Amélioration du setup (3) : nouvelle caméra et rotateur de champ
Une nouvelle caméra et un nouveau train optique intégrant un rotateur de champ… le setup est désormais quasi-totalement automatisé pour les séances d’acquisition !
La constellation de Céphée regorge d’objets très populaires parmi les astronomes amateurs, soit en raison de leurs dimensions importantes (IC 1396, Sh2-155, Ced 214…), soit de leur luminosité suffisante pour obtenir une belle image avec quelques heures de pose seulement (NGC 7023 ou NGC 7380 par exemple).
Au milieu de ces trésors, se cachent également d’autres objets plus discrets et plus rarement imagés faiblement lumineux… C’est le cas de CTA1, mis à l’honneur ici.
Découvert dans les années 1960 grâce à la radioastronomie et situé à environ 4 650 années-lumière, CTA 1 est un rémanent de supernova, c’est-à-dire les vestiges d’un évènement d’une puissance cataclysmique qui intervient dans les dernières secondes de la vie d’une étoile de plus de 8 masses solaires. Le noyau de l’étoile ayant transformé l’ensemble des éléments à sa disposition (hydrogène, hélium, carbone, oxygène, silicium…), il se retrouve constitué exclusivement de fer. Arrivé à ce stade d’extrême densité, le noyau s’effondre sur lui-même. Les couches externes font de même avant de « rebondir » sur le noyau et être expulsées violemment dans l’espace. Le noyau quant à lui s’effondre en une étoile à neutrons (pour les étoiles moins massives) ou en trou noir…
Cette explosion, qui s’est produite il y a environ 14 000 ans, a projeté des débris à des vitesses vertigineuses (typiquement 10 000 km/s), formant une coquille en expansion observable aujourd’hui sous la forme d’une nébuleuse d’une taille considérable : CTA 1 s’étend sur environ 100 AL (pour une taille apparente de 1,5° dans le ciel).
Ce rémanent de supernova est particulièrement remarquable car il abrite un pulsar isolé — un type d’étoile à neutrons qui émet des impulsions régulières de radiations électromagnétiques en tournant sur elle-même à une vitesse vertigineuse.
Ce pulsar émet un faisceau d’ondes radio et de rayons gamma qui balaie l’espace tel un phare. Contrairement à la plupart des pulsars qui émettent également dans le domaine radio, le pulsar de CTA 1 se distingue par ses émissions gamma dominantes, ce qui le classe dans la catégorie des « radio-quiet pulsar » (pulsar silencieux en radio), dont il a par ailleurs été le premier cas observé.
Avec une période de rotation d’environ 316 millisecondes, le pulsar de CTA 1 perd de l’énergie sous forme de rayonnement, alimentant ainsi l’expansion de la nébuleuse environnante. Son champ magnétique extrêmement puissant (estimé à plusieurs milliards de Gauss) génère également des particules relativistes responsables des émissions dans le domaine des rayons X et gamma.
Les observations de CTA 1 révèlent une structure complexe, marquée par des filaments et des bulles de gaz ionisé. Les températures extrêmes prévalant dans cette région — pouvant atteindre plusieurs millions de kelvins — rendent la nébuleuse lumineuse dans le domaine des rayons X. Le gaz en expansion interagit également avec le milieu interstellaire environnant, créant des chocs qui chauffent et compriment le matériel environnant. Les rémanents de supernova comme CTA 1 jouent un rôle crucial dans l’enrichissement chimique de la galaxie, en dispersant des éléments lourds tels que l’oxygène, le fer et le calcium dans le milieu interstellaire.
En étudiant ces structures, les astrophysiciens peuvent retracer l’histoire de l’explosion initiale et modéliser les processus dynamiques à l’œuvre. Par exemple, la morphologie élargie et irrégulière de CTA 1 suggère que l’explosion de supernova à l’origine de ce rémanent était asymétrique.
Cette image de la nébuleuse CTA 1, capturée en palette HOO (Hydrogène-alpha et Oxygène III), constitue une remarquable démonstration de savoir-faire technique et artistique en astrophotographie, à laquelle Brendan Kinch nous a habitué depuis déjà de longues années !
Les structures dominées par l’hydrogène, en rouge, et l’oxygène, en bleu, se détachent avec précision grâce à un suivi rigoureux et un traitement minutieux. Les filaments complexes de gaz ionisé sont révélés dans leurs moindres détails, tandis que le fond du ciel, uniforme et dépourvu de bruit notable, met en valeur la finesse des structures.
L’approche esthétique de cette image témoigne d’une composition soigneusement équilibrée, mettant en relief l’étendue et la richesse des détails de la nébuleuse. Le contraste saisissant entre les filaments lumineux et le fond obscur confère à l’ensemble une profondeur saisissante, amplifiée par une gestion subtile des variations de luminosité. L’étalonnage chromatique est également maîtrisé, permettant d’apprécier les nuances spectrales tout en préservant une harmonie globale.
L’image transmet une sensation d’immensité et de mystère, fidèle à ce que l’on attend d’un objet cosmique aussi spectaculaire. L’équilibre entre les détails techniques et l’esthétique globale est parfaitement respecté.
Une image d’autant plus impressionnante que CTA1 reste un objet peu photographié, avec seulement une petite douzaine de versions publiées sur AstroBin !
Irlandais installé en Espagne, Brendan Kinch a débuté l’astronomie amateur sur le tard, mais s’est rapidement équipé d’un matériel performant : après un Meade 10″ et une FSQ106, son instrument de prédilection est désormais une FSQ130 ; un instrument récent mais presque déjà « mythique » dont Takahashi a arrêté la production après seulement quelques petites années de commercialisation…
Disposant aujourd’hui d’un observatoire personnel construit dans son jardin (qu’il peut contrôler à distance), Brendan ne compte plus les heures pour obtenir les données nécessaires à de bonnes images !
Son site personnel propose une description détaillée de son matériel et de son observatoire, ainsi que bien sûr l’ensemble de ses images, avec la possibilité intéressante de les consulter par ordre chronologique : une manière de mesurer les progrès accomplis… une visite fortement recommandée !
En complément de la présentation succincte ci-dessus, je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous le récit très intéressant de Brendan Kinch sur son parcours en astronomie !
« Beaucoup d’astronomes et d’astrophotographes vous diront qu’ils ont acheté leur premier télescope très jeunes. Pas moi, j’en ai bien peur – j’avais alors plus de 50 ans.
Ayant grandi dans une ville de taille moyenne en Irlande, le ciel nocturne n’est pas quelque chose qui ressort particulièrement des souvenirs de ma jeunesse. Cependant, ayant rejoint la marine marchande à 18 ans, j’ai rapidement pu contempler la beauté et de l’immensité du ciel au-dessus de nous. Imaginez un navire au milieu du Pacifique, sans pollution lumineuse et des étoiles s’étendant d’un horizon à l’autre. On ne pouvait que s’émerveiller, comme l’ont fait nos lointains ancêtres.
À cette époque, nous faisions le tour du monde en naviguant à l’aide des étoiles, d’un sextant et d’un chronomètre de marine. Le GPS n’existait pas au début des années 70… En tant que jeune navigateur, j’ai appris à connaître les étoiles et les planètes de manière très intime. Ils étaient littéralement mes guides.
Avance rapide jusqu’en 2005 environ : je vis maintenant à Murcie, en Espagne. Il m’a fallu quelques années avant de penser à acheter un télescope. Finalement, lorsque l’occasion s’est présentée, j’ai acheté un télescope Meade 10″ d’occasion pour mieux profiter de la vue nocturne vers le sud. Malheureusement, la pollution lumineuse est assez prononcée dans les trois autres directions.
Au bout d’un an, j’ai décidé de me lancer dans l’astrophotographie. Mais il était presque impossible pour un débutant de faire des images avec une monture altazimutale, un télescope à f/10 et une caméra couleur avec un TRES petit capteur (j’ai quand même essayé…).
Finalement, j’ai acheté une Takahashi FSQ-106 d’occasion en Angleterre et, quelques mois plus tard, une monture Takahashi EM200 (d’occasion également) au Portugal. Mon voyage dans l’astrophotographie pouvait commencer !
J’ai développé mon site web (KinchAstro.com) alors que j’améliorais mes compétences en imagerie. Les progrès réalisés au fil des ans sont assez évidents. J’aime y laisser mes vieilles images, pour que d’autres puissent également s’en amuser. Nous sommes tous nuls au départ, mais avec de la patience et de la persévérance, nous nous améliorons lentement. C’était un grand défi (nouvel équipement, nouveau site web, nouveau logiciel (SGP et PixInsight)), mais j’en ai apprécié chaque minute.
Pour mon dernier matériel, je suis resté fidèle à Takahashi : j’utilise désormais une FSQ-130 (j’adore cette lunette !), initialement installée sur une monture EM400 et désormais sur une JTW Trident P75.
En terme d’équipement, mes objectifs sont désormais remplis… mais malheureusement pas en terme d’emplacement (entre la pollution lumineuse et la forte humidité au bord de la mer, je suis loin d’être dans un endroit idéal – mais ma femme ne changera plus d’avis maintenant !). J’ai toutefois continué à améliorer et à moderniser mon observatoire au cours des dernières années. Terminées les longues nuits passées dehors : j’ai maintenant une installation entièrement contrôlable à distance au fond de mon jardin (voir les photos sur mon site web).
Avec la pollution lumineuse présente ici, dans une zone semi-urbaine, l’imagerie à bande étroite est préférable à l’imagerie RGB ; et grâce à des filtres Astrodon très sélectifs (3nm), je peux obtenir malgré tout un bon résultat final en y passant du temps. Dans cette optique, j’ai également troquée ma caméra CCD pour un nouveau capteur CMOS.
Etant à la retraite, je ne suis pas pressé….. s’il faut deux semaines pour terminer une image (comme c’est souvent le cas), cela me convient ! »
Date : 8 octobre – 11 novembre 2024
Lieu : Région de Murcia (Espagne)
Optique : Takahashi FSQ 130 (f/3,5)
Monture : JTW Trident P75
Caméra : ASI 2600 MM-Pro
Ha 3nm : 186 x 600s (bin1)
OIII 3nm : 120 x 600s (bin1)
R/G/B : 50 x 60s (bin 1)
Total : 53h30
Logiciels : SGP, APP, Pixinsight
Les Photons d’Or récompensent chaque mois une image particulièrement remarquable réalisée par un amateur… n’hésitez pas à proposer vos images !
Une nouvelle caméra et un nouveau train optique intégrant un rotateur de champ… le setup est désormais quasi-totalement automatisé pour les séances d’acquisition !
« Vous (oui, vous !) pouvez soutenir Photon Millenium ! » Vous appréciez Photon Millenium et peut-être même le consultez-vous régulièrement ? Vous souhaitez soutenir mon travail et contribuer au développement du site ? Vous avez amélioré vos traitements grâce aux tutos
Hubert Reeves nous a quitté le 13 octobre 2023. Parti rejoindre les étoiles qu’il aimait tant, il laisse les amoureux du ciel ici-bas emplis d’une infinie tristesse. Hommage à celui qui aura été une source d’inspiration pour beaucoup d’astronomes amateurs.