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Nom : M33 – NGC 598- Galaxie du Triangle
Type : Galaxie spirale (SA(s)cd)
Distance : ~2,7 millions AL
Taille : ~60 000 AL (71′ x 42′)
Magnitude : 6
Meilleure période d’observation : Automne
La galaxie M33 fait partie, avec la galaxie d’Andromède (M31) et notre propre Voie Lactée, du « groupe local ».
Elle constitue d’ailleurs, après ces deux dernières, la 3e galaxie la plus massive de notre groupe, qui compte une cinquantaine de membres.
Dans l’absolu, ses dimensions sont toutefois très en retrait par rapport aux deux galaxies dominantes : 60.000 années-lumière de diamètre (soit à peine 60% de la taille de la Voie Lactée) et une masse globale de 60 milliards de masses solaires (soit 5% de la masse de la galaxie d’Andromède).
La galaxie « du Triangle » (dénommée ainsi en raison de la petite constellation dans laquelle elle se situe) est vue quasiment de face (avec une inclinaison de 9° seulement), ce qui permet d’étudier en détail sa structure. Isolée au sein du groupe local, elle est dépourvue de galaxie satellite. Bien qu’en interaction gravitationnelle à la fois avec la Voie Lactée et M31, ces effets demeurent très limités et ne se traduisent pas encore par des déformations de sa structure. La mesure du redshift démontre cependant bien que M33 est l’une des rares galaxies à se rapprocher de la Voie Lactée, et non à s’en éloigner…
Cette absence d’interactions actuelles notables avec d’autres objets proches et massifs nous permet d’admirer une galaxie spirale dont la structure n’est pas altérée : celle-ci ne présente donc pas de barre centrale prononcée, des bras réguliers et une forme globale assez symétrique. La galaxie M33 est classée comme une galaxie « SA(s)ad », ce qui signifie :
Bien qu’étant l’une de nos plus proches voisines, sa distance est cependant relativement mal connue, ou du moins l’est-elle avec une précision assez faible. En effet, selon les méthodes retenues, sa distance calculée varie entre 2,4 et 3,1 millions d’années-lumière. La distance la plus communément retenue est celle calculée avec l’observation des Céphéides, étoiles variables dont la courbe de luminosité bien connue permet de calculer la magnitude absolue de l’étoile et, grâce à la mesure de sa magnitude relative, d’en déterminer la distance. La relation période-luminosité des Céphéides a été découverte par Henrieta Leavitt, et ce point est davantage développé dans la fiche consacrée à M31.
Ces « chandelles cosmiques » donnent de très bons résultats pour les galaxies les plus proches. Cette méthode permet de calculer une distance de 2,77 millions d’années-lumière pour M33, faisant de cette dernière l’objet le plus lointain visible à l’œil nu (dans des conditions d’observation exceptionnelles toutefois…).
Si son observation à l’œil nu est réservée aux observateurs les plus aguerris, dotés d’une bonne acuité visuelle et bénéficiant d’un ciel particulièrement pur, M33 est très facile à observer avec une simple paire de jumelles, à condition d’éviter une Lune trop présente… En effet, bien qu’elle soit de dimensions imposantes (2 fois plus grande en longueur que la Lune !), sa luminosité de surface reste faible et son observation peut donc s’avérer compliquée en cas de ciel trop lumineux, en raison d’un manque de contraste.
M33 constitue – plus encore – une cible de choix pour les photographes : ses dimensions et les détails qu’il est possible de saisir en font l’une des galaxies les plus belles et impressionnantes du ciel boréal. Il s’agit d’un grand classique du ciel d’automne, apprécié autant par les débutants que par les photographes les plus expérimentés. Pour les premiers, elle représente un « passage obligé » à la difficulté souvent sous-estimée ; tandis qu’elle représente une source de défis renouvelés pour les second, qui chercheront notamment à mettre en valeur ses très nombreuses régions de formation d’étoiles.
La galaxie du Triangle est en effet suffisamment proche pour observer de manière détaillée certaines des nébuleuses les plus grandes, sans même utiliser une longue focale…
Ainsi, si les professionnels recensent plus de 500 régions actives de rayonnement infrarouge, les amateurs peuvent parfaitement – sur une image de la galaxie dans son ensemble – faire ressortir très nettement au moins une cinquantaine de régions HII, depuis le bulbe central jusqu’au bout des bras spiraux, ainsi que de nombreux amas globulaires sous une forme individualisée.
On constate que ces dernières ne sont pas réparties de manière parfaitement homogène, mais qu’il existe une légère asymétrie entre les régions Nord et Sud de la galaxie (respectivement en haut et en bas de l’image présentée), avec une densité plus importante de nébuleuses et d’amas d’étoiles jeunes et bleues dans la région Sud.
Certaines de ces nébuleuses sont tellement vastes et lumineuses qu’elles disposent de leur propre numéro dans les catalogues NGC et IC. C’est le cas par exemple des nébuleuses IC 131, IC 138, NGC 588, NGC 592, NGC 595 et, surtout de NGC 604 (en haut à droite de l’image), parfois appelée « la » nébuleuse du Triangle, qui s’étend sur plus de 1500 années-lumière et qui est la deuxième région HII la plus active de tout le groupe local, avec une luminosité estimée à plus de 50 millions de fois celle du Soleil ! Seule la nébuleuse de la Tarentule (NGC 2070) dans le Grand Nuage de Magellan (galaxie satellite de notre Voie Lactée), peut prétendre lui voler la vedette dans notre région de l’Univers…
NGC 604 est une nébuleuse en émission du même type que la très célèbre nébuleuse d’Orion (M42), la plus belle et la plus grande (en apparence) pouponnière d’étoiles observable depuis la Terre, et présente la même composition chimique que cette dernière. Pour se faire une idée des dimensions considérables de NGC 604, si celle-ci était située à la même distance de la Terre que la nébuleuse d’Orion, elle remplirait plus d’un tiers du ciel et serait visible en plein jour avec la même luminosité que Vénus : NGC 604 est en effet 6500 fois plus brillante que M42 ! La distance qui nous sépare de la nébuleuse d’Orion (1500 années-lumière) correspond d’ailleurs aux seules dimensions propres de NGC 604…
Mais ces régions HII ne brillent pas par elle-mêmes : les nuages d’hydrogène ne font que réémettre sous une forme affaiblie le puissant rayonnement ultraviolet qui les ionise. Un tel rayonnement est généré par les étoiles jeunes et très massives créées au sein de ces nuages. Ainsi, les études réalisées à l’aide du télescope spatial Hubble ont mis en évidence la présence d’au moins 200 jeunes étoiles chaudes et massives au sein de la nébuleuse NGC 604, dont la masse est comprise entre 15 et 60 masses solaires ; ce qui traduit une forte activité de création stellaire et explique la luminosité de cette nébuleuse.
Ce même mécanisme est à l’oeuvre dans les très nombreuses régions HII de la galaxie M33. Les étoiles jeunes et massives ne se trouvent cependant pas que dans ces nébuleuses – dont elles finissent par disperser l’ensemble du gaz au gré des générations successives – mais sont également visibles directement dans les bras spiraux. Sur ce point également, on observe une légère asymétrie entre les bras spiraux Nord et Sud, ce dernier étant plus riche en géantes bleues de type O. Les rémanents de supernova observés dans M33 se situent d’ailleurs également en majorité dans les bras spiraux Sud, ce qui confirme ces observations.
Nous avons précisé en introduction que M33 ne subit pas « actuellement » de fortes interactions gravitationnelles avec la Voie Lactée ou Andromède… mais cela n’a pas toujours été et ne sera pas toujours le cas ! Les astronomes ont ainsi mis en évidence des traces d’anciens « courants » d’étoiles et d’hydrogène neutre (HI), visibles en ondes radio, qui vont dans le sens d’une interaction passée plus forte avec la galaxie d’Andromède. D’autres données, issues de la sonde Gaïa, tendent quant à elles à démontrer que M33 serait en réalité une galaxie satellite de M31, avec cependant une période extrêmement longue…
Dans tous les cas, l’avenir de M33 est fortement lié à celui des deux galaxies dominantes du groupe local, notre Voie Lactée et la galaxie d’Andromède, dont il est maintenant établi qu’elles entreront en collision dans 4 milliards d’années environ pour former une galaxie géante déjà dénommée « Lactomeda« . L’incertitude demeure plus forte pour ce qui concerne le sort de M33, en raison des difficultés de modéliser informatiquement de manière fiable de tels phénomènes, a fortiori sans connaître la distance, la masse et la taille réelle de M33 !
Parmi les scénarios envisagés, il y a bien sûr celui de la collision entre M33 et la Voie Lactée ou Andromède avant ou après la collision de ces deux dernières, le transfert massif d’étoiles et de gaz depuis M33 vers Lactomeda en raison de son passage à proximité de ce « monstre », ou encore l’éjection de M33 du groupe local en raison des effets de fronde gravitationnelle consécutive à un passage très rapproché et sur une trajectoire particulière…
Le scénario le plus vraisemblable est celui d’une absorption en plusieurs étapes de M33, avec un premier passage rapproché à proximité de Lactomeda, au cours duquel elle perdra une partie significative de sa masse (étoiles et gaz), arrachée par l’énorme attraction gravitationnelle de la nouvelle galaxie géante, qui la freinera également fortement à cette occasion. Une fois ralentie, M33 s’éloignera un temps avant de replonger, cette fois sans doute définitivement, au sein de Lactomeda pour former une galaxie elliptique encore plus massive… « Trilactomeda » ? 🙂
Quel que soit le nom de cette nouvelle galaxie, il ne restera alors plus aucune trace de la belle galaxie spirale que fût M33…
Cette image a été réalisée avec une TSA-102 équipée de son réducteur de focale (f/6) et une caméra CCD AtikOne6.
Elle cumule 16h de pose étalées sur 3 nuits, au mois d’octobre 2017. Les prises de vue ont été réalisées pour moitié depuis la Charente-Maritime, et pour moitié depuis la région parisienne.
M33 est une galaxie que j’aime particulièrement, et c’est l’un des objets dont j’avais tenu compte de la taille lors de l’acquisition de ma première caméra CCD, afin d’être sûr qu’elle rentre bien dans le champ ! Comme on peut le voir sur l’image présentée, un temps de pose conséquent consacré à la couche de luminance augmente la taille du halo extérieur de cette galaxie… aussi convient-il d’être vigilant lors du cadrage.
Après l’été 2017 et de nombreuses images réalisées avec un temps de pose relativement court (entre 5 et 7h), je m’étais donné comme objectif d’allonger les temps de pose, quitte à réaliser moins d’images. Cette image, motivée par mon intérêt particulier pour M33, est la première réalisée avec cette idée en tête. Au départ, je comptais même y ajouter des poses au cours d’une 4e nuit afin d’atteindre les 25h de pose et essayer de gagner encore plus en détectivité, mais malheureusement la météo n’a pas été clémente dans les semaines suivant ces acquisitions, et j’ai fini par renoncer à ces heures supplémentaires.
Ces 16h de pose constituaient à l’époque mon record personnel (mais pour très peu de temps puisque mon image suivante sur M101 dépassait les 23h…) et se répartissent de la manière suivante : quasiment 10h en luminance (avec des poses unitaires de 600s), 4,5h en RGB, et un peu moins de 2h en Ha pour rehausser les nombreuses régions actives en formation d’étoiles de cette belle galaxie.
Au final, le temps conséquent consacré à la couche de luminance permet une détectivité satisfaisante, avec notamment un halo galactique assez étendu, quelques discrets amas globulaires (tel que C27, juste en-dessous de la nébuleuse NGC 604), mais aussi quelques faibles galaxies en arrière-plan.
Pour le traitement, j’ai renoncé à procéder à une déconvolution pour cette image afin de conserver un rendu d’ensemble assez doux. La montée d’histogramme a été réalisée avec MaskedStretch (ce qui se ressent un peu dans l’aspect des étoiles). De manière globale, je n’ai pas cherché à tirer outre mesure les curseurs sur cette image, ni à rehausser de manière très forte les détails. Ces derniers sont cependant bien présents, en particulier dans les bandes de poussière, comme la consultation de la version « full » de l’image permet de s’en rendre compte.
Ce traitement relativement « soft » est justifié par le fait que cette galaxie soit peu contrastée, et qu’un traitement « dur » donne souvent des résultats assez inesthétiques en augmentant artificiellement le contraste entre les différentes zones de la galaxie, en particulier dans les bras spiraux. Un tel contraste, appliqué de manière localisée, conduit à dénaturer la vision d’ensemble de la galaxie, notamment en comparaison du halo qui demeure faiblement lumineux…
Concernant la calibration des couleurs, j’ai de la même manière privilégié une approche assez douce. Je tenais absolument à éviter la saturation excessive que l’on peut parfois (souvent) voir sur cette galaxie ; en particulier dans le bleu. Au niveau global, la différence de couleurs entre le bulbe et les bras spiraux de la galaxie est toutefois respectée. Concernant ces derniers, les données issues de mes acquisitions ne faisaient pas apparaître une teinte beaucoup plus prononcée qu’une autre, aussi j’ai choisi de conserver cette coloration. Je soupçonne d’ailleurs que beaucoup d’images où les bras spiraux de cette galaxie apparaissent clairement dans une teinte bleue ne résulte en réalité que de choix effectués lors du traitement (par exemple au moyen de la correction sélective des couleurs), et non d’une réalité des données… Les étoiles et amas d’étoiles bleues ressortent parfaitement bien sur cette image ; preuve qu’il y a bien une différence de teinte entre ces étoiles individuelles et les bras dans leur ensemble.
Traitement « soft » et couleurs légèrement sous-saturées… on pourrait craindre un résultat trop « lisse ». Heureusement, le rehaussement des zones HII de la galaxie au moyen des images Ha permet d’éviter ce défaut (cf le tutoriel consacré à cette étape). La réalisation d’une couche Ha est réellement incontournable sur cette galaxie !
Matériel :
Takahashi TSA102 f/6
AZEQ6 via EQmod
AtikOne6 (-15°)
Guidage : OAG & Atik GP
Filtres Astronomik LRGB & Ha 6nm
Pixinsight – Photoshop
Acquisition :
L : 56 x 600s bin1
R : 18 x 300s bin2
G : 18 x 300s bin2
B : 18 x 300s bin2
Ha : 22 x 300s bin2
Intégration totale : 16h40
Date(s) de prise de vue : 15, 27 & 28 octobre 2017
Bien que M33 soit une galaxie de taille apparente importante, elle n’en demeure pas moins faiblement contrastée car vue quasiment de face : sa luminosité est étalée sur une grande surface. Il est donc nécessaire de privilégier des nuits sans Lune et un ciel de qualité pour réaliser les acquisitions.
Afin de révéler au mieux les bras spiraux et faible halo périphérique, des temps de pose relativement longs sont conseillés ; à la fois pour les poses unitaires, mais aussi au global. Sur l’image présentée, les images de luminance ont été réalisées alors que la Lune n’était plus présente, avec un temps de pose unitaire de 600s. Mais il aurait sans doute été préférable de monter à 900s…
Si votre équipement et la qualité du ciel vous le permettent, n’hésitez donc pas à relever le temps de pose unitaire.
En cas de ciel atteint de pollution lumineuse, il est au contraire recommandé de diminuer le temps de pose unitaire, quitte à sacrifier un peu la détectivité sur le halo extérieur. L’utilisation d’un filtre « anti pollution-lumineuse » (que ce soit avec un APN ou pour la luminance en CCD) n’est en effet pas recommandé sur des objets présentant un spectre continu telles que les galaxies. Outre le fait qu’un tel filtre vous obligera à augmenter votre temps de pose global de 30 à 40% pour compenser la perte de luminosité, il faussera en plus la calibration des couleurs…
Pour ce qui concerne les couches RGB, n’hésitez pas à y consacrer un temps assez important. Si cette galaxie présente de magnifiques couleurs, le traitement peut s’avérer compliqué si vous ne disposez pas de données suffisantes. Une acquisition en bin2 peut tout à fait suffire, mais veillez à y consacrer un temps global plus conséquent que pour une galaxie « ordinaire ».
Par ailleurs, M33 monte très haut dans le ciel lors des longues nuits d’automne (75° environ) : profitez des quelques heures avant et après son passage au méridien pour réaliser les images de luminance, et consacrez les heures où elle est plus basse à la réalisation des couches couleurs (en particulier si vous réalisez ces dernières en bin2°). Pensez bien, si vous utilisez une lunette ou un schmidt-cassegrain, à prévoir une résistance chauffante et un pare-buée afin de limiter les dépôts lors du passage de la galaxie à proximité du zénith.
Niveau cadrage, pas de difficultés particulières du moment que votre champ photo est adapté aux dimensions de la galaxie. Un champ bien plat est cependant vivement recommandé compte-tenu de la surface de la galaxie… Veillez simplement à laisser une marge de sécurité suffisamment importante avec les bords de l’image, dans la mesure où au traitement, les bras spiraux peuvent se révéler bien plus étendus que ce que dévoilent les brutes. Orienter la galaxie dans la diagonale du capteur (comme dans l’image présentée) peut vous permettre d’optimiser le cadrage si vous êtes un peu « limite »…
Pour les prises de vue CCD, il est recommandé de compléter les acquisitions LRGB avec un filtre Ha (comme sur la présente image) afin de faire ressortir les nombreuses et impressionnantes zones HII dans les bras de la galaxie.
Comme le prouve l’image ci-contre, le résultat obtenu est déjà très satisfaisant avec un temps de pose limité, et vous permettra de relever de manière spectaculaire les nébuleuses de M33.
Un APN défiltré se révélera, pour la même raison, bien plus adapté qu’un APN classique ; même si cette galaxie peut parfaitement être photographiée avec un appareil non défiltré.
Pour intégrer au mieux cette couche Ha à l’image RGB, vous pouvez consulter le tutoriel dédié à cet aspect.
Il est également possible de procéder de même avec un filtre OIII, afin de mettre en évidence d’autres zones de nébulosités contrastées dans les bras spiraux de la galaxie.
Réaliser une belle image de M33 est déjà en soi un bel accomplissement, car le résultat final peut rapidement être altéré par un ciel pollué, une Lune trop présente ou des temps de pose insuffisants…
Mais les défis supplémentaires ne manquent pas sur cette galaxie !
Pour aller plus loin qu’une belle image LRGB, il est possible de compléter avec une couche Ha… celle-ci est quasiment indispensable pour cette galaxie. Mais pour aller encore plus loin, il est possible d’ajouter également une couche OIII. Le résultat obtenu, avec la mise en évidence de nébulosités supplémentaires, est une image que l’on ne voit pas si souvent ! Une des références en la matière demeure l’image réalisée par Nicolas Outters en 2015.
Un autre défi est d’utiliser une focale plus importante et un échantillonnage faible, afin de tenter une vue rapprochée et détaillée de la seule nébuleuse NGC 604. Les images de cette superbe nébuleuse réalisées par des amateurs (avec un matériel amateur) se comptent sur les doigts d’une main… et aucune n’atteint vraiment la haute résolution, même avec un C14… Un challenge à la mesure des meilleurs « lucky imagers » !? 🙂
Pour sortir des sentiers battus, il est également possible d’opter pour une focale beaucoup plus réduite, afin de profiter de la proximité avec la galaxie M31. Avec un capteur au format APS-C et un objectif photo de 50mm, il est possible d’intégrer ces deux galaxies dans la même image, en orientant correctement le capteur et en centrant sur l’étoile Mirach. Veillez cependant à conserver une marge assez importante entre les galaxies et le bord du cadre, afin d’éviter que ces dernières ne semblent « enfermées » sur l’image finale.
Naturellement, les mêmes recommandations relatives à la transparence du ciel et à l’absence de lumières parasites (Lune, pollution lumineuse) s’appliquent dans ce cas…
Un temps de pose, même limité, avec un APN classique, permettra de bien mettre en évidence les deux galaxies dans un grand champ d’étoiles, malheureusement assez pauvre dans l’ensemble malgré la présence de l’amas ouvert NGC 752. Attention aux éventuels gradients, M33 étant plus basse que M31. Un retrait de gradient image par image sera sans doute nécessaire (je vous renvoie sur ce point au tuto « prétraitement »). M31 demeurant beaucoup plus lumineuse que sa voisine, il sera sans doute nécessaire de leur appliquer au traitement des process personnalisés, afin de mieux les mettre en valeur.
Un temps de pose plus conséquent et l’ajout d’une couche Ha peuvent donner de magnifiques images, avec une belle mise en abîme liée à la présence de deux galaxies de belles dimensions et la présence de l’étoile Mirach, lumineuse et colorée, dans le champ.
M33 n’est pas une galaxie particulièrement simple à traiter… on peut même dire sans exagérer qu’elle réserve quelques « pièges » assez spécifiques et que même les meilleurs se retrouveront parfois à s’arracher les cheveux lors de certaines étapes du traitement ! 🙂
Pour s’en convaincre, il suffit de consulter au hasard sur Astrobin quelques images parmi les plus de 3300 images postées de cette galaxie. Quelques défauts récurrents peuvent être rapidement relevés :
Ces défauts, assez habituels sur M33, s’expliquent généralement par plusieurs facteurs :
Si certains de ces facteurs sont liés aux propriétés physiques de la galaxie elle-même, et doivent être pris en compte lors du traitement, d’autres sont liés aux conditions d’acquisition des images et peuvent donc être assez facilement anticipés en amont. Insistons donc encore une fois sur la nécessite de porter la plus grande attention à la phase d’acquisition elle-même ! Le respect des conseils de prise de vue mentionnés ci-dessus devrait cependant vous permettre d’optimiser vos données.
Ne négligeons pas non plus la phase de prétraitement dans ce cas : en optimisant toutes les étapes de la calibration et de l’empilement de vos brutes, vous pouvez espérer un gain substantiel de qualité au final. Il est fortement recommandé sur cet objet de procéder à un tri rigoureux de vos brutes (en particulier de luminance) et de leur attribuer un coefficient de pondération majoritairement basé sur le rapport signal-sur-bruit. Pour cette étape du prétraitement, je vous invite à consulter le tutoriel détaillé qui lui est consacré ; et notamment la partie consacrée à la pondération des brutes.
Le traitement de la Luminance est crucial, puisque c’est cette étape qui va déterminer le rendu visuel global de la galaxie. La plupart des soucis mentionnés précédemment trouvent leur origine dans de mauvais choix effectués lors de cette étape.
C’est le cas par exemple d’images à l’aspect « trop dur », au fond de ciel trop noir, à la saturation du bulbe central ou à l’absence de bras spiraux marqués. Tous ces défauts découlent essentiellement d’une seule et même étape mal maîtrisée, à savoir la montée d’histogramme.
Celle-ci doit donc être réalisée avec attention, en gardant à l’esprit quelques recommandations :
Une attention toute particulière doit être apportée à la gestion de la zone de transition entre le halo galactique et le fond de ciel. Les bras spiraux et le halo étant assez faiblement lumineux, une tentation peut être d’augmenter artificiellement le contraste global en diminuant trop fortement la luminosité du fond de ciel, tout en rehaussant celle du halo. Ce type de réglage donne en général des résultats peu naturels, avec une galaxie aux bords bien définis qui semble être mise par dessus un fond de ciel très sombre : effet « collage » garanti ! 🙂
Une manière de prévenir ce défaut est de conserver, du moins temporairement, un fond de ciel relativement haut (par exemple 30 à 35 sous Photoshop) puis de le diminuer dans un second temps, voire seulement en toute fin de traitement de l’image de Luminance.
Pour mieux visualiser les dimensions réelles du halo et effectuez les ajustements de manière exacte, vous pouvez vous aider d’une image réalisée avec le process RangeSelection, comme dans l’exemple ci-contre.
La luminosité des bras et du halo peut être ajustée plus finement grâce à l’outil « Courbes« , mais en évitant systématiquement d’appliquer ces ajustements de manière localisée au moyen d’un masque (généré par exemple avec RangeSelection) : là encore, l’effet « collage » se fait rapidement ressentir, rien qu’en modifiant de quelques unités les réglages…
Pour vous aider à réaliser au mieux ces réglages, l’aspect des étoiles constitue un bon indicateur : si ces dernières prennent trop d’embonpoint, c’est probablement que vous avez trop tiré sur les curseurs. Mieux vaut alors faire marche arrière et repartir sur de bonnes bases…
Veillez enfin à ne pas trop augmenter la luminosité du bulbe central : à défaut vous n’obtiendrez quasiment aucune couleur après l’assemblage avec la couche Couleurs…
Vous trouverez plus d’explications sur la méthode de montée d’histogramme traditionnelle dans le tutoriel consacré au traitement simple d’une image monochrome.
Dans le cas de M33, une alternative intéressante est de procéder à une montée d’histogramme automatique avec le process MaskedStretch. Ce process, bien configuré, permet de mieux mettre en valeur les parties du halo les plus ténues, tout en évitant une saturation du bulbe central. Il assure également une luminosité progressive entre le centre et le bord de la galaxie. Attention toutefois, une telle montée d’histogramme ne présente pas que des avantages : les étoiles peuvent grossir exagérément et la dynamique globale de la galaxie peut être affectée, avec un manque de contraste parfois rédhibitoire (d’autant plus gênant si vous comptez ensuite rehausser les détails au moyen d’une fonction basée sur le HDR qui va encore écraser la dynamique…).
Voici un exemple comparé entre une montée d’histogramme réalisée avec les deux méthodes :
Avantage à MaskedStretch pour la valorisation du signal faible dans le halo de la galaxie, mais la version « traditionnelle » l’emporte sur les autres points : dynamique, aspect des étoiles, gestion du bruit.
Une possibilité intéressante, enfin, est de réaliser deux versions au moyen des deux méthodes de montée d’histogramme puis de mixer les deux au moyen de masques de fusion adaptés. Cette option permet de conserver les étoiles plus fines et la meilleure dynamique globale de la version « traditionnelle », tout en augmentant la luminosité des zones périphériques et en adoucissant la transition avec le fond de ciel.
Dans tous les cas, n’hésitez pas à effectuer plusieurs passes successives afin d’ajuster très finement les niveaux du fond de ciel et du halo, en veillant à ce que la transition demeure subtile.
Les autres étapes du traitement de la couche de Luminance (réduction du bruit, rehaussement des détails…) ne posent en revanche pas de difficultés particulières.
Il est d’ailleurs recommandé de procéder à un rehaussement des détails sur l’image de Luminance, afin de mettre en valeur les superbes bandes de poussières au sein des bras spiraux. L’utilisation du process HDRMultiscaleTransform, appliqué de manière localisé avec un masque flouté et progressif, donne généralement de très bons résultats. Attention toutefois à ne pas forcer outre mesure l’application d’un tel process, sous peine d’obtenir une image à l’aspect assez dur et une perte de dynamique notable… La dynamique intrinsèque de M33 n’est pas déjà pas énorme, inutile de la réduire encore davantage ! 🙂 Dans tous les cas, attention de conserver aux étoiles leur aspect gaussien. Pour en savoir plus sur ce process, je vous invite à consulter le tutoriel dédié à HDRMT.
Dans le même esprit de chercher à mettre en valeur les plus fins détails au sein de la galaxie, une déconvolution en tout début de traitement linéaire peut donner de bons résultats. Mais attention, ici encore tout est affaire de mesure : mieux vaut ne pas procéder à une déconvolution qu’en réaliser une mal maîtrisée, car les dommages sont ensuite irréparables et les défauts ne feront que s’amplifier lors des étapes ultérieures du traitement (aspect des étoiles, bruit…). Pour ma part, après quelques essais insatisfaisants, j’ai renoncé à effectuer une déconvolution pour cette image ; le gain obtenu dans les détails était minime en comparaison des défauts révélés.
La comparaison suivante, entre l’image RGB et l’image LRGB, permet de mesurer tout l’intérêt de s’appliquer à trouver les réglages optimaux pour la montée d’histogramme :
Autre étape cruciale du traitement pour M33 : la calibration des couleurs.
Le traitement de chacune des couches RGB ne pose en soi pas de difficultés particulières, mais leur assemblage peut s’avérer plus compliqué.
Pour la montée d’histogramme des couches couleurs individuelles, essayer de privilégier le process MaskedStretch, qui permettra d’éviter toute saturation sur le bulbe central. Avec la méthode classique, veillez à ne pas monter la luminosité : celle-ci se traduira par une diminution de la couleur lors de l’assemblage avec la couche Luminance.
Pour la calibration des couleurs proprement dite, je recommande à titre personnel d’utiliser le process PhotometricColorCalibration (PCC) (disponible sur Pixinsight et sur Siril) afin de parvenir à un résultat satisfaisant. Ci-dessous une comparaison de l’image RGB (en mode linéaire avant traitement) dont les couleurs ont été calibrées de manière manuelle et avec PCC ; avec un léger avantage à mon sens pour ce dernier :
Dans le cas où ce process ne donne pas de bons résultats, il faudra se résoudre à utiliser la méthode traditionnelle de neutralisation du fond de ciel, puis de balance des blancs (en prenant comme référence la galaxie dans son ensemble), et enfin procéder à un léger retrait de l’excès de vert au moyen d’une fonctionnalité telles que SNCR (ou HLVG sous Photoshop).
Dans tous les cas, ne soyez pas surpris si le résultat ne correspond pas totalement à ce que vous avez pu voir par ailleurs, notamment si les bras spiraux ne présentent pas une belle teinte bleutée uniforme… c’est tout à fait normal ! 🙂 Les bras spiraux présentent, en particulier dans la zone la plus interne de la galaxie, une teinte verte assez prononcée. Contrairement à ce qu’on peut conseiller sur la majorité des galaxies, un retrait total du vert n’est pas recommandé en l’occurrence, car celui-ci conduit à une coloration assez uniforme des bras spiraux et à une perte de nuances. De la même manière, ne procédez à des corrections sélectives que si cela est rigoureusement indispensable, en veillant toujours à ce que ces corrections ne créent pas des zones de transitions particulièrement marquées et inesthétiques.
Très souvent, les images de cette galaxie basculent facilement dans un écueil ou un autre, à savoir soit une franche dominante verte (qui ne correspond pas à la réalité physique de l’objet), soit des corrections exagérées destinées à aligner de force cette galaxie sur la vision stéréotypée « d’un bulbe bien orangé et des bras bien bleus ». Pour ma part, au vu des données que j’ai obtenues pour cette image, je considère que ces deux approches ne sont pas exactes.
Pour l’image présentée ici, j’ai tenté de rester fidèle aux couleurs peu prononcées et peu saturées de cette galaxie, sans forcer à tout prix de retirer tout le vert. Cet aspect « bleu-vert » et peu saturé des bras me convient bien, et je pense être resté assez fidèle à la réalité physique de la galaxie.
Vous pouvez, par ailleurs, d’autant plus vous contenter de couleurs peu saturées si vous avez procédé à l’acquisition de données Ha (et/ou OIII) : l’apport de ce signal sur l’image RGB va venir considérablement « booster » les couleurs de la galaxies, et le résultat sera loin d’être fade.
La comparaison entre l’image RGB simple et l’image RGB + Ha est sur ce point assez parlante :
L’image HaRGB permet une mise en valeur immédiate des spectaculaires nébuleuses qui parsèment les bras spiraux de M33.
Afin de ne pas dénaturer les couleurs de la galaxie en dehors des zones HII, je vous recommande d’intégrer l’image Ha sur l’image RGB en mode non-linéaire et au moyen de la méthode localisée (avec PixelMath), telle que décrite dans le tutoriel consacré à cette étape. Pour ce tutoriel, je me suis d’ailleurs basé sur cette image de M33, ce qui vous permettra encore mieux d’appréhender les différents réglages si vous n’avez pas l’habitude de ce type de traitement.
Si vous n’êtes pas à l’aise avec PixelMath, vous pouvez également procéder à cette intégration au moyen du script Ha-RVB_AIP, qui donnera le plus souvent de très bons résultats, plus simplement et plus rapidement, mais de manière moins localisée que ce que vous pouvez obtenir avec des réglages manuels.
En toute fin de traitement, après l’assemblage des couches Luminance et Couleurs, vous pouvez encore procéder aux derniers ajustements de luminosité (réglage fin du niveau du fond de ciel) et de couleurs (saturation des zones HII, augmentation légère de la saturation du bleu dans les amas d’étoiles jeunes des bras spiraux, afin de mieux les mettre en valeur, etc.).
Avant de retenter une nouvelle version de M33, j’aimerais déjà – à l’occasion – ajouter des poses avec un filtres OIII, afin d’essayer de faire apparaître des nébulosités encore plus riches sur cette image.
Mais l’image que j’aimerais vraiment réaliser, avec une focale beaucoup plus importante, serait une image détaillée de la seule nébuleuse NGC 604 !
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