Amélioration du setup (3) : nouvelle caméra et rotateur de champ
Une nouvelle caméra et un nouveau train optique intégrant un rotateur de champ… le setup est désormais quasi-totalement automatisé pour les séances d’acquisition !
Alors que nous entrons de plein pied dans la saison des galaxies, nous mettons à l’honneur ce mois-ci, en guise d’au revoir, l’une des plus belles nébuleuses du ciel hivernal : la nébuleuse de la Rosette (Caldwell 49), dans la constellation de la Licorne (encore visible actuellement juste après le coucher du Soleil).
Si la nébuleuse de la Rosette présente des dimensions apparentes comparables à celles de sa célébrissime voisine, la grande nébuleuse d’Orion (M42), elle est en réalité quatre fois plus éloignée (~5000 AL) et cinq fois plus étendue (130 AL vs 24 AL).
La nébuleuse d’Orion pourrait ainsi tenir dans la seule zone centrale de la Rosette !
Malgré ces dimensions considérables, la nébuleuse de la Rosette, en raison de son éloignement beaucoup plus important, apparait nettement moins brillante que M42 dans le ciel. Alors que cette dernière est visible à l’œil nu y compris sous un ciel de qualité moyenne, la Rosette est pratiquement 100 fois moins lumineuse…
Son observation visuelle nécessite donc un instrument de grand diamètre, l’utilisation d’un filtre spécifique… et un ciel parfaitement noir. En imagerie, celle-ci reste beaucoup plus accessible, mais inutile de prévoir, comme pour M42, une série de pose courtes pour compenser la saturation du capteur dans les zones les plus brillantes : aucun risque de saturation en vue ! 🙂
La nébuleuse de la Rosette est une « pouponnière » d’étoiles très active, où se sont déjà formées de nombreuses étoiles. Au centre de celle-ci, l’amas NGC 2244 est composé d’une cinquantaine d’étoiles très jeunes (8 millions d’années) et majoritairement de type O : il s’agit d’étoiles géantes, bleues et extrêmement lumineuses. La plus massive d’entre elles, HD46150 (située au centre de la zone centrale), est ainsi 60 fois plus massive que notre Soleil et 450 000 fois plus lumineuse.
Bien que de nombreuses autres étoiles naissent de manière éparse dans différentes régions de la nébuleuse, les étoiles de l’amas NGC 2244 sont à l’origine quasiment exclusive de l’ionisation du nuage de gaz alentour, en raison de leur très puissant rayonnement ultraviolet.
Ce rayonnement intense génère autour des étoiles les plus chaudes, telles que HD46150 (>30 000 K) une bulle de plasma, un gaz composé essentiellement d’électrons et de protons à une température supérieure à 10 000 K après l’ionisation des atomes d’hydrogène. Ce plasma étant beaucoup plus « transparent » que le reste du nuage de gaz, il favorise la propagation du rayonnement ultraviolet et l’ionisation du gaz à des distances de plus en plus éloignées de l’étoile centrale.
A mesure que la distance avec l’étoile augmente, la température tend cependant à diminuer, et le gaz redevient de plus en plus « opaque ». On observe donc le plus souvent ces bulles de plasma sous la forme de cavités sphériques d’apparence moins dense au sein de nébuleuses par émission ; comme c’est le cas de manière tout à fait spectaculaire dans la zone centrale de la nébuleuse de la Rosette.
Ce type de phénomène est connu sous le nom de « sphère de Strömgren » ; appelées ainsi en hommage à leur découvreur, l’astrophysicien danois Bengt Strömgren à la fin des années 1930. Les mécanismes physiques à l’œuvre sont toutefois complexes (super radiance, compétition de modes…) et les modélisations demeurent encore incomplètes.
La « bulle » centrale, au centre de la nébuleuse de la Rosette, constitue l’archétype d’une sphère de Strömberg, mais on retrouve ce type de formation dans beaucoup de nébuleuses bien connues (telle que la nébuleuse de la Tarentule dans le Grand Nuage de Magellan, ou encore au sein de la nébuleuse NGC 604 dans la galaxie du Triangle, l’une des plus grandes nébuleuses connues).
La bulle de la Rosette est par ailleurs un cas simple de sphère de Strömgren isolée. Dans la plupart des cas, une multitude de ces sphères peuvent se créer au sein des nébuleuses suffisamment vastes ; leur interactions au moment de leur rencontre générant des ondes de choc se répandant ensuite dans le reste de la nébuleuse. Les astronomes ont ainsi observé et étudié les interactions de trois de ces sphères dans la gigantesque nébuleuse NGC 604, située dans la galaxie du Triangle (image ci-contre).
Les ondes de choc ainsi générées se propagent dans l’ensemble de la nébuleuse et contribuent à générer des effondrements gravitationnels localisés, au sein des régions plus froides et plus opaques ; lesquelles absorbent l’énergie apportée par l’intense rayonnement ultraviolet et la restituent sous forme de rayonnement infrarouge.
Il en résulte ainsi la création de nouvelles zones de formation d’étoiles dans les régions périphériques de la nébuleuse, au sein des régions obscures et des bandes de poussières ; invisibles en rayonnement visible mais qui se révèlent par l’observation dans l’infrarouge.
L’image ci-contre, réalisée dans l’infrarouge lointain par le télescope Herschel, révèle ainsi de nombreux « cocons » d’étoiles géantes, mais aussi d’étoiles plus modestes comparables au Soleil, au sein de la nébuleuse de la Rosette, en périphérie de la bulle de plasma centrale.
Ces exemples permettent de mesurer la complexité des mécanismes de création d’étoiles au sein d’un système a priori aussi simple qu’un nuage de gaz et de poussières isolé ; et à quel point les interactions entre les différentes composantes jouent un rôle crucial : le rayonnement d’une seule étoile massive au centre de la nébuleuse suffisant à créer des conditions propices à la formation d’une multitude d’autres étoiles dans les régions périphériques…
Pour réaliser cette superbe image de la nébuleuse de la Rosette, Christophe Vergnes a combiné des poses réalisées en narrowband (SHO) et des poses plus classiques en RGB. Rappelons que les images en bande étroite (« narrowband« ) sont réalisées au moyen de filtres interférentiels précisément centrés sur des longueurs d’ondes spécifiques. Pour l’astrophotographie des nébuleuses en émission, les filtres les plus utilisés sont naturellement ceux correspondant aux longueurs d’onde émises par les éléments ionisés les plus fréquents au sein de ces nébuleuses : l’hydrogène (Ha), l’oxygène (OIII) et le soufre (SII).
La très faible bande-passante de ces filtres permet de n’enregistrer que le signal utile et de rejeter les autres longueurs d’onde (ainsi que la pollution lumineuse au passage…). Associés à une caméra monochrome, il en résulte des images très détaillées et contrastées, idéales pour mettre en évidence les différentes zones d’activités des nébuleuses ; alors que ces dernières ont tendance à ressortir plutôt uniformément « rouge » en couleurs traditionnelles, en raison de la prédominance du rayonnement Ha. Le gain en définition est ainsi notable dans les différentes structures, en particulier dans les zones contrastées, à l’image des bandes de poussières qui parcourent la nébuleuse de la Rosette.
Inconvénient (mais en est-ce vraiment un ?) : les nébuleuses sont représentées sous de « fausses » couleurs (le Ha étant attribué à la couche verte alors que la longueur d’onde associée est dans le rouge). Cela reste toutefois plus problématique pour les étoiles que pour les nébulosités. C’est pourquoi on réalise habituellement quelques poses complémentaires en RGB afin de redonner aux étoiles leur teinte naturelle. Dans quelques cas, il peut également être intéressant d’utiliser ces couches RGB et de les mixer avec les couches SHO afin de rehausser les couleurs de la nébuleuse, ou de leur conférer une teinte plus « naturelle »… mais tous les objets ne se prêtent pas à un tel mélange, qui souvent conduit à perdre les subtils dégradés apportés par le SHO.
Dans le cas présent, Christophe a toutefois utilisé brillamment cette technique afin de donner à la nébuleuse de la Rosette des couleurs particulièrement chaleureuses et chatoyantes, dans une palette qui réconciliera sans doute les plus conservateurs avec le narrowband ! Les images RGB ont été ajoutées en mode starless aux couches SHO, afin de ne pas perdre le bénéfice de la taille contenue des étoiles de ces dernières ; la couleur des étoiles a été corrigée dans un second temps à l’aide d’un masque adapté.
Outre cette très belle gestion des couleurs, l’image obtenue présente à la fois une bonne définition (avec notamment de nombreux détails dans la zone centrale et dans les bandes de poussières), une bonne gestion du bruit et un dynamisme global indéniable. L’observateur le plus critique pourra relever certaines pistes d’amélioration (quelques artefacts et des transitions un peu abruptes dans certaines zones orangées), mais si l’on tient compte du fait que Christophe s’est lancé dans l’astrophotographie il n’y a que quelques mois et qu’il s’agit là de sa première image avec son nouveau setup, on oubliera vite ces petits détails pour ne retenir que la réelle beauté de cette image ; promesse d’autres spectacles à venir !
Christophe, 39 ans, est fasciné depuis toujours par le ciel nocturne. Habitant la campagne mosellane, il a acquis son premier télescope il y a tout juste un an, ce qui lui a permis de découvrir l’observation et de réaliser ses premiers essais en photographie.
Le « déclic » s’est produit en août 2020, à l’occasion de sa première astrophoto : souhaitant s’y consacrer pleinement, il a alors fait l’acquisition d’un nouveau setup réellement adapté. L’image présentée ce mois-ci est sa première obtenue avec cet équipement performant (FSQ85-CEM70-ASI294MM).
Un résultat d’autant plus gratifiant que Christophe a du progresser en autodidacte, en étudiant les tutos en ligne, la crise sanitaire ne lui permettant pas de se rendre au club d’astronomie auquel il s’est inscrit récemment… Des débuts spectaculaires et une progression fulgurante qui méritaient bien d’être salués et encouragés !
Nous attendons bien sûr ses prochaines images avec impatience !
Date : 10,11 février – 16 mars 2021
Lieu : Ritzing (Moselle)
Optique : Takahashi FSQ-85 + correcteur
Monture : iOptron CEM70
Caméra : ZWO ASI 294MM Pro
Ha (Antlia 3,5nm) : 20 x 600s (bin2)
OIII (Antlia 3,5nm) : 20 x 600s (bin2)
SII (Antlia 3,5nm) : 20 x 600s (bin2)
RGB (Astrodon) : 3 x (40 x 120s) (bin2)
Total : 14h00
Traitement : Pixinsight & Photoshop
Les Photons d’Or récompensent chaque mois une image particulièrement remarquable réalisée par un amateur… n’hésitez pas à proposer vos images !
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