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Nom : M64 – Galaxie de l’Œil noir – NGC 4826
Type : Galaxie spirale
Distance : ~17,5 millions d’années-lumière
Taille : 10′ x 5,4′
Magnitude : ~9
Meilleure période d’observation : Printemps
La galaxie M64 est l’une des galaxies les plus populaires du catalogue Messier et généralement l’une des premières cibles galactiques des astrophotographes débutants dans le ciel du printemps. Il faut dire que sa physionomie atypique « fait de l’œil » à tous les amateurs de belles galaxies !
Située à environ 17,5 millions d’années-lumière dans la constellation de la Chevelure de Bérénice, M64 présente la caractéristique notable d’être relativement « isolée » dans cette zone du ciel qui est (avec la constellation voisine de la Vierge) l’une des plus riches en galaxies.
Cette petite constellation regorge en effet de galaxies et d’amas de galaxies (notamment l’amas Coma, une partie de l’amas de la Vierge, NGC 4725, M100 ou encore NGC 4565 pour n’en citer que quelques-unes parmi les plus célèbres chez les amateurs…), et il est plutôt rare de trouver un champ où une seule galaxie importante soit visible.
Cet isolement apparent vu depuis la Terre correspond bien à la réalité de la situation de cette galaxie dans l’espace : relativement proche de notre groupe local (qui s’étend sur une dizaine de millions d’années-lumière de diamètre), M64 – de taille légèrement inférieure à celle de notre Voie Lactée (environ 80 000 AL de diamètre) – n’appartient pas à un amas ou à un groupe de galaxies avec lesquelles elle serait fortement liée gravitationnellement.
Cet isolement relatif n’est pas pour autant synonyme de tranquillité : il suffit de voir l’aspect chaotique de cette galaxie pour comprendre qu’une activité très importante est à l’œuvre dans sa région centrale.
Sa classification sous le type « (R’)SA(r)ab pec » dans l’Atlas des galaxies de Vaucouleurs est un indice supplémentaire de la difficulté de la classer dans une catégorie simple ! Pour décoder cette classification, précisons donc qu’il s’agit d’une galaxie spirale non barrée (SA), à structure annulaire à la fois interne (r) et externe (R), dont les bras spiraux sont étroitement enroulés (ab) et dont la forme globale est « anormale » (pec).
Le terme « anormal » désigne également le caractère « floconneux » (« floculant ») de cette galaxie. Contrairement aux galaxies spirales traditionnelles, les galaxies floconneuses ne présentent pas des bras spiraux bien marqués et symétriques, mais des bras spiraux inégaux et discontinus, difficiles à discerner sur les images.
La théorie pour expliquer de telles structures est celle de la dynamique d’auto-propagation de la formation d’étoiles (« SSPSF » ou « Stochastic self-propagating star formation ») selon laquelle les zones de formation d’étoiles se propagent entre les bras sous l’effet des vents stellaires et des ondes de choc générées par les multiples supernovæ.
Il en résulte une structure beaucoup moins stable et marquée que pour les spirales classiques, difficilement comparable même aux « galaxies spirales de grand style » dont les bras spiraux sont particulièrement importants et bien définis (telles que M81, M101, M51 ou M74…).
M64 est également répertoriée comme galaxie de type Seyfert II (présence de gaz à grande vitesse dans le noyau) et LINER (« Low-Ionization Nuclear Emission-line Region »), synonyme d’une importante activité centrale (ici plutôt localisée autour du noyau qu’au sein de ce dernier lui-même, en faisant abstraction du probable trou noir supermassif central dont la masse est estimée entre 18 et 42 millions de masses solaire).
Concernant sa morphologie particulière, les astronomes ont mis en évidence la présence de deux disques de gaz contrarotatifs de masses à peu près égales au sein de la galaxie : l’un interne (jusqu’à 300 années-lumière du centre) regroupant l’essentiel des bandes de poussières, et un autre externe (s’étendant jusqu’à 40 000 années-lumière) tournant en sens opposé (voir : Counter-rotating gaseous disks in the « Evil Eye » galaxy NGC4826, R. Braun et al., Nature 1992) .
Mais – petite subtilité complémentaire – si le gaz tourne en sens contraire dans ces deux régions, les étoiles quant à elles tournent toutes dans le même sens dans l’ensemble de la galaxie !
Pour expliquer cette singularité, une théorie propose que M64 aurait par le passé fusionné avec une galaxie satellite plus petite, riche en gaz et orbitant de manière rétrograde (pour en savoir plus sur ce point, voir l’excellent article de Véra Rubin paru dans Astronomical Journal en 1994).
Ces étoiles évoluant à « contre-courant » du gaz génèrent des perturbations dans le milieu interstellaire qui favorisent des flambées de création d’étoiles nouvelles au sein des nombreuses nébuleuses présentes dans les bras spiraux à proximité de la région centrale.
Mais ce qui frappe le plus, c’est bien sûr l’immense bande de poussières semblant traverser la région centrale dans des instruments amateurs, obscurcissant fortement la luminosité des étoiles situées en arrière-plan (et prenant la forme d’un « cil » au dessus de l’œil).
Sur les clichés à plus haute résolution, tel que celui réalisé par le télescope spatial Hubble (ci-contre), on constate qu’en réalité ces poussières sont réparties assez uniformément dans les bras spiraux « floconneux » dans la région centrale de la galaxie.
L’aspect de « cil » perçu à travers les instruments moins puissants est donc uniquement due à l’inclinaison de la galaxie par rapport à notre angle de vue.
Le contraste est d’autant plus saisissant que dans le reste de la galaxie, les bras spiraux sont peu visibles et que les régions périphériques semblent assez homogènes et diffuses, sans grandes structures clairement déterminées.
Cette image a été réalisée au mois d’avril 2023 avec une lunette TSA-102 à pleine focale (f/8), une caméra Atik One 6.0 et des filtres LRGB + Ha 6nm.
Le choix de ne pas utiliser le réducteur (à f/6) pour cette image se justifie par deux raisons :
Avec cette combinaison et malgré un rapport d’ouverture peu lumineux (f/d=8), j’ai limité le temps de pose unitaire à 300s afin de limiter la montée du fond de ciel. Malgré tout, certaines brutes pour lesquelles les conditions météo étaient encore dégradées s’apparentent plus à des images « flat » qu’à des images « light » !
Comme souvent, il est nécessaire de faire certains arbitrages sur les différents paramètres de ses acquisitions pour ce qui concerne l’échantillonnage, le champ et la luminosité du setup afin de s’adapter au mieux aux contraintes météo…
Le cadrage est délibérément « minimaliste », avec la galaxie tout simplement centrée au milieu du champ. On verra dans la partie consacrée aux conseils d’acquisition que ces différents choix (sur le setup, les temps de pose et le cadrage), s’ils étaient sans doute adaptés à cette situation particulière, doivent être étudiés en amont de manière un peu plus sérieuse !
La couche de Luminance a bénéficié de 8h35 de pose au total (103 x 300s) et 3h30 ont été consacrées à chacune des couches RGB (en bin2 pour ces dernières). Enfin, l’ensemble a été complété par une série en Ha 6nm afin d’essayer de mieux mettre en évidence les zones HII actives, mais sans réel apport notable au traitement.
Au total, cette image totalise donc une vingtaine d’heures de pose mais cette durée assez longue doit être fortement relativisée :
Autrement dit, un signal comparable (voir supérieur) doit pouvoir être obtenu, sous un ciel de qualité, sans Lune, avec un instrument plus rapide et une caméra plus moderne type CMOS, en 6 à 8 heures seulement !
J’ai quand même eu la bonne surprise de découvrir, à l’issue de l’empilement des brutes de luminance, un fond de ciel peu homogène qui s’est révélé être dû à la présence d’IFN dans le champ (bien que j’ai tout d’abord suspecté un défaut de flats…).
Au niveau du traitement, j’ai été assez limité toutefois par la qualité des brutes (en raison encore une fois de la qualité du ciel…) et je n’ai pas pu mettre en valeur au mieux cet IFN très ténu. Celui-ci reste perceptible si l’image est consultée dans des conditions optimales (écran calibré et environnement sombre). La faible qualité des brutes et surtout le niveau élevé du fond de ciel se remarque en particulier par l’absence de faibles étoiles et de petites galaxies dans le fond de ciel (même si certaines sont malgré tout visibles sur la full).
Il s’agit de la première de mes images pour laquelle j’utilise la combinaison complète des différents process de la suite X-Terminator de Russel Croman :
Au niveau des couleurs, j’ai tenté de conserver un rendu qui ne soit pas trop saturé ; cette galaxie étant victime d’une tendance assez forte à la « sur-saturation » parfois largement fantaisiste. La calibration des couleurs a été réalisée quant à elle avec le dernier process SPCC pour un résultat que je trouve plutôt convaincant.
Au final, une image avec pas mal de défauts et de limitations liées aux contraintes d’acquisitions mais qui me plait bien tout de même !
Matériel :
Takahashi TSA102 f/8
AZEQ6 via EQmod
AtikOne6 (-15°)
Guidage : OAG & Atik GP
Filtres Astronomik LRGB + Ha 6nm
Pixinsight – Photoshop
Acquisition :
L : 103 x 300s bin1
R : 43 x 300s bin2
G : 43 x 300s bin2
B : 43 x 300s bin2
Ha : 12 x 300s bin2
Intégration totale : 20h05
Date(s) de prise de vue : 6/7/8 avril 2023
La popularité de M64 parmi les astrophotographes amateurs s’explique – outre sa grande beauté intrinsèque – pour plusieurs raisons :
Si M64 peut être photographiée avec quasiment n’importe quel instrument amateur, une focale d’au moins 800mm est toutefois recommandée pour commencer à obtenir des détails intéressants dans la bande de poussières. Pour maximiser les chances d’obtenir des détails fins, un ciel stable est à privilégier ainsi qu’un autoguidage performant.
Lors de son passage au méridien, M64 culmine à environ 65° sous nos latitudes, ce qui est suffisamment élevé pour espérer bénéficier d’une turbulence réduite. Il est donc recommandé de profiter au maximum des heures autour du passage au méridien si le but est d’optimiser les détails dans la bande de poussières.
Dans la grande liste des conseils qu’on prodigue sans se les appliquer à soi-même (aussi connu sous le principe du « faites ce que je dis, pas ce que je fais !« ) : un ciel transparent et sans lune est vivement recommandé pour bénéficier d’un signal bien présent dans les extensions les plus lointaines de la galaxie. En effet, si la partie centrale est bien lumineuse, les zones en périphérie de la galaxie sont nettement plus faibles, avec même la présence d’un halo particulièrement ténu ! Si votre ciel est affecté par la pollution lumineuse, le recours à un filtre est également recommandé pour limiter la montée de la luminosité dans le fond de ciel et espérer préserver au mieux ce faible signal.
Ajustez également le temps de pose unitaire pour la luminance selon la qualité de votre ciel : comme souvent sur ce type de cible, il est inutile d’allonger le temps de pose unitaire et mieux vaut privilégier des poses plus courtes et moins susceptibles d’être altérées par la turbulence ; ou à tout le moins, permettant un « tri » plus simple des meilleures brutes. Pour la photo présentée ici, j’ai retenu des poses unitaires de 300s, mais si votre instrument est suffisamment lumineux (ou que vous ne bénéficiez pas d’un ciel bien transparent et stable), des poses de 180s seront sans doute préférables, en particulier avec les capteurs CMOS plus modernes. En ce sens, n’hésitez pas à contrôler, lors des premières acquisitions, la finesse des images obtenues et à ajuster si besoin le temps de pose en conséquence.
Par ailleurs, ne sous-estimez pas l’importance des couches RGB si vous utilisez une caméra monochrome ! En effet, cette galaxie présente de superbes teintes jusque dans sa périphérie la plus lointaine : un temps de pose trop limité sur la couche couleurs conduira à une difficulté certaine pour mettre en évidence les couleurs faiblardes dans cette zone lors du traitement (au risque de faire monter drastiquement le bruit chromatique). A noter que, selon votre échantillonnage, il peut être intéressant de recourir au binning 2x pour les couches couleurs afin d’optimiser le rapport temps de pose / signal ; la perte de détails sur les couches couleurs n’étant pas problématique en soi (les couches couleurs en résolution native permettront uniquement d’améliorer les étoiles et d’optimiser certaines zones de transition dans les structures internes des galaxies), et encore moins pour cette galaxie très avare en détails en dehors du noyau…
Pour vous faire bénéficier de mes propres erreurs (version plus positive du principe énoncé ci-dessus…) : une couche Ha n’est pas réellement indispensable sur cette galaxie, très pauvre en nébulosités HII dans la quasi-intégralité de ses bras spiraux… Seule la région du noyau ressort vraiment sur ces poses, sans contribuer à rehausser significativement le signal déjà obtenu sur la couche rouge. Sauf à ce que vous disposiez d’une très grande focale et que vous obteniez une résolution très fine dans la zone centrale, mieux vaut donc consacrer plus de temps à la couche couleurs qu’à une couche spécifique Ha (on voit bien sur l’image réalisée par Hubble que les zones de nébulosités sont toutes contenues dans la zone centrale et dans les bandes de poussières, donc difficiles à séparer clairement avec une focale habituelle d’amateur…).
Niveau cadrage, deux options sont possibles, selon le type d’image que vous souhaitez réaliser :
Si vous ne souhaitez photographier que la galaxie elle-même, le cadrage ne présente aucune difficulté puisque M64 est désespérément isolée dans cette région du ciel : contentez-vous de centrer la galaxie dans le capteur ! Même avec une courte focale et un grand capteur, aucun risque de passer à côté d’un autre objet intéressant !
Alternative passionnante (mais nettement plus ambitieuse !) : M64 n’est en réalité pas si isolée que cela dans le ciel… Elle l’est effectivement si l’on raisonne en terme de galaxies, de nébuleuses ou d’amas, mais elle est toutefois située dans une région particulièrement riche en IFN ! Le magnifique cliché réalisé par Rogelio Bernal Andreo (ci-contre) montre toute la richesse et l’étendue de ce champ de « cirrus galactiques », avec même la présence de quelques zones HII très faibles (qui peuvent être mises en évidence avec un filtre Ha, même si « RBA » n’en n’a pas utilisé pour cette image).
Un point à noter d’emblée est que si votre ambition est de réaliser une telle image, une courte focale associée à un grand capteur devront être privilégiés : les détails au sein de la galaxie ne sont clairement plus l’objectif principal !
Les temps de pose devront être considérablement revus à la hausse, à la fois en luminance et pour la couche couleur et – évidemment – un ciel d’une qualité très bonne (voire exceptionnelle) est indispensable pour réussir à saisir ces nébulosités particulièrement ténues qui se détachent à peine du fond de ciel (pour ce cliché, RBA a réalisé les acquisitions depuis un site avec un SQM de 21,7, donc particulièrement sombre). Est-il utile de préciser que la présence de la Lune est à proscrire absolument ?
Pour donner une idée de la faiblesse de ces zones d’IFN, sur mon image (réalisée encore une fois sous un ciel de mauvaise qualité donc à nuancer…), les zones les plus brillantes à proximité de la galaxie sont à peine discernables (en bas de l’image).
Dans ce cas, le cadrage devra évidemment être murement réfléchi en amont, en préparant ses sessions avec des logiciels de planétariums et en s’aidant des quelques rares images déjà réalisées de cette zone.
Présentant un noyau bien lumineux et un fort contraste avec la bande de poussières riches en fins détails, M64 se prête bien à la technique du « lucky imaging » (inspirée de l’imagerie planétaire et consistant à réaliser un très grand nombre de poses très courtes, de l’ordre de la seconde ; en procédant à une sélection drastique des meilleures brutes pour l’empilement de l’image).
Les quelques images réalisées avec cette technique montrent tout l’intérêt de celle-ci pour mettre en valeur des détails fins dans la bande de poussières. Attention, même si M64 est assez lumineuse, cette technique implique de disposer d’un télescope d’un diamètre suffisant (300mm minimum) pour collecter suffisamment de photons avec des temps de pose aussi courts.
Précision préalable : dans cette partie, nous n’allons envisager que le traitement de la galaxie elle-même et non l’image « grand champ » avec l’IFN (qui suppose des modalités de traitement radicalement différentes et plus proches de ce qui se fait habituellement pour des nébuleuses obscures que pour des galaxies…).
Luminance. Le traitement présente 2 points d’attention bien distincts : la mise en évidence des extensions les plus ténues en périphérie de la galaxie et dans le halo, et le rehaussement des détails dans la région centrale et la bande de poussières.
Compte-tenu de la grande différence de luminosité entre la région centrale et la périphérie, il est recommandé de privilégier une montée d’histogramme plus subtile qu’avec le simple process HistogramTransformation, par exemple avec MaskedStetch, ArcsinhStretch ou encore GHS. Ces méthodes permettent de bien mettre en valeur les zones les plus faiblement lumineuses, sans saturer pour autant la région centrale. Attention toutefois dans ce cas de ne pas trop « lisser » la galaxie dans son ensemble en nivelant les différents niveaux de luminosité entre les différentes zones.
Sur cette cible, le process GHS (GeneralizedHyperbolicStretch) donne par exemple de bons résultats, en permettant de mettre progressivement en valeur les zones les plus faibles (y compris le halo) tout en prévenant la saturation du noyau ; et en conservant au final une dynamique d’ensemble satisfaisante.
Pour des conseils généraux et la présentation de ces différentes méthodes de montée d’histogramme avec des exemples pratiques, je vous invite à consulter les vidéos dédiées sur ma chaine Youtube !
Naturellement, plus votre temps de pose global sera élevé et plus le rapport signal/bruit de vos brutes sera bon, plus simple sera l’opération, avec au passage des zones de transitions plus qualitatives entre le fond de ciel et les extensions les plus ténues des bras spiraux. Sur ce point, veillez à conserver des zones de transition harmonieuses et progressives entre le fond de ciel et les extensions. Attention également à ne pas trop baisser le niveau du fond de ciel pour essayer de rehausser artificiellement la galaxie ; surtout si vous avez quelques traces d’IFN dans le champ.
Concernant l’augmentation des détails, l’utilisation du process Blur X-Terminator (BXT) en tout début de traitement au stade linéaire (voir le tuto vidéo dédié à l’utilisation de BXT) peut s’avérer très efficace ! Ultérieurement, au stade non-linéaire après une montée d’histogramme « progressive », il est possible de rehausser les contrastes dans la bande de poussières au moyen du process HDRMultiscaleTransform. Correctement appliqué, celui-ci permet de mieux faire ressortir de nombreux détails dans le bulbe central de la galaxie et les principaux bras spiraux. Inutile en revanche d’appliquer ce process dans les zones les plus ténues des bras spiraux : un masque spécifique doit donc être créé à cette fin, par exemple avec RangeSelection (et éventuellement en mode starless, même si les quelques étoiles présentes dans la galaxie ne sont pas problématiques…).
Attention cependant à ce que ce rehaussement des détails avec HDRMT ne se fasse pas au détriment d’une trop grande perte de luminosité des zones traitées dans les autres zones de la galaxie, qui peut rapidement altérer la cohérence globale de l’image en terme de contraste. L’utilisation d’un masque pour appliquer ce traitement de manière précisément localisée est donc indispensable.
Pour en savoir plus sur la mise en œuvre de ces process de rehaussement de détails, je vous invite à consulter le tutoriel dédié à HDRMT, ainsi que le tutoriel plus général consacré à l’amélioration des détails avec Pixinsight, ainsi que le tutoriel spécifique à Photoshop le cas échéant. Vous trouverez également une présentation détaillée de l’utilisation de ce process dans le tuto vidéo dédié.
Couche Couleurs. Bien que M64 présente des couleurs assez prononcées, le traitement de la couche couleur peut s’avérer assez périlleux.
Tout d’abord car le signal diminue rapidement à mesure que l’on s’éloigne du centre de la galaxie : si les temps d’acquisitions n’ont pas été suffisants, il faudra gérer un signal très faible ainsi qu’un bruit chromatique important. La montée d’histogramme peut être réalisée au moyen du process MaskedStretch, qui permet de bien préserver les couleurs dans les zones les plus lumineuses tout en relevant suffisamment le signal dans les zones faibles : à la différence de la couche Luminance, la progressivité dans la dynamique de la galaxie n’est pas du tout un objectif pour la couche couleurs !
En cas de bruit chromatique important, n’hésitez pas à pousser un peu les curseurs sur les process de réduction de bruit (tant au stade linéaire qu’au stade non-linéaire), voire à flouter l’image couleurs avant l’assemblage avec la couche de Luminance. Dans la mesure où la galaxie ne présente quasiment pas de détails de structure en dehors de la zone du noyau, il est même possible de flouter fortement si nécessaire (le cas échéant avec un masque de protection pour atténuer ce floutage sur la zone centrale afin de ne pas perdre trop d’infos de couleurs).
Mais, au-delà de ces contraintes habituelles, c’est surtout l’étape de calibration des couleurs qui peut s’avérer la plus complexe.
En effet, lorsqu’on consulte les images réalisées par d’autres astronomes amateurs sur un objet déterminé, il se dégage dans la grande majorité des cas une « tendance » de couleurs que l’on retrouve le plus souvent, que ce soit pour les nébuleuses ou les galaxies… Mais dans le cas de M64, il y a à peu près autant de variantes que d’images réalisées, quels que soient les temps de pose, matériels et expériences des astrophotographes !
Pour illustrer ce propos, voici un petit « patchwork » représentatif des calibrations les plus fréquentes pour M64, qui sont parfois totalement contradictoires :
Où se situe la réalité parmi ces différentes options ? Si l’on se base sur les photographies réalisées par les observatoires professionnels, on peut estimer que le noyau est essentiellement rouge et que la zone centrale (avec la bande de poussières) tend vers le jaune avec la présence d’un grand nombre de nébulosités HII en son sein. Cette zone centrale est ensuite encerclée par des bras spiraux qui tendent nettement vers le bleu, tandis que la zone la plus périphérique de la galaxie est de couleur plutôt neutre/marron. Sur aucune photographie le halo le plus externe n’apparait coloré (neutre/gris).
Les photographies professionnelles ne sont toutefois pas forcément les plus pertinentes, dans la mesure où peu d’entre elles disposent d’un champ suffisant pour représenter la galaxie dans son ensemble et/ou que les filtres utilisés ne sont pas forcément adaptés pour une comparaison efficace… il est donc possible que la calibration réalisée sur une petite zone de la galaxie conduise à des résultats « trompeurs ».
Une bonne piste est donc d’aller chercher une confirmation parmi les images amateurs présentant M64 au milieu d’un grand champ très riche en étoiles et en nébulosités (IFN, etc.).
En effet, la présence de M64 au milieu d’un grand nombre d’autres objets « contraint » la calibration sur la galaxie au respect de couleurs sur l’ensemble des autres objets : si les étoiles apparaissent dans une couleur correcte, de même pour l’IFN et le fond de ciel (et sous réserve que des corrections n’aient pas été réalisées spécifiquement sur certains objets au cours du traitement…), alors on peut légitimement estimer que les couleurs obtenues sur la galaxie sont proches de la réalité…
Or, sur de telles images grand champ (en prenant soin de ne sélectionner comme références que celles pour lesquelles les couleurs sont manifestement cohérentes sur l’ensemble des autres objets du champ, comme par exemple celle ci-contre réalisée par Yizhou Zhang qui est l’une des plus abouties), M64 n’apparait jamais intégralement « bleutée »… contrairement à un très grand nombre d’images où la galaxie est prise isolément !
La similarité très forte de cette image avec ma propre version (dont je me suis rendu compte uniquement après le traitement pour préparer cette fiche, donc qui ne m’a pas influencée…) m’a confortée dans les choix réalisés lors de la calibration des couleurs.
Par ailleurs, si l’on raisonne uniquement en terme de population stellaire, M64 est une galaxie « anémique », c’est à dire qui présente un fort déficit en gaz HI par rapport à une galaxie spirale standard (intermédiaire donc entre une spirale et une galaxie elliptique), dont la population stellaire est vieillissante et dont le taux de formation de nouvelles étoiles est faible : difficilement compatible avec une galaxie intégralement bleue qui regorgerait donc d’étoiles jeunes et très massives (de type spectral O) ! Les seules zones d’activité de création stellaire identifiées se situent autour du noyau (dans les nébuleuses HII présentes dans la région centrale) et dans les bras spiraux situés immédiatement après cette zone ; ce qui justifie l’aspect plus bleutés de ces derniers comme on peut le voir sur l’image présentée ici.
Ma conclusion (toute personnelle et qui n’engage que moi) est donc que la grande majorité des photographies sur lesquelles M64 apparait avec une teinte globalement bleutées sont incorrectement calibrées (y compris beaucoup d’images récompensées par des APOD). Les couleurs obtenues sur l’image présentée ici sont à mon sens plus fidèles à la réalité et aux données astrophysiques dont nous disposons sur cette galaxie.
Il est important à mon sens d’avoir ces quelques informations à l’esprit avant de se lancer dans la calibration des couleurs sur M64, afin de ne pas être induit en erreur et de pouvoir, en cas de calibration manifestement « à côté de la plaque », de rechercher les sources d’erreurs possibles.
Plus prosaïquement, et concernant la calibration des couleurs avec Pixinsight, il est recommandé d’utiliser les derniers process et notamment SPCC (SpectroPhotometricColorCalibration) qui délivre d’excellents résultats sous réserve d’être utilisé et paramétré correctement (voir si besoin le tuto vidéo dédié sur ce point, avec une présentation de différentes méthodes de calibration alternatives).
SPCC est actuellement le process qui fournit la calibration la plus précise, mais attention à paramétrer correctement les différents réglages afin de générer une modélisation robuste basée sur un échantillon d’étoiles suffisamment qualitatif (en nombre et en signal) et de choisir une zone de référence pertinente pour la neutralisation du fond de ciel. A noter que l’utilisation de ce process impose que la résolution astrométrique de l’image soit réalisée préalablement.
Une méthode efficace pour apprécier la qualité de la calibration est – outre l’appréciation visuelle des couleurs – de vérifier les courbes obtenues en sortie. Sur l’exemple ci-contre, seule la calibration de la courbe de droite est correcte.
Sur l’image présentée ici, ce process a cependant donné un résultat convenable, même si quelques corrections sélectives finales sous Photoshop ont été nécessaires afin de mieux mettre en valeur certaines zones de transition entre le noyau, la zone centrale et les bras spiraux.
Si vous avez réalisé une image Ha, vous pouvez combiner celle-ci avec l’image RGB pour renforcer la couche Rouge.
Différentes méthodes s’offrent à vous pour réaliser cette opération, et sont présentées plus en détails dans le tutoriel dédié ainsi que dans le tuto vidéo.
Compte-tenu des conditions d’acquisition très médiocres, il n’est pas difficile de trouver des pistes d’améliorations sur cette image !
La refaire avec une focale plus importante pour gagner en détails dans la bande de poussières est évidemment un projet intéressant ; de même que tenter un grand champ très riche avec l’IFN aux alentours… mais dans les deux cas, avec un bon ciel sans lune ! 🙂
Si l’espace commentaires n’est pas accessible, consultez le guide pratique pour y remédier !
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