.
Sur les images grand champ, intégrant également NGC 3077, l’intérêt de consacrer plusieurs heures à réaliser une telle couche est plus discutable.
La mise en avant de l’IFN dans le fond de ciel de manière propre constitue déjà un défi de taille. Réaliser une image montrant les différentes densités d’IFN sur cette zone (notamment entre M81 et NGC 3077) est un vrai challenge en soi, qui nécessite de nombreuses heures de pose et un ciel de qualité.
L’une des leçons que j’ai pu tirer de mes quelques années d’astrophoto est que le temps consacré à l’acquisition et le temps consacré au traitement sont comme des « vases communicants » : plus on consacre de temps à l’acquisition de brutes de qualité, plus le traitement est ensuite simple et rapide. Inversement, si le temps consacré à l’acquisition est trop court (au regard des impératifs de l’objet bien sûr), alors le temps nécessaire au traitement augment de façon exponentielle…
Au final, réduire le temps d’acquisition en se disant qu’on compensera lors du traitement est à mon sens toujours un mauvais calcul : le temps nécessaire au traitement d’une image au rapport signal sur bruit limité sera bien supérieur au temps qui aurait du être consacré aux acquisitions supplémentaires !
Sur l’image présentée ici, dans sa version CCD de 2017, le temps global d’acquisition est déjà respectable (11h), surtout en nomade… Pourtant, il est loin d’être suffisant en Luminance pour obtenir un signal sur bruit correct permettant de faire ressortir correctement l’IFN, qui apparaît pourtant bien en visualisation STF sur l’image linéaire sous Pixinsight. Même sur la version 2019, qui cumule 24h de pose (mais seulement 13h sur le champ global, avec tout de même 10h de pose pour la seule luminance), l’IFN reste bruité lorsque l’image est visualisée en « full »…
Autre leçon que j’ai apprise à mes dépens : il faut se méfier de l’outil de visualisation STF de Pixinsight ! Cet outil est absolument génial pour visualiser les moindres détails des informations contenues sur une image, mais il est souvent illusoire de chercher à obtenir l’ensemble des détails ainsi visibles sur l’image finale. La raison est simple : l’outil STF exprime la dynamique maximale de l’image, mais sans tenir compte du bruit. Lors du traitement, et particulièrement lors de la montée d’histogramme, la gestion du bruit reste toutefois l’une des principales contraintes dont il faut tenir compte, en particulier dans les zones de faible luminosité.
Une fois les plus subtiles informations révélées, il est bien sûr très difficile de résister à la tentation de les faire ressortir sur l’image finale. Cela est bien compréhensible, tellement il est frustrant de présenter une image dont on sait qu’elle « contient » plus que ce qu’elle ne montre… Mais il est parfois nécessaire de résister à cette tentation, qui conduit à beaucoup d’images surtraitées ou dont l’équilibre dynamique global est altéré.
STF est donc un outil fantastique, mais qu’il convient d’utiliser à bon escient ; en gardant à l’esprit que l’image finale n’a pas toujours le potentiel suffisant pour faire ressortir proprement toute l’information.
C’est précisément cet aspect qui m’a donné beaucoup de fil à retordre lors du traitement de cette image (dans les versions 2017 et 2019) : l’IFN apparaît sur la Luminance après empilement, d’une manière telle qu’il est juste inenvisageable de ne pas la faire ressortir sur l’image finale !
Pourtant, cette décision complique énormément le traitement, en raison d’un rapport signal sur bruit trop faible pour que cette mise en valeur se fasse proprement. Dès lors, un dilemme se présente : l’IFN est bien là, mais pas moyen de le faire ressortir beaucoup sans faire monter le bruit de manière excessive. Sur la version 2017, au bout de 5 traitements différents, certains où l’IFN ressort beaucoup et d’autres quasiment pas, difficile de se décider…
Au final, j’ai opté pour une décision de compromis, et plus raisonnable : maintenir l’IFN présent, mais en le laissant assez discret.
Sur l’image 2019, j’ai adopté une démarche un peu plus risquée, en décidant de faire ressortir davantage l’IFN… mais au détriment du bruit. On flirte sur cette version avec la « limite » de ce qui peut être considéré comme acceptable en terme de bruit… et pour certains ce sera déjà trop ! 🙂
A vous de déterminer, au cas par cas, la meilleur décision quant à la mise en valeur de l’IFN sur l’image, en fonction du rapport signal sur bruit de celle-ci.
Sur ce type de champ, une montée d’histogramme par l’outil MaskedStretch peut donner de meilleurs résultats qu’une montée d’histogramme traditionnelle… sous réserve que le rapport signal sur bruit soit bon.
Pour illustrer la différence de résultat qu’il est possible d’obtenir, voici une comparaison entre les images de luminance de la version 2019, avec une montée d’histogramme classique (log + curseurs) et une montée d’histogramme réalisée avec le process MaskedStretch :
On le voit, l’utilisation de MaskedStretch permet de révéler des extensions les plus ténues au sein des bras spiraux de M81, ainsi que de mieux faire ressortir l’IFN. Attention cependant, l’utilisation de cette fonction peut conduire à diminuer la dynamique globale de la galaxie : les faibles extensions ressortiront davantage du fond de ciel qu’avec une montée d’histogramme classique, mais les zones centrales apparaîtront moins lumineuses. Il en résulte souvent une image manquant un peu de « pêche », avec des étoiles plus grosses qu’avec une montée classique ; et une galaxie « à peine » plus lumineuse que l’IFN, ce qui ne correspond évidemment pas à la réalité physique.
Cette perte de dynamique peut être limitée en procédant à un mix de cette version avec une Luminance sur laquelle une montée d’histogramme classique est réalisée, en ayant pris soin de dupliquer l’image préalablement à la montée d’histogramme. Ce mix peut être réalisé avec PixelMath, en attribuant si besoin des coefficients différents aux deux images et en veillant à ce que la somme des coefficients ne dépasse pas 100% (par exemple : 0,5/0,5 ; 0,75/0,25, etc.), à défaut de quoi l’image sera saturée sur les zones brillantes.
La fonction MaskedStretch est un outil incroyable pour mettre en valeur cet IFN, sous réserve d’être correctement dosée. Une difficulté ici est de déterminer une zone correcte de référence neutre pour le fond de ciel avant d’appliquer la fonction MaskedStretch : la zone choisie doit être totalement dépourvue de nébulosités et d’étoiles. Attention également, lors des retraits de gradients, à ne pas confondre les zones d’IFN avec le fond de ciel. Dans la mesure où le retrait de gradient s’effectue en général sur chacun des images brutes avant empilement, et que l’IFN n’apparaît pas forcément sur ces images individuelles, le plus simple est d’utiliser une fonction de retrait automatique, telle que ABE. N’hésitez pas à aller vérifier en cas de doute sur une image de référence. Une alternative – si cette opération s’avère trop compliquée – à ne réaliser le retrait de gradient qu’après l’empilement des brutes.
Si le signal est plus limité, une montée d’histogramme classique (logarithme + montée fine) donnera de meilleur résultats, en assurant une dynamique correcte à l’image tout en préservant l’aspect des étoiles et en limitant la montée du bruit dans le fond de ciel. Pour l’IFN, en revanche, il est très difficile de le faire ressortir correctement au moyen d’une montée de niveaux classiques ; sauf à avoir consacré un temps de pose considérable (plus de 10, voire 20 heures…) à la couche de Luminance et d’avoir bénéficié d’un ciel de grande qualité.
Il est également nécessaire de recourir à des traitements localisés et spécifiques à chacun des objets, au moyen de masques adaptés (avec la fonction RangeSelection), par exemple pour rehausser les détails ou la courbe de luminosité sur la seule galaxie, ou encore « lisser » le bruit sur l’IFN de façon plus appuyée que sur le reste de l’image… Attention, lors de la création de tels masques, à ce que zones de transition soient suffisamment progressives pour ne pas que les traitements localisés ne sautent aux yeux ou génèrent des artefacts disgracieux. La progressivité des masques peut s’obtenir, par exemple, en modifiant le paramètre Smoothness du process RangeSelection, et/ou en floutant le masque avant application.
L’objectif est également d’obtenir, au final, une image qui respecte les propriétés des différents objets : inutile par exemple de chercher à ce que l’IFN soit quasiment aussi lumineux que les bras spiraux de la galaxie !
Le rehaussement des détails est une opération assez délicate à réaliser sur M81, en raison du faible contraste des bras spiraux. Il est donc important pour effectuer ces traitements avec des masques adaptés, localisés et progressifs. Les fonctions HDRMultiscaleTransform ou LocalHistogramEqualization donnent ici de très bons résultats, sous réserve de procéder à quelques essais pour déterminer les valeurs optimales à appliquer.
Sur M82, où les contrastes sont plus prononcés, le rehaussement des détails est nettement plus simple… une difficulté peut même être de résister à la tentation de surtraiter sur cette zone !
Pour en savoir plus sur la mise en œuvre de ces process de rehaussement de détails, je vous invite à consulter le tutoriel dédié à HDRMT, ainsi que le tutoriel plus général consacré à l’amélioration des détails avec Pixinsight, ainsi que le tutoriel spécifique à Photoshop le cas échéant.
Si une couche Ha est réalisée, il est important, pour éviter toute altération des couleurs, de renforcer les zones Ha de façon localisée (avec l’outil PixelMath) plutôt que de mixer directement l’ensemble de l’image Ha avec la couche Rouge. Il est également possible de conserver l’image des zones traitées afin de l’utiliser ultérieurement comme « masque » afin de rehausser légèrement si besoin la saturation de ces seules zones Ha, ou de leur appliquer une correction sélective spécifique.
Pour plus de détails sur ce point, vous pouvez consulter le tutoriel dédié à l’insertion de la couche Ha sur l’image RGB.
Dans l’idéal, j’aimerais refaire une image de cette région mais avec une seule optique, pour bénéficier d’une meilleur homogénéité des étoiles et une plus grande finesse de celles-ci… par exemple avec la TSA102 et la 16200.
Cela ne sera sans doute pas pour tout de suite, car il faut réussir à disposer de 24h de pose en nomade… et encore, la 16200 est moins sensible que la AtikOne, donc il faudra surement prévoir quelques heures de plus ! 🙂
Si l’espace commentaires n’est pas accessible, consultez le guide pratique pour y remédier !
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