Amélioration du setup (3) : nouvelle caméra et rotateur de champ
Une nouvelle caméra et un nouveau train optique intégrant un rotateur de champ… le setup est désormais quasi-totalement automatisé pour les séances d’acquisition !
Parmi les innombrables objets que comporte la constellation du Cygne, l’un des plus emblématiques est sans aucun doute la nébuleuse de « l’Amérique du Nord » (NGC 7000). Passage obligé pour tout astronome amateur, débutant ou expérimenté, cette nébuleuse d’une taille déjà assez vaste (l’équivalent de 4 pleines lunes) est souvent photographiée avec sa proche voisine, la nébuleuse « du Pélican » (IC 5070).
La distinction entre ces nébuleuses n’est que de pure convention car elles appartiennent en réalité toutes deux à un même vaste complexe de gaz et de poussières situé à proximité de l’étoile Deneb.
C’est d’ailleurs cette étoile, une supergéante bleue et l’une des plus grosses étoiles connues de la Voie Lactée, qui illuminerait par son rayonnement intense les nuages d’hydrogène de cette région.
Le conditionnel reste cependant de mise, puisque ni la distance exacte ni la taille réelle de cette étoile ne sont connues de manière certaine…
Les dernières estimations en date de sa distance, basées sur la mesure de sa parallaxe, convergent vers 1550 années-lumière environ (ce qui correspond à une luminosité 60 000 fois supérieure à celle du Soleil), alors qu’on estimait auparavant sa distance à quasiment le double. Ces dernières mesures sont donc cohérentes avec l’hypothèse que le rayonnement de Deneb soit principalement responsable de l’ionisation de la région HII aux alentours, quant à elle un peu plus éloignée, à environ 1850 années-lumière.
Alors que certains surnoms donnés à des objets célestes laissent parfois dubitatifs, ces deux objets se passent d’explication : la forme de NGC 7000 évoque clairement l’Amérique du Nord et le golfe du Mexique, tandis que la forme de la tête, de l’œil et du bec sont particulièrement reconnaissables sur le Pélican !
Pourtant, ces dénominations ne se justifient qu’en lumière visible : observées dans d’autres longueurs d’onde, leurs formes caractéristiques s’estompent pour mieux révéler leur complexité et l’ensemble des zones actives.
En imagerie infrarouge, les rayonnements ne sont plus bloqués par la densité des nuages de gaz et de poussières qui constituent les nébuleuses obscures en lumière visible, ce qui permet de révéler les zones de réelle activité.
Sur les images ci-contre, qui s’étendent de l’infrarouge proche à l’infrarouge lointain, on constate que les zones qui semblent les plus calmes en lumière visible (la bande de nuages opaques entre les deux nébuleuses America et du Pélican) sont en réalité les plus actives et constituent les principaux lieux de formation des nouvelles étoiles.
Cette constatation peut sembler paradoxale, mais l’explication de ce paradoxe est simple : les régions les plus lumineuses dans le visibles sont issues de l’ionisation des nuages de gaz par le rayonnement des étoiles environnantes ; mais ce rayonnement n’est visible qu’en raison de la faible densité de matière des nuages ionisés. Ces zones sont trop peu denses pour que des étoiles ne soient en cours de formation en leur sein.
Les zones opaques en lumière visible sont en revanche beaucoup plus denses, et correspondent à des zones où la matière se concentre pour donner naissance à des étoiles. Soit ces étoiles ne sont pas encore formées, soit leur rayonnement n’a pas encore dispensé les nuages de gaz denses qui les entourent. Mais c’est bien au sein de ces grands nuages denses que la formation stellaire se déroule.
On constate par ailleurs sur ces images infrarouge que les nébuleuses America et du Pélican, qui semblent distinctes en lumière visuelle, ne constituent en réalité qu’une seule et même nébuleuse plus vaste. Rien d’étonnant donc à ce qu’elles présentent des couleurs et des contrastes très homogènes (que ce soit en LRGB ou en SHO).
La nébuleuse du Pélican, bien que globalement moins lumineuse, est cependant lus riche en détails que America (à l’exception de la région du « mur »), en particulier dans les zones d’absorption dues aux bandes de poussières. Les régions de « l’œil » et du « bec », tout particulièrement, regorgent de très fines structures et les contrastes entre les zones ionisées et les zones opaques sont très prononcés, ce qui donne un aspect « marbré » à la nébuleuse.
La région du « mur » de NGC 7000, ainsi que la « tête » du Pélican sont des zones particulièrement actives de formation stellaire. Cette formation d’étoiles jeunes et massives, cachée au sein de la nébuleuse, est cependant « trahie » par les effets du rayonnement et du vent stellaire intenses qui y sont générés.
L’aspect tourmenté de la zone de la « tête » du Pélican, parfaitement illustré par l’image ci-contre obtenue avec le télescope Subaru de 8,2m de diamètre, donne une idée des dynamiques puissantes qui sont à l’œuvre au sein de la nébuleuse.
On observe ainsi l’émergence de grande structures allongées, sculptées sur plusieurs années-lumière de long par les puissants rayonnements et les vents stellaires.
Ces formations allongées ne sont d’ailleurs pas sans rappeler les célèbres « piliers » de la nébuleuse de l’Aigle.
Si NGC 7000 est difficile à observer à l’œil nu, le spectacle est en revanche total en photographie ! La nébuleuse unique formée par NGC 7000 et le Pélican offre une grande variété de couleurs (surtout en narrowband) et un foisonnement de détails et de structures de natures très différentes : zones d’émission, d’absorption, bandes de poussières… Les contrastes entre zones fortement ionisées et les zones opaques sont très prononcés ; et l’utilisation de filtres SHO renforce encore cette impression tout en permettant d’accéder à un meilleur niveau de détails.
La seule réelle difficulté pour photographier cet ensemble iconique est sa dimension très importante (plus de 6 fois la pleine Lune !), qui impose de disposer d’un instrument de courte focale associé à un capteur grand format… ou de réaliser une mosaïque.
L’image mise à l’honneur ce mois-ci, réalisée par la Team AstroA.R.O, a bénéficié des conditions idéales pour espérer obtenir un résultat à la hauteur de cet objet iconique :
La combinaison de ces différents éléments, associée à un traitement de grande qualité, permet d’obtenir une image de toute beauté !
On relèvera notamment, parmi les points forts de cette image : la très bonne gestion du bruit, l’accentuation fine des détails (notamment dans les régions du « mur », des bandes de poussières intermédiaires et dans la zone de la « tête » du Pélican), la présence subtile des étoiles et surtout la grande subtilité de la palette de couleurs, à la fois riche et progressive. La réalisation de poses RGB pour la couleur des étoiles ajoute également un « plus » toujours bienvenu à ce genre d’image en narrowband.
Une très belle version parfaitement maîtrisée d’un grand classique que l’on prend plaisir à redécouvrir à chaque fois !
La Team A.R.O. (Alentejo Remote Observatory), constituée de trois passionnés du ciel (Francis BOZON, Jean-Luc GANGLOFF et Stéphane GUEYRAUD) tire son nom du lieu où l’observatoire de l’équipe a été installé : dans la région de Alentejo, au sud du Portugal.
C’est dans cette région, labellisée et protégée de la pollution lumineuse, que la Team ARO a choisi de construire son observatoire (servant aussi de lieu d’hébergement en remote pour d’autres amateurs).
Chose assez rare pour être soulignée, chacun des membres dispose de compétences propres qui leur ont permis de construire entièrement les infrastructures de l’observatoire, du terrassement à la construction des bâtiments, en passant par l’installation des panneaux solaires ou encore l’automatisation des setups… Le titre d’observatoire « personnel » n’est dans leur cas clairement pas un vain mot !
Depuis ce lieu privilégié qui bénéficie en moyenne de 240 nuits claires par an, la Team ARO réalise de superbes images du ciel sans compter les heures de pose, avec à la clé des images époustouflantes des beaux objets de l’hémisphère nord.
Une visite de leur site et de leur galerie est incontournable !
Date : du 31 mai au 20 juillet 2023
Lieu : Observatoire personnel en remote – Alentejo (Portugal)
Optique : Takahashi FSQ-106
Monture : SW AZ-EQ6 Pro
Caméra : ZWO ASI 6200MM Pro
Filtres : Astrodon SHO & Baader RGB
Echantillonnage : 1,46″/px
Ha : 393 x 180s (bin1)
OIII : 277 x 180s (bin1)
SII : 277 x 180s (bin1)
RGB : 3 x (43 x 120s) (bin1)
Total : 51h40
Acquisition : TheSkyX , Maxpilote
Traitement : Pixinsight & Photoshop
Les Photons d’Or récompensent chaque mois une image particulièrement remarquable réalisée par un amateur… n’hésitez pas à proposer vos images !
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Hubert Reeves nous a quitté le 13 octobre 2023. Parti rejoindre les étoiles qu’il aimait tant, il laisse les amoureux du ciel ici-bas emplis d’une infinie tristesse. Hommage à celui qui aura été une source d’inspiration pour beaucoup d’astronomes amateurs.