Photons d’Or – Septembre 2019

La constellation de Céphée, située à proximité de la Voie Lactée, est l’une des plus riches du ciel boréal et regorge de merveilles pour l’astrophotographe. Citons par exemple les nébuleuses de l’Iris (NGC 7023) , du Sorcier (NGC 7380), du Fantôme (VDB 141),  NGC 7822, ou encore la galaxie des feux d’artifice (NGC 6946)… 

Toutefois, l’un de ses plus beaux joyaux est sans conteste la nébuleuse IC 1396, qui recouvre une superficie équivalente à dix fois la Pleine Lune ! Cette nébuleuse est tellement étendue qu’il est rare de la voir photographiée dans son ensemble sans avoir recours à un objectif photo… de fait l’image primée ce mois-ci n’en présente qu’une petite partie. 

Située à environ 2500 années-lumière, la nébuleuse s’étend sur plus d’une centaine d’années-lumière de diamètre. Il s’agit d’une « pouponnière d’étoiles », constituée de gaz et de poussières. Elle présente à la fois des zones en émission, où le gaz est ionisé par le rayonnement intense des jeunes étoiles nées en leur sein, et des zones d’absorption, plus denses et opaques,  où naissent véritablement les étoiles, et qui se dessinent par contraste devant les draperies colorées du gaz ionisé. 

La photo réalisée par Mathieu Guinot propose une vue rapprochée sur la zone la plus intéressante de cette nébuleuse, à savoir la « nébuleuse de la trompe d’éléphant » (sur la gauche de l’image), dénomination désignant une bande plus opaque s’étendant sur une vingtaine d’années-lumière de long. La zone la plus étudiée par les astronomes est située au bout de cette formation, où l’observation infrarouge (notamment avec le télescope Spitzer) révèle la présence d’une dizaine d’étoiles très jeunes et de proto-étoiles, encore à leur stade primordial et entourées de disques de poussières où se forment d’autres systèmes planétaires…  

Pour réaliser cette magnifique image, Mathieu Guinot a utilisé des filtres interférentiels à bande étroite (Soufre, Oxygène et Hydrogène). Cette technique « SHO » permet de réaliser des images en « palette Hubble » en référence au traitement des images du télescope spatial.  L’intérêt de cette technique est de ne retenir le signal utile que dans des raies d’émission spécifiques et ainsi d’obtenir des images particulièrement fines et contrastées ; à défaut d’obtenir des couleurs « réalistes ». Mathieu nous prouve cependant avec cette image qu’il est possible d’obtenir une palette de couleurs à la fois riche, diversifiée, et révélatrice de la composition chimique des nébuleuses. 

Cette technique SHO est particulièrement adaptée à la réalisation de photographies présentant à la fois des zones de nébuleuses en émission et des zones obscures, en permettant de mettre en évidence des zones bien différenciées tout en gagnant en contraste et en détails. Sur cette image, les bandes obscures contrastent ainsi superbement avec les nuages ionisés environnants. 

Soulignons enfin le soin apporté à la coloration des étoiles (une étape souvent délicate en SHO), ainsi que la précision dans la gestion du bruit. Avec 38h de pose, celui-ci est particulièrement discret et s’efface derrière la pure beauté des objets représentés.