Amélioration du setup (3) : nouvelle caméra et rotateur de champ
Une nouvelle caméra et un nouveau train optique intégrant un rotateur de champ… le setup est désormais quasi-totalement automatisé pour les séances d’acquisition !
Pour les planètes « extérieures » (qui circulent au-delà de l’orbite terrestre), la meilleure période pour les observer et les photographier est lorsqu’elles sont exactement à l’opposé du Soleil pour l’observateur : la planète est alors « à l’opposition », ce qui correspond à une élongation au Soleil de 180°.
A ce moment, le Soleil, la Terre et la planète sont parfaitement alignés et la distance Terre-Planète est alors minimale : le diamètre apparent et la luminosité de la planète sont alors à leur maximum ; et aucune phase (partie du globe non-éclairée par le Soleil) n’est alors visible. Il s’agit donc de la période optimale pour percevoir les plus fins détails sur la planète, d’autant plus que celle-ci est alors visible pendant toute la nuit, ce qui permet de suivre son évolution facilement, au besoin sur plusieurs nuits consécutives.
L’événement de cette fin de mois de septembre (et de début octobre) est sans conteste l’opposition de la plus grosse planète du système solaire : l’imposante et majestueuse Jupiter ! (Pour une présentation rapide de Jupiter, vous pouvez consulter cette page).
Cette année, lors de l’opposition le 26 septembre, Jupiter était ainsi distante de 591 millions de kilomètres et présentait un diamètre apparent de quasiment 50 secondes d’arc, pour une magnitude apparente de -2,9 !
Impossible de la rater dans le ciel de ce début d’automne !
Depuis cette date, la planète s’éloigne lentement un peu plus chaque jour, si bien qu’en l’espace d’un mois, fin octobre, sa taille apparente sera déjà retombée à 47,5′ (ce qui reste encore excellent pour l’observer en détails…).
Le 21 décembre, Jupiter sera en « quadrature », c’est à dire que son élongation par rapport au Soleil atteindra 90° : sa phase sera alors maximale son diamètre ne sera alors plus que de 40′. Son diamètre apparent et sa visibilité continueront ensuite de décroitre jusqu’à son passage derrière le soleil en avril 2023 où elle sera bien sûr invisible…
Il faudra ensuite attendre novembre 2023 pour que Jupiter soit de nouveau en opposition et présente les conditions d’observation les plus favorables. Jupiter effectuant une orbite autour du Soleil en 12 ans, la date de l’opposition se décale ainsi chaque année d’un mois environ et il faut donc patienter 13 mois entre chaque opposition successive.
Mais la taille apparente de la planète ne fait pas tout dans la qualité des observations, en particulier pour les astrophotographes qui visent la haute résolution…
La hauteur sur l’horizon (« élévation ») est également déterminante : plus la planète est haute dans le ciel, moins elle est affectée par les différents phénomènes atmosphériques qui contribuent à diminuer la qualité d’image (dispersion chromatique, turbulence…).
On voit ainsi dans le tableau ci-contre que les oppositions à venir, en 2023 et en 2024, seront encore plus favorables que celle de 2022 en raison d’une élévation plus élevée de Jupiter (jusqu’à 63° en 2024, au lieu de 41° en 2022). De quoi sans doute largement compenser la petite perte de diamètre apparent (48′).
Une bonne nouvelle donc pour ceux qui souhaiteraient investir dans du matériel adapté à l’observation planétaire : les années à venir seront particulièrement intéressantes, non seulement pour Jupiter mais également pour Saturne, dont l’élévation ne va cesser de croitre jusqu’au milieu des années 2030 (jusqu’à dépasser les 80°).
Et pour ceux qui penseraient avoir laissé passer l’occasion cette année, qu’ils se rassurent : la taille apparente de Jupiter reste suffisamment importante, même loin de l’opposition, pour que son observation et son étude demeurent intéressantes !
Si la période de l’opposition est incontestablement la plus intéressante pour réaliser des images en haute définition de Jupiter, cela ne demeure qu’une période favorable qu’il convient d’exploiter au mieux, en mettant à profit l’ensemble de ses compétences techniques !
Autrement dit, le diamètre apparent de la planète ne fait pas tout : si votre instrument n’est pas parfaitement réglé et exploité, le simple fait d’imager lors de l’opposition ne fera pas – par miracle – de belles images.
Outre un choix judicieux de toutes les composantes de la chaine d’imagerie (du télescope à la caméra, en passant par le correcteur de dispersion atmosphérique, barlow…) et de l’échantillonnage, le réglage optique de son instrument est sans doute le critère qui affecte le plus la qualité des images planétaire chez les amateurs. L’étape de collimation, c’est à dire d’alignement des différents éléments optiques entre eux, est une étape obligatoire pour quiconque envisage d’obtenir la meilleure résolution avec son instrument en se rapprochant du pouvoir de séparation théorique de celui-ci. Sur ce point, nous renvoyons à l’incontournable article de Thierry Legault sur le sujet, qui permet également d’apprécier les dégradations optiques liées à l’importance des défauts de collimation…
Il faut ensuite mettre en œuvre les « bonnes pratiques » lors de l’acquisition : beaucoup de petites choses qui – en s’accumulant – peuvent faire la différence entre une « bonne » image et une image « d’exception » : mise en température du tube, précision de la mise au point, réglage de l’ADC, etc. (Sur tous ces points, nous recommandons encore une fois l’excellente série de vidéos de Jean-Luc Dauvergne).
Inutile de dire que la qualité de l’image présentée ce mois-ci, réalisée par William Pellissard quelques jours après l’opposition, ne doit rien au hasard mais est au contraire le résultat d’une chaine d’acquisition parfaitement étudiée et maitrisée de bout en bout.
En premier lieu, l’instrument : un cassegrain de 350mm dédié au planétaire et réalisé « sur mesure » par Skyvision, avec un rapport f/d natif de 20 permettant d’obtenir une focale et un échantillonnage suffisants pour se dispenser de lentille de barlow. La précision de la collimation ensuite, William n’ayant pas hésité à passer plus de 2h ce soir là pour atteindre un réglage précis (mais pouvant encore être amélioré d’après lui).
La grande expérience de William en planétaire peut ensuite s’exprimer pleinement… à condition de disposer d’un ciel d’une qualité suffisante pour permettre d’exploiter pleinement le potentiel d’un tel instrument… ce qui est finalement le facteur le plus limitant !
A l’affut des fameux « trous de turbulence », la patience de William est finalement récompensée, avec cette image d’une finesse incroyable sublimée par un traitement précis. L’image finale est le résultat de l’addition de 5 images unitaires issues de vidéos de 140s, dérotées et compositées ensuite avec le logiciel WinJupos.
Ci-contre, une autre image incroyable réalisée au cours de la même nuit (4 x 160s), avec des détails encore un peu mieux définis, mais au prix d’un traitement un peu plus appuyé.
On admirera, outre les couleurs parfaitement dosées, la richesse des détails dans la grande tache rouge et dans les différentes bandes de la planète (jusqu’aux pôles). D’autant plus impressionnant que les acquisitions ont été réalisées avec une caméra couleur, qui offre une résolution moindre qu’une caméra monochrome (mais une plus grande simplicité d’utilisation et de traitement). Assurément l’une des plus belles images de Jupiter de cette opposition 2022 !
William Pelissard est l’un des tous meilleurs spécialistes français de la photographie planétaire en haute-résolution.
Méticuleux et patient, William n’hésite pas à sacrifier de longs moments d’observation potentielle pour parfaitement régler ses instruments, avec à la clé des images toujours extrêmement fines et détaillées.
Observant depuis son balcon en plein Paris, il démontre qu’il est possible de réaliser des images exceptionnelles des planètes depuis les zones réputées les moins favorables… Encore que, entre William et Jean-Luc Dauvergne, les balcons parisiens ont prouvé qu’ils avaient du talent à revendre et que – finalement – la capitale n’est pas un si mauvais lieu que ça pour l’imagerie planétaire !
La finesse de ses images planétaires, réalisées auparavant avec un C14 et désormais avec un cassegrain SkyVision 350mm, est à tomber par terre… et ses clichés de la Lune et du Soleil sont du même calibre !
Une visite de son site est indispensable pour prendre toute la mesure de la qualité de ses réalisations !
Date : 8 octobre 2022
Lieu : Paris
Optique : Cassegrain SkyVision 350 MT
Monture : Astrophysics AP1200
Caméra : ZWO ASI-462C
Correcteur : ADC Pierro-Astro
Traitement : WinJupos – AS!3 – AstroSurface – PS
Lien vers la full et la description complète sur le forum Astrosurf
Les Photons d’Or récompensent chaque mois une image particulièrement remarquable réalisée par un amateur… n’hésitez pas à proposer vos images !
Une nouvelle caméra et un nouveau train optique intégrant un rotateur de champ… le setup est désormais quasi-totalement automatisé pour les séances d’acquisition !
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