Amélioration du setup (3) : nouvelle caméra et rotateur de champ
Une nouvelle caméra et un nouveau train optique intégrant un rotateur de champ… le setup est désormais quasi-totalement automatisé pour les séances d’acquisition !
Identifiée par les romains au « Dieu-père » du Panthéon, en raison de son éclat vif et de son allure lente et majestueuse sur la voûte céleste, la planète Jupiter est à la hauteur de cette opportune dénomination antique. Il s’agit la plus grosse planète du système solaire (son volume pourrait contenir 1300 fois la Terre !) et de loin la plus massive (318 fois la Terre, et plus du double de toutes les autres planètes réunies).
Observée pour la première fois avec un instrument d’optique par Galilée le 7 janvier 1610, Jupiter a depuis été étudiée sans interruption par plusieurs générations d’astronomes. Chaque amélioration des moyens d’observation s’est accompagnée de nouvelles découvertes.
Bien que limité par les qualités optiques et le grossissement de ses premières lunettes – qui l’empêchent d’observer réellement la « surface » de Jupiter – Galilée réalise lors de ses premières observations une découverte fondamentale : la planète géante dispose de 4 satellites qui orbitent autour d’elle. Ce système solaire « en miniature » prouve que la Terre n’est pas au centre de tous les mouvements circulaires, et va constituer un argument de poids en faveur de l’abandon de la théorie géocentrique.
Ces 4 satellites (aujourd’hui baptisés « galiléens ») ne constituent cependant que les principales lunes de Jupiter, puisqu’on en dénombre aujourd’hui plus de 70 !
Il faut attendre une trentaine d’années – et l’amélioration des lunettes – pour que les premiers détails soient observés par différents observateurs à la surface de Jupiter ; et notamment par l’astronome Cassini qui étudie méthodiquement les bandes nuageuses de la planète, la « grande tâche rouge », et note en premier la rotation différentielle de l’atmosphère jovienne.
Cassini contribuera également à établir les premières éphémérides précises des satellites galiléens, ce qui permettra notamment aux navigateurs et aux géographes de connaître l’heure exacte du lieu d’observation, et ainsi de déterminer la longitude de celui-ci. C’est également au moyen de ces éphémérides – et des écarts constatés avec l’observation en fonction de la période de l’année – que l’astronome Rømer déterminera pour la première fois, en 1676, la vitesse de la lumière avec une précision relativement correcte (74%).
Au cours des siècles suivants, outre l’étude des formations et des mouvements atmosphériques, les caractéristiques et les paramètres orbitaux de la planète seront déterminés avec une précision accrue ; permettant notamment de comprendre la grande influence de Jupiter sur l’organisation du système solaire (résonance de certaines orbites planétaires, astéroïdes « troyens » sur l’orbite de Jupiter, présence de la ceinture d’astéroïdes, etc.).
Mais, plus encore que la photographie, c’est bien l’exploration spatiale qui va permettre un formidable bond en avant de la connaissance des planètes géantes, et notamment de Jupiter.
Lors de leur survol en 1979, les sondes Voyager I et II révèlent des clichés d’une précision inédite, tant de l’atmosphère que des principales lunes de Jupiter. A cette occasion sont également découverts les anneaux de la planète.
A partir de 1995, la sonde Galileo est placée en orbite autour de Jupiter, dont elle étudiera le système de manière continue pendant 8 ans. Malheureusement arrivée trop tard pour observer de manière rapprochée la collision avec la comète Shoemaker-Levy 9 en juillet 1994, cette mission a permis de recueillir une incroyable moisson de résultats scientifiques, que ce soit sur l’atmosphère ou la magnétosphère de Jupiter, mais aussi sur ses satellites.
Une petite sonde, lâchée dans l’atmosphère de Jupiter, a permis à cette occasion de mieux étudier sa composition… sur un petit échantillon uniquement ; la sonde n’ayant progressé que de 150km – soit l’équivalent de 0,22% de la profondeur de l’atmosphère – avant d’être détruite sous l’effet de la pression intense. Malgré cette analyse « superficielle », les résultats ont apporté leur lot de surprises aux astronomes, notamment la teneur en eau beaucoup plus réduite que celle prévue par les modèles alors en vigueur. La vitesse mesurée des vents (720 km/h) est également bien supérieure à celle attendue.
Pendant la petite heure qu’a duré la descente de la sonde atmosphérique, celle-ci a enregistré plus de 100 000 éclairs. Encore une fois, Jupiter – dieu de la foudre – porte bien son nom !
Depuis 2016, la sonde Juno a pris le relais de Galileo (précipitée en 2003 dans l’atmosphère jovienne) et a pour but d’étudier plus en détails la structure de la planète géante et de mieux comprendre sa formation. Cette dernière fournit régulièrement de splendides images de la planète et de ses formations atmosphériques.
Mais malgré ces observations continues et les moyens d’étude de plus en plus perfectionnés, Jupiter est loin d’avoir encore révélé tous ses mystères. De grandes incertitudes demeurent en effet sur sa structure et notamment sur la présence ou non d’un noyau solide en son centre, ainsi que sur la composition de ses différentes couches atmosphériques.
De la même manière, la formation et la dynamique des « tâches » ne sont pas encore bien comprises… à commencer par la plus grande d’entre-elles, la « Grande tâche rouge » (GTR), observée depuis 1665. Ainsi, il n’est pas encore établi avec certitude si cet anticyclone géant est une structure stable ou si elle peut disparaître avec le temps. Il n’est d’ailleurs pas certain que la Grande tâche rouge que nous observons aujourd’hui soit la même que celle observée par Cassini il y a 4 siècles…
La couleur et la taille de la GTR évoluent en effet sur de longues périodes. A la fin du XIXe siècle, celle-ci était manifestement rouge, et c’est bien sous cette teinte que les sondes Voyager ont pu l’observer en 1979. Mais depuis une trentaine d’années, sa couleur a évolué vers le brun sans que la raison n’en soit bien comprise.
En outre, ses dimensions ont considérablement diminué : de 40 000 km à la fin du XIXe siècle, la GTR mesure aujourd’hui à peine plus de 15 000 km… et ce phénomène semble s’accélérer.
Les astronomes ne sont toutefois pas en mesure de déterminer si cette diminution est annonciatrice d’une disparition prochaine de l’emblématique GTR, ou s’il s’agit d’un phénomène transitoire pouvant s’expliquer par la vitesse des vents, par des modifications climatiques de grande échelle ou encore par la formation d’autres anticyclones plus petits qui viendraient « alimenter » et régénérer périodiquement la dynamique de la GTR.
On observe en effet régulièrement l’émergence et la disparition d’autres tâches dans l’atmosphère de Jupiter. Ainsi, entre 1997 et 2000, trois petites tâches blanches ont successivement fusionnées pour donner naissance à une seconde et plus petite « tâche rouge ». Cette dernière, officiellement désignée « Ovale BA », s’est stabilisée en taille mais a perdu depuis sa coloration rouge et présente désormais une teinte blanchâtre (comme on peut le voir sur l’image du mois présentée ici, Ovale BA étant situé sous la GTR).
Il n’est pas rare non plus que la GTR fusionne avec d’autres anticyclones de moindre envergure. Ainsi, en 2008, une petite tâche rouge de moindre dimensions (« baby red spot ») a été totalement absorbée en seulement quelques semaines par la GTR… Le suivi de ces phénomènes permet de mieux comprendre et modéliser la dynamique de ces anticyclones et de l’atmosphère de Jupiter de manière plus générale.
On le voit bien : les phénomènes observables sur Jupiter sont nombreux, variés et susceptibles d’évoluer rapidement, parfois d’un jour sur l’autre ou même en l’espace de quelques heures. En la matière, le rôle des astronomes amateurs est particulièrement important et complémentaire des professionnels car – malgré l’énorme différence de moyens – ils peuvent assurer une surveillance quotidienne de Jupiter et ainsi suivre des événements sur de longues périodes, voire même découvrir des phénomènes fugaces qui sinon auraient pu passer inaperçus.
C’est ainsi que des amateurs observent régulièrement des « flashs » dans l’atmosphère de Jupiter, correspondant à des impacts d’astéroïdes de tailles diverses et pouvant générer des tâches évoluant sur quelques semaines et qui peuvent – ensuite – être observées avec des moyens professionnels. Une dizaine de ces phénomènes ont ainsi pu être observés depuis 2009 et permettent notamment, par l’étude de leur fréquence, d’affiner les modèles sur l’âge de formation du système solaire.
De tels travaux collaboratifs entre amateurs et professionnels ne se limitent bien sûr pas à Jupiter, et il est possible de contribuer à une meilleure connaissance de notre environnement proche ou plus lointain de beaucoup de manières différentes.
Si vous souhaitez découvrir les différentes manières de collaborer avec les professionnels dans différents domaines de l’astronomie (pour ce qui concerne Jupiter, par exemple sur le suivi des phénomènes météorologiques, la découverte d’impacts ou encore l’étude des transits de satellites), je vous recommande la lecture du numéro spécial de la revue Ciel & Espace (HS n°22, oct. 2014) – à laquelle collabore le lauréat du mois ! – qui constitue une excellente source d’information pour bien débuter ou approfondir ses connaissances en la matière.
Jean-Luc Dauvergne est astronome amateur et journaliste scientifique pour la revue Ciel & Espace. Il est également l’auteur de nombreux ouvrages dédiés à la découverte du ciel, à la photographie et au matériel d’observation. Collaborant régulièrement avec les astronomes professionnels dans différents domaines, son nom a été donné à un astéroïde (et ça, c’est quand même la classe !).
Disposant de plusieurs instruments de grande qualité dans la gamme des Mewlon Takahashi, Jean-Luc prouve qu’il est possible d’obtenir de magnifiques images planétaires en pleine ville, en l’occurrence depuis son balcon parisien.
Après avoir utilisé un Mewlon 210, puis un 250, Jean-Luc a récemment complété sa « collection » avec un Mewlon 300 qui lui a permis de réaliser de superbes images en haute-définition de Jupiter au cours de l’opposition en juillet et août ; l’image présentée ici étant l’une des plus fines obtenues (à 17° d’élévation !) et sans aucun doute une référence au niveau mondial.
Je vous invite à consulter ses photographies de Saturne réalisées au cours de la même période, qui sont également remarquables… en attendant l’opposition martienne bien sûr !
Atteindre un résultat comparable à l'image présentée ici implique bien sûr de maîtriser l'ensemble des aspects de la photographie planétaire en haute-résolution : le réglage de son matériel, les modalités d'acquisition, et le traitement des données à l'aide des différents logiciels spécialisés. Pour ceux qui souhaiteraient se lancer dans l'imagerie planétaire ou se perfectionner, je vous invite à consulter les multiples tutos de Jean-Luc Dauvergne sur sa chaîne Youtube : tous les aspects sont abordés et font l'objet de vidéos courtes, faciles à suivre et qui constituent une véritable mine d'informations !
Date : 6 août 2020
Lieu : Paris
Optique : Takahashi Mewlon 300
Monture : Ci700
Caméra : ZWO ASI-290MM
Correcteur de dispersion : ZWO ADC
Traitement : WinJupos – AS4
Lien vers la full et la description complète sur le forum Astrosurf
Les Photons d’Or récompensent chaque mois une image particulièrement remarquable réalisée par un amateur… n’hésitez pas à proposer vos images !
Une nouvelle caméra et un nouveau train optique intégrant un rotateur de champ… le setup est désormais quasi-totalement automatisé pour les séances d’acquisition !
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Hubert Reeves nous a quitté le 13 octobre 2023. Parti rejoindre les étoiles qu’il aimait tant, il laisse les amoureux du ciel ici-bas emplis d’une infinie tristesse. Hommage à celui qui aura été une source d’inspiration pour beaucoup d’astronomes amateurs.