Amélioration du setup (3) : nouvelle caméra et rotateur de champ
Une nouvelle caméra et un nouveau train optique intégrant un rotateur de champ… le setup est désormais quasi-totalement automatisé pour les séances d’acquisition !
Depuis toujours, les astronomes et contemplateurs du ciel aiment à trouver des images évocatrices dans la forme des objets célestes qu’ils observent. Par effet de paréidolie, le cerveau humain dispose d’une capacité étonnante à identifier des formes familières dans des éléments naturels ou dans les objets les plus communs.
Les premières formes identifiées dans le ciel ont ainsi été les constellations elles-mêmes, où les anciens voyaient dans les motifs géométriques formés par les étoiles des animaux, des dieux ou des objets… L’émergence de la photographie astronomique a permis d’enrichir considérablement ce bestiaire, dont les exemples les plus célèbres – parmi tant d’autres – sont surement la « tête de cheval » (IC434), la « nébuleuse de l’Amérique du nord » (NGC7000) ou encore la « nébuleuse du fantôme » (IC63).
Plus récemment, le développement de l’imagerie à bande étroite a également apporté son lot de nouvelles visions fantasmagoriques du ciel, où une « statue de la liberté » semble surgir d’un nuage de gaz, d’innombrables « mains de Dieu » émergent de la poussière (et bien que ses voies soient impénétrables, certains messages sont parfois assez simples à interpréter 🙂 ), ou encore un esquimau perdu dans l’immensité de l’espace…
L’image de la nébuleuse NGC 6188 présentée ici constitue également un bon exemple de paréidolie, nous donnant à contempler un furieux combat entre deux dragons, l’un d’eux s’approchant avec ses ailes déployées.
Mieux encore, outre la multitude des protagonistes, une mise en scène est également imaginable en élargissant un peu le cadre : l’objet de cette lutte titanesque nous est ainsi dévoilé, avec la présence à proximité d’un trésor aux émanations magiques, un « œuf » de dragon jalousement gardé…
La version HOO, aux couleurs rouges bien prononcées, renforce encore la dramaturgie de cet affrontement.
Voyez-vous cette scène ? Attention, une fois celle-ci entrée dans votre esprit, il devient difficile de regarder cette image sans voir autre chose ! 🙂
Mais laissons cette vision fantastique pour appréhender la réalité de ce que montre cette image, qui n’est pas moins fascinante…
La nébuleuse NGC 6188 est située dans la constellation de l’Autel, visible depuis l’hémisphère sud, et distante d’environ 4500 années-lumière. Elle se situe à proximité immédiate de l’amas ouvert NGC 6193, qui regroupe une trentaine d’étoiles et en particulier deux géantes – de type O et B. Ces géantes sont 10 à 50 fois plus massives que le Soleil et 100 000 fois plus lumineuses !
Cette association – désignée « Ara OB1 », est régulièrement étudiée par les astronomes professionnels, en raison de son activité de création d’étoiles soutenue. L’image ci-contre, constituée de plus de 500 images réalisées par le VLT, permet d’effectuer une plongée très immersive dans cette région du ciel.
Le nuage moléculaire proche, essentiellement composé d’hydrogène (désigné « RCW 108 ») est ionisé par l’intense rayonnement ultraviolet de ces géantes, tandis que le vent stellaire de ces dernières provoque des ondes de pression au sein du nuage, favorisant l’apparition de nouvelles étoiles.
La nébuleuse NGC 6188 ne constitue qu’une petite partie de l’ensemble du nuage, qui est en réalité plus étendu que la seule fraction ionisée.
Les astronomes estiment que cette nébuleuse est actuellement à un stade d’évolution « pré-piliers », en référence aux célèbres « piliers » de la nébuleuse de l’Aigle (M16) où la création d’étoile est déjà à un stade plus avancé (effondrement bien délimité du nuage dans certaines zones, avec une densité plus importante).
On le voit, les forces à l’œuvre dans ce processus de création stellaire n’ont rien à envier aux créatures fantastiques qu’elles laissent entrevoir… si bien que la durée de vie d’une telle nébuleuse est limitée à quelques millions d’années, après quoi le rayonnement et les vents stellaires – sans parler des ondes de choc des éventuelles supernovæ – auront totalement érodé et disséminé le nuage primordial.
Encore une fois, la team Ciel Austral nous livre ici une image époustouflante, et superlative à tous points de vue, cumulant plus de 250 heurs de pose. Réalisée avec un télescope de 20″ (50cm) ouvert à f/6,8 (soit 3,4m de focale), l’équipe a privilégié une mosaïque 2×1 afin de pouvoir gagner en résolution sans sacrifier le champ global. Il va sans dire que l’image se doit d’être consultée en version « full » afin de pouvoir profiter au mieux de la grande richesse des détails obtenus.
Ciel Austral nous gratifie même de « deux images pour le prix d’une », avec une version SHO et une version HOO, dotées de personnalités bien différentes, qui permettent de bien se rendre compte des différents avantages et inconvénients de chacune de ces techniques.
Les astrophotographes qui se lancent dans l’imagerie narrowband peuvent parfois hésiter entre HOO et SHO. Il convient de relever que ces deux techniques impliquent la réalisation de deux images Ha et OIII ; la différence fondamentale consistant en l’utilisation, dans le cas du SHO, d’une couche SII supplémentaire. Dans la plupart des cas, la couche SII est toutefois celle présentant le rapport signal/bruit le plus faible ; d’où l’envie fréquente pour ceux qui débutent de rechercher à s’en passer « si ce n’est pas indispensable…« .
Outre cette économie de temps de pose, la technique HOO a pour elle l’avantage de permettre de restituer une palette de couleurs qui – bien que non réaliste à proprement parler – se rapproche davantage de ce qu’il est possible d’obtenir en LRGB ; avec des teintes rouges assez chaudes, contrastant avec un bleu bien marqué. Des couleurs chatoyantes qui ont souvent l’avantage de plaire au plus grand nombre, y compris aux personnes plutôt réfractaires à la « palette Hubble » typique du SHO.
Au niveau des avantages, le HOO doit cependant s’arrêter là, car sur les autres aspects, le SHO lui est nettement supérieur. Il suffit pour s’en convaincre de comparer les deux versions présentées ici : en termes de détails, de finesse des étoiles, de contraste, de richesse des nuances et de mise en valeur des structures les plus ténues, le SHO l’emporte haut la main !
Concernant la couleur des étoiles, il est recommandé, que ce soit en SHO ou en HOO, de réaliser une série d’images RGB afin de pouvoir redonner à ces dernières leur couleur véritable lors du traitement ; le gain esthétique est souvent indiscutable.
Reste que la technique de mixage SHO est indéniablement celle qui présente le plus de complexité en ce qui concerne les couleurs : l’image SII est utilisée pour la couche Rouge, tandis que l’image Ha (où le signal est souvent le plus fort) est utilisé pour la couche Verte. Comme pour le HOO, l’image OIII est quant à elle utilisée pour la couche Bleue. Il en résulte, lors du mixage initial, une palette très inhabituelle qu’il faut patiemment retravailler à coups de dosage et de retouches, afin d’obtenir une palette de couleurs variées et présentant des dégradés subtils. Et même une fois le bon équilibre enfin trouvé, les couleurs finales sont très éloignées de la réalité physique des objets et ne plairont pas forcément à tout le monde…
Que ce soit en SHO ou en HOO, la technique du narrowband offre en tout état de cause beaucoup plus de liberté que le RGB lors du traitement, et permet à chacun d’effectuer des choix personnels en matière de couleurs et de dynamique qui assurent à chaque image une « patte » particulière.
Et comme le prouve Ciel Austral avec ces deux images, peu importe finalement la technique utilisée : lorsque celle-ci est bien maitrisée, le SHO comme le HOO permettent tous deux d’obtenir de superbes images !
Est-il besoin de présenter la « team » Ciel Austral ?
Composée de 6 passionnés disposant chacun de compétences propres, Jean-Claude Canonne, Didier Chaplain, Laurent Bourgon, Philippe Bernhard, Nicolas Outters et Georges Chassaigne (de gauche à droite sur la photo), cette équipe repousse les limites de l’astrophotographie en cumulant sur chacune de ses images des temps de pose colossaux et à peine concevables pour l’amateur moyen ; avec notamment un record à 1060h (!) de pose pour une mosaique du Grand Nuage de Magellan !
Ciel Austral a installé son setup en remote sous le ciel magique du Chili, à l’observatoire El Sauce. Le matériel utilisé est de très grande qualité, et d’autres projets sont actuellement en développement…
Résumer Ciel Austral au temps de pose de ses images ou au matériel employé n’aurait toutefois aucun sens : il s’agit uniquement en l’occurrence des moyens consacrés à une quête continuelle de perfection et de (re)découverte des beautés de l’Univers.
Le meilleur moyen de s’en convaincre est encore de parcourir leur galerie, où chaque image est en soi un petit bijou qui, au-delà de l’aspect purement esthétique, permet de se sentir plus proche des merveilles du Cosmos…
Date : mai/octobre 2020
Lieu : Observatoire El Sauce (Chili)
Optique : CDK 20 » f/6,8 – Réducteur TS3 »
Monture : Paramount ME2
Caméra : Moravian G4-16000
Filtres : Chroma (3nm)
Ha : 296 x 1200 (bin1)
OIII : 188 x 1200s (bin1)
SII : 228 x 1200s (bin1)
RGB : 189 x 300s (bin1)
Total : 253 h
Les Photons d’Or récompensent chaque mois une image particulièrement remarquable réalisée par un amateur… n’hésitez pas à proposer vos images !
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