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Amélioration du setup (3) : nouvelle caméra et rotateur de champ

Une nouvelle caméra et un nouveau train optique intégrant un rotateur de champ... le setup est désormais quasi-totalement automatisé pour les séances d'acquisition !

Mon setup "version 2024"

1. changement de caméra : ASI 2600 MM-Pro

Après avoir utilisé pendant plusieurs années mes deux caméras CCD mono (Atik One 6.0 et 16200), alternativement selon les cibles observées, j’ai enfin « franchi le pas » en basculant sur un capteur CMOS (mono également).

Ce changement pourra sembler bien tardif à beaucoup, puisque ces nouveaux capteurs se sont très largement démocratisés au cours des dernières années et qu’une grande majorité d’amateurs les utilisent désormais, tant en version mono qu’en version couleur. 

Pour autant, je n’étais pas particulièrement pressé de changer, essentiellement parce qu’il n’existe pas de capteur CMOS aux dimensions « idéales » pour mon setup, à savoir le format APS-H, intermédiaire entre l’APS-C et le full frame 24×36 (équivalent au capteur de la 16200). Un capteur plus petit limite le champ et n’exploite donc pas totalement le potentiel de l’instrument, tandis qu’un full frame introduit trop de défauts optiques sur les brutes ; et que je n’ai vraiment pas envie de perdre du temps à régler le tilt ou autres joyeusetés lors de mes trop rares nuits sur le terrain…

Par ailleurs, même si les caractéristiques de ces nouveaux capteurs sont bien plus flatteuses (notamment en terme de bruit), je demeurais satisfait de la qualité des images obtenues avec mes caméras CCD. 

Certaines de mes dernières images réalisées avec la 16200 pouvaient en effet rivaliser sans conteste avec d’autres bonnes images réalisées avec des capteurs CMOS… au prix certes d’un temps de pose plus important.

C’est le cas par exemple de la nébuleuse du Cocon (ci-contre), avec 37h de pose à la 16200, qui reste à ce jour l’une des images dont je suis le plus satisfait. 

Malgré tout, sur quelques objets plus difficiles, avec un signal plus faible (par exemple des nébuleuses très ténues en OIII), je commençais à ressentir une véritable limitation de mes capacités à réaliser de bonnes images avec mes contraintes nomades, essentiellement en terme de temps de pose… Par exemple, sur la nébuleuse OU4 (le « calamar », découvert par Nicolas Outters), malgré des essais avec des brutes unitaires de 1800s (30min) avec la 16200, je ne parvenais pas à obtenir un signal exploitable après empilement (la qualité du ciel n’étant pas non plus optimale lors de ces essais…).

La perspective d’être limité sur ce genre de cibles a finalement emporté la décision de basculer sur une caméra CMOS.

Pour le choix de la caméra en elle-même, à savoir l’ASI 2600, celui-ci a été très rapide puisque le capteur IMX 571 est l’un des plus performants actuellement (dans une gamme de prix raisonnable) et que ce modèle présente l’avantage d’une dynamique 16 bits sans phénomène d’amplow.

La comparaison du rendement quantique entre la 16200 et la 2600 (ci-contre) est assez parlant…

Rendements quantiques comparés de la 16200 et de la 2600.

Les capteurs full frame, type ASI 6200, ont été écartés puisque trop grands pour le champ corrigé de la TSA-102…

Le capteur étant au format APS-C, il y a une perte de champ notable par rapport à la 16200 (image ci-contre).

Certains objets étendus, qui auparavant tenaient dans le cadre de la 16200, devront à l’avenir faire l’objet d’une mosaïque… mais comme toujours, il faut trouver des compromis acceptables en tenant compte de l’ensemble de ses contraintes.

A noter également que puisque le capteur est plus sensible, cela simplifie aussi la réalisation de mosaïques en permettant des temps d’acquisition plus courts…

Champs comparés de la 16200 et de la 2600.

Pas d’hésitation non plus sur le choix d’un capteur monochrome plutôt que couleur : même si ce dernier présente d’indéniables avantages pour une utilisation nomade (acquisitions plus rapide, simplicité d’utilisation, coût réduit sans les filtres, montage plus simple…), je souhaitais conserver les avantages propres au capteur monochrome que sont la sensibilité et la résolution accrue, avec la flexibilité offerte dans le choix des longueurs d’onde et la possibilité de réaliser de véritables images SHO.

La caméra est donc complétée par une roue à filtres ZWO contenant 7 filtres de 36mm de la marque Antlia (LRGBSHO), avec une bande passante très étroite pour les filtres SHO (3nm), ce qui garantit un fort contraste et de petites étoiles.

Au niveau du montage, la roue à filtres est fixée sur la caméra avec des vis, de même que le diviseur optique ; ce qui garantit un très bonne rigidité.

La sortie se fait au format M54, via la bague anti-tilt spéciale. Ce format – plus important que le M48 en 2″ proposé par défaut, permet d’éviter tout vignettage et autorise le montage en direct d’une grande quantité d’accessoires de qualité.

Petite « cerise sur le gâteau » : l’ensemble [caméra + roue à filtres + diviseur optique + caméra de guidage] se loge parfaitement dans la mallette de transport de la TSA (après une petite découpe de la mousse…), ce qui est appréciable en nomade et évite d’avoir à démonter les différents éléments à chaque transport…

2. Rotateur de champ Pegasus Falcon

J’avais eu la chance de pouvoir acquérir en occasion, il y a un an ou deux, le rotateur « Falcon » de chez Pegasus Astro (le même constructeur que le boitier Powerbox que j’utilise depuis longtemps), compatible avec NINA.

Malheureusement, je n’avais pas encore eu l’occasion de pouvoir l’utiliser avec mon matériel précédent, cet élément ajoutant trop de tirage optique (qui était déjà limite sans cela !).

Bonne nouvelle : je dispose désormais d’un peu plus de marge de manœuvre avec le montage de la nouvelle caméra, ce qui me permet de l’inclure dans le montage optique en restant dans des limites acceptables en terme de backfocus… même si nous allons voir que cela n’est pas si simple !

Rotateur Pegasus Falcon

Quelques mots tout de même pour présenter cet accessoire avec qui tout le monde n’est pas forcément familier : l’intérêt d’un rotateur de champ est de pouvoir faire tourner l’ensemble de la chaine optique située en aval (c’est à dire en l’occurrence la caméra, la roue à filtres et le diviseur optique), afin de modifier le cadrage des images selon les besoins de l’objet photographié. 

A noter qu’il existe d’autres usages plus pointus d’un rotateur, que nous ne développerons pas ici…).

La vidéo ci-contre montre la manière dont fonctionne en pratique le rotateur, en sachant que la précision de pointage est de 1/86e de degré et que le moteur pas-à-pas est très doux et silencieux (vitesse accélérée 2x pour que la vidéo ne soit pas trop longue…).

Sur mon setup actuel, la rotation se fait manuellement, directement sur le porte-oculaire.

NINA intègre la gestion de la rotation manuelle, ce qui rend très simple de retrouver l’orientation correcte d’une session précédente ou définie dans l’assistant de cadrage. Il est possible de paramétrer une « tolérance » afin d’obtenir une précision suffisante sans y passer trop de temps (pour ma part, une précision de 2° a été largement suffisante pour éviter des crops importants).

Malgré la qualité de mon porte-oculaire (FeatherTouch 3″), cette méthode manuelle présente quelques limites :

  • tout d’abord il est assez difficile de retrouver « parfaitement » le même cadrage d’une session à l’autre : cela conduit forcément à croper l’image finale une fois les poses des différentes sessions empilées ;
  • si ce crop peut rester minime pour des champs unitaires, il devient rapidement contraignant dès lors qu’on réalise des mosaïques, les décalages se cumulant entre chaque image ;
  • retrouver la bonne orientation dans les marges de tolérances (1 ou 2°) reste possible, mais oblige à y passer un peu de temps en « tâtonnant », ce qui n’est pas toujours évident dans le noir, avec les câbles autour ;
  • enfin, une évidence : la rotation manuelle implique… d’être physiquement présent pour effectuer l’opération !

Un rotateur de champ motorisé permet de palier ces différentes limitations : d’une part en gagnant en rapidité et et précision pour le cadrage et, d’autre part, en programmant la rotation pour chaque séquence, ce qui autorise à réaliser plusieurs sessions sur plusieurs objets avec différents cadrages au cours d’une même nuit sans avoir à intervenir.

Quelques précautions cependant :

  • Attention aux câbles !

C’est sans aucun doute le point d’attention le plus crucial (surtout si l’on est pas à côté de son instrument pendant l’opération) : si le câblage n’est pas réalisé avec soin (en laissant suffisamment de marge et en rendant les fils solidaires…), la rotation peut venir tout torsader, voire dans le pire des cas tout arracher !

A noter que si le logiciel autonome fourni par Pegasus dispose par défaut d’une sécurité (rotation sur une plage de 220°, tout angle se situant dans la « zone interdite » étant remplacé par une cadrage inversé à 180°), cette sécurité n’est pas aussi simple à paramétrer dans NINA…

Logiciel Pegasus avec limites de sécurité.
  • Les flats

En cas de rotation de la caméra pendant la nuit (une ou plusieurs fois), il n’est pas possible de réaliser les flats uniquement en fin de session… En effet, les flats, pour corriger efficacement les défauts d’uniformité du champ, doivent être réalisés avec la même orientation que les images brutes.

En cas de rotations multiples au cours d’une même nuit, la prise des flats doit donc être anticipée (par exemple, si l’on se limite à une seule rotation par nuit, soit deux objets différents – ce qui est déjà bien), on peut réaliser une série de flats avec la première orientation en début de nuit, puis une autre avec la seconde orientation en fin de nuit.

Si d’autres rotations sont nécessaires – et à défaut de posséder un écran à flats automatisé – la précision du rotateur (1/86e de degré !) doit toutefois permettre de retrouver l’orientation correcte après-coup, mais cela n’est bien sûr pas recommandé (les poussières pouvant bouger lors des mouvements de l’instrument ou la rotation du train optique…).

  • Le guidage au diviseur optique

En cas de guidage au moyen d’un diviseur optique (nécessairement situé derrière le rotateur), toute rotation du train optique va rendre la calibration initiale inopérante… sauf si vous utilisez l’une des dernières versions de PHD2, qui permet de connecter le rotateur de champ afin d’ajuster les données de calibration en temps réel sur les deux axes en fonction de l’angle du rotateur.

Une fonctionnalité vraiment très pratique en cas de cibles multiples, en évitant des recalibrations du guidage.

Testé et approuvé sur le terrain lors de mes premiers essais !

PHD2 permet la connexion du rotateur de champ afin d'adapter la calibration.

Au final, si le matériel est bien paramétré et que les précautions d’usage sont respectées (concernant le câblage et les flats), l’ajout d’un rotateur dans le train optique ne pose pas de réelle difficulté et apporte une flexibilité et une simplicité d’utilisation accrue, en particulier dans le cadre de l’automatisation des prises de vue.

Cela est surtout vrai pour la planification de mosaïques avec un grand nombre d’images individuelles avec l’assistant de cadrage de NINA, qui propose une option très intéressante permettant d’ajuster précisément l’orientation de chaque image afin que l’alignement de l’ensemble soit conservé ; permettant ainsi (théoriquement) d’éviter le moindre crop.

Pour bénéficier de ces avantages, encore faut-il réussir à intégrer le rotateur de champ au train d’imagerie, ce qui n’est pas forcément évident lorsqu’on dispose de peu de marge de manœuvre avec le backfocus du réducteur. En effet, la plupart des réducteurs proposés dans le commerce sont limités à 56mm, ce qui est déjà tout juste pour une caméra, la roue à filtres et le diviseur optique ! Dans ce cas, impossible donc d’ajouter un élément supplémentaire…

Certains modèles proposent toutefois un backfocus plus généreux (typiquement entre 85mm et 105mm chez Takahashi, ou encore chez Celestron pour les tubes de la série Edge HD…), ce qui rend alors possible un tel montage.

Dans mon cas, le backfocus du réducteur Takahashi est de 84,7mm (modulo la correction de 1/3 de l’épaisseur des filtres selon les marques…).

Le rotateur ne faisant que 19mm d’épaisseur, on pourrait penser que son dans le train d’imagerie ne va poser aucun problème particulier… cependant, il faut tenir compte du fait que le porte-oculaire du diviseur optique contraint à prévoir un espace supplémentaire pour que la rotation soit possible !

Comme on le constate sur l’image ci-contre, entre le porte oculaire du diviseur optique et la présence de vis de serrage de la caméra dans la direction du rotateur, un écart de l’ordre d’un centimètre peut être nécessaire (l’utilisation d’une caméra de forme « oculaire » est ici indispensable…).

Si l’on ajoute encore le tirage de la bague d’adaptation en sortie du réducteur, on voit qu’il peut être compliqué de respecter un backfocus même plus important…

Dans mon cas, j’ai du utiliser une bague courte M72/M54 en sortie du réducteur (modèle Artesky, avec seulement 5mm de tirage), remplacer les vis de serrage du diviseur optique par des vis à pan creux sans tête, et enfin trouver la bague allonge avec le bon tirage entre le diviseur optique et le porte-oculaire (6mm). Attention pour ce dernier élément, la longueur du filetage en sortie doit être suffisante pour supporter le poids de la caméra : ne pas se contenter d’une bague premier prix !

Remplacer les vis permet de gagner quelques précieux millimètres !

Grâce à ces petits ajustements, j’ai pu réduire l’écart entre le diviseur optique et le rotateur au strict minimum (photo ci-contre), ce qui me permet de respecter quasiment le backfocus théorique du réducteur de focale : à peine 86mm au lieu de 84,7mm ; ce qui, compte-tenu des dimensions « réduites » du capteur (format APS-C) permet une correction satisfaisante sur l’ensemble du champ en évitant des aberrations optiques manifestes.

3. PREMIERS ESSAIS

Pour le moment, je n’ai pu tester ce nouveau setup d’imagerie qu’au cours de 3 nuits… heureusement particulièrement belles (en dehors de la 3e, au cours de laquelle ont eu lieu les magnifiques aurores boréales du 10 mai !).

La première satisfaction est que tout fonctionne correctement au niveau informatique et notamment avec NINA : aucun problème de driver ou de reconnaissance de matériel, que ce soit au niveau de la caméra, de la roue à filtres ou du rotateur de champ. 

L’astrophoto, c’est quand même beaucoup plus agréable quand tout fonctionne bien du premier coup ! 😉

Pas de soucis non plus avec PHD2, en activant la fonctionnalité de prise en compte de la rotation sur la calibration du guidage pour quelques essais.

J’ai donc mis à profit ces premières nuits pour réaliser des essais ; mais au début du mois de mai, pas grand chose à viser en dehors des galaxies…

J’aurais préféré pouvoir photographier une nébuleuse (pour tester les capacités du capteur en narrowband, notamment en terme de bruit où la différence doit être bien plus flagrante que sur une galaxie qui reste un objet plus lumineux…) mais je me rattraperai cet été !

La première lumière d'une nouvelle caméra : toujours un moment émouvant !

A noter que ces premiers tests ont été réalisés avec le montage optique non finalisé avec un tirage nettement supérieur au backfocus idéal (environ 95mm) : on constate que cela entraine des déformations dans les coins de l’image (ci-dessous à gauche). Toutefois, ces déformations sont parfaitement gérées au traitement avec BXT (ci-dessous à droite) ; et devraient donc être totalement imperceptibles avec le nouveau montage respectant mieux le backfocus

Inspection de l'image empilée à 100% (à gauche) : les déformations ont été efficacement corrigées avec BXT (à droite).

Ces premiers essais ont donc été très concluants, tant ce qui concerne l’utilisation du matériel que la facilité d’acquisition ou le traitement. J’avoue que je redoutais un peu la phase de prétraitement, et m’attendais à devoir réaliser différents tests pour déterminer un process optimal… mais non, même pas : le process habituel utilisé avec la CCD demeure inchangé (à quelques subtilités près). 

Idem pour les acquisitions, où j’ai décidé pour ces premiers essais de ne pas trop m’embêter avec des essais de réglages de gain et d’offset : j’ai utilisé les réglages recommandés par ZWO et largement utilisés par ailleurs (gain=100 et offset=50) et cela fonctionne très bien.

Par rapport à la CCD où je réalisais des poses unitaires de 600s ou 900s en luminance et de 300s en bin2 pour les couches couleurs, le changement est ici plus marqué, avec des poses de 300s pour la couche L et de 180s pour les couches RGB (tout en bin1 bien sûr).

Seul (petit) bémol concernant les capacités de refroidissement de cette caméra, nettement en retrait par rapport à la 16200… mais le niveau de bruit est tellement bas qu’il n’est pas nécessaire de refroidir autant qu’une CCD…

Première image réalisée avec la 2600... et première AAPOD² : un bon début ! 🙂

A bientôt pour de nouvelles images avec ce setup ! 🙂

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