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Le Groupe « Astropotes » : une collaboration astrophoto

"Astropotes" est un projet d’astrophotographie collaborative qui a vu le jour en juin 2019 autour d'une petite équipe de passionnés échangeant régulièrement sur les forums et auquel je participe. Le point sur les premières réalisations.

1. L'intérêt de la "collaboration" en astrophoto

Ce groupe est né d’un constat assez simple : le meilleur moyen d’obtenir de belles images – outre l’aspect impondérable de la qualité du ciel – est de cumuler le temps de pose le plus long possible sur chaque objet, afin de bénéficier du meilleur signal possible tout en réduisant le bruit au maximum.

Malheureusement, pour la plupart d’entre nous qui ne disposons pas d’un observatoire en remote, ne vivons pas dans des régions bénéficiant de 320 nuits claires par an, ou encore qui pratiquons l’astrophoto en nomade, il est déjà plus que satisfaisant de réussir à cumuler plus de 20 ou 30 heures sur une seule et même image… Le plus souvent cependant, une dizaine d’heures constitue déjà une base de départ que l’on peur considérer comme très honorable.

En regroupant les images réalisées par différentes personnes, on peut cependant rapidement envisager de passer de quelques heures à plusieurs dizaines d’heures de pose cumulées. En la matière, comme dans d’autres domaines, « l’union fait la force » !

Les membres d’Astropotes se sont ainsi réunis avec l’objectif de partager leurs brutes sur des objets communs. Le groupe compte aujourd’hui une vingtaine de membres, tous actifs et toujours partants pour sortir le matériel lorsque le temps s’y prête.

2. Quelques principes fondateurs

La philosophie de ce groupe est simple et peut se résumer en un mot : « liberté » : liberté de participer ou de s’investir sur un projet ou non, liberté de participer aux acquisitions, au prétraitement ou au traitement des images obtenus, en fonction de ses envies et de ses disponibilités, mais aussi liberté de quitter le groupe à tout moment. Pas d’obligation, pas de pression : uniquement de la bonne humeur et une volonté de partage avec les autres membres.

Dans le même esprit, les décisions (quant au choix des cibles, à l’admission de nouveaux membres, etc.) se font par sondage et sont prises à la majorité.

Le groupe repose sur quelques principes simples, afin de garantir que ce projet soit de nature à présenter un intérêt global ainsi que pour chacun de ses membres :

  • Les membres doivent disposer d’une caméra CCD ou CMOS. Il ne s’agit pas d’une discrimination aveugle envers les APN (la plupart des membres en utilisent par ailleurs…), mais il est évident que les données acquises avec un APN ne pourront que dégrader celles obtenues avec une caméra monochrome refroidie…
  • Les membres doivent disposer de setup relativement compatibles les uns avec les autres, notamment en terme de champ et d’échantillonnage. A défaut, l’assemblage de images obtenues manquerait cruellement de cohérence, notamment sur l’aspect des étoiles.
  • Les membres doivent être, de manière globale, à un niveau similaire en matière d’acquisition et de traitement d’images. Là encore, même si ce point est plus subjectif que les autres, il n’est pas réaliste d’accepter un membre novice dans le groupe pour ensuite systématiquement rejeter les données qu’il propose, ce qui serait sans doute profondément démoralisant pour lui. Par ailleurs, les groupe favorise les échanges entre les membres sur des aspects techniques du traitement d’image, chacun possédant ses propres domaines de spécialité !

3. Comment les images sont-elles traitées ?

Malgré tout, et même avec les précautions exposées ci-dessus, la réalisation d’une image s’avère bien plus complexe que dans le cas d’une image en « solo ».

En effet, bien que les setup utilisés soient relativement compatibles, les champs et échantillonnages ne sont pas identiques. Les caméras utilisées ne sont pas les mêmes (bruits de lecture, sensibilité, gains différents, etc.), la qualité du ciel non plus. Dès lors, la phase de prétraitement peut s’avérer assez complexe, pour tenir compte au mieux de l’ensemble de ces paramètres et aboutir à une image prétraitée qui soit exploitable ensuite.

Les points les plus sensibles sont notamment l’aspect des étoiles, l’homogénéité du fond de ciel et la pondération des images.

Sur ce dernier point, il faut d’une part éviter qu’une série de moins bonne qualité ne vienne trop dégrader l’ensemble, tout en évitant que les images d’un seul membre ne représente statistiquement une trop grande importance dans le résultat final ; à défaut de quoi le concept même de la mise en commun des données perdrait son sens…

Naturellement, il faut préciser ici qu’il ne suffit pas de cumuler le plus grand nombre possible d’images brutes pour obtenir à coup sûr une image de meilleure qualité : si le rapport signal/bruit augmente en rapport de la racine carrée du nombre de brutes dans le cas classique, les choses ne vont pas de même lorsque les données sont issues de sources différentes : les données les moins qualitatives (en terme de bruit, de FWHM, etc.) vont venir affecter les données les plus qualitatives. Il est, de ce fait, exclu de combiner les différentes images déjà empilées de chacun des membres. La meilleure manière de faire est de procéder à l’empilage de l’ensemble des images brutes, en les pondérant de manière à optimiser au mieux le rapport signal/bruit.

Une autre difficulté peut être, sur certaines images, de combiner des clichés à grand champ avec d’autres plus resserrés mais présentant un meilleur niveau de détail : beaucoup moins simple qu’il n’y parait, en particulier pour préserver l’aspect homogène des étoiles, le fond de ciel, et faire en sorte que l’assemblage soit invisible sur le résultat final.

Une fois les différentes données réunies et prétraitées, les images sont partagées en commun avec tous les membres (y compris ceux dont les acquisitions n’ont pas été retenues), et chacun peut réaliser son propre traitement. Une fois l’ensemble des traitements effectués, un sondage est réalisé afin de déterminer l’image réunissant le plus de suffrages ; image qui sera ensuite présentée au nom du groupe. Les autres versions sont toutes présentées en tant que « révisions » sur la page Astrobin du groupe : il est ainsi possible de se rendre compte des différents partis pris et de la sensibilité de chacun, ce qui est toujours enrichissant. Il est parfois surprenant de voir les résultats très différents qu’il est possible d’obtenir à partir des mêmes données !

4. Les premiers résultats

Les premiers projets du groupe ont eu pour ambition de vérifier la faisabilité de la méthode exposée ci-dessus, à savoir réunir des données disparates et aboutir à un résultat satisfaisant, c’est à dire une image de meilleure qualité que les images des différents membres prises isolément.

Pour ce faire, nous avons choisi de commencer par deux types objets distincts avec des méthodes d’acquisition et de traitement différentes : une nébuleuse en SHO (NGC 7000) et une galaxie en LRGB (M101). Un troisième essai a été réalisé sur NGC 7822.

Ces objets sont des « grands classiques » du ciel et l’ensemble des membres disposaient d’ores et déjà d’images réalisées sur ces deux cibles.

Nébuleuses "America" et du "Pélican" (NGC 7000 & IC 5070)

Pour cette image de NGC 7000 & IC 5070 en SHO-RVB, nous avons recueilli des centaines heures de données brutes issues des acquisitions de chacun des membres.

Ces données ont ensuite été triées par champs, échantillonnages et temps de poses, puis nous avons intégré ensemble les brutes ayant sensiblement le même champ/échantillonnage ainsi que des cadrages compatibles.

Ensuite, les différents champs obtenus (grand champ d’ensemble, champ moyen sur America, champ moyen sur le Pelican, et champ serré sur la région du « mur ») ont été incrustés les uns dans les autres pour produire une image finale qui dispose à la fois d’un très grand champ, d’une haute résolution et d’un excellent rapport signal sur bruit.

NGC 7000 & IC 5070 : Images brutes : Frédéric Girard, Nicolas Kizillian, Valentin Cohas, Baptiste Zloch, Camille Colomb, Jean-Baptiste Auroux, Thomas Lelu. Prétraitement : Matthieu Tequi, Mathieu Guinot - Traitement : Jean-Baptiste Auroux

L’image finale mesure environ 36 millions de pixels et cumule 77h40 de poses pour l’ensemble des champs utilisés (SII : 17h45, Ha : 36h30, OIII : 19h, R : 1h40, V : 1h40, B : 1h05).

Le défi pour cette image a été, après un gros travail de tri et d’intégration, de réussir les incrustations de champs les uns dans les autres sans aucune trace de jonction ni de différence de tailles d’étoiles (dues aux échantillonnages hétérogènes). Défi relevé par la mise au point et l’optimisation d’une technique sous Pixinsight.

Sur cette image, nous avons vraiment été enthousiasmés par l’absence totale de bruit dans le résultat final, notamment dans les bandes obscures de poussières entre les nébuleuses : un véritable régal à traiter !

Galaxie M101

Pour l’image de M101, l’approche a été différente mais a reposé également sur la mise au point de techniques spécifiques lors du prétraitement.

Nous n’avons pas opté dans ce cas, contrairement à la nébuleuse America, pour l’incrustation de champs les uns dans les autres (l’objet étant beaucoup moins étendu), mais pour le cumul du nombre maximal de poses sur le même champ à partir d’images brutes ayant sensiblement le même échantillonnage et des cadrages compatibles.

Plusieurs centaines d’heures de brutes de nombreux membres ont été là aussi récoltées, triées puis registrées pour produire au final, après une sélection drastique, une image cumulant « seulement » un peu plus de 72h d’intégration.

Le challenge a donc sur cette image été d’optimiser cette intégration de centaines de brutes ayant des niveaux de bruit et de détails différents. Pour cela nous avons testé et créé des formules de moyennes pondérées tenant compte de critères permettant d’évaluer le plus objectivement possible les qualités des brutes des différents participants.

M101 : Images brutes : Thomas Lelu, Gaylord Flipo, Jean Baptiste Auroux, Mathieu Guinot, Fred Lamagat. Prétraitement : Valentin Cohas, Mathieu Guinot, Jean-Baptiste Auroux - Traitement : Thomas Lelu

L’image finale mesure environ 8 millions de pixels et cumule 72h05 de pose (L : 37h25, R : 8h30, V : 5h15, B : 4h45, Ha : 16h10).

Pour évaluer la pertinence de la technique utilisée, les intégrations finales et les intégrations individuelles ont été mesurées. L’image finale présente un rapport signal sur bruit environ 3 fois supérieur à la meilleure des intégrations individuelles des différents membres participants, ce qui est vraiment significatif et permet d’obtenir un beau signal et un bruit très limité dans le fond de ciel (mesure sous Pixinsight).

Nébuleuse NGC 7822

Ce troisième essai a été réalisé sur un champ large ; l’image finale mesurant environ 100 millions de pixels et cumulant environ 100h de poses.

NGC 7822 : Images brutes : Matthieu Tequi, Thomas Lelu, Baptiste Zloch, Eric Coustal, K-mille Colomb, Mathieu Guinot, Nicolas Kizilian, Fred Girard. Prétraitement : Matthieu Tequi - Traitement : Jean-Baptiste Auroux

Le trio du Lion

Voici notre 4eme image collaborative, le célèbre « Trio du Lion » :
Trio du Lion : Images brutes : Matthieu Tequi, Julien Fabre, Aurélien Chapron Jean-Baptiste Auroux, Frédéric Lamagat. Prétraitement et traitement collectif

La combinaison des différentes focales des participants a permis d’obtenir de nombreux  détails tout en bénéficiant d’un champ suffisant pour y intégrer la queue de marée de NGC 3628. Avantage de ce travail collaboratif : le nombre conséquent de brutes permet d’être sélectif !

Pour cette image, ont été utilisées :

  • Pour le champ serré sur les galaxies : 17h de Luminance,
  • Pour la queue de marée : 25h de Luminance,
  • Pour les couleurs : 2h15 par couche couleur.

L’image finale est cette fois ci un « mix » des différents traitements individuels proposés par les membres.

Il est en effet parfois difficile de retenir une seule version parmi celles proposées, chacune présentant des qualités et des défauts différents (détails mieux accentués mais au prix d’un bruit plus important, couleurs mieux calibrées mais fond de ciel trop clair, etc.).

La réalisation d’une image « mixée » de toutes les versions permet de conserver les avantages des différentes images proposées, tout en éliminant le plus possible les petits défauts de chacune !

Galaxie M51

Notre 5e image, consacrée à la célère galaxie M51, cumulant près de 100 heures de pose !

M51 - Brutes : Julien Favre, Matthieu Tequi, Mathieu Guinot, Frédéric Lamagnat, Jean-Baptiste Auroux. Prétraitement et traitement : Aurélien Chapron et Mathieu Guinot
Pour cette image, nous avons également pu combiner des images issus de setups très différents, permettant ainsi de gagner de nombreux détails dans la galaxie, tout en conservant un champ assez large de manière à pouvoir mettre en valeur les extensions les plus ténues.
Les brutes obtenues avec les setups suivants ont ainsi été utilisés :
  • RC8 @f/5 + Atik 4000 ;
  • TSA 120 + G2-4000 ;
  • C9 Edge @f/7 + asi1600 ;
  • TSA 102 + Atik one 6.0 ;
  • Esprit 120 + QSI 683.
Pour l’empilement et le traitement de cette image, les images retenues représentent 65h pour la Luminance, 15h pour le Halpha et 16h30 pour la couche couleurs (5h30 par couche RGB).
Pour exploiter au mieux les différentes images, nous avons incrusté les brutes aux échantillonnages les plus fins dans celles présentant un champ plus grand, ce qui nous a permis de bénéficier de détails dans la galaxie en même temps que d’un champ suffisant pour mettre en valeur le très ténu IFN environnant, que l’on voit rarement en image.
Plusieurs membres ont traité l’image puis nous avons voté pour notre préférée après de nombreux ajustements grâce aux émulations constructives et dynamiques au sein du groupe.

Les futurs projets...

Nous sommes très heureux de pouvoir partager ces premières images, inaugurant le début d’une collaboration que nous espérons productive et passionnante.

Si ces images ont été réalisées à partir de données brutes déjà acquises par les membres du groupe, nous prévoyons par la suite des projets communs plus avancés avec des acquisitions spécifiquement réalisées sur des objets déterminés. Cela permettra d’harmoniser les cadrages et, surtout, d’envisager de mutualiser les temps de pose sur des objets plus ambitieux et plus faiblement lumineux… ou de revisiter certains classiques bien connus !

Nous espérons que vous apprécierez ces premiers fruits de notre travail collaboratif !

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