Amélioration du setup (3) : nouvelle caméra et rotateur de champ
Une nouvelle caméra et un nouveau train optique intégrant un rotateur de champ… le setup est désormais quasi-totalement automatisé pour les séances d’acquisition !
Difficile d’imaginer, en voyant aujourd’hui des photographies de la Lune, qu’Aristote ait pu imposer pendant près de 1000 ans le modèle d’une sphère parfaitement lisse, dont les imperfections ne seraient que les « reflets » de celles de la Terre comme sur un miroir… Pourtant, bien avant Aristote, d’autres astronomes et philosophes grecs avaient vu juste, notamment Démocrite qui affirmait déjà en 450 av. JC que l’on pouvait voir sur la Lune « des montagnes élevées et des vallées creuses« .
Les reliefs lunaires sont toutefois impossibles à discerner à l’œil nu, et il faudra attendre que Galilée tourne sa lunette vers notre satellite en 1609 pour que sa véritable nature soit enfin révélée. Compte-tenu de sa rotation synchrone avec la Terre, lent résultat harmonique des effets de marées, sa face cachée est restée inconnue de l’humanité jusqu’à ce qu’une sonde soviétique n’en dévoile pour la première fois des images en 1959… il y a 60 ans seulement !
Si les programmes soviétiques et surtout américains – avec comme point d’orgue les missions Apollo – ont considérablement apporté à notre connaissance de la Lune, il n’en reste pas moins que certaines zones sont demeurées mal connues de nombreuses années encore.
C’est le cas des régions polaires, lesquelles, pour des raisons évidentes liées à leur situation géographique particulière, ont été moins visitées par les différentes sondes. Il aura finalement fallu attendre jusqu’au début des années 2000 et l’envoi de nouvelles sondes, afin de confirmer la présence suspectée d’eau dans les zones plongées en permanence dans l’obscurité près des pôles, pour que ces régions soient mieux cartographiées.
Outre la présence d’eau, qui est aujourd’hui avérée sous forme de glace dans certains cratères, le pôle sud de la Lune recèle d’autres mystères, en particulier la présence d’une « anomalie gravitationnelle » dans la région du Bassin Pôle Sud-Aitken, détectée dès 1966 du fait des perturbations dans les orbites des sondes.
Dans cette zone, qui correspond au plus grand cratère du système solaire (2500 km de diamètre), l’attraction gravitationnelle augmente soudainement. Cette « anomalie » n’est pas encore parfaitement comprise, mais résulte de la présence d’une grande quantité de métal à une faible profondeur sous la surface.
Reste à savoir si la forte concentration en métal est liée à la collision de l’astéroïde avec la Lune il y a 4 milliards d’années, ou si elle est le résultat de la concentration d’oxydes formée lors du refroidissement du magma lunaire lors de l’arrêt de l’activité géologique.
Cette magnifique image, réalisée par Jean-Pierre Brahic, montre toute la difficulté d’étudier les régions polaires – et en l’occurrence le pôle sud – depuis la Terre : certaines zones sont invisibles, masquées par le relief accidenté des cratères, cirques et diverses formations vue quasiment de profil.
Ainsi, si l’on observe avec encore beaucoup de détails les principaux cratères en premier plan (notamment l’imposant cratère Clavius, de 225km de diamètre et constellé de plus petits impacts, ainsi que le cirque Moretus, avec un impressionnant piton central), les formations situées plus près du pôle sont difficiles à discerner avec précision, en particulier sur les bords du terminateur en raison des effets de perspective.
Cette lumière rasante permet cependant de mettre en valeur de manière très spectaculaire certaines formations élevées, dont les sommets demeurent éclairés tandis que leur base est déjà plongée dans l’obscurité. C’est le cas notamment des cratères Newton et Cabeus, qui émergent à peine du bord du limbe lunaire… Encore plus loin, à la frontière de la face cachée, on aperçoit uniquement les sommets des « montagnes de Leibnitz » ; nom non-officiel donné à la couronne extérieure du Bassin Pôle Sud-Aitken qui marque la frontière avec la face cachée.
Grâce au phénomène de « libration », résultant de la faible oscillation de la Lune sur son axe de rotation, certaines zones, habituellement considérées comme faisant partie de la « face cachée », deviennent visibles. Encore faut-il pour observer ces formations que les conditions d’éclairage soient favorables et que le ciel soit calme, afin que les quelques détails difficiles à discerner – et déjà déformés par la perspective – ne soient pas noyés dans la turbulence…
Pour autant, malgré cette légère oscillation, certaines zones du pôle sud de la Lune demeurent continuellement plongées dans l’obscurité et ne reçoivent jamais la lumière du Soleil : c’est le cas par exemple du fond du cratère Shackleton, parfaitement aligné avec l’axe de rotation lunaire.
Avec cette image saisissante, exploitant tout le potentiel d’un instrument hors-normes et traitée avec une maestria dont il est coutumier, Jean-Pierre Brahic révèle à la fois des détails d’une très grande finesse (les plus petits détails ne dépassent pas 500m !), et montre à quel point l’observation et la photographie des régions polaires demeure, pour l’amateur, complexe mais ô combien fascinante.
Naturellement, la consultation de l’image en « full » est plus que recommandée pour apprécier cette image à sa juste valeur !
Jean-Pierre Brahic a débuté l’astronomie il y a plus de 40 ans, alors qu’il n’avait que 10 ans, avec une simple lunette de 60mm. Dans les années 80 et 90, il construit de nombreux instruments (dont un Newton de 610mm à F/4 !) et se lance dans la photographie ; argentique au départ, puis numérique.
Un événement marquant est l’observation de notre étoile dans un coronographe : Jean-Pierre décide alors de se consacrer plus particulièrement à l’observation et la photographie du Soleil, dont il est aujourd’hui l’un des plus grands experts mondiaux.
Ayant apporté d’importantes améliorations aux différents – et impressionnants – instruments qu’il utilise (notamment une lunette de 230mm et le présent télescope cassegrain de 350mm), il exploite ces derniers au meilleur de leurs possibilités pour nous proposer des images d’une finesse incomparable du Soleil, mais aussi des planètes ou de la Lune, comme le prouve l’image présentée ici.
Les talents de Jean-Pierre ne se cantonnent toutefois pas à l’imagerie solaire et planétaire en haute-résolution, puisqu’il réalise également de superbes images du ciel profond avec un C14 en mode Hyperstar.
Date :
Lieu : Uzes
Optique : Télescope Cassegrain CFF350mm F/D 20 Clearceram
Monture : Monture AP1200GTO
Caméra : Basler ACA1920-155
Filtre : Orange (Astronomik)
Logiciels : Genika Astro & AS3
Stacking : 1000/10000 images
Seeing : 7/10
Les Photons d’Or récompensent chaque mois une image particulièrement remarquable réalisée par un amateur… n’hésitez pas à proposer vos images !
Une nouvelle caméra et un nouveau train optique intégrant un rotateur de champ… le setup est désormais quasi-totalement automatisé pour les séances d’acquisition !
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